CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 mars 2015, n° 14-06339
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
JJL (Sté), Martin (ès qual.), SCP Thévenot-Perdereau-Manière-El Baze (ès qual.)
Défendeur :
World Fashion Trading Compagny (Sté), SISU (SARL), B. Corp (Sté), Selarl Vincent Mequinion (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Douvreleur, Birolleau
Avocats :
Mes de Maria, Junqua, Vallet-Pamart, Chopin, Maupas Oudinot
Faits et procédure
La société B. Corp, qui distribue des articles de prêt à porter, a conclu un contrat d'agent commercial avec la société JJL. Cette dernière a fait appel à des sous-agents commerciaux, dont la société World Fashion Trading Compagny (ci-après la société WFTC) et la société SISU, pour l'exécution de ce mandat.
Invoquant une baisse du chiffre d'affaires, la société B. Corp a, par courrier en date du 4 avril 2006, décidé de rompre le contrat d'agent commercial de la société JJL.
La société JJL a répercuté cette rupture de contrat auprès de la société WFTC et de la société SISU et les a informées qu'elle était dans l'obligation de mettre un terme à leur collaboration.
La société WFTC et la société SISU lui réclamèrent en vain une indemnité de clientèle.
C'est dans ces conditions que la société WFTC a fait assigner le 6 avril 2007 la société JJL devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de commissions et de l'indemnité de perte de clientèle, que la société JJL a fait assigner le 26 juin 2007 la société B. Corp en garantie des condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la société WFTC et de la société SISU, que la société SISU a fait assigner la société JJL le 9 août 2007 en paiement de l'indemnité de clientèle, que la société JJL a fait assigner la société B. Corp le 27 août 2007 en paiement des garanties qui seraient prononcées contre elle au profit de la société SISU.
Par jugement rendu le 20 mai 2009, le tribunal de commerce de Paris a :
joint les causes,
- condamné la société JJL à payer à la société WFTC les sommes de 8 786,79 euro HT à titre de provision sur commissions dues et de 91 863,34 euro HT à titre de provision sur l'indemnité de rupture,
- condamné la société JJL à payer à la société SISU la somme de 55 000 euro HT à titre de provision sur l'indemnité de rupture,
- désigné en qualité d'expert Monsieur Grosjean Gabriel avec la mission de :
* se rendre au siège de la société B. Corp,
* se faire remettre tous documents utiles pour pouvoir émettre un avis sur le montant de chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2003 à 2006 par la société B. Corp pour la vente de vêtements de marque Be You territoire par territoire tant directement et ce en tenant compte de la réserve contractuelle à l'exclusivité, que par l'intermédiaire de son agent la société JJL et des sous-agents la société WFTC et la société SISU,
* donner son avis sur les commissions restant dues à la société JJL et à la société WFTC, la société SISU ayant pour sa part renoncé à réclamation à ce titre par lettre,
* donner son avis sur l'incidence du montant des commissions restant éventuellement dues sur l'indemnité de rupture revenant à la société WFTC et à la société SISU,
* mener contradictoirement ses opérations d'expertise et, dans la mesure où il l'estimerait nécessaire, faire connaître aux parties son avis, oralement ou par écrit au moyen d'une note de synthèse en vue de recueillir leurs dernières observations, avant le dépôt de son rapport,
- fixé à 3 000 euro le montant de la provision à consigner par la société JJL avant le 30 juin 2009 au greffe du tribunal par application des dispositions de l'article 269 modifié du Code de procédure civile.
