CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 juin 2015, n° 13-23037
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Compagnie Fruitière France (SAS)
Défendeur :
Comexa (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Etevenard, Delplanque-Bataille de Mandelo, Juglar, Vallet-Pamart, Dereux
Faits et procédure
La société Dole France (ci-après société Dole) a pour activité l'importation de fruits exotiques et de contre saison. Elle a pour clientèle en France et en Europe des centrales de distribution.
Dans le cadre de cette activité, elle commercialise auprès de ses clients des avocats du Kenya de la variété Fuerte de février à avril, puis les mois suivants de la variété Haas ; elle a eu pour fournisseur exclusif la société Kenya Horticultural Exporters (ci-après société KHE), depuis 2002.
Ayant constaté une baisse très importante de son chiffre d'affaires à l'importation avec cette dernière, celui-ci étant passé de 835 619,05 euro sur le premier trimestre en 2009 à 55 184,14 euro sur le même trimestre en 2010, elle estime que celle-ci est consécutive au départ de deux de ses collaborateurs, responsables de cette activité au sein de la société et embauchés par la société Comexa, société qui est sa concurrente sur le marché de Rungis et qui est devenue le client exclusif de la société KHE.
Sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la société Dole a saisi le président du Tribunal de commerce de Créteil qui, par ordonnance du 22 juin 2010, a commis Me Kerneur, huissier de justice, afin de se faire communiquer et prendre copie de tous documents comptables et commerciaux en rapport avec la société KHE; les pièces communiquées ont été placées sous séquestre.
Par ordonnance du 30 mars 2011, le président du Tribunal de commerce de Créteil a écarté la demande de communication de pièces et a autorisé la prolongation du séquestre pour une durée d'un an renouvelable ; sa demande de rétractation de cette décision ayant été écartée par ordonnance du 12 octobre 2011, la société Dole en a interjeté appel ;
C'est dans ces conditions que la société Dole a fait assigner le 21 novembre 2012 la société Comexa devant le Tribunal de commerce de Créteil.
Par jugement du 17 octobre 2012 rectifié par jugement du 9 mai 2012 le Tribunal de commerce de Créteil a ordonné à la société Comexa de communiquer à la société Dole une copie des pièces à l'exception de 10 pièces.
Par jugement rendu le 14 octobre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- ordonné à la société Comexa la restitution des documents internes de la société Dole ;
- débouté la société Dole de sa demande de communication de pièces complémentaires ;
- débouté la société Dole de sa demande de paiement de la somme de 950 924 euro au titre des dommages et intérêts ;
- débouté la société Dole de sa demande de paiement de la somme de 200 000 euro ;
- débouté la société Dole de sa demande de paiement de la somme de 210 205 euro ;
- débouté la société Comexa de se demande de paiement de la somme de 100 000 euro ;
- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la société Dole le 2 décembre 2013 contre cette décision,
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Dole le 19 février 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir la société Compagnie fruitière France venant au droit de la société Dole en son appel et l'y déclarer bien fondée ;
- annuler le jugement du Tribunal de commerce de Créteil du 14 octobre 2013 et infirmer les dispositions des jugements du Tribunal de commerce de Créteil des 17 octobre 2012 et 14 octobre 2013 ;
Statuant à nouveau.
- ordonner à Maître Kerneur de communiquer au greffe de la Cour d'appel de Paris l'ensemble des éléments saisis et séquestrés, dont la liste figure au procès-verbal de constat (pièce 27) :
Balances auxiliaires clients et fournisseurs des années 2009 et 2010, copiées sur papier ;
Grands livres des années 2009 et 2010, copiés sur DVD ;
Grand livre auxiliaire (provisoire) du compte 40 KHE de 2010, copié sur papier ;
Grand livre auxiliaire (provisoire) du compte 40 STFM de 2010, copié sur papier ;
Contrats de travail de MM. Lecointre et Salomé, copiés sur papier ;
Livre d'entrée et de sortie du personnel, copié sur papier ;
Trois dossiers abritant les fichiers de messageries et leurs archives de MM. Pobelle, Salomé et Lecointre, copiés sur DVD ;
En tout état de cause ;
- ordonner la communication à la société Dole de toutes les pièces communiquées à la société
Comexa qui n'ont pas fait l'objet d'une communication contradictoire à la société Compagnie fruitière complétées de la copie des éléments séquestrés suivant la liste figurant au constat pièce 27, et notamment ceux pour lesquels la communication a été tronquée :
- 21522 Fichier marges avocats
- 6898 FW : Rates for avos ;
- 6900 TR : Rates for avos ;
- 66499 RE : Opération du 24 au 27 mars 2010.avocat/Comexa ;
- 5471 27918 KHE.xls ;
- 6426 28309 KHE.xls ;
- 20110 TR : 27918 KHE.xls ;
- 21102 TR : 28309 KHE.xls ;
- 7172 FW : KHE Summary avocados.xlsx ;
- 7175 FW : Avocadoes by sea.xlsx-Comexa.xlsx ;
- 6891 RE : Quality report of the KHE avocadoes delivered the 07th April ;
