CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 juin 2015, n° 14-01423
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Retif (SARL)
Défendeur :
BMW France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Lucat, M. Birolleau
Avocats :
Mes Teytaud, Yver, Bourgeon, Guerre, Laigo
Faits et procédure
Depuis 2005, la société Retif a sollicité à plusieurs reprises l'envoi d'un dossier de candidature auprès de la société BMW France lui permettant de déposer sa candidature à son agrément en qualité de réparateur agréé du réseau BMW.
Le 5 mars 2009 elle a saisi le Président du Tribunal de commerce de Versailles d'une requête afin qu'il soit délivré une injonction à la société BMW de lui fournir les documents lui permettant de présenter sa candidature en vue de son agrément au réseau BMW des réparateurs agréés ; l'affaire a été renvoyée au fond et, par jugement en date du 29 janvier 2010, le Tribunal de commerce de Versailles a constaté que la société Retif avait eu " tant antérieurement que postérieurement à la demande d'obtention du dossier de réparateur agréé un comportement anormal et exclusif de bonne foi " mais a fait néanmoins injonction à la société BMW de lui fournir sous astreinte les documents qu'elle sollicitait ; par arrêt du 27 janvier 2011 la Cour d'appel de Versailles a confirmé ce jugement ;
Par arrêt du 4 décembre 2012 la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Retif.
Par acte du 29 novembre 2010, la société Retif a assigné la société BMW devant le Tribunal de commerce de Paris afin de lui enjoindre sous astreinte à l'agréer en tant que réparateur BMW et de la condamner à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 10 janvier 2014, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Retif de toutes ses demandes ;
- condamné la société Retif à payer à la société BMW la somme de 30 000 euro pour procédure abusive ;
- condamné la société Retif à payer à la société BMW la somme de 32 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté la société BMW de ses demandes autres, plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté par la société Retif le 21 janvier 2014 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Retif le 18 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- enjoindre à la société BMW d'agréer la société Retif en tant que réparateur agréé BMW et Mini et de conclure avec la société Retif un contrat de service BMW et un contrat de service Mini, et ce sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- condamner la société BMW France à payer à la société Retif une somme de 987 241 euro en indemnisation des pertes d'exploitation subies par cette dernière au titre des exercices 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014, en raison du refus injustifié de la société BMW d'agréer la société Retif en qualité de réparateur agréé BMW et Mini ;
- débouter la société BMW France de ses demandes reconventionnelles ;
- condamner la société BMW France à payer à la société Retif une somme de 30 000 euro à la société Retif en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à faire injonction à la société BMW de l'agréer en qualité de réparateur au sein du réseau BMW et Mini, alors qu'elle affirme répondre aux exigences et aux standards requis.
Elle considère que la société BMW ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée des décisions précédemment rendues sur la demande de dossier de candidature, faute d'identité de cause avec la demande d'agrément.
Elle conteste l'appréciation de son comportement faite par la société BMW et les premiers juges pouvant justifier le refus de la demande d'agrément, la société BMW lui ayant seulement opposé l'utilisation de sa dénomination commerciale " Le spécialiste ".
Elle affirme que la société BMW lui a interdit l'accès au marché et au réseau afin de favoriser son représentant local et ceci en méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-1 du Code du commerce.
Elle demande également l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis du fait du comportement adopté par la société BMW à l'occasion de cette demande d'agrément.
L'appelante sollicite également l'infirmation du jugement en ce qu'il a accueilli les demandes reconventionnelles de la société BMW et l'a condamnée à indemniser la société BMW pour procédure abusive.
Enfin, l'appelante sollicite l'agrément forcé sous astreinte par la société BMW.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société BMW le 26 mars 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société BMW en ses conclusions ;
- l'y dire bien fondée ;
En conséquence ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 janvier 2014 par le Tribunal de commerce de Paris ;
- débouter la société Retif de toutes ses demandes ;
- condamner la société Retif à payer à la société BMW la somme de 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
L'intimée s'estime fondée à refuser d'agréer la société Retif en raison du comportement anormal et entaché de mauvaise foi de cette dernière, entériné par un arrêt ayant autorité de chose jugée. Elle relève également que les deux procédures ont le même objet, à savoir obtenir son agrément en qualité de réparateur dans le réseau BMW.
