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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 1 avril 2015, n° 13-03137

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Novacid (SAS)

Défendeur :

Potasse et Produits Chimiques (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mmes Roubertou, Alzeari

Avocats :

Mes Cahn, Barbier, Crovisier

TGI Mulhouse, du 22 avr. 2013

22 avril 2013

Faits, procédure, prétentions des parties.

La SAS Novacid a pour objet social le commerce de gros de produits chimiques, en particulier l'acide chlorhydrique.

La société Potasse et Produits Chimiques a pour objet social la fabrication d'autres produits chimiques inorganiques de base.

Un contrat de prestation de services en matière commerciale a été conclu le 8 février 1993 entre la société Ethyl France devenue la société Potasse et Produits Chimiques et Rhone Poulenc Chimie devenue la SAS Novacid.

Le 29 décembre 2008, la société PPC a fait connaître à la SAS Novacid son intention de mettre un terme aux relations contractuelles.

Par acte d'huissier du 14 novembre 2011, la SAS Novacid a fait assigner la société Potasse et Produits Chimiques sur le fondement des articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce afin qu'il soit dit et jugé que les relations contractuelles devaient s'analyser en un contrat d'agent commercial et qu'à la suite de la résiliation du contrat du 8 février 1993, elle avait droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Vu le jugement en date du 22 avril 2013 par lequel la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse a débouté la SAS Novacid de l'ensemble de ses demandes et condamné cette dernière à payer à la société Potasse et Produits Chimiques la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu la déclaration d'appel formalisé par la SAS Novacid le 25 juin 2013.

Vu les dernières conclusions de l'appelante du 8 avril 2014.

A titre principal, elle sollicite la réformation du jugement entrepris.

Elle soutient que le contrat ayant lié les parties doit s'analyser en un contrat d'agence commerciale.

Elle expose que le contrat du 8 février 1993 a été conclu afin d'assurer une transition suite à la cession de l'activité de PPC à Ethyl France, le contrat prévoyant que cette société confiait à Rhône-Poulenc devenue la SAS Novacid la tâche de lui apporter son aide, à l'origine à titre accessoire à la cession de cette activité, dans la commercialisation des produits, en agissant auprès de la clientèle afin d'obtenir des débouchés pour la production de PPC.

Elle indique que le contrat du 8 février 1993 pouvait valablement exclure la qualification d'agent commercial en tant qu'il était alors l'accessoire du contrat de cession d'une branche d'activité intervenue à la même date.

Dans cette mesure elle estime que cette exclusion s'inscrivait et avait du sens uniquement dans le cadre de la durée initiale du contrat conclu pour une période d'à peine deux ans.

Elle soutient que le caractère accessoire a pris fin lorsque le contrat de prestations commerciales a expiré le 31 décembre 1994 puisque le contrat principal auquel il était adossé, étant un contrat de cession, n'a pu par définition être reconduit.

Ainsi elle estime que la relation contractuelle portant uniquement sur les prestations commerciales s'est poursuivie à titre principal.

Elle rappelle les dispositions de l'article L. 134-15 du Code de commerce qui dispose que la renonciation à la qualification d'agent est nulle si l'exécution du contrat fait apparaître que l'activité d'agent commercial est exercée, en réalité, à titre principal ou déterminant.

Elle réclame le paiement de la somme de 163 516 euro à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale.

A titre infiniment subsidiaire, au visa des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, elle prétend au paiement de la somme de 122 637 euro à titre d'indemnisation du préjudice subi en raison de la rupture brutale de la relation commerciale.

En tout état de cause, elle prétend au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que l'appel en garantie de l'intimée est irrecevable.

Vu les dernières écritures de l'intimée du 9 juin 2014.

À titre principal, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris estimant que les conditions mêmes d'exercice de l'activité d'agent commercial n'étaient pas réunies ni dans les termes du contrat, ni dans la réalité de l'activité exercée.

Elle explique que telle était la volonté initiale des parties, l'exclusion du bénéfice du statut étant en outre justifiée par le caractère accessoire de l'activité, le contrat s'étant renouvelé tacitement dans des termes identiques.

Elle s'oppose à la demande subsidiaire soutenant que le préavis de neuf mois tenait compte à la fois des dispositions contractuelles et de l'ancienneté des relations commerciales.