- 7183 TR : facturation fret Jolly Marrone - Messina Line ;
- 5482 FW : Avocadoes by Sea.xlsx-Comexa.xlsx ;
- 5485 FW : Avocadoes by Sea.xlsx-Comexa.xlsx Packing summary ;
également des éléments suivants qui ont été écartés des débats :
- mail du 3 mai 2010 " facturation de fret Jolly Marrone " ;
- compte de vente numéro 28 309 KHE du 4 juin 2010 ;
- mail du 1er décembre 2009 " litchis Madagascar " ;
- mail du 24 avril 2010 " KHE Messina " ;
- mail du 15 juin 2010 " marge avocats " ;
- mail du 16 avril 2010 " Rates for AVOS "(X 2) ;
- mail 8 février 2010, " opération avocat/ Comexa " ;
- mail du 22 avril 2010 " 27 918 KHE.xls " ;
- mail (97 10 21) " proposition tarifaire avocat/mangue " ;
- mail du 8 avril 2010 " Quality report KHE " ;
- le grand livre auxiliaire (provisoire) du compte 40 KHE de 2010 ;
- le grand livre auxiliaire (provisoire) du compte 40 STFM de 2010 ;
- ordonner à la société Comexa la communication des DADS et des fiches de salaires 2010, 2011, 2012 de MM. Lecointre et Salomé ;
- ordonner à la société Comexa la communication des DADS et des fiches de salaires 2010, 2011, 2012 de MM. Lecointre et Salomé dans les huit jours du prononcé de la décision ;
Ordonner à la société Comexa la communication des volumes d'avocats qui lui ont été fournis par KHE entre 2010 et 2012, par année et par variété ;
- désigner un constatant avec pour mission de :
Rechercher sur les ordinateurs (y compris le réseau) de la société Dole le document intitulé " Arrivages K.H.E Avocat Kenya 2009 (D20A9USE14-1).xls " ou " z Arrivages K.H.E Avocat Kenya 2009 (D20A9USE14-1).xlsx " ;
Imprimer une copie d'écran de la boîte de dialogue " Propriétés " du fichier ainsi trouvé ;
Ouvrir le fichier dans Microsoft Excel ou tout tableur compatible ;
Vérifier que ce fichier comporte bien au moins une formule de calcul qui apparaîtrait dans la barre de formules (ceci pour éviter que la société Comexa avance par la suite qu'il s'agit d'une copie d'écran) ;
Comparer le fichier avec la pièce 119 de la société Dole ;
- ordonner à la société Comexa de communiquer tous les éléments comptables relatifs à son activité avec la société KHE au cours des exercices 2011 et 2012 ;
- ordonner la restitution des documents internes à la société Dole ;
- dire que la société Comexa a désorganisé l'appelante pour la campagne de fourniture d'avocats du Kenya 2010 et d'Afrique du Sud de la société Dole avec la société Kenyane KHE pour faire en sorte de mettre brutalement fin à ses relations commerciales établies qu'elle entretenait avec la société Dole France depuis 2002 ;
- dire que ces diverses fautes de la société Comexa constituent des actes de concurrence déloyale au regard de l'article 1382 du Code civil notamment par incitation à la violation de la règle préétablie de l'art L. 442-6 du Code de commerce, et qu'ils ont été commis au préjudice de la société Dole ;
- dire en outre qu'en captant le marché de l'avocat kenyan de la société Dole par des actes de concurrence déloyale et qui plus est sans réaliser d'investissement majeur, la société Comexa a commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Dole ;
En conséquence,
- condamner la société Comexa à payer à la société Dole la somme de 950 924 euro sauf à parfaire à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la société Dole du fait des agissements déloyaux dont elle a été victime et plus particulièrement du détournement de clientèle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; condamner la société Comexa à payer à la société Dole la somme de 200 000 euro en réparation du préjudice lié à la désorganisation du marché capté ;
- condamner la société Comexa à payer à la société Dole la somme de 210 205 euro en réparation du préjudice lié aux frais de fourniture ;
- dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux à compter de l'assignation, avec anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Subsidiairement.
- ordonner une expertise judiciaire sur la valorisation du préjudice subi, l'expert devant déterminer la marge brute sous déduction des charges variables acquise déloyalement par comparaison avec les chiffres 2008 et 2009 de la société Dole et des chiffres réalisés par la société Comexa de 2010 à 2012 ;
En tout état de cause,
- débouter la société Comexa de toutes ses demandes, fins et conclusions ainsi que son appel incident ;
- condamner la société Comexa à payer à la société Dole la somme de 75 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que le jugement en date du 14 octobre 2013 rendu par le Tribunal de commerce de Créteil doit être annulé en ce qu'il n'a pas respecté les droits de la défense et le principe du contradictoire. Elle ajoute que le jugement du 17 octobre 2012 a violé le principe du contradictoire en écartant des débats des pièces sans exposer les motifs pour lesquels elles violeraient le secret des affaires.
Elle expose que la société Comexa s'est rendue coupable d'une captation déloyale et parasitaire de l'activité de sa société.
Elle précise que cette captation a eu pour objet et pour effets de désorganiser son activité autour de l'avocat kenyan.
