CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 3 avril 2015, n° 13-07413
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ID Com (SAS)
Défendeur :
Koninklijke Philips NV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Nérot, Renard
Avocats :
Me Baechlin, Christiaen, Fisselier, Monegier du Sorbier
Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile,
Vu le jugement contradictoire du 8 février 2013 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (3e chambre 3e section),
Vu l'appel interjeté le 12 avril 2013 par la société ID Com,
Vu l'arrêt du 6 juin 2014 ayant déclaré recevable mais mal fondée la demande de sursis à statuer formée par la société ID Com, débouté la société Philips de sa demande de dommages et intérêts et condamné la société ID Com au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions de la société ID Com appelante en date du 30 janvier 2015,
Vu les dernières conclusions de la société Kononklijke Philips Electronic NV SA, intimée et incidemment appelante, en date du 20 janvier 2015,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 février 2015,
Sur ce, LA COUR,
Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,
Il sera simplement rappelé que :
La société de droit néerlandaise Koninklikjke Philips NV anciennement dénommée Koninklikjke Philips Electronics NV ci-après Philips est, avec les sociétés Hitachi, Matsushita, Mitsubishi, Pioneer, Sony, Thomson, Time Wamer, Toshiba et JVC Japan Victor Company, à l'origine du développement de la technologie DVD (Digital Versatile Disc) qui sont des supports d'enregistrement optique d'informations numériques. Elle commercialise des DVD à lecture seule, des DVD-R inscriptibles, c'est-à-dire enregistrables une seule fois, ou des DVD-RW réinscriptibles, c'est-à-dire enregistrables et effaçables un grand nombre de fois, ainsi que des lecteurs DVD Vidéo et des lecteurs permettant d'assurer la lecture des différents disques DVD.
Les disques DVD commercialisés sont conformes aux livres de formats DVD qui rassemblent toutes les spécifications du DVD à partir desquelles ont été établies les normes de l'ISO (Organisation Internationale de Validation) et de l'ECMA (Association Européenne de Normalisation des Systèmes d'Information et de Communications) et constituent un DVD standard afin de garantir la compatibilité des disques et des lecteurs du marché.
En particulier, les spécifications DVD pour Disques à lecture seule (DVD Spécifications for Read-Only Disc) définissent les données audio (associées à une vidéo) stockées sur les supports DVD vidéo qui, lorsqu'elles sont compressées, doivent être impérativement codées suivant la norme MPEG-1 audio (ISO/T 11172-3). Pour remplir leurs fonctions, les lecteurs de DVD doivent donc pouvoir décoder les données audio codées suivant cette norme qui met en œuvre des brevets dits essentiels.
La société Philips était co-titulaire du brevet européen désignant la France n° 0 599 824 intitulé " Codage et décodage en intensité-stéréo dans un système de transmission '', déposé le 29 mai 1990 et délivré le 19 décembre 2001 qui a été maintenu durant sa durée de protection en vigueur jusqu'au 29 mai 2010 par le paiement des annuités.
Elle est titulaire du brevet européen n° 0 920 698 désignant la France ayant pour titre "Appareil et procédé de reproduction d'un signal audio numérique à partir d'un support d'enregistrement", déposé le 20, avril 1998 et délivré le 9 juillet 200 3, maintenu en vigueur par le paiement des annuités.
La société ID Com créée en août 1991 qui fait partie du groupe Market Maker avait pour activité, d'après son extrait Kbis, " le négoce de tous produits et matières premières destinés à la promotion, par voie d'achat-revente, import-export, vente par correspondance et depuis le 6 décembre 2010, le négoce en tous produits et matières premières, la fabrication de tous produits en sous-traitance, notamment en Asie ".
Suite à la retenue par les douanes espagnoles en 2008 de 4 900 lecteurs de DVD contrefaisants les brevets dont est titulaire la société Philips, importés en France par la société ID Com, celle-ci a conclu le 18 juillet 2008 une transaction portant sur la destruction de ces lecteurs de DVD en contrepartie de l'absence de procédure judiciaire.
