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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 mai 2015, n° 13-00700

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Alizés Diffusion (SAS), Martinez (ès qual.), Gasnier (ès qual.)

Défendeur :

Laymajoux (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Meynard, Bensoussan

T. com Paris, du 28 déc. 2012

28 décembre 2012

Vu le jugement du 28 décembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Alizés Diffusion à payer à la société Laymajoux la somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale, ainsi que celle de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté par la société Alizés Diffusion le 11 janvier 2013 et ses dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2013, par lesquelles il est demandé à la cour d'annuler le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 décembre 2012, dont l'apparente motivation contrevient aux règles de l'impartialité, subsidiairement, l'infirmer en son entier, mettre à néant l'ordonnance de référé prononcée le 1er février 2012 et, en conséquence, ordonner à la société Laymajoux de restituer les sommes qui lui ont été versées par la société Alizés Diffusion en exécution de l'ordonnance, dire et juger légitime la résiliation immédiate du contrat à laquelle a procédé le franchiseur le 11 juillet 2011, compte-tenu des fautes graves commises par le franchisé, réparer les pertes éprouvées et le gain manqué par la société Alizés Diffusion par la condamnation de la société Laymajoux à lui verser les sommes suivantes : 10 754,14 euro TTC augmentée des intérêts contractuels prévus aux articles 7-1 et 8-2 du contrat de franchise, au titre des factures de redevances impayées ; 67 245,25 euro au titre du préjudice relatif aux redevances d'exploitation et de communication non perçues ; 200 000 euro au titre de l'atteinte à la réputation et à l'image du réseau Point Soleil, débouter la société Laymajoux de toutes ses demandes ; subsidiairement, réduire le montant des dommages-intérêts à la somme d'un euro, condamner la société Laymajoux à payer à la société Alizés Diffusion la somme de 15 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions d'intervention volontaire du 12 octobre 2013 de la Selarl Bauland Gladel Martinez et de la Selafa MJA, représentée par Maître Gasnier ès qualités de Mandataire Judiciaire de la société Alizés Diffusion par lesquelles il est demandé à la cour de donner acte à la Selarl Bauland Gladel Martinez, représentée par Maître Martinez, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Alizés Diffusion de son intervention volontaire à la présente instance et de ce qu'elle reprend l'entier bénéfice de la déclaration d'appel de la société Alizés Diffusion et de ses conclusions d'appel, donner acte à la Selafa MJA, représentée par Maître Gasnier ès qualités de mandataire judiciaire de la société Alizés Diffusion, de son intervention volontaire à la présente instance et de ce qu'elle reprend l'entier bénéfice de la déclaration d'appel de la société Alizés Diffusion et de ses conclusions d'appel ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Alizés Diffusion exploite une activité de cabines de bronzage sous l'enseigne Point Soleil, dans le cadre d'un système de franchise.

La société Laymajoux a pour objet l'exploitation d'instituts de beauté et centres de bronzage depuis le mois de décembre 2005.

Dans ce cadre, la société Alizés Diffusion a, suivant acte sous seing privé en date du 20 octobre 2005, consenti à la société Laymajoux un contrat de franchise en vue d'exploiter un centre de bronzage " Point soleil " sis 45 avenue Aristide Briand - 92160 Antony.

La société Laymajoux soutient que la société Alizés Diffusion aurait organisé un réseau concurrent à compter de la fin de l'année 2009, dénommé " Tan point soleil ", par le truchement de la société Marmite. Ce réseau concurrent, fondé par le président de la société Alizés Diffusion, comprendrait 12 centres dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine, qui procéderaient à des ventes promotionnelles agressives auprès des clients de " Point Soleil " et entretiendraient la confusion entre " Tan Point Soleil " et " Point Soleil ". La clientèle des Hauts-de-Seine aurait ainsi été captée.

La société Laymajoux a assigné la société Alizés Diffusion devant le Tribunal de commerce de Paris, par acte du 6 janvier 2012. Celui-ci a fait droit à sa demande et a condamné la société Alizés Diffusion pour actes de concurrence déloyale.

Par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 8 avril 2013, la société Alizés Diffusion a été placée sous sauvegarde. Il a désigné la Selarl Bauland Gladel Martinez, représentée par Maître Martinez, en qualité d'administrateur judiciaire et la Selafa MJA, représentée par Maître Gasnier, en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte du 27 février 2013, la déclaration d'appel de la société Alizés Diffusion a été signifiée à la société Laymajoux.

