CA Reims, ch. civ. sect. 1, 31 mars 2015, n° 13-01957
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Galion (SARL)
Défendeur :
Sybille Accessoires (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maillard
Conseillers :
Mme Lauer, M. Soin
Avocats :
Mes Barbier Giard-Schmid, Bronquard
La société Sybille Accessoires exerçant sous l'enseigne "Petite Mendigote", est spécialisée dans la fabrication et la vente d'accessoires de prêt à porter féminin. Dans le cadre de la commercialisation de ses articles et pour développer la commercialisation de sa marque, elle a confié à la société Galion, le mandat de vendre en son nom et pour son compte, les produits vendus sous la marque "la Petite Mendigote" sur la région nord-est à partir de la saison de prêt à porter automne-hiver 2010, en contrepartie du règlement d'une commission de 15 % hors taxes du chiffre d'affaires réalisé sur le secteur concédé.
Aucun contrat écrit n'a été régularisé, mais aucune des parties ne conteste que les rapports commerciaux sont soumis aux dispositions de l'article L. 134-1 et suivants du Code de commerce.
Ayant constaté une baisse des commandes et une perte du chiffre d'affaires pour la saison printemps/été 2011, alors que le développement des autres secteurs était grandissant, la société Sybille Accessoires a, à plusieurs reprises, demandé à la société Galion de faire un point téléphonique sur l'analyse de la saison. Ces demandes et messages sont restés sans réponse.
Par lettre recommandée du 5 décembre 2010, la société Galion a reproché à la société Sybille Accessoires de ne pas être informée du suivi des commandes qu'elle a réalisées, de lui avoir fait perdre des clients mécontents de ne pas être livrés et de ne trouver aucun interlocuteur au sein de la société pour répondre à leurs demandes téléphoniques et à leurs courriers. Elle précisait que lors de ses prises de rendez-vous, certains clients lui ont indiqué avoir été contacté par un autre agent pour voir la collection "Petite Mendigote".
Par message électronique du 6 décembre 2010, la société Sybille Accessoires a fait savoir à la société Galion, qu'elle n'entendait pas poursuivre les relations commerciales dans ces conditions : baisse des ventes et absence totale de communication.
Par courrier du 18 janvier 2011, la société Sybille Accessoires a mis un terme au contrat d'agent sur la base des constats suivants, absence totale de retour d'information émanant de la clientèle ou prospects, absence de réponse aux demandes de réunions formulées, perte substantielle entre les prises d'ordre et la facturation et baisse de commande pour la collection printemps/été 2011.
Par lettre recommandée du 1er juin 2011, la société Galion a fait valoir ses droits à indemnité de cessation du contrat d'agent commercial.
Par acte du 10 janvier 2012, elle a assigné la société Sybille Accessoires devant le Tribunal de commerce de Reims aux fins de la faire condamner à lui fournir tous éléments comptables permettant de déterminer les commissions directes et indirectes auxquelles elle a droit, subsidiairement d'ordonner une mesure d'expertise comptable. Elle a réclamé paiement d'une indemnité de cessation du contrat d'agent commercial et le paiement d'une indemnité de préavis ainsi que d'une indemnité de procédure.
La société Sybille Accessoires a conclu au débouté de ces demandes en faisant état de l'existence d'une faute grave de l'agent commercial.
Par jugement du 4 juin 2013, le tribunal a débouté la société Galion de ses demandes en la condamnant à verser à la société Sybille Accessoires Petite Mendigote, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer les entiers dépens.
Il a considéré que les manquements de la société Galion (absence de communication, absence de compte rendu) rendent impossible le maintien du lien contractuel et que la société Galion a commis une faute grave en ne répondant pas aux exigences liées à son statut d'agent commercial.
La société Galion a interjeté appel.
Par conclusions du 3 octobre 2013, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la société Sybille Accessoires à lui régler la somme de 38 830 euros à titre d'indemnité de cessation brutale du contrat d'agent commercial outre la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de préavis avec les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à venir, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer les dépens.
Elle explique que la rupture du contrat ne peut être justifiée par le non-respect des quotas car aucun objectif contractuel n'avait été fixé entre les parties, qu'aucun document comptable ne vient affirmer que le successeur de la société Galion a de meilleurs résultats, que la société Sybille Accessoires ne lui a jamais reproché un manque de résultat, que le manque d'information et la baisse du chiffre d'affaires ne justifient pas plus la résiliation brutale du contrat.
Par conclusions du 29 novembre 2013, la société Sybille Accessoires demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la société Galion de l'intégralité de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux dépens.
