CA Colmar, 1re ch. civ. A, 3 juin 2015, n° 14-03031
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Hypromat France (SAS)
Défendeur :
Aranea (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Panetta
Conseillers :
Mmes Roubertou, Alzeari
Avocats :
Mes Litou-Wolff, Levy, Mimouni, Baron
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES.
Un contrat de franchise a été conclu entre la SAS Hypromat France et la SAS Aranea le 25 octobre 2007 pour trois années.
Un avenant a été signé portant sur un changement de signalétique et d'images du centre Eléphant Bleu.
Le contrat a été résilié par courrier notifié le 18 septembre 2010.
Par assignation du 14 mars 2013, la SAS Hypromat France a sollicité la condamnation de la SAS Aranea à lui payer la somme de 50 000 euro au motif que cette dernière aurait continué d'utiliser les couleurs de la franchise.
Vu le jugement en date du 30 mai 2014 par lequel la deuxième chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté la SAS Hypromat France de son action et l'a condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 euro.
Vu la déclaration d'appel formalisée par la SAS Hypromat France le 17 juin 2014.
Vu les dernières conclusions de l'appelante du 28 novembre 2014.
Elle prétend à l'infirmation du jugement entrepris et maintient ses prétentions initiales.
Elle rappelle que par ordonnance du 29 mai 2012, le juge des référés commerciaux du Tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné la SAS Aranea à modifier l'aspect extérieur de sa station sous astreinte de 2 000 euro par jour et lui a accordé une provision de 10 000 euro à valoir sur son préjudice jusqu'à modification.
Elle ajoute que cet arrêt a été confirmé par la cour d'appel de céans et que ce n'est qu'en juin 2012 que l'intimée a consenti à exécuter ses obligations contractuelles.
Elle rappelle qu'elle s'était réservée le droit à chiffrer l'intégralité de son préjudice devant le juge du fond.
Elle précise que par arrêt du 20 mai 2014, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar.
Elle soutient que le respect des obligations contractuelles consistait à repeindre la station dans d'autres couleurs que le bleu et le blanc et explique que la stricte application du contrat lui permet de réclamer une indemnité contractuelle de 3 000 euro par jour jusqu'à respect par l'autre partie de ses obligations contractuelles.
Vu les dernières écritures de l'intimée du 20 octobre 2014.
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et réclame le paiement de la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle estime que l'article 16 du contrat de franchise litigieux sur la concurrence déloyale est contraire au principe général qui prohibe les engagements de nature perpétuelle.
Subsidiairement, elle soutient ne pas avoir méconnu les obligations mises à sa charge à la cessation des relations contractuelles.
Ainsi, elle expose que l'article 15 du contrat de franchise portant obligation d'enlever les couleurs bleues et blanches doit nécessairement s'interpréter à la lumière de l'avenant du 27 juin 2008 qui est venu compléter le contrat originel en l'adaptant avec de nouvelles clauses relatives à l'identité visuelle de la SAS Hypromat France.
Ainsi, elle explique avoir fait repeindre sa station de lavage dans d'autres couleurs que celles spécifiques de la franchise Eléphant Bleu.
Elle ajoute qu'en toute hypothèse les surfaces du centre visibles par le public et demeurant bleues représentent moins de 10 % de la surface totale et ce, en conformité avec l'article 15 du contrat.
Elle allègue que le contrat de franchise doit s'interpréter comme interdisant spécifiquement l'association des couleurs bleues et blanches.
Enfin, elle prétend qu'il ne saurait être déduit, de la seule circonstance qu'elle a fait repeindre sa station de lavage en rouge et gris au mois de juin 2012, un non-respect prétendu de ses obligations post-contractuelles.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2014 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 20 avril 2015.
MOTIFS,
Attendu qu'en premier lieu, l'intimée soutient que les obligations mises à sa charge doivent être considérées comme nulles et de nul effet s'agissant de l'article 16 du contrat de franchise qui prévoit qu'après la rupture du contrat, le franchisé s'engage à ne jamais se servir des éléments qu'il considère expressément comme faisant partie entre autres du savoir-faire, propriété exclusive de la SAS Hypromat France et, notamment, de la combinaison bleu et blanc des couleurs du centre ;
Attendu ainsi qu'elle prétend que cette clause est contraire au principe général qui prohibe les engagements de nature perpétuelle alors qu'aucun droit privatif ne peut être revendiqué par l'appelante sur les couleurs blanches et bleues ni même, sur la combinaison de celles-ci ;
Attendu néanmoins qu'il doit être rappelé que la demande est fondée sur l'application de l'article 15 du contrat de franchise et non de l'article 16 qui concerne spécifiquement la concurrence déloyale ; que dans cette mesure, le moyen tiré de la nullité des obligations contractuelles est inopérant en l'espèce, l'article 16 susvisé ayant trait à la responsabilité délictuelle ;
Attendu au demeurant que l'obligation, pour le franchisé, d'enlever tous les signes distinctifs de la franchise ne peut certainement pas être assimilée à une obligation perpétuelle mais constitue seulement une obligation ponctuelle découlant de la rupture du contrat ; que ce premier moyen ne peut donc utilement prospérer ;
Attendu qu'à titre subsidiaire, la SAS Aranea soutient qu'elle n'a pas méconnu les obligations mises à sa charge par le contrat de franchise à la cessation des relations contractuelles ; qu'elle explique que l'avenant régularisé entre les parties le 27 juin 2008 est nécessairement venu modifier les stipulations initiales du 25 octobre 2007 ;