A titre subsidiaire, elle conteste avoir acquiescé au jugement du tribunal de Versailles, l'empêchant donc de se prévaloir du comportement de mauvaise foi de la société Retif.
Elle considère que la dénomination " spécialiste " était une violation du contrat de réparateur agréé BMW, en ce que cette appellation laisse penser à la clientèle qu'il est habilité à vendre des véhicules neufs et qu'il est membre du réseau de distributeurs.
L'intimée reproche à la société Retif d'avoir multiplié les procédures judiciaires et tenté de désorganiser le réseau et d'avoir initié une campagne de dénigrement par voie de presse, jetant le discrédit sur le constructeur par des affirmations qu'elle estime mensongères.
Enfin, elle fait valoir que la société Retif a procédé à des pratiques commerciales déloyales, dont une tentative d'usurpation du statut de réparateur agréé, et une campagne publicitaire en méconnaissance de la protection du droit des marques.
L'intimée oppose à la société Retif que sa demande d'agrément forcé au titre d'une obligation de faire ne peut se résoudre qu'en dommages et intérêts et qu'en aucun cas un partenaire commercial peut être contraint de contracter ; le fait également valoir que la société Retif n'a pas subi de préjudice.
Elle affirme également que dans l'hypothèse où un préjudice pouvait être constaté, la méthode de calcul invoquée par la société Retif ne pourrait être appliquée, et que seul le préjudice réel et certain pourrait donner lieu à réparation. Enfin, elle affirme que le préjudice lié à la non-obtention d'un contrat ne saurait être évalué à la perte de bénéfices que le contrat aurait potentiellement pu procurer.
Enfin, elle se prévaut de la précédente condamnation pour voir la société Retif à nouveau sanctionnée pour avoir initié des procédures abusives.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'autorité de la chose jugée
Considérant que l'intimée s'estime fondée à refuser d'agréer la société Retif en raison du comportement anormal et entaché de mauvaise foi de cette dernière, entériné par un arrêt ayant autorité de chose jugée, relevant que les deux procédures ont le même objet, soit celui visant à obtenir l'agrément de la société Retif en qualité de réparateur par la société BMW ;
Considérant que la société Retif fait valoir que le jugement du Tribunal de commerce de Versailles en date du 29 janvier 2010 confirmé par la Cour d'appel de Versailles a eu un objet différent ;
Considérant que le jugement rendu le 29 janvier 2010 confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 27 janvier 2011 a autorité de la chose jugée ; que le litige portait sur le refus opposé par la société BMW à communiquer un dossier de candidature à la société Retif ; que, s'il a été jugé à l'occasion de cette instance que le comportement de la société Retif avait été anormal et avait pu justifier le refus de la société BMW, il n'en demeure pas moins que la société BMW a été condamnée à transmettre sous astreinte un dossier de candidature ce qu'elle a fait ; que, si la décision rendue a autorité de la chose jugée, elle ne concerne que le refus de transmission du dossier de candidature et ne saurait être étendue à l'examen de la demande d'agrément elle-même ; que dès lors l'objet des demandes n'est pas identique ; qu'en effet, si la demande de dossier telle que présentée par la société Retif visait bien son intégration, la décision de la société BMW devait reposer sur des motifs objectifs et sur l'examen du dossier présenté par le candidat, préalable indispensable à toute candidature, de sorte qu'un refus de communication dudit dossier, fût-il alors justifié par le comportement du demandeur, ne peut être considéré comme un refus d'agrément qui ne pouvait être que postérieur au dépôt de ce dossier ; qu'il en résulte que la décision ayant autorité de la chose jugée n'a pas statué sur la demande d'agrément dont a été saisi le Tribunal de commerce de Paris ;
Sur la demande d'agrément de la société Retif
Considérant que la société BMW fait valoir que c'est la société Retif qui, après avoir déposé deux demandes d'agrément, y a renoncé et qu'elle lui a finalement adressé tous les documents utiles à sa demande le 18 novembre 2008 ;
Considérant toutefois que la société BMW a été condamnée par le jugement 29 janvier 2010 à communiquer le dossier de candidature à la société Retif sous astreinte ; qu'elle ne peut dès lors prétendre avoir adressé celui-ci avant cette date ;
