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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 avril 2015, n° 13-19813

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bell & Ross (SARL)

Défendeur :

Clerici Carlo Luigi (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

MM. Birolleau, Douvreleur

Avocats :

Mes Lugosi, Lemercier Hennon, Henry, Bonsirven

T. com. Paris, du 25 sept. 2013

25 septembre 2013

Faits et procédure

La société Bell & Ross a conclu le 1er avril 2006 un contrat d'agent commercial avec la société italienne Clerici Carlo Luigi (ci-après la société Clerici) pour la distribution de ses montres en Italie. Par avenant du 15 février 2007, la société Clerici a souscrit un engagement d'exclusivité.

En 2011, la société Bell & Ross a décidé de cesser d'approvisionner un client que lui avait apporté la société Clerici, au motif que ce client ne respecterait pas sa politique commerciale et revendrait, en dehors du réseau de distributeurs agréés, les montres à d'autres acheteurs que des consommateurs finaux ; elle a, par ailleurs, décidé de modifier le taux des commissions de la société Clerici, tel que défini dans leur contrat.

Par courrier recommandé du 12 janvier 2012, la société Clerici a fait savoir à la société Bell & Ross que dans ces conditions, elle était amenée à résilier le contrat qu'elles avaient conclu et qu'elle faisait valoir ses droits à indemnité. Par acte du 24 janvier 2012, elle l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 25 septembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société Bell & Ross à payer à la société Clerici la somme de 248 739,34 €, à titre d'indemnité de cessation de contrat avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- condamné la société Bell & Ross à payer à la société Clerici la somme de 62 184,83 € à titre d'indemnité substitutive de préavis avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- débouté la société Clerici de sa demande de commissions de 29 189 € au titres des commandes en cours ;

- ordonné à la société Bell & Ross de procéder à la régularisation des cotisations dues à l'organisme Enasarco pour son mandataire Clerici de 2006 à 2011, dans les 6 mois de la signification du présent jugement ;

- pris acte du désistement de la société Clerici de sa demande de traduction du certificat de législation ;

- débouté la société Bell & Ross de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- condamné la société Bell & Ross à payer société à la société Clerici la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Bell & Ross le 15 octobre 2013 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Bell & Ross le 12 mai 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable et bien fondé ;

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Clerici à verser à la société Bell & Ross :

* la somme de 24 401 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouter la société Clerici de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La société Bell & Ross rappelle que le contrat a été rompu à l'initiative de la société Clerici et que cette rupture n'était justifiée ni par la réduction du taux de commissions, que la société Clerici avait acceptée, ni par la perte du client Angelini dont le positionnement et les pratiques n'étaient pas compatibles avec l'image de marque qu'elle entendait protéger.

Elle considère que la société Clerici n'a pas respecté le préavis prévu par l'article L. 134-11 du Code de commerce et elle lui demande en réparation du préjudice qui en est résulté le paiement de la somme de 24 401 euros, représentant trois mois de commissions.

En ce qui concerne le paiement des cotisations sociales, elle soutient que la société Clerici aurait dû l'informer de ses obligations en la matière.

En ce qui concerne les commissions qui seraient dues au titre de commandes en cours, la société Bell & Ross fait valoir que la société Clerici n'apporte aucune justification de sa demande.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Clerici le 13 mai 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la résiliation du 11/01/2012 a été prononcée aux torts et griefs exclusifs de la société Bell & Ross en application de l'article L. 134-13-2° du Code de commerce ;

- condamner la société Bell et Ross à payer à la société Clerici :

1. à titre d'indemnité de cessation de contrat de l'article L. 134-12 du Code de commerce et compte tenu de l'exclusivité d'activité de l'agent, la somme de 447 537,40 euros équivalente à quatre années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années (111 884,35 euros X 4), sauf à parfaire ou à diminuer ;

2. à titre d'indemnité substitutive de préavis la somme de 75 133 euros soit six mois de commissions calculées sur la moyenne de la dernière année du contrat conformément à l'article 3 dudit contrat, sauf à parfaire ou à diminuer ;

3. au titre des commissions sur les commandes en cours à la date de la présente assignation, la somme de 29 189 euros, sauf à parfaire ou à diminuer ;

