CA Nîmes, 2e ch. com. B, 13 mai 2015, n° 14-00212
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Compagnie européenne des matières et pierres précieuses (SAS)
Défendeur :
Johali (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Filhouse
Conseillers :
Mme Hairon, M. Gagnaux
Avocats :
Mes Mattler, Lemaire, Esnault, Godard
EXPOSÉ
Vu l'appel interjeté le 13 janvier 2014 par la SAS " Compagnie européenne des matières et pierres précieuses " (également désignée sous son sigle " CEMPP ") à l'encontre du jugement prononcé le 28 novembre 2013 par le Tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2013J00018.
Vu les dernières conclusions déposées le 24 février 2015 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les conclusions déposées le 6 mai 2014 par l'EURL " Johali ", intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure à effet différé au 5 mars 2015.
Suivant acte sous seing privé du 23 août 2010 et avenant du même jour, la SAS " CEMPP " a confié à l'EURL " Johali " un mandat, soumis aux dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, en vue de la vente de ses produits, constitués alors d'articles de bijouterie, auprès des bijoutiers, horlogers-bijoutiers, détaillants du secteur de la bijouterie traditionnelle, à l'exclusion de ceux en liaison directe avec le siège, selon liste annexée, et de toute centrale d'achat, chaîne de supermarchés ou hypermarchés, autres que les quatre supermarchés à l'enseigne " Leclerc " indiqués dans l'avenant, ledit mandat s'exécutant sur le territoire des départements suivants : 29, 22, 56, 50, 14, 61, 35, 44, 85, 17, 16, 79, 49, 72, 41, 37, 36, 23, 87, 86, 53.
Ce contrat d'agent commercial était stipulé en son article 1 " conclu à compter du 23 août 2010 pour une durée de 12 mois, soit jusqu'au 22 août 2011, date à laquelle il pourra être reconduit par tacite reconduction, pour une durée indéterminée " et en son article 7 " conclu à compter du 23 août 2010 pour une durée indéterminée ", avec faculté de résiliation par l'une ou l'autre des parties, en respectant, sauf faute grave de l'autre ou cas de force majeure, un préavis réciproque de 1 mois au cours de la 1ère année, 2 mois au cours de la deuxième année et 3 mois au cours de la troisième année.
Par courrier du 13 juillet 2011, reprochant à l'EURL " Johali " de n'avoir pas respecté les obligations essentielles du contrat d'agence commerciale, la SAS " CEMPP " l'informait qu'elle ne pouvait envisager de ce fait de l'engager sous le statut de VRP à l'issue du terme fixé au 20 août 2011, mais lui proposait de revoir cette éventualité courant janvier 2012 et de maintenir leurs relations contractuelles.
Selon lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2011, l'EURL " Johali " acceptait le maintien de leurs relations sous le statut d'agent commercial en signalant à la SAS " CEMPP " qu'elle détenait deux autres cartes pour les sociétés " Perlissime " et " Gravey Wacquez ".
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 19 janvier 2012, la SAS " CEMPP " informait le gérant de l'EURL " Johali " de ce qu'elle subordonnait la poursuite de leurs relations aux conditions suivantes, en se réservant de résilier le contrat d'agence commerciale en cas de refus :
Retrait des départements 49, 17, 16, 87, 23, 79, 86, 36, 41, 37, 72 ;
Cessation de la carte " Perlissime " au 31 janvier 2012 ;
Arrêt de prospection des quatre établissements de l'enseigne " Leclerc " antérieurement confiés ;
Production d'une attestation de conformité du véhicule aux conditions définies à l'annexe 4 du " contrat de travail ".
L'EURL " Johali " ayant refusé ces modifications, la SAS " CEMPP " lui notifiait, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 mars 2012, la rupture du contrat d'agence commerciale pour " fautes lourdes et graves portant atteinte à la finalité du mandat d'intérêts communs ", et lui fixait rendez-vous pour inventaire et restitution de la collection qui lui avait été confiée.
Par exploit du 23 novembre 2012, l'EURL " Johali " a fait assigner la SAS " CEMPP " en paiement de l'indemnité de rupture devant le Tribunal de commerce de Nîmes qui, par jugement du 28 novembre 2013, pris au visa des articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, a :
Constaté la résolution du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la SAS " CEMPP " ;
Condamné la SAS " CEMPP " aux dépens et à payer à l'EURL " Johali " :
79 445,03 euro d'indemnité de rupture,
6 620,44 euro d'indemnité de préavis ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Rejeté le surplus des demandes.
