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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 16 avril 2015, n° 12-00177

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arimar SpA (Sté)

Défendeur :

Atoll Diffusion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'yl

Conseillers :

Mme Wagenaar, M. Ramonatxo

Avocats :

Mes Leconte, Bonnet, Boyreau, Mamaliga, Catoni

T. com. Bordeaux, 6e ch., du 19 mai 2011

19 mai 2011

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 19 mai 2011 auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et de la procédure, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :

- condamné la société Arimar à payer à la société Atoll diffusion la somme de 18 530,56 euro HT au titre du solde des commissions restant dues, majorées des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2008,

- condamné la société Arimar à payer à la société Atoll diffusion la somme de 28 631 euro au titre d'indemnité compensatrice de préavis, majorées des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2009,

- condamné la société Arimar à payer à la société Atoll diffusion la somme de 243 383 euro au titre d'indemnité compensatrice du préjudice subi, majorées des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2009,

- condamné la société Arimar à payer à la société Atoll diffusion la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à charge pour la société Atoll de fournir valable caution à hauteur de la somme de 250 000 euro,

- débouté la société Atoll Diffusion du surplus de ses demandes,

- débouté la société Arimar de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- condamné la société Arimar aux entiers dépens.

Plusieurs incidents ont émaillé cette procédure et ont donné lieu à :

- une ordonnance du 16 septembre 2013 du conseiller de la mise en état qui a, d'une part, déclaré irrecevable les nouvelles conclusions de la société Arimar avec bordereau de communication de pièces comportant de nouvelles pièces n° 55 à 77, signifiées et déposées le 18 mars 2013 et le bordereau complémentaire de pièces communiquées concernant une pièce n° 78 déposé et signifié par la société Arimar le 20 mars 2013, d'autre part condamné la société Arimar à payer à la société Atoll diffusion la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- un arrêt de la deuxième chambre civile de la cour d'appel en date du 6 décembre 2013 qui a confirmé l'ordonnance suscitée sauf en ce qu'elle a déclaré irrecevable le bordereau complémentaire de pièces communiquées concernant la pièce n° 78 déposé et signifié par la société Arimar le 20 mars 2013 et, statuant de nouveau sur ce point, déclaré irrecevable la demande de la société Atoll par laquelle elle demande que cette pièce soit déclarée irrecevable,

- une ordonnance du 16 janvier 2015 du conseiller de la mise en état qui a déclaré recevables les conclusions déposées et signifiées le 11 juin 2012 et 13 mai 2013 par la société Atoll Diffusion, déclaré irrecevable les conclusions déposées et signifiées le 2 mai 2014 par la société Arimar et condamné cette dernière à payer à la société Atoll diffusion la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

C'est donc que la base de ses conclusions signifiées et déposées le 10 avril 2012 que la société Arimar demande à la cour de réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du du 19 mai 2011, de débouter la société Atoll de l'intégralité de ses prétentions et de la condamner au paiement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées et déposées le 18 septembre 2014, la société Atoll Diffusion demande à la cour de :

- dire et juger la société Arimar SpA non fondée en son appel et l'en débouter;

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du 19 mai 2011, sauf en ce qui concerne l'évaluation des condamnations prononcées à l'encontre de la société Arimar SpA, en ce qui concerne le point de départ des intérêts légaux et en ce qu'il a débouté la société Atoll Diffusion (abréviation de Atlantique Ouest Loisirs Lavieville Diffusion SARL) de sa demande au titre de la communication des documents comptables sous astreinte ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner la société Arimar SpA à payer à la société Atoll Diffusion (abréviation de Atlantique Ouest Loisirs Lavieville Diffusion SARL), société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville, régulièrement nommé en qualité de liquidateur, sauf à parfaire :

24 967,95 euro HT, au titre des commissions dues :

48 413,32 euro HT, au titre de l'indemnité de préavis ;

322 511,25 euro, au titre de l'indemnité de cessation de contrat ;

Les intérêts légaux sur les sommes sus énoncées à compter du 23 avril 2008 et faire application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- donner injonction à la société Arimar SpA de communiquer l'ensemble des documents comptables permettant à la société Atoll Diffusion (abréviation de Atlantique Ouest Loisirs Lavieville Diffusion SARL), société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville, régulièrement nommé en qualité de liquidateur, de calculer sa rémunération et les indemnités dues et ce, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- dire et juger que la cour se réservera le pouvoir de liquider l'astreinte susmentionnée en application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Subsidiairement,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

En toutes hypothèses,

- condamner la société Arimar SpA aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les frais de signification des actes, les frais de traduction, les frais et honoraires de recouvrement et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- condamner la société Arimar SpA à payer à la société Atoll Diffusion

(abreviation de atlantique ouest loisirs Lavieville diffusion sarl), société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville, régulièrement nommé en qualité de liquidateur, la somme de 7 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2015 et l'affaire a été retenue pour être plaidée à l'audience du 5 mars 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité d'agent commercial de la société Atoll Diffusion :

En l'espèce, la société Atoll Diffusion, immatriculée au registre spécial des agents commerciaux, est spécialisée dans la représentation des produits nautiques. Il n'est pas contesté que depuis 1997, la société Arimar, société de droit italien qui fabrique et commercialise des bateaux pneumatiques, a eu recours au service de la société Atoll diffusion pour distribuer ses produits sur le territoire français.

