CA Montpellier, 2e ch., 28 avril 2015, n° 13-07042
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Enduits Matériaux Distribution Montpellier (SARL)
Défendeur :
Marini
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Prouzat
Conseillers :
Mme Olive, M. Bertrand
Avocats :
Mes Lafon, Argellies, Massol
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SARL Enduits Matériaux Distribution Montpellier (la société EMD) ayant son siège à Vendargues (34) exerce une activité de négoce en enduits de façade et matériaux de construction ; elle a conclu, le 25 septembre 2007, avec Jean-Philippe Marini un contrat qualifié " contrat d'agent commercial " pour la distribution de ses produits.
Il était stipulé au contrat (article 7 - rémunération) que les commissions dues à l'agent en contrepartie des services rendus seront de 10 %, que le pourcentage ainsi défini sera calculé sur les montants hors taxes, déduction faite de toute remise immédiate ou différée, des ventes réalisées grâce à l'action de l'agent et matérialisées par les bons de commandes des clients, que le fait générateur de la commission sera constitué par l'acceptation de la commande par le mandant et qu'il ne sera dû aucune commission sur les commandes acceptées par le mandant que la force majeure aurait empêché d'exécuter, ni sur les commandes exécutées mais non payées par le client.
Une liste de clients affectés à M. Marini a été annexée au contrat, qui a ensuite été modifiée, d'un commun accord des parties, par l'édition d'une liste n° 2 en date du 29 juillet 2008.
Les relations entre la société EMD et M. Marini se sont dégradées à compter de l'été 2008 ; prétextant l'existence d'erreurs dans la facturation de l'agent commercial et donc, de commissions indûment perçues, la société EMD a mis en demeure celui-ci, par divers courriers des 10, 23, 30 octobre et 5 novembre 2008, de lui adresser des factures rectifiées et son chiffre d'affaires prévisionnel 2008/2009, ainsi que de s'expliquer sur les nombreux impayés clients (sic).
M. Marini, qui se plaignait, de son côté, de n'avoir pas reçu l'intégralité des commissions dues a fait assigner la société EMD devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier qui, par ordonnance du 12 février 2009, a condamné sous astreinte la société EMD à communiquer à M. Marini les documents nécessaires pour permettre de vérifier le montant des commissions dues, en particulier son grand livre, et M. Marini à communiquer à la société EMD le " prévisionnel " qu'il s'était engagé à fournir avant le 15 août 2008.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 3 mars 2009, la société EMD a notifié à M. Marini la rupture de son contrat pour faute grave.
Le 8 juin 2009, M. Marini a à nouveau saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier qui, par ordonnance du 23 juillet 2009, a prescrit, à sa demande, une expertise confiée à M. Trevillot afin notamment de déterminer les clients démarchés par l'agent au profit de la société EMD jusqu'au 3 mars 2009 et le montant des commissions restant dû à celui-ci et la date de leur exigibilité.
L'expert a déposé un rapport en l'état de ses opérations, le 17 janvier 2011.
C'est dans ces conditions que par acte du 18 avril 2013, M. Marini a attrait la société EMD, selon la procédure d'assignation à jour fixe, devant le Tribunal de commerce de Montpellier en paiement d'un arriéré de commissions de 28 946,86 euro et d'une indemnité de clientèle d'un montant égal à deux années de commissions brutes.
Reconventionnellement, la société EMD a conclu à la condamnation de M. Marini à lui payer la somme de 28 445,24 euro en remboursement de commissions indument perçues et celle de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts compensatoires de son préjudice inhérent aux agissements de concurrence déloyale de celui-ci ; elle s'est, par ailleurs, opposée au paiement d'une indemnité de clientèle en raison de la faute grave de l'agent à l'origine de la cessation du contrat.