La SAS " CEMPP " a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en ce qu'il statue ultra petita sur les causes de la rupture du contrat d'agent et en toutes ses autres dispositions et :
Déclarer l'EURL " Johali " forclose à réclamer toute commission ;
Débouter l'EURL " Johali " de toutes ses demandes en disant :
Que les relations entre l'EURL " Johali " et la société " Perlissime " sont déloyales et fautives ;
Que la non-prospection de 11 départements sur 21 pendant les 18 mois du mandat contrevient à l'objet du mandat et à la volonté des parties, et constitue un manquement grave et fautif aux obligations de l'agent commercial ;
Que les mauvais résultats commerciaux de l'EURL " Johali " résultent de ses activités déloyales, du délaissement de plus de la moitié de son secteur, sans en justifier, et des négligences de son gérant, l'ensemble constituant des manquements aux obligations du contrat d'agent commercial imputables à l'EURL " Johali " ;
Que le contrat est résilié le 5 mars 2012 aux torts exclusifs de l'EURL " Johali " pour fautes graves et pour ne pas avoir atteint les objectifs commerciaux ;
Que les demandes indemnitaires et de préavis de l'EURL " Johali " sont indues en raison de ses fautes ;
Subsidiairement, dire que le préjudice de l'EURL " Johali " ne saurait être supérieur à 8 830 euro (subsidiairement à 39 723 euro) l'indemnité ne pouvant pas être calculée par référence au commissionnement perçu sur 18 mois, sans qu'il ne soit tenu compte de la réelle création de clientèle et sans que ne soient retirés les frais de déplacement ;
En tout état de cause, condamner l'EURL " Johali " aux dépens et à lui payer :
1 200 euro de frais de remplacement de coffre,
40 169 euro de dommages et intérêts pour retour tardif de la collection endommagée,
3 000 euro de dommages et intérêts pour remise en place d'un agent aves la même mission,
3 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'EURL " Johali " conclut à la confirmation du jugement, sauf à y ajouter en condamnant la SAS " CEMPP "aux dépens d'appel et à lui payer 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
DISCUSSION
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;
Attendu que la SAS " CEMPP " soutient que le tribunal de commerce aurait statué ultra petita en ce que, dans la motivation de la décision, il aurait retenu que la rupture du contrat a résulté, non pas de la lettre du 5 mars 2012, mais de son courrier du 19 janvier 2012 ;
Mais attendu qu'il n'y a d'ultra petita que lorsque le juge se prononce sur des choses qui ne sont pas demandées, ou lorsqu'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé, étant rappelé que le jugement énonce la décision sous forme de dispositif ;
Or attendu qu'en l'espèce, le tribunal de commerce, saisi d'une demande de constat de résolution du contrat d'agent commercial aux torts de l'une ou l'autre des parties, a seulement indiqué dans le dispositif de son jugement qu'il la constatait aux torts exclusifs de la SAS " CEMPP ", de sorte qu'il a bien statué dans la limite de sa saisine sur ce qui lui était demandé ;
Attendu que la SAS " CEMPP " ne s'explique pas sur la forclusion qu'elle oppose à l'EURL " Johali " quant à une prétendue réclamation de commissions, alors que la cour n'est pas saisie d'une demande de paiement de commissions, mais uniquement de demandes de paiement d'indemnité compensatrice de cessation de relations et d'indemnité de préavis ;
Attendu qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée à l'EURL " Johali " est sans objet, étant précisé que dans l'hypothèse où la SAS " CEMPP " aurait entendu se prévaloir de la déchéance prévue à l'article L. 134-12 du Code de commerce, l'action en paiement de l'indemnité de cessation de relations a été engagée dans l'année de la cessation du contrat ;
Attendu que l'indemnité de fin de contrat est due par le seul fait de la cessation des relations, dès lors que cette dernière n'est pas la conséquence de l'un des cas énumérés à l'article L. 134-13 du Code de commerce ;
Attendu que la SAS " CEMPP " oppose en premier lieu à l'EURL " Johali " la non-réalisation des objectifs contractuels, laquelle est reconnue, l'agent ne fournissant pas d'explication particulière pour justifier leur non-réalisation ;
Mais attendu que, quand bien même est-elle fautive, elle ne présente pas un degré suffisant de gravité pour rendre impossible le maintien du lien contractuel et priver l'agent du bénéfice de ses indemnités de préavis et de cessation de contrat ;