Le 28 janvier 2009, la société ID Com a signé avec la société Philips un contrat intitulé " Accord de revente autorisée de lecteurs DVD-Vidéo et lecteurs de DVD-Rom ", dit contrat ARA, aux termes duquel elle était autorisée à importer et vendre en France ces lecteurs, sous réserve de se fournir auprès de fabricants licenciés par la société Philips et de remplir le document de confirmation de licence, appelé LSCD. Un avenant du même jour à ce contrat prévoit que la société ID Com sera exemptée du paiement de la garantie et que le montant des licences sera réglé par la société ID Com et non par ses fournisseurs.
Suite à l'importation de produits en provenance de fournisseurs non licenciés selon la société Philips, l'achat d'au moins 135 000 produits non couverts par un LSCD et la fourniture de relevés de redevance incorrects, la société Philips a, le 18 mars 2010, notifié à la société ID Com la violation de ses obligations contractuelles et l'a mise en demeure d'y remédier. Elle a notifié la résiliation du contrat ARA le 27 avril 2010 à la société ID Com.
Par acte d'huissier du 13 avril 2010, la société Philips a fait assigner la société ID Com en contrefaçon des brevets EP 824 et EP 698 suite à la notification le 1er mars 2010 de la retenue douanière par le service des douanes de Port Saint Louis de Rhône portant sur 1 134 lecteurs de DVD vidéo portables Bluetech estimés contrefaisants, provenant dune société dénommée Newland Electronic, située à Hong-Kong et importés par la société ID Com. Ces produits ont fait l'objet d'une saisie-contrefaçon avec prélèvement d'échantillons le 15 mars 2010 en vertu d'une ordonnance présidentielle du 11 mars 2010.
La société Philips a notifié aux autres co-titulaires du brevet EP 824, les sociétés France Telecom, Télédiffusion de France (TDF) et à l'Institut für Rundfunktechnik GmbH, l'assignation conformément aux dispositions de l'article L. 613-29 b) du Code de la propriété intellectuelle.
Par acte d'huissier du 26 avril 2010, la société Philips a fait assigner la société ID Com en contrefaçon du brevet EP 698 suite à la notification douanière du 15 mars 2010 par le même service douanier de la retenue de 9 000 lecteurs de DVD VD Tech lecteur DVD MP3 Div X, dont le fournisseur est la société Guangdong Zhiyuan International Ltd, située en Chine. Ces produits ont fait l'objet d'une saisie-contrefaçon avec prélèvement d'échantillons qui s'est déroulée le 26 mars 2010 en vertu d'une ordonnance présidentielle du 25 mars 2010.
Par acte d'huissier du 5 mai 2010, la société Philips a fait assigner la société ID Com en contrefaçon du brevet EP 698 suite à la notification du 25 mars 2010 par le service des douanes de Port Saint Louis du Rhône de la retenue en douane de 5 000 lecteurs de DVD VD Tech MP3 Div X, provenant également de la société Guangdong Zhiyuan International Ltd. Une saisie descriptive a été effectuée le 8 avril 2010 avec prélèvement de 7 produits en vertu d'une ordonnance présidentielle du 6 avril 2010.
Enfin, par acte d'huissier du 19 mai 2010, la société Philips a fait assigner la société ID Com en contrefaçon du brevet 698 suite à la notification le 8 avril 2010 par le service des douanes de Lyon Chassieu de la retenue de 3.090 lecteurs de DVD HDMI Port et USB Port, exportés par la même société et destinés à la société ID Com. Une saisie-contrefaçon a eu lieu le 21 avril 2010 avec prélèvements de 7 produits en vertu d'une ordonnance présidentielle du 16 avril 2010.
Toutes ces procédures ont été jointes.
D'autres procédures pour contrefaçon ont été engagées en France, Belgique et Allemagne à l'encontre de la société ID Com par la société Philips.