La société Arimar conteste la qualité d'agent commercial revendiquée par la société Atoll Diffusion. Aucun contrat écrit n'a été signé par les parties déterminant leurs obligations respectives.

Si dans de nombreux échanges et mail, la société Arimar mentionne effectivement la société Atoll comme étant son agent commercial, il est exact que l'application de ce statut ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est réellement exercée.

Il résulte de l'article L. 134-1 Code de commerce que l'agent commercial est un mandataire exerçant une activité civile ayant pour objet de négocier et conclure des contrats pour le compte et au nom de son mandant.

Contrairement à ce que soutient la société Arimar, le fait que la société Atoll ne négocie pas les prix de vente n'implique nullement que ne puisse être retenu à son profit le statut d'agent commercial dès lors qu'il est démontré, ainsi que l'a pertinemment retenu le premier juge, que cette société avait bien le pouvoir de négocier dans le cadre qui lui était défini, la négociation ne se limitant pas seulement à la possibilité ou non d'accorder des remises mais bien à la conclusion de contrats et de ventes.

Or outre qu'un courrier du 3 mai 1996 adressé par Atoll Diffusion à la société Arimar jette les bases de la relation professionnelle qu'ont entretenu les parties jusqu'au différend les opposant soit : la distribution des produits Arimar par Atoll diffusion moyennant un taux de commission de 13 % sur la base d'un chiffre d'affaire estimé de 1 000 000 F, il est également démontré par les pièces produites au débat (pièce 27 intimée : mail d'Arimar à un client : suite à l'accord que vous avez pris avec notre agent commercial - Pièce 37 intimée : la proposition de contrat d'agence faite par Arimar à Atoll - les témoignage de M. Régis Rivière, Michel Bérard, la société Rolland Marine) que la société Atoll Diffusion avait, de façon permanente, le pouvoir de négocier et de conclure des contrats pour le compte et au nom de son mandant qui permet effectivement de retenir à son profit la qualité d'agent commercial comme l'a fait à juste titre le premier juge.

Sur le paiement des commissions et la communication des documents comptables :

Le tribunal de commerce a retenu que la société Arimar était redevable, sur le solde des factures non commissionnées à ce jour, de la somme de 18 530,56 euro.

La société Atoll Diffusion réclame le paiement d'une somme de 24 967,95 euro HT, somme contestée par la société Arimar qui la déclare non justifiée, la société Atoll n'apportant pas la preuve que les factures ont été impayées pour un motif imputable à la société Arimar.

En application de l'article L. 134-10 Code de commerce le droit à commission ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant.

En l'espèce, il est acquis que la société Arimar a réglé à la société Atoll Diffusion, au titre des commissions restant dues, la somme de 60 595,69 euro par deux virements de 40 000 euro le 17 juillet 2009 et 20 597,69 euro le 23 octobre 2009.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu qu'il restait due au titre des commissions à la société Atoll Diffusion la somme de 18 530,56 euro réclamée par cette dernière en première instance et ce d'autant que les pièces produites par la société Arimar, portant sur la radiation de 4 sociétés, Vision Nautic, Infonautic, M.V.Bonte Nautisme et Branger Remy Marie, ne sont pas en contradiction avec les sommes réclamées par la société Atoll Diffusion comme correspondant à des ventes faites à ces sociétés.

Le tribunal puis la cour ayant tranché le différend existant entre les deux sociétés sur le solde des commissions restant dues, il n'est effectivement pas justifié de faire droit à la demande de la société Atoll Diffusion d'obtenir communication sous astreinte de l'ensemble des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé sur ce point.

Sur l'initiative de la rupture du contrat :

La société Arimar soutient n'avoir fait que prendre acte de la décision notifiée par Atoll Diffusion laquelle prétend que la société Arimar est seule responsable de la rupture du contrat d'agent commercial.

Il est constant que, par son courrier recommandé du 30 mai 2008, la société Arimar a pris l'initiative de la rupture des relations contractuelles avec la société Atoll, rupture confirmée dans un courrier du 20 juin 2008 adressé à l'ensemble des clients.

Elle en impute la seule responsabilité à la société Atoll qui aurait commis des manquements graves à ses obligations d'agent commercial en contestant et critiquant les points de vue d'Arimar, en refusant la transmission de tout rapport d'activité, en reprochant à la société Arimar des faits infondés et en refusant toute négociation sur les relations contractuelles permettant de résoudre la crise sur le marché français.

