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Décisions

Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-12.272

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Paoli et Cie (SNC) , Paoli

Défendeur :

Vannucci (SA) , Chaumet international (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Orsini

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

Me Balat, SCP Piwnica, Molinié, SCP Spinosi, Sureau

T. com. Paris, 15e ch., du 24 févr. 2012

24 février 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2013), que la société Paoli et Cie (la société Paoli) exploite un fonds de commerce de bijouterie, joaillerie et horlogerie et distribue plusieurs marques de montres de luxe ; que la société Vannucci ayant ouvert, à proximité, une bijouterie proposant à la vente des montres des mêmes marques, la société Paoli et son gérant, M. Paoli, se prévalant des contrats de distribution sélective conclus avec certains fabricants dont les sociétés Cartier, Rolex et Chaumet, ont assigné la société Vannucci en concurrence déloyale et la société Chaumet en responsabilité contractuelle ; que cette dernière a demandé, à titre reconventionnel, la résiliation du contrat de distribution sélective qu'elle avait conclu avec la société Paoli ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches : - Attendu que la société Paoli et M. Paoli font grief à l'arrêt du rejet de leur demande au titre de la concurrence déloyale alors, selon le moyen : 1°) que l'existence d'un usage professionnel ne dispense pas le juge d'examiner si les règles en vigueur dans le domaine considéré ont été respectées ; qu'en se bornant, pour exonérer de toute responsabilité la société Vannucci au titre de la vente de montres au mépris d'un réseau de distribution sélective, à faire état d'un usage qui permettrait à un bijoutier de se soustraire occasionnellement aux contraintes relatives à l'existence d'un tel réseau, sans indiquer l'origine de cet usage et sans rechercher si la mise en œuvre de cet usage ne contrevenait pas de manière disproportionnée à la protection du distributeur agréé, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en relevant qu'un usage professionnel permettait à un bijoutier de " vendre occasionnellement un produit non distribué par celui-ci et fourni par un confrère pour répondre à une demande particulière d'un client ", tout en constatant qu'en l'espèce, les montres en cause n'avaient pas été fournies par " un confrère " de la société Vannucci, mais qu'elles provenaient de la société Vannucci elle-même, via son établissement situé à Bastia, de sorte que l'usage litigieux, à le supposer avéré, ne pouvait donc être invoqué par la société Vannucci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en estimant que la société Paoli ne rapportait pas la preuve de l'existence de ventes répétées effectuées par la société Vannucci en violation des contrats d'exclusivité qu'elle invoquait, tout en constatant que deux constats d'huissier étaient produits aux débats, établissant que la société Vannucci avait vendu une montre Cartier et une montre Rolex en violation des conventions d'exclusivité conclus au profit de la société Paoli de sorte que le caractère réitéré des manquements, et leur imputation à la société Vannucci, se trouvaient nécessairement établis, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société Vannucci, qui n'était pas distributeur agréé des marques Rolex et Cartier, avait vendu une montre de marque Cartier, en août 2007, et une montre de marque Rolex, en novembre 2008, l'arrêt relève que ces ventes n'ont pas été initiées par la société Vannucci, laquelle ne proposait pas ces marques en vitrine et n'avait fait que répondre à des demandes particulières de clients ; qu'il relève, encore, que ces deux reventes s'inscrivent dans le cadre d'un usage en matière de joaillerie selon lequel un bijoutier peut vendre occasionnellement un produit non distribué par lui et fourni par un confrère, pour répondre à une demande particulière d'un client, et qu'il n'est pas établi que la société Vannuci aurait procédé à d'autres ventes de montres en violation d'accords de distribution sélective ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a pu déduire qu'aucun acte de concurrence déloyale n'était caractérisé à l'encontre de la société Vannucci, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche mentionnée à la première branche qui n'était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Paoli et la société Paoli font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à la condamnation, in solidum, de la société Vannucci et de la société Chaumet au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce, "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence" ; que dans ses écritures d'appel, la société Paoli faisait valoir que la société Chaumet, qui avait conclu avec elle un contrat de distributeur agréé le 1er janvier 2004, avait violé par la suite ce contrat, avec la complicité de la société Vannucci, en désignant cette dernière en qualité de distributeur agréé, alors que la bijouterie Vannucci se trouvait implantée à quelques centaines de mètres de la bijouterie Paoli ; qu'en écartant cette argumentation au motif que " l'agrément d'un second distributeur à Ajaccio était pour la société Chaumet économiquement justifié et ne peut s'analyser comme une manœuvre déloyale vis-à-vis de la société Paoli ", cependant que le fait que l'agrément d'un second distributeur à Ajaccio soit, du point de vue de la société Chaumet, économiquement justifié, n'était pas en soi de nature à exonérer celle-ci, et la société Vannucci, de toute responsabilité envers la société Paoli, au titre de la proximité des deux points de vente, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que la société Paoli et M. Paoli aient recherché, devant la cour d'appel, la responsabilité de la société Vannucci sur le fondement de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit en tant qu'il concerne cette société ;

Et attendu, ensuite, que la responsabilité d'un fournisseur au titre de l'agrément prétendument fautif d'un nouveau distributeur ne relève pas des dispositions de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce qui sanctionnent la participation à la violation de l'interdiction de revente hors réseau; que l'arrêt retient exactement qu'en agréant la société Vannucci, la société Chaumet n'a pas violé l'interdiction de revente hors réseau, ni directement ni indirectement, et n'a, dès lors, pas engagé sa responsabilité au titre de ce texte ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en tant qu'il concerne la société Vannucci, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, ni sur les troisième et quatrième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.