Suivant jugement dont appel, le tribunal a essentiellement :
- dit que la société ID Com a commis des actes de contrefaçon des revendications 11, 12, 17 et 18 du brevet européen n° 0 599 824 et des revendications 1 à 8 du brevet européen n° 0 920 698 en important sans le consentement de la société Philips, co-titulaire et titulaire de ces brevets des lecteurs DVD référencés Bluetech DPU 708-001, VD TCH DVF 225-10, DVP 602-001, DVP 606-001 et Bluetech DVF-HDM30,
En conséquence,
- interdit à la société ID Com d'importer, de détenir, de livrer, d'offrir à la vente et/ou de vendre ou commercialiser tout lecteur de DVD Vidéo contrefaisant le brevet européen n° 0 920 698, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, ladite astreinte courant passé un délai de quinze jours suivant la signification du jugement,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- ordonné la destruction de tous les lecteurs de DVD de référence Bluetech DPU 708-001, VD Tech DVP 225-10, DVP 602-001, DVF 606-001 et Bluetech DVF-HDM30 retenus par les douanes aux frais de la société ID Com,
- condamné la société ID Com à payer à la société Philips la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice définitif résultant des actes de contrefaçon,
- débouté la société Philips de ses demandes de rappel des circuits commerciaux, d'expertise et de publication judiciaire,
- débouté la société ID Com de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société ID Com à payer à la société Philips la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société ID Com aux dépens avec droit de distraction,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la mesure de destruction.
En cause d'appel la société ID Com, appelante, demande essentiellement dans ses dernières écritures du 30 janvier 2015 de :
- réformer le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Philips de ses demandes de rappel des circuits commerciaux, d'expertise et de publication judiciaire,
- statuant à nouveau,
- à titre principal,
- débouter la société Koninklijke Philips Electronics NV de sa demande de paiement de la somme de 200 000 euros à titre de provision à la société Koninklijke Philips Electronics NV,
- condamner la société Philips à payer à la société ID Com la somme de 100. 000 euros au titre des préjudices matériel et d'image subis,
- à titre subsidiaire,
- débouter la société Koninklijke Philips Electronics NV de l'ensemble des mesures sollicitées d'interdiction sous astreinte, de destruction, de rappel des circuits commerciaux et de confiscation aux fins de remise et de destruction, de communication d'information sous astreinte et de publication judiciaire,
- réduire le montant de la clause pénale du contrat ARA à une somme totale qui ne saurait être supérieure à 1 000 euros,
- condamner la société Koninklijke Philips Electronics NV à payer à la société ID Com une somme équivalente au montant des condamnations pour avoir été dans l'impossibilité de respecter des obligations significativement déséquilibrées en sa défaveur tout état de cause,
- en tout état de cause,
- condamner la société Koninklijke Philips Electronics NV à payer à la société ID Com la somme de 100 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et à titre subsidiaire, dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles,
- condamner la société Koninklijke Philips Electronics NV aux entiers dépens.
La société Koninklijke Philips Electronics NV, intimée, s'oppose aux prétentions de la société appelante, et pour l'essentiel, demande dans ses dernières écritures portant appel incident en date du 20 janvier 2015 de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a limité l'astreinte à la somme de 300 euros concernant la mesure d'interdiction, débouté la société Philips de sa demande de rappel des circuits commerciaux, de confiscation et de remise afin de destruction des produits contrefaisants, jugé définitif la somme de 200 000 euros accordée à la société Philips, débouté la société Philips de sa demande de publication judiciaire,
- confirmer pour le surplus le jugement,
En conséquence,
- porter l'astreinte relative aux mesures d'interdiction à la somme de 1 500 euros par infraction dans les 8 jours suivants la signification de l'arrêt à intervenir,
- ordonner à la société ID Com de communiquer dans les deux mois de la signification de l'arrêt, sous astreinte par 5 000 euros par jour de retard, les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de tout produit contrefaisant, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants, ainsi que des quantités produites, commercialisées, livrées reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour les produits en cause,
- ordonner le rappel des circuits commerciaux, la confiscation et la remise à la société Koninklijke Philips Electronics NV de tous lecteurs de DVD contrefaisants en circulation en France, qui sont en possession de la société ID Com ou en celle de quelconques distributeurs ou prestataires de services,
- condamner la société ID Com à payer à la société Koninklijke Philips Electronics NV la somme de 200 000 euros à valoir sur son préjudice définitif à établir après communication des éléments communiqués par la société appelante,
- dire et juger que les condamnations porteront sur tous les faits de contrefaçon non prescrits commis jusqu'à la date de la décision définitive au vu des informations communiquées par la société appelante,
- condamner la société ID Com à prendre à sa charge les frais de publication de l'arrêt à intervenir dans trois revues ou périodiques au choix de la société Koninklijke Philips Electronics NV sans que le coût de chaque insertion n'excède 15 000 euros HT,
- autoriser la société Koninklijke Philips Electronics NV à publier l'arrêt à intervenir sur son site internet en français et en anglais dans son intégralité ou par extraits pendant une durée de six mois aux frais de la société ID Com dans la limite de 10 000 euros HT,
- se réserver la liquidation de l'astreinte,
- condamner la société ID Com à payer à la société Koninklijke Philips Electronics NV la somme de 160 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux dépens avec droit de distraction.