Attendu que la SAS " CEMPP " reproche ensuite à l'EURL " Johali " d'avoir exploité la carte " Perlissime " en violation de la stipulation du contrat par laquelle elle s'engageait " à cesser toute activité pour cette carte fin février 2011 au plus tard ", contrevenant en outre, en commercialisant des produits concurrents aux siens, à l'obligation de loyauté prescrite par l'article L. 134-4 du Code de commerce ;
Attendu qu'elle critique sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les relations contractuelles avaient bien cessé au cours du mois de janvier 2012, ainsi qu'en atteste le courrier adressé le 12 mars 2012 par la société " Perlissime ", alors :
Que d'une part, ses activités déloyales devaient cesser au mois de février 2011 ;
Que d'autre part, l'EURL " Johali " ne pourrait se prévaloir des termes de son courrier du 19 janvier 2012, dès lors qu'il s'agissait d'une proposition transactionnelle, qu'elle a rejetée ;
Que l'attestation délivrée par la société " Perlissime " le 12 mars 2012 serait contredite par la lettre qu'elle lui a adressée le 29 février 2012 pour lui indiquer que " parmi les agents de la société, Monsieur Thierry Bourduge faisait bien partie des effectifs le 01.01.2012 ", de sorte que le courrier du 12 mars 2012 par lequel elle est revenue sur cette déclaration, qui s'expliquerait par ses relations commerciales avec l'EURL " Johali ", perdrait toute force probante ;
Mais attendu que la commercialisation de produits concurrents de ceux du mandant cesse de caractériser un manquement à l'obligation de loyauté, dès lors que le mandant les tolère, tolérance qui enlève tout caractère de gravité au manquement contractuel invoqué, qui ne saurait donc priver l'agent du bénéfice de ses indemnités de préavis et de fin de contrat ;
Or attendu qu'en l'espèce, alors qu'il est acquis aux débats que l'EURL " Johali " s'était engagée à cesser d'assurer la représentation des produits de la société " Perlissime " dès la fin du mois de février 2011, elle confirmait à la SAS " CEMPP ", par lettre du 25 juillet 2011, qu'elle continuait à exploiter deux cartes, à savoir celle de la société " Perlissime " pour les " Colliers en perles de culture et BO " (Bijouterie " Orfèvrerie ") et celle de la société " Gravey Wacquez " pour les " Piles et outillages pour HBJO " (Horlogerie, Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie) ;
Attendu qu'il s'en déduit, qu'en acceptant néanmoins de laisser reconduire le contrat d'agent commercial au-delà de son terme du 20 août 2011, tout en sachant que l'EURL " Johali " n'avait pas respecté son engagement d'arrêter l'exploitation de la carte " Perlissime ", la SAS " CEMPP " a toléré à tout le moins la poursuite de l'exécution du mandat, malgré l'exploitation de ces deux cartes, dont l'une concernait les produits concurrents visés dans leur convention ;
Et attendu que ce n'est que par son courrier du 19 janvier 2012, que la SAS " CEMPP " a demandé à son agent de mettre un terme à l'exploitation de la carte " Perlissime " et ce à compter du 31 janvier 2012 ;
Or attendu que si la société " Perlissime " a effectivement confirmé à la SAS " CEMPP ", par une première lettre du 29 février 2012, que le gérant de l'EURL " Johali " faisait bien partie de ses agents au 1er janvier 2012, elle précisait par sa deuxième lettre du 12 mars 2012, avoir pris en compte l'arrêt de sa collaboration en janvier 2012 ;
Attendu qu'ainsi, la SAS " CEMPP " ne faisant pas la preuve de la poursuite de l'exploitation de la carte litigieuse au-delà du 31 janvier 2012, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen ;
Attendu que la SAS " CEMPP " reproche encore à son agent d'avoir délaissé plus de la moitié de son secteur et invoque à cette fin ses pièces n° 8 et n° 10 ;
Attendu que la pièce n° 8 est sa lettre du 19 janvier 2012 par laquelle, rappelant à son agent qu'elle souhaite l'embaucher en qualité de VRP, elle subordonnait la poursuite du contrat d'agence commerciale à un certain nombre de conditions, au nombre desquelles le retrait de la prospection de 11 départements du centre-ouest de la France ;
Attendu que la pièce n° 10 est une lettre adressée le 16 février 2012 à l'EURL " Johali " à la suite de son refus des nouvelles conditions posées par la SAS " CEMPP " pour la poursuite du contrat d'agent commercial, le document invoqué relatant l'actuel grief comme suit :
" En vous proposant de supprimer les départements que vous ne visitez pas ou très peu et pour lesquels le chiffre d'affaires est presque à néant, nous avons souhaité vous laisser une chance supplémentaire de développer votre activité tout en maintenant nos relations d'agence.