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 modifié du Code de procédure civile) et l'instance poursuivie,
- dit que dans les deux mois à compter de sa désignation l'expert indiquera au greffe le montant de sa rémunération définitive prévisible sous forme d'un budget prévisionnel afin que soit éventuellement ordonnée la consignation d'une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du Code de procédure civile et qu'à défaut d'une telle indication, le montant de la consignation initiale devra constituer la rémunération définitive de l'expert,
- dit que si les parties ne viennent à composition entre elles, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans le délai de 3 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus et, dans l'attente de ce dépôt, inscrit la cause au rôle des mesures d'instruction,
- dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente expertise,
- dit la société JJL déchue de son droit à indemnité de rupture à l'encontre de la société B. Corp,
- condamné la société JJL à verser à la société WFTC et à la société SISU la somme de 1 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant du surplus des demandes,
- débouté la société B. Corp de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
- dit que la société B. Corp, assistée de son administrateur la société Mequinion et de son mandataire la société Silvestri-Baujet, relèvera et garantira la société JJL de toute condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de la société WFTC et de la société SISU tant en ce qui concerne le paiement de commissions que le paiement d'indemnité de rupture,
- a fixé en conséquence la créance de la société JJL à l'égard de la société B. Corp de la façon suivante :
* 55 000 euro HT d'indemnité de rupture due à la société SISU,
* 91 863,34 euro HT d'indemnité de rupture due à la société WFTC,
* 8 786,79 euro HT de commissions dues à la société WFTC,
Vu l'appel interjeté par la société JJL le 28 juillet 2009,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 août 2010 prononçant le redressement judiciaire de la société JJL et désignant la SCP Thévenot Perdereau ès qualités d'administrateur judiciaire et la Selafa MJA ès qualités de mandataire judiciaire,
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée par la société WFCT et la société SISU le 18 novembre 2010 à la SCP Thévenot Perdereau en qualité d'administrateur judiciaire de la société JJL, et de la Selafa MJA en qualité de mandataire judiciaire,
Vu le jugement du tribunal de commerce du 29 juin 2011 arrêtant le plan de redressement de la société JJL,
Vu l'appel interjeté par la société JJL le 19 mars 2014 contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 mai 2009,
Vu les dernières conclusions signifiées par la société JJL le 24 décembre 2011 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- constater que la société JJL ne peut être actionnée pour le règlement d'indemnités de clientèle qui seraient éventuellement dues aux sociétés WFTC et SISU, dans la mesure où la société JJL n'a pas récupéré la clientèle prospectée par les deux sociétés,
- constater également que la société JJL s'est trouvée dans l'obligation de résilier les contrats la liant aux sociétés WFTC et SISU par un cas de force majeure, en l'espèce la disparition de l'objet de ces deux contrats du fait de la résiliation opérée par la société B. Corp dans la mesure où ces différents contrats doivent s'analyser en un ensemble contractuel,
En conséquence,
- dire et juger que les demandes des sociétés WFTC et SISU sont mal fondées à réclamer une indemnité de clientèle et les en débouter,
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que les actions des sociétés WFTC et SISU sont bien fondées,
- dire et juger que la société B. Corp, prise en la personne de son mandataire liquidateur, devra relever et garantir la société JJL de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, et chiffrer en ce cas la créance de la société JJL au passif de la société B. Corp.
En tout état de cause,
- donner acte à la société JJL qu'elle ne s'oppose pas à une mesure d'expertise qui devra déterminer notamment les commissions dues à la société JJL sur les ventes réalisées directement par la société B. Corp sur le territoire de la France et chiffrer la créance de la société JJL à l'égard de la société B. Corp au titre des commissions ;
- condamner les sociétés WFTC et SISU au paiement de la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
L'appelante a contesté le principe même de l'indemnité de clientèle dont elle serait redevable. Elle fait valoir que la résiliation opérée par elle n'est que la conséquence d'un cas de force majeure, celui de la rupture du contrat principal et de la mise en liquidation judiciaire de son mandat.
Elle a critiqué subsidiairement le quantum de l'indemnité réclamée par la société SISU en ce qu'elle était basée sur les années 2002 à 2004.
Elle s'en est rapporté à justice concernant le montant de l'indemnité réclamée par la société WFTC.
Elle a réclamé à la société B. Corp 414 000 euro de commissions, reprochant à cette dernière d'avoir violé la clause d'exclusivité prévue au contrat d'agent commercial.
Elle a soutenu qu'elle devait être relevée et garantie par la société B. Corp de ses éventuelles condamnations.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Selafa en qualité de mandataire judiciaire de la société JJL le 22 mars 2011 dans lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement et déclarer la société WFTC et la société SISU irrecevables en leurs demandes de condamnations pécuniaires,
- donner acte à la société Selafa MJA ès qualités de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur l'éventuelle fixation des créances au passif chirographaire,
La société Selafa expose que la société JJL fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire et qu'en conséquence elle ne peut être condamnée à paiement en vertu de la suspension des poursuites dont elle bénéficie, que les créances sur la société JJL peuvent donc uniquement être fixées à son passif.