Considérant que la société BMW a exécuté cette décision confirmée en appel et qu'elle a fait alors procéder à un audit tout en rappelant à la société Retif les réserves formulées dans un courrier du 29 juillet 2010 qui lui avait indiqué " Nous sommes dans l'impossibilité de poursuivre votre processus de nomination en raison de l'utilisation par votre société de la dénomination " Le Spécialiste " qui est incompatible avec une activité de réparateur agréé BMW et Mini " ; qu'en conséquence l'exécution de la décision ne saurait être considérée comme un acquiescement et une renonciation à se prévaloir d'un comportement de la société Retif justifiant qu'elle soit écartée du réseau BMW ;
Considérant que sur l'utilisation du terme Spécialiste la société Retif avait dès 2007 répondu à la société BMW en ces termes " Votre démarche est d'autant plus surprenante que la société Retif qui ne s'intéresse qu'aux véhicules BMW France et à présent Mini, communique sous la dénomination " Le Spécialiste " depuis des années. Elle continuera à le faire sans avoir de compte à rendre à personne y compris au constructeur que vous représentez " ;
Considérant que la société BMW a écrit le 29 juillet 2010 à la société Retif " pour faire suite à l'audit réalisé dans vos locaux le 9 juillet dernier, nous avons le plaisir de vous confirmer que vous répondez aux standards BMW et Mini " tout en rappelant sa position antérieure et son refus reposant sur l'utilisation par la société Retif de la dénomination " Le Spécialiste " ;
Considérant que la société BMW soutient que l'utilisation de cette dénomination par la société Retif était susceptible de créer des désordres dans le réseau et qu'elle était de surcroît incompatible avec les termes du contrat de réparateur agréé ;
Considérant que l'article 8-2 du contrat proposé stipulait que " Le Réparateur Agréé se dénommera dans sa publicité relative aux marques BMW et Mini, dans l'ensemble de ses relations avec ses clients et les prospects de BMW de même qu'à l'égard du public, exclusivement BMW Service - Réparateur agréé " ;
Considérant que la société BMW affirme qu'elle s'est opposée à l'emploi par d'autres candidats du terme spécialiste ainsi la société BY MY Car qui y a renoncé car ce terme, selon elle, peut laisser penser à la clientèle que son utilisateur aurait été habilité à vendre des véhicules neufs ;
Considérant qu'elle fait valoir que le cachet commercial de la société Retif mentionne " Le Spécialiste -SARL Retif- Entretien et vente de véhicules BMW " et qu'à défaut de précision sur le fait que la vente ne concerne que des véhicules BMW d'occasion, cette mention introduit une confusion dans l'esprit de la clientèle ; que, pour autant ce cachet reflète l'activité de la société Retif d'une part en matière de réparation et d'entretien de véhicules, d'autre part en matière de vente de véhicules, le seul terme de vente ne pouvant prêter à confusion quant à la qualité de la société Retif et laissait supposer l'existence de la qualité de revendeur agréé du réseau pour les véhicules neufs ;
Considérant que le terme Spécialiste est un terme utilisé de manière courante par des prestataires de service dans le domaine qui est le leur ; qu'il n'est pas démontré que cette dénomination qui avait été utilisée par la société Retif depuis sa création en 2003 et alors que son activité a toujours été la même aurait été de nature à créer une confusion au sein du réseau de distributeurs de véhicules neufs BMW et Mini disposant de la qualité de distributeurs agréés ; que, par ailleurs la société ECM, réparateur agréé se présente comme " spécialiste du véhicule d'occasion premium " ce qui démontre que la société BMW a accepté l'utilisation du terme " spécialiste " et qu'elle ne saurait prétendre que le fait que la société Retif s'intitule " Le spécialiste " aurait créé une confusion avec l'activité vente de véhicules neufs réalisée par les distributeurs agréés ;
Considérant que la société BMW fait valoir le caractère incohérent de la société Retif qui, alors qu'elle entend intégrer le réseau, a engagé une procédure contentieuse sans même attendre la décision de la Cour d'appel de Versailles dans l'instance encore en cours ;
Considérant que la société BMW ne saurait contester avoir été saisie de plusieurs demandes d'intégration de la société Retif et avoir maintenu son opposition clairement exprimée depuis 2007 en ce que celle-ci ne pouvait pas prospérer en raison même de l'utilisation par la société Retif de la dénomination " Le spécialiste " ; que n'ayant aucune intention d'abandonner celle-ci et la société BMW ayant réitéré sa position alors que l'audit réalisé n'avait relevé aucun élément objectif justifiant un tel refus, la société Retif était fondée à faire valoir ses droits et à engager une nouvelle instance quand bien même la précédente était encore pendante dès lors qu'il s'agissait d'une demande ayant un objet différent ;
