Cass. com., 10 février 2015, n° 13-24.501
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Index France (Sté), Lixxbail (Sté)
Défendeur :
SDM (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, SCP Potier de La Varde-Buk-Lament, SCP Spinosi-Sureau
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Index France que sur le pourvoi incident relevé par la société Lixxbail : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2013), que la société Société de mécanique (la société SDM), ayant pour activité la mécanique de précision, a commandé à la société Index France (la société Index) un tour CNC financé au moyen d'un contrat de crédit-bail souscrit auprès de la société Lixxbail; qu'après avoir signé le procès-verbal de réception, elle a cessé de payer les loyers au motif qu'aucune pièce-type n'avait pu être fabriquée avec une précision conforme à celle à laquelle la société Index s'était engagée ; que la société SDM a assigné la société Index et la société Lixxbail en résolution du contrat de vente, remboursement du prix de vente par la société Index à la société Lixxbail, résiliation du contrat de crédit-bail, remboursement des loyers versés et paiement par la société Index de dommages-intérêts ; que la société Lixxbail a demandé la condamnation de la société SDM à lui payer diverses sommes et à restituer le matériel ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Attendu que la société Index fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution de la vente du 31 octobre 2006 portant sur le Tour Index G250 alors, selon le moyen : 1°) que l'article 1er du contrat de crédit-bail du 17 octobre 2006 stipule que " dès la livraison par le fournisseur, le locataire doit en reconnaître la conformité à la commande, et en contrôler les normes de fonctionnement et l'état. Il marque son acceptation du matériel sans réserve, et adresse au bailleur un procès-verbal de réception, dont la date détermine le transfert de propriété du matériel au bailleur " et qu' " en cas de non-conformité à la commande ou d'état défectueux, le locataire doit refuser la réception du matériel et en aviser par lettre recommandée le fournisseur et le bailleur ", ce dont il résultait que, par l'envoi d'un procès-verbal de réception sans réserve, le locataire reconnaissait la conformité du matériel livré à la commande, c'est-à-dire aux spécifications contractuelles ; qu'en affirmant cependant que " s'agissant de matériels très sophistiqués, quelle que soit la valeur donnée par Lixxbail au procès-verbal de réception, celui-ci n'avait pour objet que de permettre la mise en route du contrat de crédit-bail : point 2 du contrat, entraînant le transfert de propriété, lequel concerne la maîtrise de droit exercée par l'acquéreur sur la chose, mais se distingue tant de la livraison qui porte sur la simple remise matérielle, que de la délivrance fonctionnelle, obligation pesant sur le vendeur de livrer une chose correspondant à la commande, et de la délivrance opérationnelle, obligation pesant sur le vendeur de mettre l'appareil en main de son client ", la cour d'appel, qui a ainsi cantonné la portée juridique du procès-verbal de réception à la seule mise en route du contrat de crédit-bail, en refusant d'y voir une reconnaissance par le locataire de la conformité du matériel reçu aux spécifications contractuelles, a dénaturé le contrat de crédit-bail violant ainsi l'article 1134 du code civil ; 2°) qu'en cas de réception sans réserves d'un matériel financé par crédit-bail, le locataire n'est pas fondé à invoquer contre le fournisseur un manquement à son obligation de délivrance ; qu'en accueillant toutefois l'action en résolution de la société SDM à raison d'un prétendu manquement à l'obligation de délivrance commis par la société Index, tandis qu'elle avait constaté que la société SDM avait adressé au crédit-bailleur, la société Lixxbail, un procès-verbal de réception dans lequel elle déclarait avoir réceptionné le matériel et le reconnaissait " en parfait état et conforme au contrat de crédit-bail et à la commande ", si bien qu'elle l'acceptait en conséquence " sans restriction ni réserve ", la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ; 3°) que le défaut de la chose vendue la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée constitue le vice prévu par les articles 1641 et suivants du code civil et non un manquement à l'obligation de délivrance visée par l'article 1604 du code civil ; qu'en considérant que la société SDM ne s'était pas trompée d'action et qu'elle n'avait pas à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, au motif inopérant que la société Index soutenait que son matériel était performant et dépourvu de vice de conception, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée, si les dysfonctionnements, qui étaient apparus à l'usage, ne résultaient pas d'un vice caché et non d'un manquement à l'obligation de délivrance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1604 du Code civil ;
Mais attendu que l'obligation de délivrance de machines complexes n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ; qu'après avoir énoncé qu'il ne peut suffire que le fournisseur livre les éléments matériels commandés, visés par le procès-verbal de réception, mais qu'il importe que soit établie l'effectivité de la mise en route, ce qui en l'espèce était prévu et n'a jamais pu avoir lieu, l'arrêt retient, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de la portée du procès-verbal de réception rendait nécessaire, que, s'agissant de matériels très sophistiqués, ce document n'avait pour objet que de permettre la mise en place du contrat de crédit-bail et d'entraîner le transfert de propriété, mais ne suffisait pas à rapporter la preuve de l'exécution de l'obligation de délivrance ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de prononcer la résolution du contrat de vente sur la demande de la société SDM, qui était contractuellement en droit d'exercer cette action au lieu et place de la société Lixxbail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : - Vu les articles 1134 et 1183 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société Index à rembourser à la société Lixxbail la somme de 439 630,16 euros, avec intérêts, l'arrêt, après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, retient que la machine ayant été restituée à la société Index, celle-ci devra rembourser à la société Lixxbail le prix de vente du matériel, majoré des intérêts, sous déduction des loyers reçus de la société SDM ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en raison de l'effet rétroactif de la résolution de la vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le même moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Lixxbail en paiement par la société SDM de la somme de 567 378, 06 euros correspondant aux loyers impayés, intérêts contractuels, frais de recouvrement, indemnité de résiliation et peine pour inexécution, l'arrêt retient que les clauses contenues dans les articles 5 et 9 du contrat de crédit-bail, en ce qu'elles tendent à entraver une éventuelle annulation consécutive à la résolution de la vente, sont entachées de nullité, de sorte que les sommes précitées ne sont pas dues par la société SDM à la société Lixxbail ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en se fondant sur la nullité de ces clauses qu'aucune des parties n'avait invoquée, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Rejette le pourvoi principal ; Et sur le pourvoi incident : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Index France à rembourser à la société Lixxbail la somme de 439 630,16 euros, avec intérêts au taux de 1 % par mois de retard à compter de la date des règlements effectués par la société Lixxbail et jusqu'à parfait paiement avec capitalisation des intérêts de retard dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, et rejette la demande en paiement de la somme de 567 378,06 euros formée par la société Lixxbail et dirigée contre la société SDM, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.