Sur ce LA COUR :
Les deux parties s'accordent pour reconnaître que leur relations commerciales relèvent de l'application du statut de l'agent commercial.
L'agent commercial est un mandataire professionnel chargé de négocier ou de conclure les opérations qui lui ont été confiées. Le mandat est conclu dans l'intérêt commun des parties. Par application de l'article L 134-4 du Code de commerce, l'agent commercial est tenu d'exécuter le mandat qui lui a été confié en bon professionnel. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont en vertu de ces dispositions régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. L'agent commercial doit notamment respecter les instructions du mandant, tout en disposant d'une liberté importante pour exécuter son mandat. Comme tout mandataire il est tenu de rendre compte de sa gestion, même si aucun compte-rendu d'activité ne lui est imposé et doit informer le mandant des opérations réalisées.
En vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Les articles L. 134-11 et suivants du Code de commerce, disposent que lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis qui est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette réparation n'est pas due notamment en cas de cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
Il appartient à la société Sybille Accesoires qui a mis fin au contrat d'agent commercial et qui s'oppose au paiement des indemnités prévues par la loi de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave. La gravité de la faute est appréciée souverainement par le juge du fond.
Les pièces versées aux débats établissent que les relations des parties ont débuté lors de la commercialisation de la collection automne/hiver, de la société Sybille Accessoires, soit au début de l'année 2010.
Dans sa lettre de rupture du contrat d'agent commercial la société Sybille Accessoires reproche à la société Galion :
- une absence de retour sur les collections, l'avis de la clientèle sur les collections et les prix de vente, l'activité des marques concurrentes, l'absence de suivi des commandes non confirmées et de démarches à l'égard des problèmes de paiement ;
- l'absence de communication et de toute réponse à ses messages téléphoniques, l'impossibilité d'organiser une réunion téléphonique malgré l'envoi de plusieurs messages ;
- une différence significative entre les prises d'ordre pour la collection automne/hiver (76 093 euros et le montant facturé (58 574 euros) restée sans explication, l'absence de réassortiment enregistré sur son secteur alors qu'il représente 30 % de son chiffre d'affaires global, une baisse de 27,57 % des commandes enregistrées pour la saison printemps/été 2011 qui ne s'inscrit pas dans le développement général de la marque, qui bénéficie d'une augmentation de chiffre d'affaires de 60 % pour l'année 2010 et d'une augmentation de commandes de 30 % pour l'année 2011.
Elle présente à l'appui de ses dires le message électronique urgent, concernant le défaut de paiement d'un client avant livraison ou annulation de commande qu'elle a adressé à la société Galion le 9 septembre 2010, resté sans réponse malgré nouvel envoi le 13 septembre 2010, le message électronique qui a été adressé à la société Galion le 25 octobre 2010 l'invitant à proposer une date pour un entretien téléphonique sur l'analyse de la saison passée, le message de rappel du 29 octobre comportant le journal des ventes du mois d'octobre 2010, le message de rappel du 2 novembre 2010, le message du 6 décembre 2010 par lequel la société Sybille Accessoires déplore la baisse des ventes de 25 %, l'absence de suivi et de contact, l'absence de réponse aux messages laissés en vue d'un "débriefing" sur les ventes et l'impossibilité de procéder à un tel échange.
La société Galion soutient qu'elle n'a jamais reçu de la société Sybille Accessoires le suivi des commandes qu'elle avait réalisé auprès des clients. Ces affirmations sont toutefois contredites par les pièces versées aux débats par la société mandante (mail du 16 juillet 2010, mail du 2 septembre 2010, mail du 6 octobre 2010, mails du 2 décembre 2010 soit les pièces 9 à 16) et par l'absence de toute réaction de la société Galion qui ne s'est, avant l'envoi de sa lettre recommandée du 5 décembre 2010, jamais inquiétée de l'absence d'information sur le suivi de ses commandes et qui a pourtant été en mesure d'établir sa facture arrêtée au 3 décembre 2010. Elle affirme de plus que les messages de la société Sybille Accessoires lui étaient adressés à une mauvaise adresse, mais le courriel adressé par la société Galion à sa mandante le 28 octobre 2010, démontre que cette adresse existait et que la société Galion l'utilisait.
Il n'est pas discuté qu'en l'absence de contrat écrit aucun objectif de vente n'a été fixé à la société Galion et que la société Sybille Accessoires ne démontre pas l'existence d'une faute du mandataire à l'origine de ses résultats inférieurs à ceux réalisés dans les autres secteurs et contraires à l'évolution du chiffre d'affaires de la société mandante.