Considérant que pour justifier de son refus la société BMW allègue d'un certain nombre de griefs à l'encontre de la société Retif ;
Considérant qu'elle évoque une interview donnée au journal Ouest France par M. Retif, article relayé sur Internet, dans lequel il expose que " la marque lui fait des misères " ; que cette affirmation ne saurait constituer un dénigrement de la société BMW puisqu'elle a trait au seul ressenti de M. Retif, exclu du réseau en raison d'une dénomination qu'il utilisait depuis des années ; que si l'article indique que celui-ci a obtenu gain de cause devant la juridiction commerciale, cette indication reflète la décision rendue en ce qu'elle a condamné la société BMW à remettre un dossier de candidature à la société Retif et ne saurait être qualifié de propos dénigrant ;
Considérant qu'il ne peut être reproché à M. Retif d'avoir contesté le refus qui lui était opposé fût-ce sur un ton polémique puisqu'au terme de l'audit réalisé par la société BMW il remplissait les critères exigés et que le seul grief qui lui était fait était celui de l'utilisation de la dénomination " le spécialiste " alors même qu'il l'utilisait depuis le début de son activité en 2003 ;
Considérant que, si la société BMW prétend que M. Retif a ainsi initié une campagne de dénigrement à l'encontre de la société Guitteny devenue la société Automatism Automobiles, concessionnaire agréé à Angers, la société Retif indique que cet article a fait suite à l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers du 28 juin 2011 qui a condamné la société Dynamism Automobiles à lui payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts, retenant un comportement déloyal de celle-ci destiné à capter la clientèle de la société Retif et qui a ordonné la publication de la décision rendue ; que le dirigeant de la société Dynamism Automobiles étant juge consulaire, la presse locale s'est fait l'écho de cette décision sans qu'il en résulte la démonstration d'un dénigrement dont se serait rendue coupable la société Retif tant à l'égard de la société BMW que de la société Dynamism Automobiles ;
Considérant que la société BMW affirme que la société Retif s'est prévalue à tort du statut de réparateur agréé et qu'elle a ainsi trompé un de ses employés afin d'obtenir un bon de commande réservé aux réparateurs agréés ; que M. Retif fait valoir qu'il a utilisé un imprimé qui lui avait été remis lors de l'audit ; qu'il fait état de la mauvaise foi de la société BMW en ce qu'elle a mis des obstacles à le livrer ; qu'il produit un constat d'huissier du 4 novembre 2010, par lequel il a fait constater qu'il lui était impossible d'effectuer des commandes d'équipements d'atelier en ligne ; que la société BMW ne démontre pas une faute commise par la société BMW [sic] en vue de la tromper ;
Considérant que la société BMW fait valoir qu'au cours du deuxième trimestre 2011, la société Retif a présenté à la vente un nouveau modèle de marque série 1 commercialisé dans le réseau depuis 15 jours, et verse à la procédure un constat d'huissier réalisé le 29 octobre 2011 à la demande de son concessionnaire d'Angers qui constate que sont mis en vente des véhicules présentant un faible kilométrage dont un véhicule nouveau modèle avec un kilométrage de 1 813 kms ; qu'il n'empêche que le constat n'a relevé que la présence de véhicules présentant un certain kilométrage supérieur à 1 500 kms de sorte qu'il s'agissait bien de véhicules d'occasion ;
Considérant que la société BMW reproche à la société Retif d'avoir procédé à une campagne publicitaire au cours de l'été 2012 sur la ville d'Angers en utilisant la photographie d'un véhicule BMW série 3 et en annonçant " la vente de BMW et mini neufs " ;
Considérant que la société Retif fait valoir qu'elle commercialise régulièrement des véhicules BMW et mini neufs en tant que mandataire automobile, outre ces mêmes véhicules d'occasion ; que dès lors la société BMW ne peut lui reprocher d'utiliser la photographie d'un véhicule BMW et mini ; que la Cour de justice des Communautés européennes a retenu la nécessité pour un revendeur spécialiste de ces véhicules de communiquer cette information aux clients en faisant usage de la marque à titre informatif ; que la société BMW ne démontre pas que cette campagne aurait eu pour objectif de laisser croire abusivement que la société Retif était un distributeur agréé membre du réseau de vente des véhicules neufs BMW et mini ;