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Sur l'action en contrefaçon
Aux termes de l'article L. 615-1 du Code de propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon.
L'article L. 613-3 du même Code sont interdites à défaut du consentement du propriétaire du brevet : a) la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet.
La société ID com ne conteste pas que les produits litigieux reproduisent les revendications opposées des deux brevets EP 824 et EP 698 mais soutient qu'elle était autorisée contractuellement par la société Philips à importer les lecteurs media en cause sur le territoire de l'Union européenne ce qui est exclusif de la contrefaçon.
En effet il n'est pas contesté que les lecteurs litigieux importés par la société ID Com sont conformes au standard DVD video et notamment de la norme de compression MPEG-1 audio (ISO/CEI 11172-3) et reproduisent nécessairement les revendications opposées du brevet EP 824, reproduction confirmée par les tests effectués sur les produits saisis.
Les analyses effectuées par la société Philips sur chacun des modèles saisis établissent également que ceux-ci mettent en œuvre les revendications opposées du brevet EP 698 ce qui est confirmé par le procès verbal de l'huissier instrumentaire et du rapport d'analyse du conseil en propriété de la société Philips, non contestés par la société appelante qui au contraire soutient qu'il s'agit de produits sous licence Philips.
La société ID Com expose qu'en application des dispositions du contrat ARA du 28 janvier 2009 elle pouvait légitimement penser qu'elle pouvait se fournir auprès des entités reconnues par la société Philips directement auprès du fabricant référencé sur le site internet de cette dernière soit auprès d'un fournisseur du même groupe que le fabricant référencé sur ledit site et ce, en l'absence de critiques du responsable du département propriété intellectuelle de cette dernière.
Elle ajoute à cet effet que le fournisseur Newland Electronic HK appartient au même groupe que la société Makena Electronic qui est référencée comme fabricant auprès de la société Philips.
Elle poursuit en indiquant que de 2007 à 2008 elle s'approvisionnait auprès de la société chinoise Mizuda qui a été déférencée par la société Philips au cours de l'année 2008 de sorte qu'à compter du deuxième trimestre 2009 elle a commencé à s'approvisionner auprès du fournisseur Guangdong Zhiyuan International Ltd qui référencie les mêmes modèles de lecteurs que le fabricant Mizuda, pour ne pas interrompre brutalement ses relations d'affaires avec sa clientèle bienque cette société ne soit pas référencée sur le site de la société Philips mais qui appartient au même groupe que les sociétés Q Vision Electronics Co Ltd et Huizhou Desay & Video Science & Technology, cette dernière étant référencée sur le site. Elle précise qu'elle caractérise les relations d'affaires entre ces sociétés et le titulaire du brevet qui avait autorisé l'importation de produits litigieux.
Ceci rappelé, aux termes du contrat dit contrat ARA du 28 janvier 2009, la société ID Com s'est engagée à se fournir en lecteurs DVD Video et DVD Rom auprès de fabricants dûment licenciés par la société Philips et à obtenir de ces fabricants un document de confirmation de licence dit LSCD en contrepartie de l'autorisation d'importer et vendre en France ces DVD.
La société ID Com était également tenue de fournir à la société Philips un rapport trimestriel détaillant les quantités de produits achetés et vendus, le nom des fournisseurs ou fabricants et ceux des acheteurs.
La société ID Com contractuellement tenue d'obtenir des fabricants licenciés un LSCD permettant d'établir l'origine licite des produits, et à payer elle-même les redevances, a importé les produits litigieux sans ce document justifiant de leur origine ni même de s'être acquittée des redevances aux lieu et place des fabricants.
Or, les mesures de saisies douanières et de saisies exécution ont permis d'établir que la société ID Com s'est fournie auprès de la société Newland Electronic et Guangdong Zhiyuan International Ltd qui, selon la société Philips n'ont pas signé de contrat de licence avec elle. La société ID Com ne communique aucun document probant contraire établissant l'autorisation donnée à ces deux sociétés par des contrats de licence de commercialiser en France ces produits ou que la société Philips ait autorisé ces importations avec ces sociétés faisant prétendument parties d'un groupe auquel serait affiliée une société agréée, ce qui n'est pas prouvée, alors qu'au contraire dès le mois de septembre 2009 la société Philips l'avait alertée à ce titre.
