Cass. com., 31 mars 2015, n° 14-11.329
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Graph'image (SARL)
Défendeur :
Canon France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Mme Pénichon
Avocats :
SCP Spinosi, Sureau, SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2013), qu'estimant que la société Canon France (la société Canon) avait rompu de manière brutale et abusive leur relation commerciale, en modifiant les conditions de vente applicables aux produits Canon qu'elle distribuait en qualité de grossiste spécialiste, et qu'elle devait être aussi tenue pour responsable de la cessation brutale de l'approvisionnement des filiales Canon en produits " grands formats ", la société Graph'image l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Graph'image fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme l'indemnité qui lui a été allouée alors, selon le moyen : 1°) qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que la remise en cause substantielle des conditions tarifaires privilégiées accordées à un grossiste spécialiste au sein d'un réseau de distribution est constitutive d'une rupture partielle de relation commerciale établie ; qu'en se bornant à affirmer que la société Canon était libre de consentir sans préavis les taux de remise de son choix aux grossistes généralistes et que la modification de 5 % du taux de remise accordée à la société Graph'image, grossiste spécialiste, n'était pas substantielle, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si l'abaissement de 17 % à 2 % du différentiel entre le taux de marge des grossistes spécialistes et grossistes généralistes placés en situation de concurrence dans la distribution des produits commercialisés, ne constituait pas une rupture partielle d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; 2°) que les juges du fond ne peuvent se contenter de statuer par voie de simples affirmations ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que le niveau des ventes de la société Graph'image a souffert de la politique tarifaire de la société Canon mais qu'il apparaît que ce sont des actions de la société Canon autres que la baisse du taux de remise à Graph'image qui en sont à l'origine, sans expliciter, même sommairement, de quelles actions il s'agissait, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que le juge doit, pour déterminer la durée du préavis, prendre en compte l'intégralité de la relation commerciale établie entre les parties ; qu'en se fondant, pour déterminer la durée du préavis applicable à la rupture de la relation commerciale établie ayant existé entre Graph'image et Canon France du fait de la cessation des approvisionnements des filiales de Canon France, sur la durée des relations commerciales concernant l'approvisionnement par Graph'image des sociétés filiales du groupe Canon et non sur l'intégralité de la durée de la relation ayant existé entre Canon France et Graph'image, la cour d'appel a violé l'article L. 446-2 I 5° du Code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé, d'une part, que l'article 2.3 des conditions générales de ventes grossistes prévoit que la société Canon détermine seule le montant des taux de remise qui sont consentis à ses partenaires et d'autre part, que la modification de 5 % affectant le taux de remise appliqué à la vente d'imprimantes grand format aux grossistes spécialistes ne concerne en définitive que 35 % du chiffre d'affaires réalisé par la société Graph'image en sa qualité de distributeur agréé Canon, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche visée par la première branche que ses constatations rendaient inopérante, a retenu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, qu'il n'en résultait aucune modification substantielle des conditions de vente consenties sur les produits Canon caractérisant une rupture brutale des relations commerciales ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que les relations commerciales entre les sociétés Graph'image et Canon n'avaient pas cessé ni subi de modification substantielle caractérisant une rupture brutale à la suite des lettres échangées en avril et mai 2009, tandis que les relations commerciales nouées depuis 2006 entre la société Graph'Image et les filiales de la société Canon avaient été rompues en mai 2009, avec un préavis de deux mois, suivant la politique commerciale définie par la société Canon, la cour d'appel, qui s'est référée à la durée de la relation commerciale établie à laquelle il a été mis fin pour déterminer le préavis de trois mois jugé nécessaire, a justement retenu que ce préavis ne devait pas être apprécié au regard de la durée de la relation ayant existé entre la société Canon et la société Graph'image ; d'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.