Elle considère que la société Comexa doit être condamnée à réparer le préjudice causé à la société Dole en raison de ses agissements déloyaux.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Comexa le 18 février 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal :
- constater que la demande de société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole est fondée sur les articles 1382 du Code civil et L. 442-6-5 du Code de commerce ;
- constater que la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole n'a pas intérêt à agir à l'encontre de la société Comexa sur le fondement de l'article L. 442-6-5 du Code de commerce ;
En conséquence,
- déclarer irrecevable la demande de la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole tendant à engager la responsabilité civile délictuelle de la société Comexa pour violation de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce ;
En tout état de cause,
- constater que les jugements du Tribunal de commerce de Créteil en date des 17 octobre 2012 et 14 octobre 2013 ne sont affectés d'aucune irrégularité ;
- constater que la démission de M. Salomé était spontanée ;
- constater que la démission de M. Lecointre était spontanée ;
- constater que la société Comexa n'a commis aucun acte de débauchage ;
- dire et juger que les embauches de MM. Lecointre et Salomé ont été réalisées de manière régulière par la société Comexa ;
- constater que la société Comexa n'a commis aucun acte de débauchage ;
- dire et juger que les embauches de MM. Lecointre et Salomé ont été réalisées de manière régulière par la société Comexa ;
- constater que la société Comexa n'a commis aucune manœuvre déloyale ;
- constater que l'activité de la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole n'a pas été désorganisée suite aux démissions de MM. Salomé et Lecointre ;
- constater que la société Comexa n'a pas capté la clientèle de la société Dole ;
- constater que la société Comexa n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ;
- constater que la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole ne justifie pas avoir perdu une quelconque part de marché ni de clientèle ;
- constater que la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole indique au contraire avoir pris les mesures nécessaires afin de lui permettre de conserver sa part de marché et sa clientèle ;
- constater que le préjudice subi par la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole n'est pas établi ;
- constater que la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole ne justifie ni la réalité ni le quantum de son préjudice ;
- constater qu'aucun acte de débauchage déloyal n'étant établi, la demande de communication de pièces formée par la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole n'est pas légitime ;
En conséquence,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 17 octobre 2012 ;
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 14 octobre 2013 sauf en ce qu'il a ordonné à la société Comexa de restituer des documents à la société Compagnie Fruitière France venant aux droits de la société Dole et en ce qu'il a rejeté la demande de la société Comexa tendant à la condamnation de la société Compagnie Fruitière France venant aux droits de la société Dole pour procédure abusive ;
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole ;
Statuant à nouveau,
- condamner la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole à payer à la société Comexa la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société Compagnie fruitière France venant aux droits de la société Dole à verser à la société Comexa la somme de 40 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'intimée expose à titre liminaire que la société Dole n'hésite pas à travestir des pièces pour en altérer la teneur. Elle ajoute que les jugements du 17 octobre 2012 et du 14 octobre 2013 ne sauraient être annulés, en ce que le principe du contradictoire a été respecté.
Elle fait valoir que le Tribunal de commerce de Créteil a eu connaissance de l'ensemble des pièces versées au débat et que la société Dole sollicite la communication de documents dont elle a déjà reçu communication.
Elle relève que la mesure par laquelle le tribunal a écarté des débats dix pièces est justifiée et nécessaire au regard du secret des affaires et ne constitue donc pas une violation du principe du contradictoire. Elle en déduit que la demande de communication de pièces formée par la société Dole est injustifiée.
Elle affirme que la demande au fond de la société Dole doit être rejetée, dans la mesure où la société Comexa n'a ni débauché déloyalement ses salariés, ni utilisé des informations internes à la société Dole, ni capté déloyalement deux de ses exportateurs, les sociétés KHE et Afrupro, ni provoqué sciemment la rupture brutale de sa relation commerciale avec l'un de ses fournisseurs d'avocats, la société KHE. Elle en déduit que la société Dole est irrecevable à agir à son encontre sur le fondement de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce. Elle précise qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale susceptible d'engager sa responsabilité civile délictuelle et que, en tout état de cause, le préjudice financier invoqué par la société Dole n'est pas justifié.
Elle considère que, reconventionnellement, elle est bien fondée à solliciter la condamnation de la société Dole pour procédure abusive.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les exceptions
Sur la demande tendant au prononcé de la nullité du jugement du 14 octobre 2013 :
Considérant que la société Dole prétend que le tribunal lui aurait imposé de renoncer au moyen fondé sur une faute délictuelle résultant de la violation de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Considérant toutefois qu'elle fait valoir que le Tribunal de commerce de Créteil a attiré son attention sur le fait que ce moyen entrainait son incompétence ; qu'elle ne saurait faire grief au tribunal d'avoir fait cette observation quand bien même elle soulevait ce moyen à titre subsidiaire ;
Considérant que la procédure devant le tribunal de commerce est orale; que la suspension d'audience a été destinée à permettre aux parties de se positionner sur la question de la compétence et donc sur la saisine du Tribunal de commerce de Créteil pour examiner l'affaire au fond ; que cette suspension ne saurait être qualifiée de pression, la société Dole étant alors accompagnée de son conseil et pouvant mettre à profit celle-ci ce qu'elle a fait, n'ayant demandé aucun renvoi et ayant abandonné le moyen fondé sur l'article L. 442-6 afin que l'affaire soit retenue au fond; que le jugement a parfaitement retranscrit le déroulement de l'audience ;
Considérant que la société Dole ajoute que le tribunal a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée attachée à son jugement précédent du 14 février 2012 ; qu'elle indique que par ce jugement le tribunal s'est déclaré compétent sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ; qu'en conséquence le jugement du 14 octobre 2013 n'a fait que reprendre ce chef de compétence et a donc respecté le principe de l'autorité de la chose jugée.