À titre infiniment subsidiaire, si la cour devait faire droit à l'une quelconque des prétentions adverses, elle prétend qu'il résulte des termes mêmes du contrat en son article 13.2 qu'elle est en droit de solliciter que la SAS Novacid la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre sur le fondement de la rupture du contrat de prestation de services.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 novembre 2014 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 23 février 2015.

MOTIFS,

Attendu sur sa demande principale que l'appelante expose que toutes les confirmations de commande émises et adressées par la société PPC la désignent expressément en tant qu'agent et contact pour le client ; qu'il en est de même des factures ;

Attendu qu'elle rappelle que la qualité d'agent commercial s'apprécie au regard des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'elle soutient qu'elle disposait du pouvoir de négociation des contrats alors que le contrat en vigueur, au moment de la rupture, n'était pas identique au contrat initial contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

Attendu dans les faits que selon contrat de prestation de services de vente du 8 février 1993 et avenant à ce contrat, la SARL Ethyl France et la société Rhône-Poulenc Chimie ont convenu que la première société retenait à titre exclusif la seconde pour assurer la promotion des ventes d'Ethyl et procéder à la transmission des commandes clients, lesquelles étaient toutes soumises à l'accord préalable d'Ethyl ;

Attendu qu'il était rappelé en page 8 du contrat que la prestation de services de représentation commerciale était uniquement accessoire à la vente de l'activité de PPC par les vendeurs à Ethyl, telle que définie par le contrat de vente d'actions, les parties ayant choisi de renoncer à l'application de la loi relative aux agents commerciaux ;

Attendu ainsi qu'en application de ce contrat, la SAS Novacid, venant aux droits de la société Rhône-Poulenc Chimie, s'est engagée à prospecter des clients potentiels et à promouvoir la vente des produits proposés par la société PPC, elle-même venant aux droits de la société Ethyl ;

Attendu qu'il est constant que le contrat de prestation de services initial était uniquement accessoire à la vente de l'activité de PPC par les vendeurs à Ethyl et que les parties ont expressément convenu d'écarter l'application du statut d'agent commercial ;

Attendu toutefois que le contrat de prestations de services de vente s'étant poursuivi au-delà des deux années, il convient d'analyser la réalité de l'activité exercée au regard des critères tels que définis par l'article L. 134-1 du Code de commerce qui stipule que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente, de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ;

Attendu à cet égard que l'appelante prétend qu'elle procédait à une véritable négociation, notamment sur le prix des produits et que, même si elle ne disposait pas du pouvoir de conclure les contrats, cela ne lui retirait en rien sa qualité d'agent commercial ;

Attendu néanmoins qu'il doit être observé que la reconnaissance de la qualité d'agent commercial implique le pouvoir de représenter le mandant ; que sur ce point, il doit être noté que l'article 7 du contrat initial dispose que la SAS Novacid n'est pas autorisée à accepter des commandes ou à conclure des obligations contractuelles de quelque nature que ce soit au nom de PPC ou qui engage PPC ; qu'il ne peut donc être que constaté que l'appelante n'est pas investie du pouvoir de représenter la société Potasse et Produits Chimiques ;

Attendu que la SAS Novacid reconnaît dans ses écritures que le contrat ne lui conférait pas le pouvoir de représenter mais soutient qu'il résulterait des pièces versées aux débats que ce pouvoir de représentation ressortait du comportement de la société PPC durant la poursuite des relations contractuelles ;

Attendu en réalité qu'il résulte des pièces versées aux débats, y compris par l'appelante, que cette dernière ne faisait que transmettre des commandes sans jamais pouvoir les accepter pour le compte de la société PPC ; qu'en pratique, la SAS Novacid sollicitait d'abord l'accord de l'intimée qui confirmait ou non la commande ;

Attendu en effet que les documents produits et notamment les échanges de mail entre les deux sociétés établissent que la SAS Novacid demandait à la société PPC des instructions concernant les prix et qu'au-delà, l'ensemble des conditions du contrat était imposé par l'intimée ; que bien plus lorsque la négociation ne permettait pas d'obtenir les conditions voulues, la société PPC intervenait directement auprès des clients ce qui exclut toute indépendance et ou pouvoir de représentation de l'appelante ;