La société Laymajoux n'a pas constitué avocat.

Sur la nullité du jugement entrepris

Considérant que la société Alizés Diffusion remet en cause l'impartialité du jugement entrepris, qui a procédé à un copié-collé des conclusions de son adversaire ;

Considérant que le jugement reprend en tous points les conclusions de la société Laymajoux ; qu'en statuant ainsi, par une apparence de motivation de nature à faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction, le tribunal de commerce a violé ensemble les articles 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ainsi que les articles 455 et 458 du Code de procédure civile ; qu'il y a donc lieu d'annuler le jugement entrepris ;

Et faisant usage du pouvoir d'évocation,

Sur les pratiques de concurrence déloyale

Considérant que la société Alizés Diffusion soutient qu'elle n'exploitait pas un réseau concurrent, dénommé " Tan Point Soleil " ;

Considérant, en effet, que la société Tan, gérée par Monsieur Corlay, avait signé, le 31 décembre 2006, avec la société Alizés Diffusion, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un centre de bronzage Point Soleil à Saint-Germain-en-Laye ; que cette société a ouvert 10 autres unités de novembre 2007 à mars 2009 ; que, fin 2009, Monsieur Hervé Corlay, via sa société Marmite, a pris le contrôle de la société Alizés Diffusion, tout en continuant à diriger la société franchisée, la société Tan ; qu'il ne peut donc lui être reproché d'exploiter un réseau concurrent sous la dénomination " Tan Point Soleil ", puisque les magasins en cause sont des magasins franchisés Point Soleil ; qu'aucune pratique de concurrence déloyale ne peut donc être imputée à la société Alizés Diffusion ;

qu'au surplus le territoire exclusif de la société Laymajoux, limité à la ville d'Antony, n'a fait l'objet d'aucune violation ; qu'il n'est pas démontré que la société Alizés Diffusion ait avantagé les magasins de la société Tan au détriment des autres franchisés ; qu'enfin, les fichiers clients qui avaient été transmis à la société Alizés Diffusion ont été utilisés uniquement dans le but de faire une étude sur les habitudes des clients, puis détruits immédiatement ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Laymajoux fondée sur des pratiques de concurrence déloyale ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Alizés Diffusion

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société Laymajoux s'est rendue coupable à l'égard du franchiseur de dénigrement public, ayant fait paraître, dans le magazine Entrevue du mois de juillet 2011 un article mettant gravement en cause la probité du franchiseur ; que par ailleurs, la société Laymajoux ne s'est pas acquittée régulièrement de ses redevances malgré les relances du franchiseur ; que ces fautes justifient la mise en œuvre de l'article 12-2 du contrat de franchise autorisant la résiliation du contrat, par courrier du 11 juillet 2011 ;

Considérant que la société Alizés Diffusion affirme avoir subi un préjudice du fait du non-paiement des factures de la société Laymajoux, des propos calomnieux diffusés dans la presse et de l'impression négative que ce franchisé renvoyait aux clients ; qu'elle estime avoir subi une perte financière et une atteinte à son image de marque ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner la société Laymajoux à payer à la société Alizés Diffusion les redevances dues jusqu'au terme du contrat de franchise, le 20 octobre 2014, à savoir la somme globale de 67 245 euro (1 724,23 euro X 39 mois) ;

Considérant que la diffusion de l'article dénigrant dans le magazine Entrevue a causé un préjudice financier et moral à la société Alizés Diffusion ; que celle-ci a du faire usage de son droit de réponse, pour répliquer aux graves accusations proférées par son franchisé ; qu'il y a lieu d'évaluer à 50 000 euro le préjudice ainsi subi ;

Considérant, enfin, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Alizés Diffusion les frais irrépétibles de l'instance ; que la société Laymajoux sera condamnée à lui payer la somme de 10 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, Donne acte à la Selarl Bauland Gladel Martinez, représentée par Maître Martinez, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Alizés Diffusion, et à la Selafa MJA, représentée par Maître Gasnier ès qualités de mandataire judiciaire de la société Alizés Diffusion, de leur intervention volontaire à la présente instance, Annule le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 décembre 2012, Et, évoquant l'affaire, Condamne la société Laymajoux à payer à la société Alizés Diffusion la somme de 67 245 euro, Condamne la société Laymajoux à payer à la société Alizés Diffusion la somme de 50 000 euro, Condamne la société Laymajoux aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Laymajoux à payer à la société Alizés Diffusion la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.