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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 15 mai 2015, n° 13-03779

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arbib (SARL)

Défendeur :

JMD 14 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mmes Beuve, Boissel Dombreval

Avocats :

Mes Maixent, Tartera, Balavoine, David, Corgas

T. com. Caen, du 23 oct. 2013

23 octobre 2013

La SAS Orkila Ingénierie, propriétaire de la marque Maisons Kerbea, a, par courrier du 18 mai 2011, notifié à la SARL Arbib la rupture du contrat de franchise en date du 24 janvier 2007 portant sur la commercialisation et la construction de maisons sous cette marque dans le secteur géographique du Calvados.

Elle a, le 2 novembre 2011, conclu avec la SAS JMD 14 un contrat de franchise portant sur le même secteur géographique.

La SAS JMD 14, faisant état de ce que la SARL Arbib ne respectait pas son obligation de non-concurrence, l'a, par acte du 23 mai 2012, fait assigner ainsi que la SAS Orkila Ingénierie aux fins de condamnation solidaire au paiement des sommes de 65 000 euro et 126 000 euro en réparation de ses préjudices matériel et moral.

La SAS JMD 14 s'est, en cours d'instance, désistée de ses demandes dirigées contre la SAS Orkila Ingenierie.

La SARL Arbib s'est opposée aux demandes et portée reconventionnellement demanderesse en paiement de la somme de 315 000 euro au titre du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale exercée à son encontre.

Vu le jugement rendu le 23 octobre 2013 par le Tribunal de commerce de Caen condamnant la SARL Arbib à régler la somme de 25.278,26 euro et rejetant ses demandes reconventionnelles

Vu les conclusions déposées au greffe pour :

- la SARL Arbib, appelante, le 19 février 2014

- la SAS JMD 14, intimée et appelante incidente, le 16 avril 2014

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 janvier 2015.

Un rapport oral de l'affaire a été effectué à l'audience, avant les plaidoiries.

MOTIFS

LA COUR entend, pour un plus ample exposé des faits constants, se référer à la décision dont appel qui en fait une exacte relation.

Il suffit de rappeler que la SARL Arbib s'était engagée, dans le contrat de franchise la liant à la SAS Orkila Ingenierie, à n'exercer pendant la durée de la convention et jusqu'au terme de l'année suivant sa résiliation aucune activité se rattachant à la construction de maisons assimilables aux "Maisons Kerbea".

Elle avait, par ailleurs, l'obligation contractuelle d'abandonner, dès le jour de la cessation du contrat, toutes références directes ou indirectes à la marque Maisons Kerbea.

La SARL Arbib qui conteste les dispositions ayant retenu qu'elle avait commis un acte de concurrence déloyale soutient que le procès-verbal de constat en date du 3 février 2012 est sans valeur probante compte tenu de l'absence de fiabilité des opérations.

Il n'est pas contesté que la SARL Arbib avait, à compter de 2010, développé un site Internet "kerbea14.fr" dédié à son activité de franchisé.

La SAS JMD 14 a fait établir, le 3 février 2012, un procès-verbal de constat qui fait état de ce qu'à cette date, le site était toujours actif et que la personne tapant dans la barre d'adresse "Kerbea 14" était dirigée vers un site présentant l'activité exercée sous l'enseigne "Construction HBC" par la SARL Arbib.

C'est à tort que l'appelante critique la fiabilité des opérations effectuées par l'huissier de justice instrumentaire qui a utilisé son propre ordinateur pour les exécuter, observation étant faite que la norme AFNOR NFZ67-147 du 11 septembre 2010, relative au mode opératoire des procès-verbaux de constat sur Internet, n'a pas un caractère obligatoire et ne constitue qu'un recueil de recommandations de bonnes pratiques.

