CA Versailles, 13e ch., 16 avril 2015, n° 14-04040
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Henkel France (SA)
Défendeur :
Huille-Eraud (ès qual.), Sermaco (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Belaval
Conseillers :
Mmes Beauvois, Vaissette
Avocats :
Mes Guttin, Nadiras, Schrimph, Hongre-Boyeldieu, Entremont
Au cours des années 1990, la société Henkel France (la société Henkel) a confié à titre non exclusif à la société Sermaco le conditionnement de ses produits pour ses branches "cosmétiques", "détergents" et "produits d'entretien de la maison".
En 2000, la société Henkel a réduit les prestations de conditionnement confiées à la société Sermaco puis a procédé à un appel d'offres et n'ayant pas retenu la candidature de la société Henkel [sic] a mis un terme aux relations contractuelles le 31 décembre 2008.
La société Sermaco a assigné la société Henkel sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies régie par l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
En cours de procédure la société Sermaco a été mise en redressement judiciaire, Maître Avezou étant désigné administrateur. Elle a bénéficié d'un plan de redressement le 19 septembre 2011, Maître Avezou étant nommé commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement en date du 23 février 2011, rectifié le 6 avril 2011, le Tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco et à Maître Avezou ès qualités la somme de 84 400 euro à titre de dommages-intérêts du fait de la rupture des relations commerciales, déboutant pour le surplus,
- condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco et à Maître Avezou ès qualités la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- donné acte à la société Sermaco et à Maître Avezou ès qualités de ce qu'ils se réservent de solliciter la condamnation de la société Henkel du coût (sic) des licenciements économiques qu'ils devront effectuer dans le cadre du redressement judiciaire,
- condamné la société Sermaco et Maître Avezou ès qualités aux dépens.
La société Henkel a fait appel du jugement.
Par arrêt du 30 octobre 2012, la Cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts et en ce qu'il a donné acte à la société Sermaco et à Maître Avezou ès qualités de ce qu'ils se réservent de solliciter la condamnation de la société Henkel du coût des licenciements économiques qu'ils devront effectuer dans le cadre du redressement judiciaire,
- statuant de nouveau sur ces points, condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco la somme de 91 400 euro à titre de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu à donner à la société Sermaco et à Maître Avezou l'acte par eux requis,
- y ajoutant, condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné la société Henkel aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La cour d'appel a retenu que la société Sermaco pouvait prétendre à un préavis de six mois, qu'elle pouvait prétendre à l'indemnisation du gain manqué du fait de la brutalité de la rupture, que la marge brute était égale à 5 % et qu'en prenant en compte une période de préavis de six mois, le chiffre d'affaires réalisé par la société Sermaco avec la société Henkel au cours des trois derniers exercices, 2006, 2007 et 2008, et une marge brute de 5 %, il convenait d'allouer à la société Sermaco la somme de 91 400 euro.
La société Sermaco a été mise en liquidation judiciaire, Maître Huille-Eraud étant désignée liquidateur.
Par arrêt rectificatif en date du 12 mars 2013, la cour d'appel a rectifié l'erreur matérielle affectant l'arrêt rendu le 30 octobre 2013 (sic) en page 7 et en son dispositif et dit que la somme de 91 400 euro devait être remplacée par celle de 30 467 euro.
La cour d'appel a relevé que la société Sermaco n'avait bénéficié que d'un préavis d'un peu moins de quatre mois alors qu'elle aurait dû prétendre à un préavis de six mois et qu'elle avait commis une erreur de calcul en divisant la somme annuelle obtenue par deux (soit six mois) au lieu de la diviser par 12 et de la multiplier par deux.
Maître Huille-Eraud ès qualités, a formé un pourvoi contre l'arrêt du 30 octobre 2012 et la société Henkel a formé un pourvoi contre l'arrêt du 12 mars 2013.
La Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a, par arrêt du 20 mai 2014, cassé l'arrêt du 30 octobre 2012 rectifié le 12 mars 2013 pour violation de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Henkel à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 30 467 euro et cassé l'arrêt du 12 mars 2013 en toutes ses dispositions, pour violation de l'article 462 du Code de procédure civile, en renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
La Cour de cassation a fait grief à la cour d'appel de s'être fondée en réalité dans l'arrêt rectifié sur le chiffre d'affaires réalisé par la société Sermaco avec l'ensemble de ses clients, en contredisant la méthode de calcul qu'elle avait elle-même énoncée, et a fait grief à la cour d'appel d'avoir, dans l'arrêt rectificatif, pris comme base de calcul le chiffre d'affaires global réalisé par la société Sermaco avec l'ensemble de ses clients et de n'avoir rectifié l'arrêt du 30 octobre 2012 qu'en ce qui concernait la durée du préavis pris en compte.
La société Henkel a saisi la cour d'appel de renvoi le 27 mai 2014.
Elle a conclu pour la dernière fois le 4 février 2015 pour demander à la cour de :
- à titre principal, prendre acte du fait que l'arrêt rendu par la 12e chambre de la Cour d'appel de Versailles en date du 30 octobre 2012 a été cassé mais seulement en ce qu'il a condamné la société Henkel à payer à Me Pascale Huille-Eraud ès-qualité la somme de 30 467 euro,
- statuant à nouveau, la condamner à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 12 794,90 euro,
- à titre subsidiaire, débouter Me Pascale Huille-Eraud ès-qualités de l'intégralité de ses demandes,
- en tout état de cause, condamner Me Pascale Huille-Eraud ès-qualités à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Me Pascale Huille-Eraud ès-qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction pour ces derniers au profit de Me Pierre Guttin, avocat constitué, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Henkel soutient en substance à titre principal que les dommages et intérêts doivent indemniser le préjudice subi du fait de la perte de marge de la société Sermaco pendant la durée de deux mois de préavis qu'elle n'a pas respecté et ce sur la base de la moyenne des trois dernières années du chiffre d'affaires réalisé par elle et en tenant compte d'un taux de marge de 5 % et qu'après calcul, seul un montant de 12 794,90 euro est dû en réparation du préjudice. A titre subsidiaire, elle rappelle que si les dispositions de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce interdisent de rompre brutalement et sans préavis écrit les relations commerciales établies, cet article ne saurait avoir pour vocation ni pour effet d'interdire à toute société de se réorganiser ni de changer de cocontractant et qu'aucune brutalité n'est en l'espèce caractérisée car elle a été respectueuse de son cocontractant.
Elle fait valoir que la date d'ouverture du redressement judiciaire de la société Sermaco, soit le 7 juin 2010, est postérieure de presque deux ans à sa décision de ne plus lui confier ses prestations et que dès lors, il n'existe pas de corrélation directe entre les deux événements et Me Pascale Huille-Eraud est mal fondée à imputer l'intégralité des difficultés de Sermaco à son ancien cocontractant, qu'elle a informé sans délai son partenaire de la mise en place et des résultats de l'appel d'offre pour sa branche "détergents & produits d'entretien", en organisant notamment des réunions dans ses locaux afin d'échanger avec la société Sermaco sur les modalités de sa réorganisation et ses conséquences, qu'elle a ainsi maintenu un courant d'affaires avec cette dernière depuis 2005 afin de lui permettre de se réorganiser, le volume de commandes décroissant néanmoins régulièrement, que la société Sermaco a écrit le 18 septembre 2008 :" Suite à votre demande du 5 septembre et à nos différents échanges, vous trouverez ci-joint notre proposition ", de sorte qu'il est démontré qu'elle avait connaissance de l'appel d'offres constituant la manifestation d'une volonté claire et non équivoque de rompre les relations contractuelles et faisant courir le délai de préavis. Elle en déduit que le préavis accordé était suffisant et ne pouvait, à titre infiniment subsidiaire, excéder 6 mois eu égard aux faits de l'espèce.