4. à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi pour non-paiement des cotisations retraites Enasarco une somme égale aux cotisations impayées, soit 80 091,70 euros ;

5. la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Clerici expose qu'elle s'est trouvée contrainte de résilier, par courrier du 11 janvier 2012, le contrat qui la liait à la société Bell & Ross, mais elle soutient que cette initiative résulte, au sens de l'article L. 134-13 2° du Code de commerce, de circonstances imputables à la société Bell & Ross, " par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ". Elle fait valoir que ces circonstances consistent dans la réduction unilatérale de ses commissions, au mépris de l'article 1134 du Code civil, dans la rupture des relations avec le client Angelini qu'elle avait apporté et dans le non-paiement des cotisations sociales dues qui étaient normalement dues à l'organisme Enasarco.

En conséquence, la société Clerici demande la condamnation de la société Bell & Ross à lui payer la somme 447 537,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce, la somme de 75 133 euros au titre du préavis contractuellement prévu, la somme de 29 189 euros au titre de commandes en cours et la somme de 80 091,70 euros au titre des cotisations qui auraient dues être versées à l'organisme Enasarco.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs

Sur la demande d'indemnité au titre de la cessation des relations

Considérant que selon l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que cette indemnité n'est toutefois pas due lorsque, selon l'article L. 134-13 du même Code, la cessation résulte de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit justifiée, notamment, par des " circonstances imputables au mandant " par suite desquelles " la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée " ; que la société Clerici, qui a pris l'initiative de rompre le contrat d'agent commercial qui la liait à la société Bell & Ross par courrier du 12 janvier 2012, invoque le bénéfice de ces dispositions ; qu'elle soutient que la rupture du contrat dont elle a pris l'initiative était justifiée par des circonstances imputables à la société Bell & Ross, par suite desquelles la poursuite de son activité ne pouvait plus être raisonnablement exigée ; qu'elle prétend avoir en conséquence droit, sur le fondement de l'article L. 134-12 2° du Code de commerce, à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du même Code ;

Considérant qu'au titre des circonstances imputables à la société Bell & Ross et rendant impossible la poursuite de son activité, la société Clerici vise la décision de la société Bell & Ross, d'une part, de rompre ses relations avec le client et, d'autre part, de réduire ses commissions ;

Sur la rupture des relations avec le client Angelini

Considérant que la société Clerici expose qu'elle avait apporté en septembre 2010 à la société Bell & Ross la clientèle de la société Gioilleria Angelini ; que ce client avait représenté de septembre à décembre 2010 un chiffre d'affaires de 99 927 euros et du 1er janvier 2011 au 1er août 2011 un chiffre d'affaires de 193 257 euros ; qu'elle indique que ce chiffre d'affaires représentait 16 % du chiffre d'affaires total apporté par elle à la société Bell & Ross et qu'il promettait d'augmenter et de dégager ainsi d'importantes commissions ; qu'elle fait valoir que, cependant, la société a cessé, brutalement et sans préavis, d'approvisionner ce client à compter du 1er août 2011 ;

Considérant que la société Bell & Ross justifie sa décision de rompre ses relations commerciales avec le client Angelini au motif que celui-ci ne respectait pas sa politique commerciale et qu'à l'évidence l'importance de ses commandes ne pouvait s'expliquer que par le fait qu'il vendait à d'autres que des clients particuliers, en infraction avec sa politique commerciale, laquelle était définie dans le contrat passé avec la société Clerici ; qu'elle a ainsi, par courrier du 20 décembre 2011, fait savoir à la société Angelini qu'elle cessait sa collaboration avec elle au motif que " l'activité de votre magasin, avec les ventes 'corporate' qui occupent une large part de votre activité, ne correspond pas à ce que nous recherchons dans notre distribution. Il y a eu un malentendu dès le début sur ce point et il est préférable d'arrêter (...) " (pièce Bell & Ross n° 40 bis) ;