Considérant en conséquence que le refus de la société BMW d'agréer la société Retif comme réparateur agrée ne repose sur aucun motif sérieux ;
Considérant que la société BMW fait valoir qu'elle ne saurait pour autant être contrainte à un agrément forcé ; que s'agissant d'une obligation de faire, elle ne peut se résoudre qu'en dommages et intérêts ;
Considérant que la cour constate que la société BMW n'a pas fondé par des motifs objectifs son refus d'agréer la société Retif comme réparateur agréé et donc que celui-ci est fondé à revendiquer cette qualité ; que sauf à faire perdurer cette situation, il y a lieu d'ordonner à la société BMW d'agréer ce réparateur ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande de la société Retif et d'enjoindre sous astreinte à la société BMW de l'agréer comme réparateur sous astreinte de 5 000 euro par jour ;
Sur le préjudice de la société Retif
Considérant que la société Retif fait valoir qu'elle a été privée depuis 2010 des gains que lui aurait procuré cet agrément ;
Considérant que la société BMW soutient que la société Retif n'a subi aucun préjudice et qu'en toute hypothèse elle ne saurait réclamer le paiement d'une marge brute sur trois années d'activité, son préjudice ne pouvant s'analyser que dans la perte de chance d'obtenir un contrat dont le bénéfice restait aléatoire ;
Considérant que la société Retif produit une analyse de son expert-comptable qui a procédé depuis 2010 à une projection de ses comptes de résultat si elle avait obtenu son agrément et conclut à un manque à gagner de :
241 242 euro en 2010
242 536 euro en 2011
233 673 euro en 2012
166 808 euro en 2013
102 982 euro en 2014
Soit un total de 987 241 euro ;
Considérant toutefois que l'expert-comptable a écrit à la société Retif avoir conduit cette analyse " en fonction des hypothèses que vous nous avez transmises " ; que le résultat auquel il parvient est, dès lors, hypothétique ;
Considérant que la société Retif qui a poursuivi des activités identiques depuis sa création en 2003 ne démontre pas avoir subi une baisse de son chiffre d'affaires qui aurait résulté pour elle d'un refus d'agrément, ayant pu réparer et entretenir des véhicules BMW et mini, vendre des véhicules de cette marque neufs et d'occasion ; qu'elle ne produit des tableaux détaillés de ses chiffres d'affaires et de ses résultats que depuis 2010 de sorte qu'elle ne démontre pas une incidence réelle du refus d'agrément sur les chiffres réalisés ; qu'en conséquence son préjudice ne peut être constitué que par la perte de chance d'améliorer ses résultats ce qui restait aléatoire ; que la cour estime le préjudice subi du fait de cette perte de chance à la somme de 50 000 euro ;
Considérant que la société BMW fait valoir que toute condamnation qui serait prononcée devrait en raison de la situation de la société Retif être assortie d'une caution bancaire d'un montant équivalent ;
Que toutefois elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation dont elle sera en conséquence déboutée ;
Sur la demande de la société BMW de dommages et intérêts pour procédure abusive
Considérant que la société BMW fait valoir que la société Retif a multiplié les procédures et que celle dont la cour est saisie a été engagée alors qu'une procédure était pendante devant la Cour d'appel de Versailles ; que, comme il a été vu, les deux procédures n'avaient pas exactement le même objet ; que la société Retif était donc fondée à faire valoir ses droits en engageant une nouvelle procédure ; que c'est à tort que les premiers juges ont condamné la société Retif au paiement de dommages et intérêts.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Retif a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Enjoint à la société BMW d'agréer la société Retif en tant que réparateur agréé BMW et Mini et de conclure avec la société Retif un contrat de service BMW et un contrat de service Mini, et ce sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, Condamne la société BMW France à payer à la société Retif une somme de 50 000 euro au titre de dommages et intérêts pour perte de chance, Condamne la société BMW à payer à la société Retif la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ,Condamne la société BMW aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.