Sur la demande de communication de pièces
Considérant que la société Dole affirme que l'intégralité des documents placés sous séquestre ne lui ont pas été communiques de sorte que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, visant les documents communiqués à la société Comexa et qui n'ont pas donné lieu à une communication contradictoire enfin les pièces écartées par les premiers juges au titre du secret des affaires, indiquant que pour ces dernières le jugement du 17 octobre 2012 n'a pas exposé les motifs retenus ;
Considérant que par ordonnance du 22 juin 2010 la société Dole a été autorisée à faire procéder à des constatations par voie d'huissier ; que par un constat en date du 25 juin 2010, Me Kerneur a notamment identifié 125 courriels qui ont fait l'objet d'un séquestre en son étude; que par requête du 24 mars 2011 la société Dole a demandé la communication de ces pièces et la prorogation de la durée du séquestre ; que par ordonnance du 30 mars 2011 le président du Tribunal de commerce de Créteil a reporté la demande de communication de copies de l'ensemble des documents placés sous séquestre et prorogé d'un an la durée du séquestre ;
Considérant que par jugement du 14 février 2012 rectifié par jugement du 9 mai 2012 le Tribunal de commerce de Créteil s'est déclaré compétent au fond et a renvoyé les parties devant le juge rapporteur pour la communication des copies de pièces ; que lors de l'audience du 6 juin 2012 la société Comexa s'est engagée à communiquer au tribunal l'intégralité des pièces placées sous séquestre à l'exception des pièces qu'elle considérait comme relevant du secret des affaires ; que par arrêt du 4 juillet 2012, la Cour d'appel de Paris a confirmé la validité de la communication des documents saisis, réformant seulement l'ordonnance du 12 octobre 2012 sur la prorogation du séquestre; que par arrêt du 17 octobre 2013 la Cour de cassation a cassé cet arrêt en ce qu'il avait annulé la prorogation du séquestre ;
Considérant que par jugement du 16 octobre 2012 le tribunal de commerce a ordonné à la société Comexa de communiquer à la société Dole une copie sur papier des pièces visées dans son jugement du 14 février 2012 rectifié à l'exception de 10 pièces dont il a dressé la liste et dont il a estimé qu'elles comportaient des éléments relevant du secret des affaires, précisant qu'elles contiennent des éléments permettant de constater les volumes et les prix d'achats ainsi que les pourcentages de commissions versées aux sociétés exportatrices selon des accords commerciaux conclus et confidentiels ; qu'en conséquence le jugement est parfaitement motivé ;
Considérant que la société Dole expose avoir pu le 13 juillet 2012 de façon contradictoire consulter les pièces saisies sans que celles-ci lui soient communiquées ; que la société Comexa expose que celle-ci a accepté que des pièces sans intérêt pour l'instance lui soient restituées ce que la société Dole ne conteste pas de sorte qu'elle ne saurait prétendre que l'intégralité des pièces saisies ne lui a pas été communiquée, ni que le dossier transmis à la cour ne contient pas l'intégralité des pièces ayant donné lieu au séquestre et que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté ;
Considérant que la société Comexa maintient que malgré ses demandes elle n'a obtenu que le 13 juin 2013 des informations partielles, tout en reconnaissant que lui ont été communiqués en vrac des documents sans que les pièces non communiquées puissent être identifiées ;
Considérant que Me Kerneur qui a été chargé du séquestre des pièces saisies a établi un constat de celles-ci; que la société Dole a pu les consulter au greffe de sorte qu'elles étaient parfaitement identifiées et que dès lors la société Dole était parfaitement en mesure d'identifier les pièces séquestrées ;
Considérant que, si la société Dole demande à la cour d'ordonner à son profit la communication de toutes les pièces séquestrées dont les 10 pièces visées par le tribunal dans son jugement du 16 octobre 2012, elle établit une liste comportant 14 pièces, sans exclure que celle-ci comporte les mêmes pièces que celles dont le tribunal a écarté la communication, reconnaissant que cette liste peut faire double emploi ;
Considérant que la société Dole ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle n'aurait pas eu communication des pièces maintenues sous séquestre à l'exception de celles écartées par les premiers juges comme relevant du secret des affaires ;
Considérant que la société Dole prétend que ces pièces seraient d'une importance capitale pour la solution du litige sans pour autant justifier de cette affirmation alors même qu'elle a pu disposer des autres pièces séquestrées ; que de plus ces pièces démontrent par leur intitulé même qu'elles ont trait à des volumes, des marges, des commissions relevant d'accords conclus avec les sociétés exportatrices dont la société KHE qui n'est pas en cause ; que dès lors ces documents comportent des éléments relevant du secret des affaires ; que sur la totalité des 110 pièces placées sous séquestre, la société Dole a eu communication de celles maintenues sous séquestre sans expliciter en quoi les pièces dont elle a obtenu copie seraient insuffisantes et les pièces écartées auraient une valeur probante déterminante ; qu'elle ne peut nier qu'elles ont trait aux relations entre la société Comexa et son fournisseur la société KHE et que comme l'a retenu le tribunal, elles contiennent des informations relevant du secret des affaires ; qu'elle ne démontre pas que l'atteinte au secret des affaires serait nécessaire et proportionnée au but quelle recherche au regard des autres informations qu'elle a recueillies ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris ;