Attendu que plus précisément, elle prétend que l'obligation d'enlever les couleurs bleues et blanches doit nécessairement s'interpréter à la lumière de cet avenant qui est venu compléter le contrat originel en l'adaptant avec de nouvelles clauses relatives à l'identité visuelle de la SAS Hypromat France ;
Attendu néanmoins qu'il doit être observé que cet avenant a été établi dans le but de moderniser l'agencement extérieur du centre selon la nouvelle charte d'identité visuelle conçue par le franchiseur ; qu'à aucun moment, il n'y est stipulé une modification des obligations initiales ou l'instauration de nouvelles ayant pour effet de remplacer les précédentes ;
Attendu que dans cette mesure, il doit être considéré que la clause imposant au franchisé de ne pas utiliser les couleurs bleu et blanc n'a nullement été modifiée par cet avenant ;
Attendu au demeurant qu'en annexe 3 de cet avenant, sont rappelées les obligations du franchisé lors de la cessation du contrat et notamment, l'obligation de repeindre le centre dans les six mois mais également la précision que la ou les nouvelles couleurs ne devront être ni bleu ni blanc ; qu'il n'y a donc pas lieu d'opérer une vérification quasi sémantique des couleurs bleues et blanches dont l'intimée soutient avoir fait repeindre son centre de lavage ;
Attendu par ailleurs que la SAS Aranea expose également qu'elle a respecté son obligation d'avoir moins de 10 % de surfaces bleues de la station de lavage visibles du public dès la cessation du contrat de franchise ;
Attendu que d'autre part, elle soutient que le contrat de franchise doit s'interpréter comme interdisant spécifiquement et seulement l'association des couleurs bleues et blanches ; qu'elle expose que la raison d'être de cette interdiction est d'éviter toute confusion avec l'enseigne Elephant Bleu en raison de l'association de la couleur bleue et de la couleur blanche ;
Attendu toutefois qu'il résulte de l'article 15 du contrat qu'à la cessation de celui-ci le franchisé s'engage à ne plus utiliser les couleurs bleu et blanc de la franchise et à faire repeindre son centre dans d'autres couleurs que le bleu ; que cette obligation ne sera remplie que lorsque, au minimum 90 % des surfaces du centre par le public ne seront plus en bleu ; que cette disposition parfaitement claire n'est nullement sujette à interprétation ;
Attendu à cet égard qu'il doit être considéré que cette obligation, strictement contractuelle, ne peut être appréciée au regard d'un risque de confusion qui, à l'opposé, relève de la responsabilité délictuelle car, susceptible de fonder une action en concurrence déloyale ;
Attendu surtout que l'intimée allègue mais n'établit nullement, par aucune des pièces versées aux débats, avoir respecté son obligation d'avoir moins de 10 % de surface bleue à la vue du public ; que par ailleurs, l'avenant du 27 juin 2008 invoqué par elle prévoit spécifiquement en son annexe 3 l'obligation de repeindre le centre dans de nouvelles couleurs qui ne devront être ni le blanc ni le bleu ;
Attendu au surplus que cet avenant, qui est postérieur au contrat d'origine, ne fait plus aucune restriction quant aux surfaces devant être repeintes ou quant aux nuances de couleurs utilisées ; qu'il en résulte que l'obligation issue de l'article 15 du contrat de franchise implique nécessairement l'obligation pour le franchisé de repeindre sa station de lavage dans d'autres couleurs que le blanc et le bleu sans qu'il y ait lieu de distinguer sur l'association éventuelle de ces deux couleurs ;
Attendu ainsi qu'il est constant que le contrat de franchise n'a pas été renouvelé à son échéance et a pris fin le 25 octobre 2010 ; que l'appelante verse aux débats un constat d'huissier dressé le 12 décembre 2011 qui établit que la station de lavage est demeurée dans les couleurs de la franchise bleue et blanc et ce, de façon visible au public ;
Attendu que ce n'est qu'au mois de juin 2012 et, postérieurement à l'ordonnance de référé l'ayant condamnée à modifier l'aspect extérieur de sa station, que la SAS Aranea a exécuté ses obligations contractuelles en la faisant repeindre en d'autres couleurs ;
Attendu qu'il en résulte que l'intimée a maintenu les couleurs de la franchise pendant plus d'une année en contravention avec son engagement contractuel de faire repeindre sa station de lavage dans les six mois de la cessation du contrat ;
Attendu qu'en application de l'article 15 du contrat, dans le cas ou le franchisé ne satisferait pas aux obligations de cet article et après rappel de cette obligation faite par le franchiseur par lettre recommandée avec accusé de réception, une indemnité contractuelle de 3 000 euro par jour de retard et par infraction, est acquise au franchiseur dans les 15 jours de la réception de la mise en demeure ; qu'en application de cet article, il peut donc être alloué à l'appelante l'indemnité de 50 000 euro réclamée avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et dont il convient de déduire la provision de 10 000 euro accordée en référé, si elle a été effectivement versée ;
Attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'à l'opposé, il doit être fait application de cet article au profit de la SAS Hypromat France ;
Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement de la deuxième chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 30 mai 2014 en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la SAS Aranea à payer à la SAS Hypromat France la somme de 50 000 euro avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2013, somme dont il conviendra de déduire la provision de 10 000 euro si elle a été effectivement versée, Condamne la SAS Aranea aux dépens d'appel et de première instance, Condamne la SAS Aranea à payer à la SAS Hypromat France la somme de 2 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les autres demandes des parties.