Elle expose que la société WFTC a déclaré sa créance à hauteur de 117 213,79 euro et que la société SISU a déclaré sa créance à hauteur de 253 000 euro.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société WFTC le 2 janvier 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société JJL à payer à la société WFTC la somme de 8 786,79 euro HT à titre de provision sur commissions et 91 863,34 euro HT à titre de provision sur l'indemnité de rupture,
En conséquence,
- fixer la créance de la société WFTC à titre définitif à 100 650,13 euro avec intérêts à compter du 22 décembre 2006,
- condamner la société JJL à verser à la société WFTC la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société WFTC intimée soutient que la rupture du contrat principal conclu entre les sociétés JJL et B. Corp n'était pas imprévisible et ne peut donc pas être considérée comme un cas de force majeure.
Elle ajoute que l'absence de conservation de la clientèle par la société JJL ne dispense pas cette dernière de lui verser l'indemnité de clientèle dès lors qu'elle ne constitue pas l'une des causes exclusives de dispense prévues par l'article L. 134-13 du Code de commerce.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société SISU le 2 janvier 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- fixer l'indemnité de rupture à la somme de 250 000 euro,
- fixer en conséquence la créance de la société SISU à titre définitif à 250 000 euro, outre les intérêts légaux dus à compter du 19 juillet 2007,
- condamner la société JJL à verser à la société SISU la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société SISU intimée réfute l'existence d'un cas de force majeure et la possibilité pour la société JJL de s'affranchir du paiement d'une indemnité de perte de clientèle au prétexte qu'elle n'aurait pas conservé ladite clientèle.
Elle soutient l'existence d'une erreur matérielle de calcul commise par le tribunal de commerce pour évaluer son indemnité.
Elle demande que soit prise en compte la violation depuis 2005 par ses mandataires de la clause d'exclusivité prévue au contrat, cette violation ayant entrainé une chute anormale de son chiffre d'affaires. Pour cette raison, elle demande que soit utilisée pour le calcul de son indemnité de perte de clientèle la moyenne de son chiffre d'affaires sur les années 2002 à 2004 et non pas sur les trois dernières années.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société B. Corp, représentée par son administrateur judiciaire, la société Vincent Mequinion ainsi que son liquidateur judiciaire, la société Silvestri Baujet, le 24 décembre 2011, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- mettre hors de cause la société Vincent Mequinion ès qualités d'administrateur judiciaire de B. Corp, dont la mission a pris fin,
- constater la faute de la société JJL dans la rupture du contrat d'agent commercial avec la société B. Corp,
- constater que toute demande de condamnations pécuniaires est irrecevable vis-à-vis de la société B. Corp,
En conséquence,
À titre principal,
- confirmer le jugement du 20 mai 2009 en ce qu'il a rejeté la demande de la société JJL de voir condamner la société B. Corp à lui payer la somme de 414 000 euro d'arriérés de commission,
- rejeter la demande de la société JJL tendant à la modification de la mission de l'expert,
- infirmer la décision du 20 mai 2009 en ce qu'elle a jugé que la société B. Corp relèvera et garantira la société JJL de toute condamnation prononcée à son encontre au bénéfice de la société WFTC et de la société SISU tant en ce qui concerne le paiement de commissions que le paiement d'indemnité de rupture et en conséquence a fixé la créance de la société JJL à l'égard de la société B. Corp de la façon suivante :
* 55 000 euro HT d'indemnité de rupture due à la société SISU,
* 91 863,34 euro HT d'indemnité de rupture due à la société WFTC,
* 8 786,79 euro HT de commissions dues à la société WFTC,
En tout état de cause,
- dire que les demandes de paiement à l'encontre de la société B. Corp et de la société Silvestri Baujet ès qualités de liquidateur judiciaire de la société B. Corp ne peuvent tendre qu'à la fixation des créances au passif de la société B. Corp,
- condamner la société JJL au paiement à la société Silvestri Baujet ès qualités de liquidateur judiciaire de la société B. Corp de la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société B. Corp intimée réfute avoir violé la clause d'exclusivité accordée à l'intimée. Elle soutient que cette exclusivité n'était pas absolue, mais comportait diverses limites connues de la société JJL.