Par jugement du 28 août 2013, le tribunal a notamment :
- homologué en l'état le rapport de M. Trevillot,
- condamné la société EMD à payer à M. Marini la somme de 25 000 euro TTC au titre de la commission d'agent commercial restant due,
- rejeté le surplus des demandes,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,
- condamné la société EMD à payer au demandeur la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société EMD a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour de débouter M. Marini de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 16 004,70 euro, outre celle de 50 000 euro de dommages et intérêts dus par suite de faits avérés de concurrence déloyale ; elle sollicite enfin sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile (conclusions reçues par le RPVA le 15 décembre 2014).
Au soutien de ses prétentions, elle fait essentiellement valoir que :
- le contrat du 25 septembre 2007 doit être requalifié en contrat de courtage, dès lors que le rôle de M. Marini se limitait au démarchage des clients et à l'apport d'affaires par la transmission à son mandant de bons de commande et qu'il n'avait donc, ni le pouvoir de négocier, ni le pouvoir de représenter son mandant,
- M. Marini ne rapporte pas la preuve des commissions, qui lui restent dues, alors qu'elle a fourni à l'expert toutes les pièces comptables demandées, notamment son grand livre global définitif pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 et provisoire pour la période du 30 septembre 2008 au 30 septembre 2009, certifiés par un expert-comptable, et que l'expert n'a pas organisé l'accédit prévu au siège de l'entreprise, visant à l'examen des documents tenus à sa disposition, en raison de la carence du demandeur à verser la consignation complémentaire mise à sa charge à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, raison pour laquelle celui-ci a déposé son rapport en l'état,
- les factures, que M. Marini lui a fait parvenir en cours d'exécution de son mandat, sont douteuses ou, à tout le moins, fausses, et ne permettent pas d'établir la rémunération, qui lui est due,
- il résulte de sa comptabilité qu'entre le 25 septembre 2007 et le 31 mai 2009, M. Marini a réalisé un chiffre d'affaires global de 397 104,36 euro HT duquel il y a lieu de déduire les sommes impayées par les clients totalisant 188 206,63 euro HT, ce dont il résulte, sur un chiffre d'affaire de 208 897,73 euro HT, un montant de commissions total de 20 889,77 euro HT duquel doit être encore défalqué les factures d'avoir pour un montant de 2 238,36 euro,
- le montant dû à M. Marini ne saurait donc excéder la somme de 18 651,41 euro (20 889,77 euro - 2 238,36 euro) sur laquelle lui a été déjà réglée la somme de 18 546,82 euro, en sorte qu'il ne peut prétendre au paiement d'une somme supérieure à 104,59 euro,
- la somme de 22 509,52 euro retenue par l'expert correspond à ce qui serait dû à l'agent commercial au titre des commandes exécutées, mais impayées par les clients, alors que M. Marini ne s'est jamais expliqué sur les virements douteux faits par certains clients sur son compte et que d'autres ont fait l'objet de procédures collectives ayant donné lieu à l'établissement de certificats d'irrecouvrabilité,
- aucune indemnité de clientèle n'est due à M. Marini en l'état de la requalification du contrat d'agence en contrat de courtage et, en toute hypothèse, de la faute grave de celui-ci pour, d'une part, s'être adonné à des actes de concurrence déloyale, notamment en fournissant les clients BM Décors et Oscar Façades avec des produits distribués par un concurrent, la société Agrimat, et, d'autre part, avoir encaissé directement des sommes versées par les clients (Chadli, Oscar Façades, Clarté Façades, BM Décors), ce qui a été révélé lors des opérations d'expertise,
- M. Marini a fait commander un stock important de produits d'une valeur de 5 570,96 euro et d'une couleur qu'il savait trop foncée pour un chantier de la société Clarté Façades, produits qui n'ont pas été employés et se retrouvent en stock, et a, de plus, encaissé directement, à compter du mois d'octobre 2008, des sommes versées par les clients pour un montant total de 10 433,74 euro, en sorte qu'elle est fondée à lui réclamer reconventionnellement le paiement de la somme de 16 004,70 euro.
Formant appel incident, M. Marini conclut à la condamnation de la société EMD à lui payer la somme de 28 946,86 euro TTC au titre des commissions lui restant dues et celle de 56 000 euro TTC au titre de l'indemnité de clientèle due ; elle s'oppose, par ailleurs, à la demande reconventionnelle de la société EMD et demande la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 5 000 euro HT en remboursement de ses frais irrépétibles (conclusions reçues par le RPVA le 2 mars 2015).