Si l'huissier instrumentaire n'a pas, en l'espèce, respecté les diligences prévues par la norme susvisée, il convient de constater que la SARL Arbib ne conteste pas avoir créé l'enseigne HBC postérieurement à son éviction de la franchise "Maisons Kerbea",

Il en résulte donc que le résultat des opérations effectuées par l'huissier de justice le 3 février 2012 ne peut correspondre à des données stockées avant la rupture du contrat de franchise, soit en mai 2011.

Par ailleurs, le fait que le procès-verbal de constat établi le 9 mars 2012 à la requête de la SARL Arbib ait permis de déterminer qu'à cette date, le site était inaccessible n'est pas révélatrice du manque de fiabilité du procès-verbal de constat antérieur dès lors que le 14 février 2012, un mise en demeure visant notamment à la cessation de l'utilisation de la marque avait été adressé à la SARL Arbib qui avait donc pu déférer à cette injonction.

Il est ainsi suffisamment établi par le procès-verbal de constat du 3 février 2012 que la SARL Arbib a continué à utiliser la marque Kerbea à son profit postérieurement à la rupture du contrat et au moins jusqu'à cette date.

En utilisant sans droit un signe distinctif appartenant à son ancien franchiseur, elle a cherché à entretenir une confusion dans l'esprit de la clientèle quant à son appartenance au réseau Maisons Kerbea en vue de la détourner pour commercialiser des maisons individuelles d'une catégorie équivalente.

La SAS JMD 14 est en droit de se prévaloir de ce manquement dès lors qu'elle rapporte la preuve qu'elle a subi un dommage en lien direct avec la faute.

L'appelante soutient que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée.

Le premier juge a exactement retenu que la SAS JMD 14 avait rempli les objectifs de vente prévus dans son contrat de franchise.

En effet, l'attestation établi par M. Michel, employé en qualité de VRP par la SAS JMD 14, et le classement mensuel du réseau "Maisons Kerbea" prouvent que deux ventes mensuelles ont été réalisées entre novembre 2011 et février 2012

M. Michel atteste, en effet, avoir réalisé douze ventes dans le Calvados de novembre 2011 à fin février 2012, date de sa démission, dont cinq en novembre et deux en décembre 2011.

La SAS JMD 14 ne produit aucun élément contredisant la teneur de cette attestation.

S'agissant du contrat conclu entre la SARL Arbib et les époux Charpy le 12 décembre 2011, il résulte des pièces produites qu'il a été annulé.

C'est donc à tort que les premiers juges ont évalué le préjudice subi par la SAS JMD 14 à la perte de marge subie au titre de cette vente.

En revanche, il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés, lesquels ont entraîné un risque de confusion en vue d'un détournement de la clientèle, l'existence d'un préjudice et d'un trouble commercial.

Ce préjudice qui n'a pas été intégralement indemnisé par le franchiseur, est réparé, eu égard à la durée d'activité du site Kerbea 14 postérieurement à la cessation du contrat, et compte tenu du chiffre d'affaire résultant de cette activité outre la dépréciation de l'image du franchisé, par l'allocation d'une somme de 12 000 euro.

C'est en revanche à tort que la SAS JMD 14 réclame curieusement à la SARL Arbib le remboursement de redevances dues au franchiseur, ces dernières étant calculées sur les ventes effectivement réalisées et l'intimé ayant en outre bénéficié d'une franchise pour les trois premiers mois d'activité.

La décision déférée est par suite réformée sur le montant des condamnations prononcées.

Les dispositions ayant rejeté la demande reconventionnelle de la SARL Arbib ne sont pas contestées et celles relatives aux dépens et à l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile sont confirmées.

L'appel n'étant que partiellement fondé, les dépens d'appel sont laissés à la charge des parties les ayant exposés et il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement Réforme partiellement la décision déférée Condamne la SARL Arbib à régler à la SAS JMD 14 la somme de 12 000 euro à titre de dommages-intérêts Confirme la décision déférée en ses autres dispositions non contraires à celles du présent arrêt, Y ajoutant Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile Laisse les dépens d'appel à la charge des parties les ayant exposés.