Sur la communication des DADS et fiches de salaire de MM. Salomé et Lecointre
Considérant que la société Dole fait valoir que ces deux salariés ont bénéficié d'un plan d'intéressement en date du 11 juin 2010 de sorte que le bulletin de salaire produit et édité en avril 2010 soit antérieurement à la signature de cet accord d'intéressement est insuffisant pour déterminer les conditions de leur rémunération ;
Considérant que la société Comexa affirme avoir fourni la copie des contrats de travail des intéressés ainsi que des bulletins de salaire permettant de déterminer le montant de celui-ci au moment de leur embauche ;
Considérant qu'il y a lieu d'apprécier les conditions de rémunération proposées lors de l'embauche ;
Que, s'il n'est pas contesté que ces deux salariés ont bénéficié d'un plan d'intéressement, la société Comexa fait valoir que tous ses salariés bénéficient d'un plan d'intéressement, communiquant l'accord d'intéressement tel qu'il est conclu avec chacun des salariés ; que dès lors il n'est pas nécessaire pour la cour d'avoir communication de pièces complémentaires, les éléments produits étant suffisants pour apprécier les conditions d'embauche de ces deux salariés ;
Au fond
Sur les renseignements communiqués à la société Comexa
Considérant que la société Dole affirme que la société Comexa aurait bénéficié d'informations privilégiées lui ayant assuré un avantage concurrentiel en ce qu'ils contenaient des éléments relatifs à la reproduction de son programme d'importation ;
Considérant que la société Dole fait valoir que lors du début de la campagne pour les avocats Hass des documents confidentiels auraient été instrumentalisés par la société Comexa et la société KHE à savoir deux courriels échangés le 10 février 2010 entre la société KHE et la société Comexa, d'une part, et M. Lecointre, d'autre part, qui concernent l'un un envoi d'avocats de variété Haas, l'autre de variété Fuerte ;
Considérant que la société Comexa soutient que ce courrier a été adressé à M. Pobelle ainsi qu'à M. Lecointre et que c'est par erreur qu'il a été adressé par la société KHE à ce dernier, erreur qui résulte du fait que chacun des deux envois est composé de trois feuillets, le premier étant la commande faite par la société Comexa, le deuxième identique dans chacun des deux envois, qui est une ancienne liste de colisage adressée par la société KHE à la société Dole un an auparavant et concernant un conteneur expédié le 23 février 2009, enfin le troisième qui ne contient aucune information ; que la société Dole ne peut soutenir que cet envoi qui ne comporte qu'un feuillet relatif à un envoi en février 2009 constitue un business model permettant à la société Comexa d'identifier le détail des commandes passées pour approvisionner ses clients ; qu'il n'est pas démontré que cette information était d'un intérêt quelconque pour la société Comexa ; que par ailleurs les volumes commandés par la société Comexa ne correspondent pas à ceux livrés l'année précédente à la société Dole ;
Considérant toutefois que la société Comexa ne saurait exciper d'une erreur dès lors que des renseignements concernant les commandes faites par la société Dole lui ont été communiquées de façon réitérée par un nouveau courriel adressé le 14 avril 2010 par la société Comexa auquel était annexé un document intitulé " suivi de campagne avocats Kenya/KHE " qui a circulé au sein de la société Comexa après avoir été numérisé sur son scanner, document qui selon la société Dole retrace toutes les données de la campagne au sein de Dole et qui avait été réalisé par M. Lecointre à l'occasion de ses fonctions de directeur export selon un modèle utilisé depuis 1998 ;
Que la société Comexa affirme que la preuve n'est pas démontrée qu'il s'agit d'un document interne de la société Dole et relate que cette pièce a été adressée par M. Patel de la société HKE à M. Potelle de la société Comexa avant l'arrivée de M. Lecointre ;
Considérant que le conseil des prud'hommes a mis hors de M. Lecointre en ce qui concerne la production de cette pièce ;
Considérant que ces documents qui ont trait à des commandes passées par la société Dole ont été transmis par la société HKE à la société Comexa alors que celle-ci s'engageait sur le marché de la vente des avocats et lui donnaient des informations sur le volume qu'elle avait traité jusque-là avec la société Dole ;
Considérant que la société Comexa fait valoir que ces documents ne lui ont été d'aucune utilité dans la mesure où la production d'avocat étant fluctuante d'une année à l'autre, les renseignements contenus dans les pièces précitées ne lui permettaient pas d'établir son propre programme pour l'année suivante; qu'elle a écrit à la société KHE le 16 avril 2010 "Comme je vous l'ai expliqué dans le compte rendu de marché, nous devons adapter les volumes avec la situation de marché" ; qu'elle démontre que ses commandes 2010 ne sont pas comparables à celles passées par la société Dole, ayant pour sa part commandé 258 912 tonnes du 18 mars 2010 au 14 juin 2010 contre 368 448 tonnes l'année précédente par la société Dole ; que, s'il résulte de ces courriels que la société KHE a ainsi fourni à son nouveau client des renseignements précis et détaillés relatifs à la campagne des avocats du Kenya en termes de quantités, variétés, calibres, fret lesquels concernaient la société Dole puisque celle-ci avait été son unique client, leur divulgation relève donc de ce fournisseur sans qu'il soit démontré à cette occasion une intervention de M. Lecointre, ni une collusion entre la société KHE et la société Comexa ; que par ailleurs il n'est pas démontré qu'ils auraient été utilisés par la société Comexa ;