Considérant qu'il ressort du dossier qu'avant de notifier cette décision, la société Bell & Ross avait, à plusieurs reprises, fait part à la société Clerici de son inquiétude quant à la conformité des commandes du client Angelini à sa politique commerciale, laquelle, selon l'article 5.4 du contrat de 2006, excluait toute revente par les distributeurs à d'autres acheteurs que des consommateurs finaux ; qu'ainsi la société Bell & Ross a, par courriers électroniques des 7 et 27 juin 2011, alerté la société Clerici sur la situation de ce client dans les termes suivants : " Angelini est ton premier client de loin (...). C'est dangereux car il est très clair qu'il ne vend pas ces pièces dans son magasin. Il faut rester très attentif (...). Il est impossible (...) de passer autant de pièces en commande d'un seul coup. Je sais qu'Angelini a une activité Corporate ce qui peut justifier une activité supérieure à la moyenne mais cela commence à prendre des proportions inquiétantes. Je veux être très vigilant. " (pièces Bell & Ross n° 32 et 33) ; que dans le cours de ces échanges, la société Clerici n'a pas démenti les soupçons de la société Bell & Ross, dont elle a au contraire reconnu le bien-fondé ; qu'elle s'est ainsi, en réponse, exprimé dans les termes suivants dans un courrier électronique adressé à la société Bell & Ross : " Je crois que la vente Corporate, de toutes façons, c'est une chance pour une bonne partie des ventes au détail (...). Toutes les marques font ce genre de travail (...) " (courrier électronique du 4 octobre 2011 - pièce Bell & Ross n° 35) ;

Considérant, dès lors, que si le client Angelini représentait une part importante des commissions de la société Clerici, et si en conséquence la décision de la société Bell & Ross allait indiscutablement diminuer sensiblement le niveau de la rémunération qu'il tirait du contrat, cette seule considération ne saurait faire obstacle au droit qu'avait la société Bell & Ross de veiller au respect de sa politique commerciale et de se séparer des clients dont il était établi qu'ils la mettaient en péril ;

Sur la réduction des commissions

Considérant que le contrat d'agent commercial conclu le 1er avril 2006 prévoyait que la société Clerici percevrait une commission fixe de 3 000 euros par mois et une commission variable de 5 % sur les ventes réalisées ; que par avenant du 15 février 2007, la société Clerici a souscrit une obligation d'exclusivité sur le territoire italien et qu'en contrepartie sa rémunération variable a été portée à 10 % jusqu'à un million d'euros encaissés, et à 5 % au-delà ;

Considérant que par courrier électronique du 12 juillet 2011, la société Bell & Ross a fait savoir à la société Clerici que, dans la perspective d'un développement rapide de sa marque et d'une augmentation attendue de son chiffre d'affaires, elle entendait modifier sa rémunération et instituer de nouveaux " paliers " dans les proportions suivantes : * 10 % jusqu'à un million d'euros ; * 5 % entre 1 et 1,5 million d'euros ; * 3 % entre 1,5 et 2 millions d'euros ; * 2 % entre 2 et 3 millions d'euros ; * 1 % au-delà de 3 millions d'euros ;

Considérant que la société Clerici soutient que la société Bell & Ross lui a ainsi imposé une modification unilatérale et substantielle du contrat qui les liait ; qu'elle fait valoir que cette modification entraînait une réduction très significative de ses commissions, alors de surcroît qu'elle avait souscrit depuis 2007 un engagement d'exclusivité, et que, dès lors, la poursuite de son activité ne pouvait plus être " raisonnablement exigée ", au sens de l'article L. 134-13 précité ;

Considérant qu'à l'inverse, la société Bell & Ross conteste avoir imposé unilatéralement cette modification et qu'elle soutient que la société Clerici avait, après plusieurs semaines de discussion, donné son accord à ces modifications ; qu'elle appuie cette affirmation sur les termes d'un courrier électronique que la société Clerici lui a envoyé le 22 novembre 2011 et qui était ainsi rédigé : " OK. Merci de m'envoyer par poste l'Avenant en original signé au fin de vous le retourner signé de ma part " (pièce Bell & Ross n° 19) ;