Or, c'est par des motifs pertinents et que la cour a adopté que le premier juge a notamment retenu :

- que la société Arimar n'avait adressé aucun courrier ou mise en garde préalablement à la lettre de rupture,

- qu'il n'était pas démontré que la baisse des chiffres d'affaire 2006 et 2007 pouvait être imputable à un désintérêt ou une insuffisance d'activité de la société Atoll,

- que le refus par la société Atoll des nouvelles propositions contractuelles qui lui avaient été adressées par la société Arimar ne peut justifier une rupture unilatérale de la part de cette dernière.

Par ailleurs si les mails échangés entre les parties démontrent l'existence d'âpres discussions notamment à compter de 2006 et de multiples ajustements, l'agressivité et les insultes émanant de la société Atoll ou de ses représentants et agents ne sont pas démontrées pas plus d'ailleurs que le désintérêt de la société Atoll pour la marque qu'elle représentait, les attestations établies à cet égard émanant soit du nouveau distributeur de la marque Arimar, soit donnant une appréciation générale non confortée par des éléments factuels qui ne permettent pas de retenir un manquement par la société Atoll à son devoir de loyauté.

La cour estime en conséquence que la société Arimar n'apporte pas la preuve des fautes commises par son agent commercial pouvant imputer à ce dernier la rupture des relations contractuelles.

A l'inverse, outre qu'il a été rappelé ci-dessus que la société Arimar avait pris l'initiative de la rupture par son courrier recommandé du 30 mai 2008, rupture confirmée un mois plus tard à l'ensemble des clients, il peut être également retenu au détriment de celle-ci le retard dans la transmission des documents tarifaires nécessaires à l'exécution de la mission de l'agent commercial (lettre recommandée de la société Atoll du 18 janvier 2008) ainsi que le retard dans le paiement des commissions, tous éléments qui permettent à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a retenu la rupture brutale des relations contractuelles imputables à la société Arimar.

Sur les conséquences de la rupture :

- Sur le montant de l'indemnité de préavis :

Le tribunal de commerce a retenu la somme de 28 361 euro. La société Atoll Diffusion réclame le paiement d'une somme de 48 413,32 euro.

Selon l'alinéa 2 de l'article L. 134-11 Code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis, les parties ne pouvant convenir de préavis plus court que ceux prévus au texte;

En l'espèce, le contrat d'agent commercial de la société Atoll existant depuis 1997, la société Arimar devait respecter un préavis de trois mois ce qu'elle n'a pas fait puisque la lettre de rupture du 30 mai 2008 notifie à l'agent une rupture avec effet immédiat.

C'est donc à bon escient que le tribunal de commerce a calculé le montant de cette indemnité sur la base des commissions acquises au cours de l'exercice 2007 et retenu la somme de 28 631 euro, rien ne justifiant de retenir comme base de calcul les commissions acquises sur les deux dernières années.

- Sur le montant de l'indemnité de rupture:

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant pour des raisons autres que celles précisées à l'article L. 134-13 du même Code (faute grave de l'agent, initiative de sa part ou cession de contrat), l'agent commercial, qui en fait la demande dans l'année de la cessation du contrat, a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Toute clause contraire à cette disposition est réputée non écrite en vertu de l'article L. 134-16 du même Code.

Cette indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature, ou de distinguer si celles-ci proviennent de clients préexistants au contrat ou au contraire apportés par l'agent.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le Tribunal de commerce de Bordeaux a retenu le bien fondé du versement à la société Atoll Diffusion d'une indemnité de cessation de contrat basée sur les deux dernières années de commissions des exercices 2006 et 2007, sommes auxquelles il convient effectivement de rajouter les commissions régularisées par le mandant en 2009 (60 595,69 euro) et la somme de 18 530,56 euro au titre des commissions restant dues telles qu'admise si dessus, soit un total de 322 500 euro, somme à laquelle il convient de fixer l'indemnité de rupture due à la société Atoll, cette somme portant intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 22 janvier 2009.

Conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, et dès lors que les seules conditions posées par ce texte sont que la demande ait été faite judiciairement et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière, il convient de faire droit à la demande de la société Atoll Diffusion de capitalisation des intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a dû engager. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 5 000 euro.

La société Arimar doit être condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité de cessation de contrat laquelle est fixée à la somme de 322 500 euro, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 22 janvier 2009 et à préciser que l'intégralité des sommes que la société Arimar est condamnée à payer sont dues à la société Atoll Diffusion, abréviation de Atlantique Ouest Loisirs Lavieville Diffusion SARL, société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville, régulièrement nommé en qualité de liquidateur, Y ajoutant, Ordonne, pour le paiement de cette somme de 322 500 euro la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1145 du Code civil, Déboute la société Atoll Diffusion, société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville du surplus de son appel incident, Condamne la société Arimar à payer à la société Atoll Diffusion, abréviation de Atlantique Ouest Loisirs Lavieville Diffusion SARL, société en liquidation, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur Joël Lavieville, régulièrement nommé en qualité de liquidateur la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Arimar aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.