Elle reproche à l'appelante de ne pas fournir des éléments et des explications suffisantes sur les commissions dont elle réclame le paiement.
Elle reproche à la société JJL d'avoir commis une faute grave dans l'exécution de son mandat. Elle justifie la rupture du contrat d'agent commercial par cette faute.
Motifs
Sur les demandes au titre d'une indemnité de cessation de contrat d'agent commercial
Sur le principe d'une indemnité due par la société JJL aux sociétés WFTC et SISU
Considérant que les sociétés WFTC et SISU réclament à la société JJL une indemnité compensatrice suite à la rupture de leur contrat d'agent commercial sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Considérant que la société JJL oppose le fait que la rupture des contrats en cause était imposée par la rupture du contrat qui la liait à la société B. Corp, qu'elle soutient qu'il s'agit d'un cas de force majeure l'exonérant de toute indemnité au titre de cette rupture, qu'elle argue que la clientèle à laquelle correspond économiquement l'indemnité n'a pas été conservée par elle, mais par la société B. Corp ;
Considérant que l'indemnité prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce ne correspond pas à un mécanisme de responsabilité qui serait imputable au mandant rompant le contrat et qui pourrait impliquer la prise en compte d'un cas de force majeure quelconque ; que cette indemnité constitue une créance légale d'ordre public économique prévue par la loi conformément à la directive européenne du 18 décembre 1986, que le mandant n'en est exonéré que dans les trois cas limitativement énumérés par l'article L. 134-13 du Code de commerce que sont la faute grave de l'agent commercial, la cessation du contrat à l'initiative de l'agent commercial, la cession de son contrat par l'agent commercial, qu'aucune autre cause exonératrice ne saurait être prise en compte pour faire échapper le mandant à son obligation d'indemnisation, quand bien même elle revêtirait les caractères de la force majeure ;
Considérant au surplus que la rupture du contrat qui liait la société JJL à la société B. Corp ne constituait pas un événement irrésistible pour la société JJL l'empêchant de remplir son obligation d'indemnisation des sociétés WFTC et SISU, que, si la société JJL n'a effectivement pas conservé la clientèle, elle pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de la part la société B. Corp, que la déchéance qu'elle a encourue à l'encontre de la société B. Corp pour ne pas avoir réclamé l'indemnité à laquelle elle avait droit dans le délai d'un an ne saurait empêcher les sociétés WFTC et SISU, qui ont fait diligence dans leurs demandes, de percevoir l'indemnité qui leur est due ;
Considérant en conséquence que la société JJL doit indemniser les sociétés WFTC et SISU pour la rupture de leurs contrats d'agence.
Sur l'indemnité compensatrice due à la société WFTC
Considérant que la société JJL a rompu par courrier du 12 mai 2006 le contrat d'agent commercial qui la liait à la société WFTC; que cette dernière lui a réclamé par courrier du 22 décembre 2006 l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Considérant qu'aucune cause d'exonération à cette demande ne peut être retenue comme vu précédemment ;
Considérant que la société JJL s'en rapporte subsidiairement à justice pour l'évaluation du montant de l'indemnité due à la société WFTC ;
Considérant que l'indemnité compensatrice due à l'agent commercial s'évalue à deux années de commissions brutes calculées à partir de la moyenne des trois dernières années de commissions, qu'il s'ensuit que l'indemnité due à la société WFTC se calcule comme suit :
{801 945,78 (CA 2004) + 554 808,92 (CA 2005) + 365 683,17 (CA 2006)} x 2/3 x 8 % ;
Considérant que les parties ne réclament plus de condamnation à titre provisionnel avec expertise, mais une condamnation à titre définitif à partir des éléments produits ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé et la société JJL condamnée à titre définitif à verser à la société WFTC une indemnité compensatrice de 91 863 euro sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Sur l'indemnité compensatrice due à la société SISU
Considérant que la société JJL a rompu par courrier du 12 mai 2006 le contrat d'agent commercial qui la liait à la société SISU, qu'après un préavis de trois mois le contrat a cessé d'être exécuté le 15 août 2006, que la société SISU a réclamé l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce par courrier de son conseil en date du 19 juillet 2007 ;
Considérant qu'aucune cause d'exonération ne peut être retenue comme vu précédemment ;