Mais considérant qu'il ressort du dossier que la société Clerici a, par courrier électronique du 20 juillet 2011, refusé ces modifications en faisant observer, notamment, que compte tenu des efforts qu'elle avait fait pour développer la marque en Italie, elle s'attendait plutôt non à une baisse, mais à une augmentation de ses taux de commission (pièce Bell & Ross n° 10) ; que la société Bell & Ross a néanmoins maintenu sa volonté d'instituer un taux de commission dégressif et, par courrier électronique du 21 octobre 2011, a adressé à la société Clerici le texte d'un avenant en lui demandant de le signer et de le renvoyer (pièce Bell & Ross n° 13) ; que la société Clerici a alors fait une contre proposition consistant soit, en contrepartie de la baisse du taux de sa rémunération, à abandonner l'obligation d'exclusivité qu'elle avait souscrite par l'avenant de 2007, soit à appliquer un tarif dégressif qui lui serait moins favorable (courrier électronique du 21 novembre 2011 - pièce Bell & Ross n° 15) ; que par courriers électroniques des 21 et 22 novembre 2011, la société Bell & Ross a refusé ces contre propositions et, en particulier, a indiqué qu'elle entendait conserver l'exclusivité prévue par l'avenant de 2007 (pièces Bell & Ross n° 21 et 22) ; que si, par le courrier électronique du 22 novembre dont fait état la société Bell & Ross, la société Clerici lui a demandé de lui envoyer par la poste l'avenant fixant les nouvelles conditions de sa rémunération (pièce Bell & Ross n° 19), elle ne l'a finalement ni signé ni retourné ; qu'en effet, après qu'une erreur a été commise sur l'adresse, cet avenant a été reçu par la société Clerici le 14 décembre 2011 ; que par courrier recommandé du 21 décembre 2011, l'avocat de la société Clerici a clairement indiqué que sa cliente refusait les nouvelles conditions de rémunération, lesquelles portaient " atteinte à toute l'économie du contrat " et étaient " inacceptables ", et l'a mise en demeure " de bien vouloir m'indiquer que vous entendez revenir sur votre décision de réduction des commissions " (pièce Bell & Ross n° 23) ; qu'on ne saurait, dès lors, considérer que, comme le soutient la société Bell & Ross, la société Clerici avait accepté le projet d'avenant qui lui avait été transmis pour signature ; que la modification des conditions financières du mandat a donc résulté de la seule décision de la société Bell & Ross qui a entendu l'imposer à la société Clerici ;

Considérant que la société Bell & Ross ne conteste pas que ces nouvelles conditions financières devaient entraîner une baisse de la rémunération de la société Clerici, mais qu'elle fait valoir que, compte tenu du chiffre d'affaires réalisé en 2011, elles n'auraient pas eu d'effet immédiat sur la rémunération de la société Clerici, mais qu'elles n'auraient impacté cette rémunération qu'en 2013 seulement ;

Mais considérant qu'à supposer que la réduction du taux de commissions n'ait eu d'effet qu'à compter de 2013, elle n'en constituait pas moins une modification substantielle du mandat confié à la société Clerici et elle devait entraîner, à un terme rapproché, une diminution, en part relative et compte tenu du chiffre d'affaires réalisé, du montant de ses commissions ; que cet impact était d'autant plus sensible pour la société Clerici qu'elle avait souscrit un engagement d'exclusivité dont la société Bell & Ross avait refusé, en dépit de son insistance, de la délier ; qu'il en résulte que compte tenu de cette modification des conditions financières du mandat décidée par la seule société Bell & Ross, la poursuite par la société Clerici ne pouvait être raisonnablement exigée ; que la cessation du contrat à l'initiative de la société Clerici est donc justifiée, au sens de l'article 134-13 du Code de commerce, et qu'en conséquence la société Bell & Ross lui est redevable de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 ;

Considérant qu'en ce qui concerne le montant de l'indemnité qui lui est due, la société Clerici réclame la somme de 447 537,40 euros, représentant quatre années de commissions calculées sur la moyenne des trois dernières années ;

Mais considérant que compte tenu de l'ancienneté et du caractère exclusif du contrat liant les parties ainsi que du montant de la rémunération perçue par la société Clerici dans le cours de son exécution, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le préjudice né de la cessation du mandat serait réparé par l'allocation d'une indemnité égale à deux années de commissions ; que compte tenu de la moyenne des commissions perçues lors des deux derniers exercices, dont le montant n'est pas contesté par les parties, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 248 739,34 euros le montant de l'indemnité due à la société Clerici ;

Sur la demande d'indemnité substitutive de préavis

Considérant que la société Clerici réclame une indemnité substitutive de préavis représentant six mois de commissions calculées sur la moyenne de la dernière année du contrat, soit la somme de 75 133 euros ; qu'elle fonde cette demande sur le délai de préavis de six mois prévue par l'article 3 du contrat ;