Il ne semble pas que vous ayez considéré cela comme une opportunité ; vous avez au contraire considéré qu'en retirant ces départements, l'économie du contrat était bouleversée et en avez immédiatement conclu qu'il s'agissait d'une résiliation au tort du mandant. "
Ne sommes-nous pas en droit de nous interroger sur votre réelle volonté à travailler ensemble ?
" Dans l'hypothèse où vous souhaiteriez conserver ces départements (49.17.16.87.23.79.86.36.41.37.72), nous nous réservons le droit d'assurer les visites commerciales sans que celles-ci ne donnent lieu à commissionnement au bénéfice de l'EURL Johali " ;
Attendu qu'il résulte de ces courriers que la SAS " CEMPP " se plaint d'une insuffisance de résultats et de visites sur les départements que la mandante veut retirer du champ contractuel, sans que pour autant il puisse en être déduit la démonstration, qui incombe à la demanderesse, du grief de délaissement, voire de désintérêt du secteur objet de la demande de retrait ;
Attendu que par ailleurs les éléments de chiffre d'affaires produits par la SAS " CEMPP ", qui sont présentés à la cour sans analyse, ni synthèse, ne permettent pas davantage de déduire la réalité du grief, d'autant qu'ils ne portent que sur la vente de perles ;
Attendu qu'il n'est notamment pas justifié de demandes de compte-rendu d'activité en cours de mandat sur les secteurs prétendument négligés ;
Attendu que la SAS " CEMPP " prétend compléter cette preuve par l'état dans lequel elle a récupéré la collection laissée à la disposition de son agent, état dont elle déduit que l'agent ne s'est pas investi dans sa mission, ce qui expliquerait son faible chiffre d'affaires, ce " défaut de présentation à la clientèle " confirmant selon elle " la légèreté de l'agent et le délaissement de son activité, en fraude à ses obligations contractuelles ;
Attendu qu'à l'appui de son moyen elle produit, d'une part, une lettre de son conseil adressée le 11 juin 2012 à celui de l'EURL " Johali ", pour se plaindre de cet état, en énumérant les conséquences de fait et de droit qu'il en déduisait, et pour inviter le gérant de l'EURL " Johali " à se déplacer pour en faire un constat contradictoire (pièce n° 19), d'autre part, un procès-verbal de constat dressé le 21 juin 2012 par Maître Pierre Troupel, huissier de justice à Villeneuve-lès-Avignon " 30 " (pièce n° 47);
Mais attendu que l'EURL " Johali " avait demandé dès le 4 avril 2012 à remettre la collection sous inventaire contradictoire, et précisait par courriel du 10 mai 2012 qu'il fallait prévoir la journée pour procéder utilement à cet inventaire, et proposait de se déplacer à cette fin le 15 mai dans les bureaux parisiens de la SAS " CEMPP " pour le cas où elle ne voulait pas que cette restitution s'effectue à son domicile ;
Et attendu que cette restitution ayant bien eu lieu le 15 mai 2012 à Chaumontel (95), ce n'est que le 11 juin 2012, soit un mois plus tard, que la SAS " CEMPP " signalait les prétendus désordres affectant cette collection, date à laquelle un constat contradictoire n'offrait plus aucune garantie en raison de sa tardiveté et des manipulations possibles de la collection depuis sa restitution ;
Attendu qu'ainsi, c'est à tort que la SAS " CEMPP " a rompu unilatéralement le contrat au 5 mars 2014 pour faute grave ;
Attendu qu'il s'ensuit, que même si la rupture pouvait se justifier en raison du non-respect des objectifs librement négociés entre les parties, de sorte que le jugement sera réformé en ce qu'il l'a déclarée aux torts exclusifs du mandant, cet unique manquement démontré, qui n'ait pas été toléré, n'était pas de nature à la dispenser de respecter le préavis conventionnel, qui était conforme au délai légal, et de verser à l'agent l'indemnité de fin de relations ;
Attendu que la SAS " CEMPP " soutient que l'indemnité de fin de contrat devrait être limitée au montant de l'accroissement du chiffre d'affaires réalisé par l'agent, sous déduction de la part des charges externes constituées essentiellement des frais de déplacements, qui représentent 50 % du montant des commissions selon les indications du bilan de l'intéressé, soit une indemnité de 8 530 euro pour 18 mois d'activité, ou 39 723 euro, si l'on retient une indemnité égale à deux années de commissions sur la base d'une extrapolation du commissionnement perçu durant ces 18 mois d'activité ;