Il soutient en substance que :
- il détenait un réel pouvoir de négociation, dont il a fait usage à plusieurs reprises, en sorte que le contrat, que la société EMD a qualifié elle-même de contrat d'agence dans sa lettre de résiliation, est bien un contrat ayant cette nature,
- le chiffre d'affaires réalisé par son intermédiaire, correspondant aux commandes " passées ", c'est-à-dire acceptées par la société EMD, s'élève à la somme de 397 104,36 euro HT, ce dont il résulte un montant de commissions dû de 47 493,68 euro TTC et un solde de 28 946,86 euro TTC après déduction de la somme encaissée de 18 546,82 euro,
- les factures de commissions, qu'il a transmises à la société EMD, ont été enregistrées dans les comptes de celle-ci, ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise, et il n'est pas établi que les montants y figurant sont faux, en dépit de quelques erreurs matérielles de numérotation,
- la société EMD n'a pas communiqué à l'expert, dans les délais impartis par celui-ci, les documents nécessaires à l'exécution de sa mission, alors qu'en vertu de l'article R. 134-3 du Code de commerce, il appartient au mandant de communiquer à son agent commercial et, le cas échéant, à l'expert judiciaire, l'ensemble des éléments notamment comptables de nature à justifier le montant des commissions,
- l'expert a écarté les prétentions de la société EMD visant à imputer sur le montant des commissions la somme de 2 238,36 euro au titre de factures d'avoir et celle de 5 570,96 euro correspondant aux produits prétendument commandés et non livrés pour la société Clarté Façades,
- la société EMD ne saurait contester son droit à commission au motif que certaines commandes passées par son intermédiaire n'ont pas été encaissées, puisque la clause du contrat prévoyant que la commission n'est pas due sur les commandes exécutées mais non payées par le client, est contraire aux dispositions de l'article L. 134-9 du Code de commerce,
- elle n'établit pas avec certitude que les commandes non encore encaissées ne seront jamais payées au point d'entraîner l'extinction de son droit à commission au sens de l'article L. 134-10,
- la résiliation du contrat d'agence est intervenue brutalement et en représailles à la saisine du juge des référés,
- les motifs invoqués à l'appui de la résiliation ne sont pas justifiés, dès lors que, n'étant débiteur d'aucune obligation d'exclusivité ou de non-concurrence envers la société EMD, l'exercice d'une activité concurrente ne pouvait constituer une faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel,
- la société EMD n'a pas transmis, que ce soit au cours de l'expertise ou dans le cadre des débats, d'éléments suffisamment probants lui permettant de solliciter le paiement de factures d'avoir ou de marchandises prétendument commandées et non livrées.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mars 2015.
MOTIFS DE LA DECISION :
Pour la première fois en cause d'appel, la société EMD soutient que le contrat la liant à M. Marini, dont le rôle se limitait au démarchage des clients et à l'apport d'affaires par la transmission de bons de commande, ne constitue pas un contrat d'agent commercial, mais un contrat de courtage ; pour autant, le contrat en cause, qualifié de contrat d'agent commercial, confère expressément à M. Marini le mandat de vendre, à titre non exclusif, au nom et pour le compte du mandant les produits présentés au dépôt de Vendargues (article 1) et même s'il y est indiqué que le droit à commission de l'agent est subordonné à l'acceptation de la commande par le mandant (article 7), il n'apparaît pas qu'en cours d'exécution du contrat, la société EMD ait refusé des commandes passées par M. Marini, lequel avait le pouvoir de consentir à certains clients des remises (ou un " prix spécial ") ou des avoirs, ainsi qu'il ressort des énonciations du rapport d'expertise, page 12 ; l'activité de l'intéressé ne se limitait donc pas à un simple démarchage de la clientèle, mais comportait aussi la négociation et la conclusion des ventes de produits commercialisés par la société EMD ; celle-ci lui a d'ailleurs reproché, dans la lettre de résiliation du contrat d'agence, qu'elle lui a adressée le 3 mars 2009, d'avoir passé la commande d'un enduit de façade pour une société Clarté Façade, en trop grande quantité et d'une couleur trop foncée ; l'activité exercée par M. Marini pour le compte de la société EMD est bien celle d'un agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce.