Mais considérant que si la cessation anticipée du contrat a privé la société Clerici du préavis auquel elle avait contractuellement droit, c'est à juste titre que le tribunal a calculé l'indemnité qui lui était en due en réparation sur la moyenne des deux derniers exercices et qu'il en a en conséquence fixé le montant à la somme de 62 184,83 euros ; que le jugement sera donc confirmé ;

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du non paiement de cotisations sociales

Considérant que la société Clerici expose que la législation italienne imposait à la société Bell & Ross de l'enregistrer à l'organisme de sécurité sociale Enasarco et de s'acquitter auprès de celui-ci de cotisations sociales ; qu'elle fait valoir que la société Bell & Ross n'a pas respecté ces obligations et n'a pas procédé à cet enregistrement ; qu'elle soutient que la société a ainsi commis une faute, qui lui cause un préjudice correspondant à la pension de retraite qu'elle aurait dû percevoir ; qu'elle demande réparation de ce préjudice par l'allocation de la somme de 80 091,70 euros qui représente le montant des cotisations non versées ;

Mais considérant que, comme le fait valoir la société Bell & Ross, la société Clerici a, aux termes de l'article 13.3 du contrat qui les liait, " déclaré " et " garanti " qu' " aucun accord ni aucune autorisation ou enregistrement n'est nécessaire pour ou à la suite de la signature du présent contrat " ; que la société Clerici ne saurait donc reprocher à la société Bell & Ross d'avoir omis de l'enregistrer auprès de l'organisme Enasarco puisqu'elle l'avait contractuellement assurée qu'aucune formalité de cet ordre n'était nécessaire à l'exécution de sa mission d'agent commercial ; que le défaut d'enregistrement résulte ainsi, non d'une faute de la société Bell & Ross, mais de la carence de la société Clerici ; que celle-ci sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Considérant, enfin, que le tribunal a ordonné à la société Bell & Ross " de procéder à la régularisation des cotisations dues à l'organisme Enasarco pour son mandataire Clerici de 2006 à 2011, dans les six mois de la signification du présent jugement " ; que la société Bell & Ross demande à la cour de réformer le jugement sur ce point, aux motifs que la société Clerici ne saurait agir pour le compte de cet organisme, que par ailleurs les cotisations dues à celui-ci sont à la charge, pour moitié, du mandant mais aussi du mandataire - et qu'il est établi que la société Clerici n'a pas acquitté la part lui revenant -, et qu'enfin, elle ne saurait se prévaloir de sa propre carence puisqu'elle ne l'avait pas informée de l'obligation d'enregistrement ; que pour sa part, la société Clerici expose dans ses conclusions qu'elle ne demande pas le paiement par la société Bell & Ross des cotisations qui auraient dues être versées, mais la réparation de son préjudice ; que dès lors le jugement sera réformé en ce qu'il a ordonné à la société Bell & Ross de payer les cotisations qui auraient dues à l'organisme Enasarco ;

Sur la demande de paiement de la somme de 29 189 euros au titre des commandes en cours

Considérant que la société Clerici demande la somme de 29 189 euros " au titre des commissions sur les commandes en cours la date de la présente assignation " ;

Mais considérant que cette demande, qui ne figure que dans le dispositif des conclusions de la société Clerici, n'est accompagnée d'aucune explication ni élément de preuve qui en démontrerait le bien-fondé ; qu'en particulier, la société Clerici ne donne aucune information ni sur la teneur de ces commandes, ni sur leur montant ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande et que le jugement sera confirmé ;

Sur la demande d'indemnité de préavis présentée par la société Bell & Ross

Considérant que la société Bell & Ross étant, par son comportement fautif, à l'origine de la cessation anticipée du contrat, elle sera déboutée de la demande qu'elle présente au titre du préavis contractuellement prévu ; que le jugement sera donc confirmé ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ce qui précède, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Clerici la totalité des frais irrépétibles engagés pour faire valoir ses droits et la société Bell & Ross sera condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné à la société Bell & Ross de régulariser les cotisations dues à l'organisme Enasarco pour son mandataire ; Condamne la société Bell & Ross à payer à la société Clerici Carlo Luigi la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Bell & Ross aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.