En tout état de cause, la société Henkel souligne que l'indemnisation ne saurait être supérieure aux gains qui auraient été réalisés pendant la période de préavis, que Me Pascale Huille-Eraud ès qualités sollicite l'attribution d'une somme de 1 222 227,68 euro qui correspondrait à la moyenne du chiffre d'affaires réalisé sur les quatre exercices précédant la rupture, alors qu'il convient de déterminer les résultats qui auraient été réalisés par la société "'victime'" de la rupture pendant la période de préavis qu'elle revendique. A défaut d'éléments particuliers, il peut être considéré que ces résultats auraient été similaires à ceux réalisés l'année précédant la rupture, ce que retient majoritairement la jurisprudence, or ceux-ci étaient en décroissance constante et régulière depuis plusieurs années de sorte qu'il ne peut être tenu compte d'une moyenne de chiffre d'affaires supérieure à celle réalisée sur l'exercice 2008. Par ailleurs, elle soutient que Me Pascale Huille Eraud ne communique aucun élément probant lui permettant d'apprécier la marge, c'est-à-dire le gain réalisé du fait de l'exécution des prestations au profit de Henkel, que ce gain ne peut pas être égal à 100 % du chiffre d'affaires comme le prétend le liquidateur car la prestation nécessite la location d'un entrepôt et/ou de surface de stockage, l'utilisation de matériels spécifiques, tels que palettes, transpalettes, consommables, logiciels de gestion de stocks, une main d'œuvre dédiée à la réception, au contrôle, au tri, au conditionnement, au rangement, au gardiennage et au déstockage des produits et plus généralement à la manutention des produits, la souscription et le maintien en vigueur de plusieurs contrats de surveillance, assurances, protection anti-incendie et anti-intrusion, des énergies diverses, (électricité, gaz, etc.), l'utilisation de logiciels de gestion de stocks, le recours à des transporteurs, le paiement de polices d'assurance, ce qui constitue des charges variables à prendre en compte afin de déterminer le gain manqué.
Maître Huille-Eraud, ès qualités, a conclu pour la dernière fois le 7 janvier 2015 pour demander à la cour de :
- dire que la société Henkel a rompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Sermaco.
- en conséquence, à titre principal, condamner la société Henkel à lui payer la somme de 1 222 227,68 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial né de la brusque rupture des relations commerciales établies correspondant à la marge brute de Sermaco, soit 100 % du chiffre d'affaires moyen réalisé avec Henkel sur les quatre années précédant la rupture.
- subsidiairement, condamner l'appelante à lui payer la somme de 676 500 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial né de la brusque rupture des relations commerciales établies correspondant à la perte de marge sur charges variables de personnel.
- en tout état de cause, condamner la société Henkel à lui payer la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image et de notoriété, et la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Hongre-Boyeldieu, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,
- débouter la société Henkel de l'intégralité de ses demandes.
Maître Huille-Eraud ès qualités soutient en premier lieu que la cour de renvoi ne doit pas seulement procéder à un nouveau calcul des dommages et intérêts selon les critères retenus par l'arrêt cassé mais doit examiner tous les moyens de fait et de droit propres à justifier du bien fondé de ses prétentions. Elle fait valoir ensuite que les parties étaient en relations d'affaires depuis dix-neuf ans lorsque la société Henkel a décidé de les interrompre brutalement, que la société Henkel a rompu brutalement ces relations d'affaires sans respecter de préavis et sans écrit, méconnaissant le texte de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce imposant l'existence d'une notification écrite, étant donné que le courriel du 5 septembre 2008 ne vise aucunement l'existence du lancement d'un appel d'offres par la société Henkel mais qu'il fait seulement état d'un cahier des charges sans qu'il ne soit indiqué qu'un appel d'offres est lancé et que Sermaco y participera en concurrence avec d'autres prestataires potentiels, que bien que la société Henkel ait informé Sermaco qu'elle voulait modifier les prestations, elle n'a pas manifesté sa volonté de les interrompre de sorte que cette dernière ne pouvait pas envisager que sa longue collaboration puisse être interrompue, aucun élément versé aux débats n'établissant par ailleurs qu'elle avait reçu une telle information et que le début du préavis ne pouvait commencer à courir à compter du 5 septembre 2008 en l'absence de notification d'un recours à une procédure d'appel d'offres pour choisir ses partenaires.