S'agissant du montant des commissions dues, il résulte du rapport d'expertise de M. Trévillot, déposé en l'état, que les factures de commissions de M. Marini, comptabilisées dans le grand livre de la société EMD, s'élèvent à la somme de 27 876,68 euro TTC, sous réserve de déduction d'un avoir de 2 238,36 euro (compte 401 - Marini), et que les sommes encaissées par M. Marini, comptabilisées par la société EMD, représentent un montant de 14 800,91 euro, soit un écart de 10 837,23 euro (25 638,14 euro - 14 800,91 euro) ; l'expert indique cependant n'avoir pu répondre à une partie de ses chefs de mission, notamment en ce qui concerne le solde de commissions effectivement dû, en raison du défaut de versement par M. Marini de la consignation complémentaire mise à sa charge, le 7 avril 2010, par le juge chargé du contrôle de l'expertise, qui l'a ensuite autorisé, le 26 octobre 2010, à déposer son rapport en l'état.
Dans le cadre des opérations d'expertise, la société EMD a fourni son grand livre global définitif pour la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008 et son grand livre provisoire couvrant la période du 30 septembre 2008 au 30 septembre 2009, certifiés par le cabinet d'expertise comptable Fogues et associés ; M. Trévillot a tenu une seule réunion d'expertise, le 16 septembre 2009, à laquelle M. Marini ne s'est pas présenté, et a diffusé, le 18 septembre suivant, une note n° 1 aux parties demandant que soient disponibles au siège de l'entreprise les comptes annuels 2008, ainsi que les grand livre, balance et journaux auxiliaires correspondants, d'une part, les grand livre, balance et journaux auxiliaires édités au 31 août 2009 certifiés complets et sincères par le cabinet d'expertise comptable Sud-Exco, d'autre part ; l'interruption des investigations de l'expert qui, en l'état de la carence de M. Marini à verser la consignation complémentaire mise à sa charge, ne s'est pas rendu au siège de la société EMD afin de procéder à l'examen des divers documents comptables tenus à sa disposition, est donc imputable à ce dernier et non à la société EMD à laquelle il ne peut être reproché d'avoir méconnu les dispositions de l'article R. 134-3 du Code de commerce.
Il importe peu que certaines factures relatives aux commissions dues de janvier à mai 2008 soient imprécises ou comportent des anomalies de dates ou de numérotation ; en effet, l'expert a pu déterminer, grâce notamment au tableau récapitulatif des échanges commerciaux établi par la société EMD pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mai 2009, que le cumul des commandes livrées par le mandant concernant les clients suivis par M. Marini s'est élevé à la somme de 397 104,36 euro HT au cours de cette période et que les sommes versées par la société EMD à M. Marini représentent au total 18 546,82 euro TTC ; ces chiffres ne sont pas contestés par les parties.
Reste à apprécier le montant des commissions effectivement dues eu égard aux stipulations contractuelles et aux dispositions impératives de l'article L. 134-9, alinéa 2, du Code de commerce.
L'article 7 " Rémunération " du contrat d'agence dispose que le fait générateur de la commission, fixée à 10 %, sera constitué par l'acceptation de la commande par le mandant et qu'il ne sera dû aucune commission sur les commandes acceptées par le mandant que la force majeure aurait empêché d'exécuter, ni sur les commandes exécutées mais non payées par le client ; contrairement à ce que soutient M. Marini, la stipulation selon laquelle aucune commission n'est due sur les commandes exécutées mais non payées par les clients, ne sont pas contraires aux dispositions de l'article L. 134-9 susvisé, qui énonce seulement, dans son alinéa 2, que la commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l'opération ou devait l'avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part, ce dont il résulte que dans l'hypothèse où le tiers n'a pas payé le montant de la commande, normalement exécutée par le mandant, l'agent commercial ne peut prétendre au paiement de la commission correspondante.