Attendu dans les faits qu'il s'évince que l'appelante n'était qu'un intermédiaire dans la négociation dans la mesure où elle était obligée de soumettre pour validation les conditions commerciales dans leur globalité ; qu'au demeurant, elle reconnaît que l'intimée pouvait refuser des commandes ; que dans cette mesure, il est inopérant de soutenir qu'il ne serait pas établi que la société PPC aurait jamais refusé de s'engager sur les conditions négociées par elle ;

Attendu par ailleurs que l'intimée verse aux débats l'attestation de son ancien président qui confirme ce rôle d'intermédiaire et l'absence d'autonomie dans la négociation en indiquant que c'était la société PPC qui décidait, avant de procéder à l'acceptation de la commande, si les conditions commerciales étaient acceptables, ajoutant même qu'il était intervenu personnellement à plusieurs reprises sur l'établissement d'un niveau de prix acceptable pour la société ; que ce témoignage est confirmé par l'attestation de la directrice commerciale ;

Attendu par ailleurs que le fait que les documents commerciaux faisaient figurer la SAS Novacid en qualité d'agent ne saurait valoir reconnaissance du statut d'agent commercial, s'agissant d'une mention à destination de la clientèle et donc, nécessairement, sans valeur contractuelle entre les parties ; que pas plus l'existence de rapports mensuels ne saurait caractériser la réalité d'une activité d'agent commercial, de tels rapports ne pouvant, à eux seuls, caractériser l'autonomie et le pouvoir de représentation ;

Attendu enfin que l'appelante explique qu'elle avait une parfaite connaissance du marché ce qui lui conférait nécessairement une autonomie dans la négociation ; qu'effectivement, si cet atout ne lui est pas contesté, il doit lui être opposé que c'est justement sa connaissance du marché qui a justifié le contrat initial de prestation de services de vente ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, il convient de considérer que les conditions d'exercice de l'activité d'agent commercial n'étaient pas réunies, tant au regard des termes contractuels que de l'activité de prestation de services effectivement exercée ; que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS Novacid en paiement d'une indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale ;

Attendu qu'a titre subsidiaire, l'appelante invoque les dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce aux termes duquel engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour un commerçant de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;

Attendu qu'elle explique que la rupture a eu pour effet de la priver totalement des revenus attachés à l'activité qu'elle a exercée depuis 1993, soit pendant plus de 16 ans, pour le compte de PPC sans qu'il lui soit accordé un préavis de nature à lui permettre de faire face à cette situation ;

Attendu toutefois qu'il doit être noté qu'aux termes de l'article 13.1 du contrat de prestation de services de vente, il est expressément stipulé un préavis minimum de six mois par notification écrite à tout moment ;

Attendu en l'espèce qu'il n'est pas contesté que dès le 29 décembre 2008, la société PPC a fait connaître à la SAS Novacid son intention de mettre un terme à la relation contractuelle ; que par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 février 2009, elle a notifié la résiliation du contrat de prestations de services de vente avec précision d'un préavis de six mois commençant à courir à la première présentation de la lettre ; qu'il était rappelé les dispositions contractuelles prévues à l'article 13.2 ;

Attendu que la réclamation de l'appelante au titre de 18 mois de commissions ne peut valablement prospérer sur ce fondement, l'indemnité réclamée s'apparentant à celle sollicitée au regard de la rupture du contrat d'agence commerciale ;

Attendu surtout que le préavis, contractuellement stipulé, doit s'apprécier au regard de la nature et de l'origine des relations commerciales ; que sur ce point, il doit être rappelé que le contrat de prestation de services de vente était accessoires à la vente de l'activité de PPC par les vendeurs à la société Ethyl ;

Attendu ainsi que ce contrat s'étant inscrit dans une relation d'affaires plus globale et tirant sa justification de la cession d'activité, il convient de considérer que le préavis donné était suffisant y compris au regard de l'ancienneté des relations commerciales entre les deux sociétés ; que la réclamation subsidiaire de l'appelante sera donc également écartée ;

Attendu dans ces conditions qu'il est sans objet d'examiner la recevabilité et ou le bien-fondé de l'appel en garantie de l'intimée à l'encontre de l'appelante ;

Attendu que la SAS Novacid, qui succombe sur les mérites de son appel, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire application de cet article au profit de la société Potasse et Produits Chimiques qui en fait la demande en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 22 avril 2013 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Rejette la demande subsidiaire de la SAS Novacid en paiement de dommages et intérêts à raison de la rupture brutale de la relation commerciale, Condamne la SAS Novacid aux dépens d'appel, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.