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Décisions

Cass. 1re civ., 15 mai 2015, n° 14-13.151

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Bordage

Défendeur :

Laboratoire Glaxosmithkline (SAS), Caisse primaire d'assurance maladie de la Vendée, Mutuelle harmonie mutualité (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Truchot

Avocat général :

M. Cailliau

Avocats :

SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Hémery, Thomas-Raquin

Poitiers, du 11 déc. 2013

11 décembre 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bordage a reçu, aux mois de janvier, février et août 1995, trois injections du vaccin contre l'hépatite B, dénommé Engerix B, fabriqué par la société Laboratoire Glaxosmithkline (la société) ; qu'informé en 2004 qu'il était atteint d'une sclérose en plaques de forme progressive, dont il imputait la survenance au vaccin, M. Bordage a, par acte des 7 et 8 décembre 2009, assigné la société en réparation des préjudices subis sur les fondements principal de l'article 1382 du Code civil et subsidiaire des articles 1386-1 et suivants du même Code ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé : - Attendu que M. Bordage fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction qu'après avoir constaté que M. Bordage ne démontrait pas que le défaut d'information était en lien avec son dommage, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que la responsabilité de la société sur le fondement de la faute n'était pas engagée ; D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième, n'est pas fondé en sa première ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 2226 du Code civil, ensemble l'article 1382 du même Code, tel qu'interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 85-374-CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Attendu qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212-04 et du 15 avril 2008, Impact, C-268-06) que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité du fait des produits défectueux engagée par M. Bordage, l'arrêt retient que le vaccin ayant été mis en circulation au mois de décembre 1989, soit après le délai de transposition de la directive, mais avant l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, les règles du droit interne relatives à la prescription doivent être interprétées à la lumière de celle-là, la loi de 1998 étant inapplicable en l'espèce, de sorte qu'en application de l'article 10 de la directive, l'action en réparation de la victime se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle a ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité extracontractuelle dirigée contre le fabricant d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen, Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action engagée par M. Bordage contre la société Laboratoire Glaxosmithkline, déboute la CPAM de la Vendée et la société Mutuelle harmonie mutualité de leurs demandes et condamne M. Bordage à payer à la société Laboratoire Glaxosmithkline la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens, l'arrêt rendu le 11 décembre 2013, entre les parties, par la Cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Angers.