Considérant que la société Dole soutient que la communication des volumes d'avocats entre la société Comexa et la société KHE par année et par variété entre 2010 et 2012 permettrait de vérifier de manière certaine que la société Comexa a suivi le même programme d'expédition sur cette période que sa concurrente les années précédentes ;
Considérant que la cour constate que cette affirmation n'est pas vérifiée pour l'année 2010 ; que, si la société Comexa a augmenté ses commandes au cours des années suivantes de sorte que celles-ci ont pu atteindre celles passées les années précédentes par la société Dole, cette situation résulte du fait qui n'est pas contesté que les relations entre société KHE et la société Dole ont cessé, la société Comexa devenant à son tour le seul client de la société KHE ; qu'il n'y a pas lieu de rechercher les volumes exacts d'avocats que la société KHE a fournis ni de désigner un sachant pour procéder à cette recherche ;
Sur la recevabilité de l'action de la société Dole fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce
Considérant que la société Dole soutient avoir subi une rupture des relations commerciales avec la société KHE, relations qu'elle présente comme étant établies et exclusives sur le marché de l'avocat kenyan ;
Considérant que cette rupture n'est pas contestée, la société KHE ayant cessé de fournir la société Dole ;
Considérant que la société Dole ne conteste pas qu'en l'absence de relations commerciales avec la société Dole [sic], elle ne saurait invoquer une rupture des relations commerciales entre elles relevant des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce; qu'elle fonde néanmoins sa demande sur ses dispositions en arguant que la société Comexa aurait participé à la rupture des relations qu'elle entretenait avec la société KHE ;
Considérant qu'un tiers à une relation commerciale peut invoquer une inexécution contractuelle dès lors qu'elle lui cause un préjudice afin d'engager la responsabilité civile contractuelle du cocontractant fautif ;
Considérant que la société KHE qui serait selon la société Dole l'auteur de la rupture brutale fautive n'est pas dans la cause et n'a pas été condamnée sur ce fondement de sorte que les circonstances de la relation commerciale entre les parties puis de la rupture de celle-ci et de son caractère brutal ne résultent que des affirmations de la société Dole; qu'elles n'ont pas été soumises au débat contradictoire ; que la cour ne saurait statuer sur l'existence d'une rupture brutale constitutive d'une faute commise par la société KHE dont elle n'est pas saisie et donc sur une participation de la société Comexa à la faute ainsi alléguée ;
Sur les actes de concurrence déloyale allégués
Sur le débauchage allégué de MM. Salomé et Lecointre
Considérant que la société Dole fait valoir que ces deux salariés étaient en poste depuis le 13 mars 1995 pour M. Lecointre et le 30 juillet 1998 pour M. Salomé et qu'ils étaient en charge du marché des avocats et notamment des avocats du Kenya, le premier ayant pour tâche de gérer l'importation de plusieurs types de fruits dont les avocats, le second de les commercialiser auprès de la grande distribution et que par leur activité respective et leur ancienneté, ils avaient un rôle essentiel, leurs tâches étant complémentaires ; qu'elle indique que leur départ étant intervenu en début de saison, elle a subi une désorganisation de son service ;
Considérant qu'elle fait valoir que M. Salomé a bénéficié d'une augmentation de 10 % de son salaire et M. Lecointre de 35 %, tous deux ayant bénéficié en outre d'un plan d'intéressement ;
Considérant que ces deux salariés n'étaient liés par aucune clause d'exclusivité et restaient libres de quitter leur employeur ;
Considérant que le débauchage résulte non pas du départ d'un salarié mais de manœuvres du nouvel employeur pour le décider à quitter son emploi ;
Considérant que, d'une part M. Salomé a passé des entretiens de recrutement avec plusieurs sociétés démontrant son intention de quitter son employeur, et que, d'autre part la société Comexa avait besoin d'un commercial par suite du départ d'un salarié ; qu'elle justifie avoir passé des annonces sur un site internet ; qu'il importe peu que ce site soit au nom de M. Pobelle dès lors que telle était sa pratique en matière de recrutement ; que la société Comexa produit les attestations des sociétés Primeur Services Distribution et Decory attestant des démarches de M. Salomé ; qu'aucun élément ne permet de corroborer les dires de la société Dole les qualifiant d'attestations de complaisance ; qu'en conséquence elle a mis en œuvre un processus de recrutement auquel M. Salomé a répondu et qui a conduit à son embauche ; que, dès lors s'il lui a été offert un salaire supérieur à celui qui était le sien et s'il a bénéficié postérieurement à son embauche d'un plan d'intéressement qui résultait d'une politique générale de la société Comexa vis à vis de ses salariés, ces circonstances ne caractérisent pas des manœuvres caractérisant un débauchage fautif.
