CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 9 avril 2015, n° 14-26059
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Aigle azur Transports aériens (SAS)
Défendeur :
Intrabus Orly (Selurl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charlon
Conseillers :
Mmes Graff-Daudret, Louys
Avocats :
Mes Caron, Burguet, Vahramian, Vullierme
FAITS ET PROCEDURE:
En 2003, la SAS Aigle azur Transports Aériens (Aigle azur) est entrée en relations commerciales avec la SARL Intrabus Orly (Intrabus) pour effectuer le transport des passagers des terminaux de l'aéroport vers les avions et vice-versa. En 2013, la société Aéroshuttle a proposé cette prestation sur l'aéroport d'Orly. Par courrier du 1er août 2013 la société Aigle azur a informé la société Intrabus du non-renouvellement de son contrat à compter du 1er janvier 2014. Le 24 décembre 2013, la société Intrabus a avisé la société Aigle azur qu'elle estimait brutale la fin de leurs relations commerciales et a demandé une indemnisation de 997 840 euro. Par acte d'huissier du 10 février 2014, la société Aigle azur a assigné la société Intrabus devant le Tribunal de commerce de Bobigny.
La société Intrabus a soulevé une exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Paris. Par jugement contradictoirement du 9 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Bobigny a :
- reçu la société Aigle azur en son assignation,
- reçu la société Intrabus en sa demande d'incompétence du Tribunal de commerce de Bobigny,
- dit cette exception d'incompétence fondée et y a fait droit,
- renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris,
- dit que l'entier dossier sera transmis à Monsieur le greffier du Tribunal de commerce de Paris à l'expiration du délai de contredit légal,
- laissé à chacune des parties la charge de ses frais et a débouté la société Intrabus de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Aigle azur aux dépens.
La SAS Aigle azur Transports aériens a formé contredit le 23 décembre 2014.
MOTIFS DU CONTREDIT:
Dans son contredit, la société Aigle azur demande à la cour de:
- dire et juger que c'est à tort que les premiers juges se sont refusés à faire application des règles de compétence ordinaire,
- dire et juger que le Tribunal de commerce de Bobigny est bien fondé à connaître d'une action à l'initiative de la société Aigle azur relative à l'exécution par les parties de leurs obligations contractuelles,
- renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Bobigny,
- condamner la société Intrabus à lui payer 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Elle fait valoir qu'elle avait le choix de saisir le tribunal du lieu du siège social du défendeur situé à Saint-Denis ou le tribunal du lieu de l'exécution du contrat à Orly, en application des articles 42 et 46 du Code de procédure civile; que c'est donc à bon droit qu'elle a assigné la société Intrabus au lieu de son siège social;
Qu'elle n'a pas entendu demander au Tribunal de Bobigny de se prononcer sur l'existence ou non d'une rupture brutale des relations commerciales; qu'elle a fondé ses demandes sur la bonne exécution des engagements contractuels souscrits avec la société Intrabus au visa de l'article 1134 du Code civil et non de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
MOYENS EN DEFENSE:
Par écritures signifiées le 30 janvier 2015, la société Intrabus demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Aigle azur,
- dire et juger que le Tribunal de commerce de Bobigny ne peut connaître d'une action relative à la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bobigny,
- renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris,
- condamner la société Aigle azur à lui régler une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la société Aigle azur aux entiers dépens.
Elle réplique que le litige relève de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris; qu'il est incontestable que la société Aigle azur évoque expressément dans son dispositif l'existence de relations commerciales établies avec la société Intrabus;
Qu'elle considère avoir été victime d'une rupture brutale des relations commerciales, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, ce que la demanderesse n'ignore pas.
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité:
Considérant que le contredit, élevé dans les conditions de forme et de délais prévues par l'article 82 du Code de procédure civile, est recevable;
Sur la compétence:
Considérant que la compétence doit s'apprécier au regard des textes qui fondent la demande et des faits qui y sont articulés ; que ce fondement doit être sérieux et ne doit pas avoir pour objet ou pour effet d'éluder une compétence d'ordre public ;
Considérant que l'assignation introductive de la présente instance devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bobigny est fondée sur les articles 1134 et suivants du Code civil ;
Considérant que dans cette assignation, la société Aigle azur demande audit Tribunal de constater que la société Intrabus a effectué, à son profit, des prestations de service en escale portant sur le transfert des passagers depuis l'année 2003, de constater que les parties ont entrepris des pourparlers contractuels visant à régulariser leurs relations commerciales, en 2008, qui n'ont finalement pas donné lieu à la signature d'un contrat écrit, de constater que nonobstant l'absence de contrat écrit, les prestations ont été valablement poursuivies par la société Intrabus au profit de la société Aigle azur, et ce jusqu'au 31 décembre 2013;
Qu'elle demande encore au tribunal de dire, en conséquence des constatations sollicitées, que les relations commerciales et contractuelles ont valablement pris fin entre la société Aigle azur et la société Intrabus à effet du 31 décembre 2013, suite à la notification en date du 1er août 2013 de la fin des relations commerciales entretenues jusqu'alors entre les parties, conformément à l'intention des parties exprimée dans le projet de contrat de 2008 et de dire que le préavis retenu, soit une période de cinq mois, est d'une durée suffisante eu égard aux relations commerciales établies entre les parties;
Que dès lors, c'est à juste titre que le Tribunal de commerce de Bobigny a retenu que la demande de la société Aigle azur revenait à examiner si la rupture de relations commerciales établies pouvait ou non être estimée brutale, et que cette appréciation relevait, en vertu de l'article D. 442-3 du Code du commerce, de la compétence de la juridiction spécialisée pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du même code, dont la demanderesse a très exactement repris les termes, en l'espèce le Tribunal de commerce de Paris ;
Que le contredit est mal fondé et sera rejeté;
Qu'il n'y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire, celle-ci étant attachée aux arrêts de la cour d'appel;
Par ces motifs : Déclare le contredit recevable, le rejette, condamne la SAS Aigle azur Transports aériens à payer à la Selurl Intrabus Orly la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Aigle azur Transports aériens aux frais du contredit sur le fondement de l'article 88 du Code de procédure civile.