Considérant que la société SISU invoque la violation par la société B. Corp de son droit de vente exclusif sur les années 2005 et 2006 pour exclure ces deux années au titre du calcul de son indemnité compensatrice et réclamer la seule prise en compte des années 2002 à 2004 ;
Considérant cependant que la société SISU fournit un tableau récapitulatif du chiffre d'affaires réalisé par année et par agent de la marque BUK (pièce SISU n° 2), que ce tableau n'est discuté par aucune des parties, que la comparaison du chiffre d'affaires global de la marque avec le chiffre d'affaire réalisé par le seul agent SISU indique, à la fois une chute similaire et constante depuis l'année 2003, ce qui montre que la société SISU n'a pas connu un sort différent de celui de tous les autres agents et que la chute du chiffre d'affaires ne s'est pas spécifiquement accélérée sur les années 2004 et 2005, celle-ci ayant commencé en 2003 et ayant été constante par la suite ;
Considérant que, si le mandat de la société SISU portait sur deux secteurs attitrés, le secteur sud-est et le secteur Rhône-Alples, il ressort des pièces produites par l'appelante que la société SISU a cédé à la société JJL le secteur Rhône-Alpes le 15 décembre 2004 pour un montant de 15 000 euro HT ; que cette cession est corroborée par le tableau récapitulatif des chiffres d'affaires par agent commercial produit par la société SISU (pièce n° 2) qui ne comporte plus aucun chiffre d'affaires au titre du secteur Rhône-Alpes à compter du mois d'août 2005 ;
Considérant en conséquence que le contrat d'agent commercial de la société SISU ayant fait l'objet d'une cession partielle limitée au secteur Rhône-Alpes antérieurement à sa rupture, ce secteur ne saurait être pris en compte pour le calcul de l'indemnité compensatrice de clientèle due à la société SISU ;
Considérant que la société SISU soutient que, le contrat d'agent commercial ayant été rompu au mois de mai 2006, l'année 2006 ne peut être prise en compte comme une année complète pour le calcul de son indemnité compensatrice; que le tableau récapitulatif des chiffres d'affaires par agent commercial produit par la société SISU elle-même (pièce n° 2) comporte un chiffre d'affaires réalisé par la société SISU au titre de son secteur sud-est jusqu'au mois de décembre 2006, que le décalage avec la date de cessation du contrat s'explique par la préavis de trois mois laissé aux parties et par une prise en compte des dates de paiement des commissions dans le tableau récapitulatif et non pas des dates de naissance des créances correspondantes ;
Considérant en conséquence que l'année 2006 telle que présentée dans le tableau produit par la société SISU peut intégralement être prise en compte au titre d'une année entière pour le calcul de l'indemnité compensatrice.
Considérant que l'indemnité compensatrice due à l'agent commercial s'évalue à deux années de commissions brutes et sera calculée à partir de la moyenne des trois dernières années de commissions, soit :
{592 033,14 (CA 2004) + 465 773,49 (CA 2005) + 397 847,29 (CA 2006)} x 2/3 x 8 %
Considérant que les parties ne réclament plus de condamnation à titre provisionnel avec expertise, mais une condamnation à titre définitif à partir des éléments produits ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré sera réformé, que la société JJL sera condamnée à verser à la société SISU une indemnité compensatrice de 77 635euro sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Sur la demande de la société WFTC en paiement de commissions à l'encontre de la société JJL
Considérant que la société WFTC réclame le paiement d'arriérés de commissions, qu'elle n'explicite nullement dans ses conclusions récapitulatives à quoi correspondent ces commissions, qu'il résulte du jugement de première instance et du courrier adressé par la conseil de la société WFTC à la société JJL le 22 décembre 2006 (pièce WFTC n° 346), que la société JJL aurait omis dans les relevés de commissions adressés à son agent le chiffre d'affaires sur la boutique Mexicana eur Ste Catherine à Bordeaux pour les années 2003 à 2005 incluses ;
Considérant que la société WFTC ne produit aucun document de synthèse et ne développe aucune explication, aucun exemple, aucune démonstration qui permettrait de montrer l'omission du chiffre d'affaires sur la clientèle de la boutique Mexicana;