Considérant de plus que les démissions de MM. Salomé et Lecointre sont intervenues alors que la société Dole avait été rachetée par la société La Compagnie Fruitière, opération qui a été suivie par plusieurs démissions ;
Considérant qu'à la suite de cette opération, M. Lecointre qui assurait les fonctions de directeur import, tâche comportant tous les fruits à l'exclusion des bananes et des ananas s'est vu retirer une partie de ce secteur au profit de M. Puech, salarié au sein d'une filiale de la société La Compagnie Fruitière, embauché au sein de la société Dole comme manager ; que la société Dole affirme que ce recrutement est intervenu en 2010 soit au moment de la démission de M. Lecointre ; que toutefois la société Dole n'a pas fait droit à la demande de la société Comexa de communiquer la copie de son livre d'entrée et de sortie de personnel ; que de plus des courriels ont été adressés à M. Puech dès septembre 2009 au sein de la société Dole démontrant son engagement dès cette date ; que du fait de cette réorganisation la rémunération M. Lecointre a baissé et qu'il était fondé à craindre pour son avenir, les courriels échangés en attestent, le 29 septembre 2009 M. Lecointre ayant écrit " mon cher Alain, merci pour tes conseils mais je n'ai pas d'interrogation ; A l'avenir évite d'utiliser un ton managérial, ça n'est pas ton rôle... et tu n'es pas mon boss " auquel la société Dole répondait par courriel du 1er octobre 2009, " Alexandre est en charges des agrumes je te le rappel ; je ne ferai pas d'autres commentaires " ; que M. Lecointre a de ce fait subi une baisse de sa prime annuelle de plus de 20 %, celle-ci passant de 35 000 euro au titre de l'année 2008 à 26 000 euro au titre de 2009 ;
Considérant que, bien que la rémunération offerte par la société Comexa à ces deux salariés ait été plus élevée que celle qu'ils percevaient au sein de la société Dole, elle ne présente aucun caractère anormalement élevé caractérisant une manœuvre, M. Salomé ayant bénéficié d'une augmentation de 500 euro et M. Lecointre ayant bénéficié d'une rémunération équivalente, ses dernières rémunérations au sein de la société Dole ne pouvant être prises en compte puisqu'elles avaient subi une baisse ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Dole avait organisé une restructuration de ses activités ce qui affectait directement celles de M. Lecointre et qu'elle ne peut affirmer sans mauvaise foi que l'arrivée de M. Puech a été destinée à pallier en urgence la démission de M. Lecointre ; que ces circonstances expliquent que M. Lecointre ait recherché un nouvel employeur ;
Considérant que la société Comexa indique avoir été alors à la recherche d'un directeur export susceptible de remplacer M. Pobelle qui exerçait ces foncions et qui était susceptible de prendre sa retraite en 2012 ; que par ailleurs à l'occasion de la prise de participation majoritaire à son capital de la société Westfallia, celui-ci est devenu responsable du groupe de sorte que ces perspectives l'avaient conduit à donner suite à la candidature de M. Lecointre ;
Considérant que la société Dole a dispensé M. Lecointre d'exécuter son préavis sans justifier d'une demande de l'intéressé en ce sens ; que celui-ci n'a d'ailleurs conclu un contrat de travail avec la société Comexa que le 6 avril 2010 soit après le terme du préavis ; qu'elle ne peut dès lors arguer d'une désorganisation de son service puisqu'elle a accepté un départ immédiat de celui-ci et alors que M. Salomé avait démissionné trois mois avant ;
Considérant qu'il ressort de l'organigramme de la société Dole que ces deux salariés relevaient de deux services distincts dans une société ayant réalisé plus de 129 362 111 euro de chiffre d'affaires en 2010 de sorte que leur départ ne constituait pas un transfert de personnel substantiel de nature à créer une désorganisation alors même que la société Dole avait déjà un remplaçant de M. Lecointre en la personne de M. Puech ;
Considérant que la société Dole ne démontre pas un débauchage fautif et que c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de ce chef ;
Sur le transfert d'activité et les actes de parasitisme allégués
Considérant que la société Dole soutient que la société Comexa a capté des informations relevant du secret des affaires qu'elle a utilisées pour optimiser ses programmes en ce qui concerne l'avocat du Kenya et d'Afrique du Sud ce qui lui a permis de se substituer à elle tant auprès de commettants étrangers comme les sociétés KHE et Afrupro que de la grande distribution pour réaliser des ventes de ce type d'avocat ;
Considérant que si la société Comexa n'a pas commercialisé ce type d'avocat au cours de la période de 2008 et 2009, indiquant avoir privilégié au cours de cette période des origines dites plus nobles, il n'en demeure pas moins qu'elle connaissait ce marché et que le fait d'y revenir ne saurait constituer un acte de parasitisme quand bien même elle est devenu le client exclusif de la société KHE, celui-ci cessant d'approvisionner dans le même temps la société Dole ;