Maître Huille-Eraud ès qualités souligne que le chiffre d'affaires de 2005 de 1 130 983 euro a augmenté l'année suivante pour s'élever à 1 837 877 euro, et que par conséquent il n'était pas en diminution progressive contrairement à ce que prétend l'appelante, que la cessation brutale et sans préavis des relations commerciales a causé un préjudice important à Sermaco qui n'a pas pu se reconvertir ni trouver de nouveaux clients, l'obligeant à déposer une déclaration de cessation des paiements et l'amenant à faire l'objet d'un redressement judiciaire dès le 7 juin 2010 alors qu'un préavis d'un an, justifié au regard de la durée des relations contractuelles, lui aurait permis de préparer sa nécessaire reconversion.
La requérante soutient encore que Sermaco a réalisé des investissements importants pour répondre aux exigences spécifiques de son partenaire et a adapté son outil industriel aux demandes de cette dernière, qu'elle a dû assumer sans aucune contrepartie le coût des locations de machines et crédit baux lié à l'activité de la société Henkel soit un coût de 8 911 euro mensuel, ce qui a déséquilibré son compte d'exploitation, que le préjudice commercial ne saurait être inférieur à un an de marge brute moyenne sur les quatre années précédant la rupture brutale, soit la somme de 1 222 227,68 euro, la prise en compte d'une moyenne de chiffres d'affaires sur plusieurs années étant nécessaire car l'exercice 2008 n'était pas pertinent, que la société Sermaco réalisait une marge brute de 100 % car elle n'effectuait pas d'achats de marchandises et que ses prestations vendues étaient des prestations de main d'œuvre. Elle admet subsidiairement qu'il pourrait être considéré que la base d'évaluation du préjudice subi est la perte de marge sur charges variables de personnel soit une perte de marge comprise entre 53,85 % et 56,87 % sur un an et un montant de dommages et intérêts moyen de 676 500 euro.
SUR CE,
Sur l'étendue de la cassation :
Considérant que selon l'article 623 du Code de procédure civile, la cassation est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres ; qu'une telle cassation laisse subsister les dispositions non attaquées par le pourvoi et celles qui en sont exclues ;
Considérant que le tribunal, dans son jugement rectifié du 23 février 2011, a condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco et à Maître Avezou ès qualités la somme de 84 400 euro à titre de dommages-intérêts du fait de la rupture des relations commerciales ; que l'arrêt du 30 octobre 2012 a confirmé le jugement sauf sur le montant des dommages et intérêts et statuant de nouveau sur ce point (et sur un autre point aujourd'hui hors débats), condamné la société Henkel à payer à la société Sermaco la somme de 91 400 euro à titre de dommages et intérêts ; que l'arrêt rectificatif du 12 mars 2013 a dit que la somme de 91 400 euro devait être remplacée par celle de 30 467 euro ; que la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 30 octobre 2012 rectifié le 12 mars 2013 mais seulement en ce qu'il a condamné la société Henkel à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 30 467 euro et cassé l'arrêt du 12 mars 2013 en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il en résulte que la cassation partielle atteint uniquement le chef du dispositif par lequel la cour d'appel a statué à nouveau sur le chef infirmé du jugement déféré, à savoir le montant des dommages et intérêts dus par la société Henkel, le principe de l'infirmation n'étant pas inclus dans la cassation ni la confirmation du surplus, de sorte qu'il a été irrévocablement jugé qu'en rompant les relations commerciales par la notification de l'appel d'offres le 5 septembre 2008, avec effet au 1er janvier 2009, en laissant à la société Sermaco un délai d'un peu moins de quatre mois, alors que la société Sermaco aurait dû prétendre à un préavis de six mois compte tenu de la durée des relations commerciales, la société Henkel a engagé sa responsabilité et doit réparer le préjudice causé par la brutalité de la rupture et que seule reste à juger la détermination du montant de ce préjudice ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que le préjudice subi par la société Sermaco correspond au manque à gagner qu'elle a supporté en raison de l'arrêt des prestations fournies à la société Henkel pendant les deux mois supplémentaires dont elle aurait dû bénéficier pour se réorganiser ; que ce manque à gagner n'est pas égal au chiffre d'affaires qui n'a pas été réalisé mais à la marge brute perdue relativement à ce chiffre d'affaires ;