Mais attendu que l'indemnité ayant pour objet de réparer le préjudice subi, qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer la partie de cette rémunération destinée à permettre de faire face aux charges externes de l'agent, la SAS " CEMPP " n'est pas fondée à voir appliquer un abattement correspondant à la part de ces charges externes, ni à voir limiter l'indemnité au montant du profit que le mandant a pu retirer du développement de sa clientèle ;
Attendu que pas davantage la SAS " CEMPP " ne peut se prévaloir de ce que l'EURL " Johali " a été mise en sommeil le 30 avril 2012 avant de décider sa dissolution, alors qu'en rompant le contrat d'agence commerciale après avoir exigé que son agent abandonne la carte " Perlissime ", elle a participé à la précipitation de la cessation d'activité, qui n'est pas un facteur d'atténuation de préjudice ;
Et attendu que même si l'EURL " Johali " n'a pas atteint les objectifs, qu'elle s'était engagée à réaliser elle n'en a pas moins participé activement au développement de la clientèle par référence aux résultats obtenus par son prédécesseur ;
Attendu qu'enfin si le mandat n'a pas excédé 18 mois d'activité la SAS " CEMPP " en rompant brutalement la relation contractuelle, a augmenté les difficultés de son agent, de sorte que l'indemnité arbitrée par les premiers juges correspond bien à la compensation à laquelle peut prétendre l'EURL " Johali " ;
Attendu que par ailleurs, l'indemnité de préavis n'est pas remise en cause dans son montant, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait doit à la demande principale ;
Attendu que la SAS " CEMPP " présente une première demande reconventionnelle tendant à obtenir, d'une part, le rachat d'un coffre à la suite de la résistance opposée par l'EURL " Johali " à la restitution de celui qui avait été mis à sa disposition ;
Mais attendu qu'il ressort des courriels échangés que l'EURL " Johali " ne s'est jamais opposée à la restitution du coffre mis à sa disposition, à charge pour la SAS " CEMPP " de venir le récupérer en procédant à la remise en état du carrelage après descellement de ce coffre, de sorte que si la SAS " CEMPP " a préféré la solution plus économique du rachat d'un nouveau coffre, elle ne saurait en faire supporter la charge à son agent ;
Attendu que la SAS " CEMPP " présente une deuxième demande reconventionnelle, afin d'être indemnisée du retard apporté à la commercialisation de la collection confiée à l'EURL " Johali " et restituée en mauvais état, dès lors qu'en raison de ce retard, elle aurait subi une perte de 40 % de son chiffre d'affaires ;
Mais attendu que la SAS " CEMPP " qui n'a émis aucune réserve au jour de la restitution des bijoux confiés à son agent, a attendu un mois avant de se plaindre de l'état de ceux-ci, alors que l'EURL " Johali " lui avait réclamé de procéder à leur inventaire au jour de la restitution ;
Et attendu qu'il n'est justifié, ni de la dépréciation réelle des bijoux confiés, ni de la perte alléguée de chiffre d'affaires, de sorte que c'est encore à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce chef de demande ;
Attendu qu'enfin la SAS " CEMPP " réclame une indemnité de 3 000 euro pour compenser le préjudice qu'elle subirait en raison de la nécessité de " remettre en place un agent avec la même mission " ;
Mais attendu qu'elle s'abstient, d'une part, d'indiquer en quoi le recours à un autre agent lui serait préjudiciable, dès lors qu'elle a considéré que le maintien du mandat confié à l'EURL " Johali " ne lui était pas assez profitable, d'autre part, de justifier de la réalité du préjudice allégué, de sorte que ce chef de demande sera également rejeté ;
Attendu que la SAS " CEMPP ", qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à l'EURL " Johali " une somme complémentaire équitablement arbitrée à 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Reçoit l'appel en la forme, Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré le contrat résolu aux torts exclusifs de la SAS " Compagnie Européenne des Matières et Pierres Précieuses ", Et statuant à nouveau de ce chef, Dit que le motif de la rupture ne constitue pas une faute grave privative de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de cessation de contrat d'agent commercial, Et y ajoutant, Dit que la SAS " Compagnie Européenne des Matières et Pierres Précieuses " supportera les dépens d'appel et payera à l'EURL " Johali " une somme complémentaire de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que maître Marie Godart, avocate postulant, pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.