Il s'ensuit qu'à défaut d'établir l'autorisation du titulaire des brevets pour importer les produits litigieux mettant en œuvre les deux inventions c'est à bon droit que le tribunal a dit et jugé que la société ID Com a commis des actes de contrefaçon des revendications 11, 12, 17 et 18 du brevet européen n° 0 599 824 et des revendications 1 à 8 du brevet européen n° 0 920 698 en important sans le consentement de la société Philips , co-titulaire et titulaire de ces brevets des lecteurs DVD référencés Bluetech DPU 708-001, VD TCH DVF 225-10, DVP 602-001, DVP 606-001 et Bluetech DVF-HDM30,
Sur le déséquilibre significatif des droits et obligations réciproques des parties
La société ID Com soutient que l'article L. 442-6 I 2° du Code du commerce est applicable au contrat ARA alors même que ce contrat est soumis à la loi néerlandaise qui dispose :
" engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits obligations des parties ";
Elle indique que l'ensemble du contrat ARA est manifestement déséquilibré au détriment de la société ID Com notamment s'agissant de :
- de la manière d'obtenir un certificat LSCD :
l'article 5 du contrat assortit la délivrance ce certificat à l'accomplissement de formalités extrêmement nombreuses, lourdes (adresser une demande avant expédition des produits accompagnée d'une longue liste d'informations caractérisant des contraintes non justifiées), tout en se refusant le droit de refuser d'émettre le certificat si le contrat n'a pas été respecté à la lettre et de modifier à sa guise le contenu desdites formalités.
Cependant, comme le fait valoir la société Philips les informations demandées sont circonscrites et justifiées par la nécessité de permettre l'identification des produits concernés, informations accessibles comme souligné par le tribunal à un professionnel au vu des indications fournies par les fabricants licenciés et permettant à la société Philips d'établir l'absence d'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.
Par ailleurs, le refus de délivrance d'un LSCD en l'absence de communication d'informations incomplètes ou incorrectes, qui s'inscrit dans cette nécessité de permettre une traçabilité du produit ne revêt aucun caractère arbitraire.
- du caractère pré-rédigé du contrat
Toutefois par des motifs pertinents que la cour fait sien, le tribunal a rejeté cet argument en faisant valoir que les relations entre les parties ne sont pas régies par un contrat d'adhésion puisque ce contrat ARA n'est pas intégralement applicable, certaines de ses clauses ayant été modifiées dans le cadre des négociations entre les parties et notamment en ce qui concerne la garantie dont la société ID Com a été dispensée.
- de l'exigence d'une garantie bancaire conséquente
Mais l'avenant au contrat dispensait la société ID com de cette garantie.
- de l'insertion d'une clause pénale en la seule défaveur de la société ID Com
Cependant, l'insertion d'une clause pénale dans un contrat pour en assurer l'effectivité d'exécution, usuelle et soumise au pouvoir de modération du juge n'est pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif du contrat.
- de la soumission du contrat au droit national de la société Philips
Cependant le choix de la loi du for, de l'Etat où est domiciliée la société Philips n'est pas en soit significatif alors que la société ID Com ne démontre pas qu'elle lui serait défavorable mais au contraire s'en prévaut sur le pouvoir de modération du juge néerlandais concernant la clause pénale.
- et de l'insertion d'une clause attributive de juridiction très défavorable à la société ID Com
Mais cette clause n'a pas empêché la société Philips d'assigner la société ID Com devant la juridiction française.
Elle poursuit en indiquant qu'il appartenait à la société Philips qui accorde des licences à des fabricants chinois de mettre en place dans le cadre du contrat ARA avec un revendeur un mécanisme pour s'assurer que les produits importés ne sont pas contrefaisants.
Elle ajoute que ce déséquilibre est manifeste puisqu'il n'est pas nécessaire à la garantie des droits de la société Philips car elle peut continuer d'importer des lecteurs DVD en les achetant auprès des fabricants chinois licenciés par la société Philips.