Considérant qu'il résulte des éléments fournis par la société Sermaco visés par son expert-comptable que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avec la société Henkel a varié selon les années, passant de 47,2 % de son chiffre d'affaires total en 2005/2006, à 39,8 % en 2006/2007, à 28,1 % sur neuf mois en 2007 pour atteindre 15,9 % sur douze mois en 2008; que cette part, en diminution constante depuis plusieurs années, a connu sa baisse la plus forte en 2008, année de la réorganisation par la société Henkel de sa branche "détergents", du lancement de l'appel d'offres et de la rupture avec la société Sermaco ; que ces circonstances nécessairement anticipées par la société Henkel font perdre à l'exercice 2008 le statut de référence unique qu'elle souhaite lui conférer ; qu'il convient en conséquence de ne pas s'en tenir au seul chiffre d'affaires de l'année 2008 et de prendre pour base de calcul la moyenne du chiffre d'affaires annuel réalisé entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2008, soit 1 296 142 / 2 = 648 071 euro ; qu'ainsi pendant les deux mois de préavis dont la société Sermaco a été privée, elle aurait pu compter sur un chiffre d'affaires de 108 011 euro ;
Considérant que la société Sermaco avait une activité de sous-traitance du conditionnement de produits sans achat de matières premières ou de marchandises, celles-ci étant fournies par la société Henkel, de sorte que sa prestation était essentiellement une prestation de main-d'œuvre et que le taux de marge brute dont elle bénéficiait sur le chiffre d'affaires réalisé avec la société Henkel était par hypothèse élevé, mais ne pouvait avoisiner 100 % compte tenu des charges variables qu'elle avait à supporter ; qu'il résulte en effet du rapport d'expertise de la société Exafi, ordonné par le juge-commissaire et versé aux débats dont les conclusions ne sont pas utilement combattues par les parties, que la société Sermaco avait un fonctionnement particulier caractérisé par un recours systématique à une main-d'œuvre à caractère variable en fonction du niveau d'activité, soit interne en contrats à durée déterminée, soit externe en intérim ou en sous-traitance ; que compte tenu de ces circonstances, la marge perdue à prendre en compte est plutôt la marge sur charges variables de personnel dont le taux peut varier selon les années entre 53,85 % et 56,87 %, soit une moyenne de 55,36 % ; que rapportée au chiffre d'affaires mentionné ci-dessus, la marge perdue pendant les deux mois de préavis manquants s'élève en conséquence à la somme de 59 794,89 euro ; que les autres charges invoquées par la société Henkel ne constituent pas des charges variables susceptibles d'être prises en compte pour le calcul du préjudice commercial ; qu'il convient en conséquence, après avoir infirmé le jugement sur ce point, de fixer le montant des dommages-intérêts dus par la société Henkel à Maître Huille-Eraud ès qualités en réparation du préjudice commercial à la somme de 59 794,89 euro ;
Considérant que le fait que la société Henkel n'ait plus confié de prestations à la société Sermaco à partir du 1er janvier 2009, en ne respectant pas un préavis suffisant, n'est pas à l'origine d'un préjudice d'image ou de notoriété alors qu'il n'est aucunement démontré ni même prétendu que la société Henkel l'ait dénigrée en quelque façon ;
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, Vu l'arrêt de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation en date du 20 mai 2014, Constate que la cour de renvoi n'est saisie que du chef de l'arrêt rectifié du 30 octobre 2012 atteint par la cassation, soit en ce qu'il a condamné la société Henkel à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 30 467 euros, Donne acte à Maître Huille-Eraud ès qualités de la reprise d'instance, Condamne la société Henkel France à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 59 794,89 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial, Déboute Maître Huille-Eraud ès qualités de sa demande de réparation d'un préjudice d'image ou de notoriété, Condamne la société Henkel France à payer à Maître Huille-Eraud ès qualités la somme de 12 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Henkel France aux dépens d'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.