Néanmoins, pour demander que soit défalquée de l'assiette de calcul des commissions, la somme de 188 206,63 euro HT correspondant aux commandes prétendument non payées par des clients, la société EMD se borne à communiquer trois certificats d'irrecouvrabilité, ne comportant aucune indication quant au montant des créances déclarées, qui ont été établis en juin 2013 par les mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de trois clients (AB Façades, Indigo, Azur), à défaut de tout autre élément permettant de vérifier que les créances déclarées et certifiées irrécouvrables correspondent bien à des commandes passées par l'intermédiaire de M. Marini durant la relation contractuelle, de septembre 2007 à mars 2009.
Il convient, par contre, de déduire l'avoir de 2 238,36 euro, comptabilisé par la société EMD, et que M. Marini n'a pas contesté, puisqu'il a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure, le 13 novembre 2008, la société EMD de lui payer la somme alors due de 10 837,23 euro au titre de l'arriéré de commissions pour la période d'avril à août 2008, tenant compte précisément de cet avoir.
Le solde dû sur les commissions s'élève dès lors à la somme de : (397 104,36 euro x 10 % x 1,196) - (18 546,82 euro + 2 238,36 euro) = 26 708,50 euro, somme au paiement de laquelle la société EMD doit être condamnée.
Il résulte, par ailleurs, de la combinaison des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent ou résulte de son initiative à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.
En l'occurrence, la société EMD a pris l'initiative de résilier, par lettre recommandée du 3 mars 2009, le contrat d'agence la liant à M. Marini, après que celui-ci ait saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier et obtenu, par ordonnance du 12 février 2009, sa condamnation sous astreinte à lui communiquer les documents nécessaires pour permettre de vérifier le montant des commissions dues, en particulier son grand livre ; il est invoqué, comme motifs de la rupture, la non-atteinte par M. Marini de l'objectif prévu contractuellement en termes de chiffre d'affaires, les agissements de concurrence déloyale, qui lui seraient imputables, la commande d'un stock important de produits d'une valeur de 5 570,96 euro pour un chantier non terminé et le refus de paiement opposé par certains clients pour des raisons, qui lui incombent.
Si l'article 6 du contrat prévoit que l'agent s'engage, durant la première année civile d'existence du mandat, à réaliser dans son secteur un chiffre d'affaires minimum de 600 K, le fait que cet objectif n'ait pas été atteint au cours de la période de septembre 2007 - septembre 2008 n'est pas en soi de nature à caractériser une faute grave, d'autant qu'aucun reproche n'a été adressé par la société EMD à son agent relativement à la non-atteinte de l'objectif ; concernant la commande d'un stock de produits d'une valeur de 5 570,96 euro, rien ne permet, non plus, d'établir l'existence d'une faute grave de M. Marini, alors que les enduits de façade commandés, le 27 juin 2008, pour un chantier situé à Canet et destinés à la société Clarté Façade n'ont pu être mis en œuvre par cette entreprise, qui indique seulement, dans un courrier du 18 novembre 2008, que la marchandise sera enlevée par une autre entreprise, et qu'elle-même ne pourra l'utilisée en raison d'une couleur trop foncée, tout en précisant que la teinte avait été choisie par le promoteur ; quant au refus de paiement opposé par certains clients pour des raisons incombant à M. Marini, ce grief ne se trouve étayé par aucun élément.
Il est ensuite reproché à M. Marini de s'être livré à des actes de concurrence déloyale (sic) en fournissant la société BM Décors, laquelle figurait dans la liste de clients annexée au contrat d'agence comme dans celle établie le 29 juillet 2008, avec des produits distribués par un concurrent, la société Agrimat, comme il ressort d'un courriel de sa part en date du 9 juillet 2008.