Considérant que la société Comexa produit une attestation de la société KHE qui relate d'une part qu'elle a eu en 2001 une relation commerciale avec trois distributeurs dont la société Dole " après la visité au Kenya de M. Lecointre ", qu'elle connaissait alors le groupe Westfallia depuis de nombreuses années et que " depuis plusieurs années elle pensait qu'il serait profitable à ma société de joindre le réseau de distribution Westfallia qui est le plus grand distributeur d'avocats en Europe ", ajoutant que " lors du départ de M. Lecointre, elle a pris contact avec M. Puech et ayant eu une impression négative, avoir été convaincu qu'il était vital pour ma compagnie d'avoir plus de sécurité avec un autre client en plus de Dole " ; qu'elle indique " avoir alors eu une réunion organisé par M. Salomé avec M. Pobelle et que son objectif a été de distribuer ses fruits à travers Dole et Comexa ", et indiquant " avoir continué à envoyer des conteneurs de fruits à la société Dole mais avoir reçu des courriers " de la société Dole lui demandant de choisir entre les deux sociétés ;
Considérant que comme il a été vu précédemment, si la société KHE a communiqué des renseignements relatifs aux relations qu'elle avait entretenues avec la société Dole, il n'est pas démontré que ceux-ci ont été utilisés par la société Comexa pour élaborer sa propre politique de commercialisation des avocats fournis par la société KHE ;
Considérant que la société KHE était libre de diversifier ses clients ce qu'elle a voulu faire et ce que n'aurait pas accepté la société Dole mais ce dont la société Comexa ne saurait être tenue pour responsable quand bien même elle est, de ce fait, devenue le seul client de la société KHE ;
Considérant que s'agissant de la société Afrupro celle-ci a signifié à la société Dole qu'elle estimait le volume des commandes trop faible et qu'il était dès lors économiquement plus intéressant pour elle de travailler avec la société Westfallia afin qu'elles soient vendues sur le marché français par l'intermédiaire de sa filiale, Comexa ; qu'il n'est pas démontré que cette décision de l'exportateur résulte de manœuvres de cette dernière ;
Considérant de plus que la société Dole ne rapporte pas la preuve que la société KHE aurait été le seul exportateur et qu'elle aurait dans l'impossibilité de s'approvisionner en avocats ; qu'elle ne rapporte pas la preuve que la société KHE aurait refusé de la fournir, ni d'une concertation entre la société Comexa et la société KHE qui aurait eu pour but de lui fermer le marché portant sur des catégories particulières d'avocats ;
Considérant que s'agissant des clients, la société Dole invoque un courriel de la société Comexa demandant à M. Salomé de contacter Monoprix ;
Considérant que la société Comexa était en relation d'affaires avec la société Monoprix depuis 1998 de sorte que le courriel invoqué ne saurait démontrer un détournement de ce client ; que la société Dole ne rapporte aucune preuve d'un détournement, ni concernant ce client, ni aucun autre ;
Considérant en conséquence que le jugement qui a débouté la société Dole de l'ensemble de ses demandes doit être confirmé; qu'il n'y a pas lieu en conséquence d'examiner la demande d'expertise formulée par la société Dole ;
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Comexa
Considérant que la société Comexa fait valoir que la société Dole a créé le litige afin de lui nuire, dénaturant les pièces du dossier ; qu'elle fait valoir qu'il en est résulté des difficultés dans la mesure où l'instance a été introduite alors qu'elle était en pourparlers avec la société Westfallia concernant le rachat de ses titres et que la procédure a également nui à son image, de nombreux clients ayant cessé de s'approvisionner auprès d'elle ;
Considérant que la preuve d'une intention malveillante de la société Dole n'est pas rapportée dans la mesure où son action repose sur le fait qu'elle avait perdu dans le même temps deux salariés démissionnaires et son fournisseur habituel au profit de la société Comexa ; qu'il y a lieu de débouter la société Comexa de sa demande ;
Sur la demande de restitution de la société Dole
Considérant que la société Dole demande à la cour d'ordonner la restitution de tous ses documents internes ;
Considérant qu'elle ne fournit aucune précision sur ces documents alors que les documents placés sous séquestre ont été saisis ou photocopiés dans les locaux de la société Comexa et qu'à défaut de preuve contraire, ils ne sauraient être considérés comme concernant le fonctionnement interne de la société Dole ; qu'il y a lieu de rejeter cette demande et de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Comexa a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déboute la société Dole de sa demande de nullité des jugements entrepris, Confirme les jugements déférés sauf en ce que le jugement du 14 octobre 2013 a ordonné la restitution des documents internes à la société Dole, Condamne la société Dole à payer à la société Comexa la somme de 30 000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne la société Dole aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.