L'examen de la lettre de rupture du 18 janvier 2011 révèle contrairement à ce qu'affirme la société Galion, que la société Sybille Accessoires ne reproche pas à la société Galion son manque de résultats, mais surtout l'absence de tout retour sur les collections, sur l'avis de la clientèle et l'état de la concurrence permettant de mieux préparer les collections, les commandes de fabrication et le suivi des ventes ; l'absence de toute communication dans un contexte de baisse du chiffre d'affaires réalisé sur son secteur, laissant supposer l'existence de difficultés inexistantes sur les autres secteurs et l'impossibilité d'organiser une réunion téléphonique pour faire le point sur la saison passée. La seule transmission des commandes en vue de leur traitement ne constitue pas, tel que le soutient la société Galion, l'exécution de l'obligation d'information pesant sur l'agent commercial ni l'exécution de son obligation de rendre compte de son activité.
Les messages adressés à la société Galion, le 9 septembre 2010 rappelé le 13 septembre 2010, le 25 octobre, le 29 octobre et le 2 novembre 2010 sollicitant un rendez-vous téléphonique, et celui du 6 décembre 2010 établissent que la société mandante a en vain tenté d'établir le contact et qu'elle est restée dans l'impossibilité de procéder à la mise au point qu'elle souhaitait faire, alors que le nombre des commandes réalisées était en baisse par rapport à la saison précédente et que cette évolution était contraire à l'évolution du chiffre d'affaires de la société qui est passé de 1 486 562,58 euros au 31/12/2009 à 2 290 514,99 euros au 31/12/2010 (pièce numéro 20).
La société Galion ne s'explique pas sur ces points. Dans sa lettre recommandée du 5 décembre 2010 adressée à la société Sybille Accessoires elle reproche à la société mandante de ne pas avoir livré l'intégralité des commandes prises, de manquer de rigueur et de ne disposer pour la deuxième saison d'aucune information sur l'état d'avancement des livraisons, d'aucun suivi d'éventuels réassorts ou de demandes de ses clients, en indiquant qu'elle a perdu des clients mécontents de ne pas être livrés et de n'avoir aucun interlocuteur. Cette perte de clientèle n'est établie par aucune pièce et la société Sybille Accessoires a justifié de l'envoi mensuel des suivis de commandes. Les griefs de la société Galion ne sont donc pas établis.
L'appelante soutient de plus que la société Sybille Accessoires a réorganisé son réseau avant d'avoir rompu les relations commerciales la liant à la société Galion et a placé un autre agent commercial sur son secteur dès la fin de l'année 2010. Elle verse aux débats la lettre de Mme Adret, gérante du magasin La suite n° 4 à Sézanne, mentionnant qu'elle a été contactée par téléphone le 3 décembre 2010 à son magasin par un représentant de la marque "Petite Mendigote" lui disant que M. Laurent Gallois ne représente plus cette marque. Cette seule pièce, qui ne permet pas d'identifier l'auteur de cet appel téléphonique, n'est pas suffisante pour établir que la société Sybille Accessoires est à l'origine de cette démarche, qu'elle avait dès le mois de décembre confié l'exploitation de son secteur à un autre agent commercial au mépris de ses accords avec la société Galion et a manqué de loyauté.
Il est en revanche démontré que la société Galion a de manière répétée manqué à son obligation d'information et de collaboration en omettant de répondre aux demandes urgentes de sa mandante concernant notamment le défaut de paiement d'un client, en ne répondant pas à ses messages, ses appels téléphoniques et à ses demandes de rendez-vous téléphoniques et en ne lui transmettant aucun retour sur la diffusion de sa collection, sur l'accueil réservé à ses produits et sur l'état du marché, informations qu'elle était seule à même de lui fournir.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la comportement de la société Galion a porté atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun, qu'il rendait impossible le maintien du lien contractuel et constitue une faute grave.
En conséquence la société Galion n'est pas fondée à réclamer paiement de la réparation prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce et de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 134-11 du Code de commerce. Ses demandes ont à juste titre été rejetées et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
La société Galion qui succombe supportera les entiers dépens de l'instance d'appel et ses frais irrépétibles et paiera à la société Sybille Accessoires la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel.
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juin 2013, par le tribunal de commerce de Reims ; et y ajoutant ; Condamne la société Galion à payer à la société Sybille Accessoires la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel ; Déboute la société Galion de sa demande en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Galion aux entiers dépens de l'instance d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.