Il résulte à cet égard de l'article L. 134-3 du Code de commerce que l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants, mais qu'il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier ; il est de principe que même en l'absence d'exclusivité, l'agent commercial est tenu de se comporter loyalement vis-à-vis de son mandant, ce qui implique de sa part une obligation de non-concurrence ; en l'espèce, même si la représentation des produits de la société EMD avait été confiée, sans exclusivité, à M. Marini, celui-ci ne pouvait, sans manquer à son devoir de loyauté, commercialiser auprès d'un des clients de son mandant les produits d'un concurrent ; il s'avère cependant que les faits dénoncés par la société EMD, dont elle avait connaissance depuis le mois de juillet 2008, ont été tolérés par elle et n'ont été invoqués que sept mois plus tard comme motif de résiliation du contrat d'agence, dans son courrier du 3 mars 2009, ce dont il résulte que cette faute de l'agent ne peut être regardée comme ayant provoqué la cessation du contrat ; la société EMD invoque également la fourniture de produits Agrimat à la société Oscar Façade, mais la facture produite concerne une commande passée le 4 novembre 2009, postérieurement à la résiliation du contrat, alors qu'aucun obligation de non-concurrence, prévue contractuellement, ne pesait sur M. Marini.
S'agissant des sommes, qui auraient été encaissées directement par M. Marini de clients de la société EMD (Chadli, Oscar Façade, Clarté Façade, BM Décors), l'expert indique, en page 18 de son rapport déposé en l'état, que M. Marini exerçait en parallèle de son activité d'agent commercial une activité de suivi de chantiers, ce qui l'a amené à traiter avec des clients de la société EMD, en sorte qu'il n'est nullement établi que les versements faits par ces clients à M. Marini correspondaient à des sommes dues à la société EMD au titre des commandes passées pour son compte ; ce grief, qui n'est pas d'ailleurs pas visé dans la lettre de rupture, n'est donc pas fondé.
Il ressort de ce qui précède que M. Marini est fondé à prétendre à l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 ayant pour objet d'assurer à l'agent, dont le contrat est rompu, la réparation complète de son préjudice résultant de la perte, pour l'avenir, des revenus retirés de l'exploitation de la clientèle.
Pour l'évaluation du préjudice consécutif à la cessation du contrat, il convient de retenir que la relation contractuelle entre les parties a duré seulement 17 mois au cours desquels M. Marini a perçu ou aurait dû percevoir 47 493,68 euro TTC de commissions qu'il ne bénéficiait pas d'une exclusivité pour la représentation des produits de la société EMD et qu'il n'est pas justifié, ni même allégué, d'investissements particuliers effectués en vue du développement de la clientèle commune ; en l'état de ces éléments, le montant de l'indemnité de cessation de contrat due par la société EMD doit être fixée à la somme de 30 000 euro.
Rien ne justifie, pour les motifs précédemment énoncés, que soient mises à la charge de M. Marini la somme de 5 570,96 euro, montant des produits commandés le 27 juin 2008 pour le compte de la société Clarté Façade, et celle de 10 433,74 euro au titre des prétendus versements de clients, qui auraient été encaissés par lui ; la demande reconventionnelle de la société EMD en paiement de la somme de 16 004,70 euro ne peut donc qu'être rejetée.
Le manquement de M. Marini à son devoir de loyauté vis-à-vis de son mandant, lié à la vente faite en juillet 2008 à la société BM Décors de produits d'un concurrent, a nécessairement causé à la société EMD un préjudice, qui doit être indemnisé par l'allocation de la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé dans toutes ses dispositions.
Eu regard à la solution apportée au règlement du litige, la société EMD doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. Marini la somme de 3 000 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau ; Condamne la SARL Enduits Matériaux Distribution Montpellier (la société EMD) à payer à Jean-Philippe Marini la somme de 26 708,50 euro au titre du solde dû sur les commissions, ainsi que la somme de 30 000 euro à titre d'indemnité de cessation de contrat, Condamne M. Marini à payer à la société EMD la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de loyauté, Ordonne, en tant que de besoin, la compensation des créances et dettes réciproques, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société EMD aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à M. Marini la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.