Toutefois, comme le souligne la société Philips, la faculté pour la société ID Com de se fournir directement auprès de fabricants licenciés n'est pas de nature à rendre déséquilibré le contrat dit ARA qui au contraire, lui permet en amont de ses importations de s'assurer de la légalité de celles-ci.
L'objectif des LCSF comme indiqué par le tribunal visent à lutter contre la contrefaçon en fournissant notamment aux services douaniers, un moyen simple de contrôler l'existence d'une licence et de l'autorisation du breveté à l'importation du produit. Ces moyens n'apparaissent donc pas disproportionnés au regard de cet objectif, compte tenu notamment pour les services douaniers d'apprécier l'existence d'une contrefaçon de brevet.
C'est en conséquence à bon droit que le tribunal a écarté ce moyen de déséquilibre significatif du contrat qui en toute hypothèse n'était pas de nature à écarter la contrefaçon.
Sur les mesures réparatrices
La société ID Com fait valoir que le montant de la clause pénale est disproportionnée en regard l'absence de préjudice subi et que la société Philips ne peut demander à la fois l'application de la clause pénale et l'exécution de l'obligation prévue et soutient que le tribunal aurait du réduire le montant de la clause pénale à une somme qui ne saurait être supérieure à 1 000 euros.
Elle expose qu'aucune des mesures sollicitées par la société Philips n'est justifiée car elles constituent une double peine, les produits contrefaisants ont été saisis et n'ont pas été mis dans le commerce.
La société Philips sollicite le versement d'une provision de 200 000 euros à valoir sur son préjudice définitif à déterminer après avoir ordonné sous astreinte à la société ID Com de communiquer des informations lui permettant d'établir ce dernier.
La société ID Com expose que la demande de communication formée sur le fondement de l'article L. 615-5-2 du Code de la propriété intellectuelle est, en application des dispositions de l'article 564 du Code civil, irrecevable car formée pour la première fois en appel puisque l'intimée fait état de produits contrefaisants additionnels, ce que conteste la société Philips, et infondée car aucun autre fait n'est établi et n'a à l'être depuis ceux constatés en mars 2010.
Effectivement, la société Philips n'apporte aucun élément probant de nature à établir que d'autres produits contrefaisants auraient été importés ou commercialisés et il convient de rejeter cette demande, recevable en appel, s'agissant d'une mesure d'information tendant aux mêmes fins que la mesure d'expertise sollicitée en première instance, mais infondée.
En regard des 18 220 lecteurs DVD contrefaisants la somme de 200 000 euros allouée à titre définitif par le tribunal répare justement le préjudice subi.
Il convient en revanche en regard de la réitération des faits de contrefaçon de, réformant le jugement à ce titre, faire droit à la demande de publication judiciaire, selon les modalités prévues au présent dispositif.
Sur la demande en paiement formée par la société ID Com
La société ID Com sollicite la condamnation de la société Philips à lui payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi par elle du fait des retenues et saisies douanières depuis plus de trois ans et demi, de marchandises intégralement réglées, et de lui payer l'éventuelle somme à laquelle elle serait condamnée car elle été dans l'impossibilité de respecter les obligations du contrat ARA significativement déséquilibré en sa défaveur, avec compensation des créances réciproques.
Cependant, en regard des dispositions de la présente décision qui condamne la société ID com et la déboute de sa demande au titre du déséquilibre du contrat ARA, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses deux demandes non fondées.
Sur les autres demandes
L'équité commande d'allouer à la société Koninklijke Philips Electronics NV la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société appelante.
Les dépens resteront à la charge de la société appelante qui succombe et qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Rejette l'ensemble des demandes de la société appelante, Reçoit l'appel incident de la société intimée relativement à la demande de publication, En conséquence, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de publication judiciaire, Condamne la société ID Com à prendre à sa charge les frais de publication du présent arrêt dans trois revues ou périodiques au choix de la société Koninklijke Philips NV en français et en anglais sans que le coût de chaque insertion n'excède 6 000 euros HT, Autorise la société Koninklijke Philips NV à publier le présent arrêt par extraits sur son site internet en français et en anglais pendant une durée de deux mois aux frais de la société ID Com dans la limite de 3 000 euros, Y ajoutant, Condamne la société appelante à payer à la société intimée la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.