Considérant que le tableau récapitulatif du chiffre d'affaires réalisé par année et par agent de la marque BUK produit par les intimées (pièce n° 2), qui n'est pas discuté et dont les montants correspondent aux factures adressées par la société WFTC à la société JJL (pièces WFTC n° 317 et n° 319 par exemple), comporte une colonne additionnelle intitulée "Mexicana compris", que ceci démontre que le chiffre d'affaires de cette boutique était bien pris en compte dans les relevés de commissions pour la période concernée ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera réformé sur ce point, que la demande de la société WFTC en paiement d'arriérés de commissions pour un montant de 8 786,79 euro sera rejetée ;
Sur la demande en garantie de la société JJL à l'encontre de la société B. Corp
Considérant que la société JJL soutient que la société B. Corp doit la garantir de toute condamnation, qu'elle fonde sa demande sur l'existence d'un ensemble contractuel formé par le contrat principal d'agent commercial qui liait la société JJL à la société B. Corp et les sous-contrats qui liait la société JJL aux sociétés WFTC et SISU, ainsi que sur le caractère indivisible desdits contrats ;
Considérant cependant que le concept d'ensemble contractuel et la notion d'indivisibilité des contrats ne servent qu'à étendre la résiliation ou la résolution de l'un d'entre eux aux autres, mais ne peuvent servir de fondement pour déplacer les obligations de la société JJL à l'égard de ses agents commerciaux sur son mandant ;
Considérant que seule l'action directe du sous-mandataire contre le mandant fondée sur l'article 1994 alinéa 2 du Code civil pourrait rendre débitrice la société B. Corp des sommes dont est redevable la société JJL à l'égard de ses agents commerciaux ; que cependant les sociétés WFTC et SISU, titulaires de cette action, ne l'exercent pas puisqu'elles ne formulent aucune demande à l'égard de la société B. Corp en liquidation judiciaire ; qu'en outre cette action se heurterait à la déchéance du droit à commissions de la société JJL à l'égard de la société B. Corp ;
Considérant au surplus que faire droit à cette demande en garantie aboutirait à revenir partiellement sur la déchéance du droit à indemnité de la société JJL à l'égard de la société B. Corp ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré sera infirmé sur ce point; que la demande en garantie de la société JJL à l'égard de la société B. Corp sera rejetée.
Sur la demande d'arriérés de commissions de la société JJL à l'égard de la société B. Corp
Considérant que la société JJL demande que la société B. Corp soit condamnée à lui verser 414 000 euro d'arriérés de commissions, soutenant que cette demande ne se heurte pas à l'article L. 134-12 du Code de commerce ;
Considérant que, si en droit les demandes d'arriérés de commissions ne sont pas concernées par la déchéance prévue à l'article L. 134-12 alinéa 2 du Code du commerce, il n'en demeure pas moins en fait que la société JJL ne développe aucune argumentation susceptible d'expliquer ou d'étayer cette demande et qu'elle ne produit aucune pièce permettant de justifier de son chiffrage proposé de 414 000 euro ;
Considérant en conséquence que le jugement sera sur ce point confirmé, que la demande en paiement d'arriérés de commissions de la société JJL à l'égard de la société B. Corp à hauteur de 414 000 euro sera rejetée ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'au regard de l'ensemble du dossier, il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés WFTC et SISU la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir leurs droits, que la société JJL sera donc condamnée à leur verser la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit que les sociétés SISU et WFTC avaient droit à une indemnité de cessation du contrat d'agent commercial qui les liait à la société JJL, - dit la société JJL déchue de son droit à indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial à l'encontre de la société B. Corp, - débouté la demande de la société JJL à l'égard de la société B. Corp en paiement de 414 000 euro d'arriérés de commissions, - fixé la créance d'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial de la société WFTC à l'égard de la société JJL à la somme de 91 863,08 euro. Et statuant à nouveau, Fixe la créance d'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial de la société SISU à l'égard de la société JJL à la somme de 77 635 euro. Rejette la demande de la société WFTC à l'encontre de la société JJL en paiement de 8 786,79 euro d'arriérés de commissions. Rejette la demande en garantie de la société JJL à l'égard de la société B. Corp. Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties. Condamne la société JJL à verser aux sociétés SISU et WFTC la somme de 5 000 euro chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société JJL aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.