CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2015, n° 13-05845
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nabor Auto Confiance (SARL)
Défendeur :
Volkswagen Group France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Regnier, Guillin, Lallement, Bricogne, Selas Vogel & Vogel
Vu le jugement du 8 janvier 2013, par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Nabor Auto Confiance de l'intégralité de ses demandes, et dit n'avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par la société Nabor Auto Confiance le 22 mars 2013 et ses dernières conclusions signifiées le 31 décembre 2014, dans lesquelles il est demandé à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, condamner la société Volkswagen Group France à payer à la société Nabor Auto Confiance les sommes de 46 618 euro au titre de la résiliation abusive du contrat de distributeur, 242 722 euro au titre de la résiliation abusive du contrat de réparateur agréé, ainsi que celle de 12 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et débouter la société Volkswagen Group France de l'ensemble de ses demandes ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 avril 2015 par la société Volkswagen Group France, dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance, débouter la société Nabor Auto Confiance de toutes ses demandes, subsidiairement, si par extraordinaire la cour décidait de condamner la société Volkswagen Group France, limiter la condamnation au préjudice effectivement justifié ayant un lien direct avec les contrats résiliés, en tout état de cause, condamner la société Nabor Auto Confiance à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société Volkswagen Group France est importateur en France des véhicules de marque Volkswagen, Audi et Skoda qu'elle distribue par l'intermédiaire d'un réseau de distributeurs et de réparateurs agréés. La société Nabor Auto Confiance est, depuis février 2002, concessionnaire de la marque Skoda à Morsbach (57).
En septembre 2003, un contrat de distribution et un contrat de réparateur agréé de la marque Skoda, dans le cadre d'un système de distribution sélectif qualitatif, ont été signés entre la société Nabor Auto Confiance et la société Volkswagen Group France, pour une durée indéterminée avec effet au 1er octobre 2003. Les parties ont signé le 12 septembre 2003 un " protocole de mise aux standards service ", prévoyant que le réparateur de la marque Skoda devra satisfaire à des standards qualitatifs à la date d'entrée en vigueur du contrat et pendant toute sa durée. Il était prévu dans ce protocole, en cas d'échec à l'audit de certification, que le réparateur agréé disposerait au maximum de deux délais supplémentaires de trois mois pour se mettre en conformité avec les standards qualitatifs, et ferait l'objet d'un nouvel audit à la fin de chacun de ces délais, afin que la certification soit obtenue au plus tard le 31 décembre 2004. Ce protocole rappelait également la clause résolutoire du contrat, prévue en cas de non-respect de l'un quelconque de ces délais.
En application de ce protocole, une première évaluation des "standards services et vente" a été effectuée le 12 janvier 2004 avec succès. Le second audit au titre de l'année 2005, effectué le 17 mars 2005, a été un échec. La société Nabor Auto Confiance a alors fait l'objet d'un audit de rattrapage le 20 juin 2005, avec succès. Le 12 janvier 2006, la société Nabor Auto Confiance a alors été sollicitée par le cabinet d'audit mandaté par Volkswagen Group France pour passer son audit de surveillance pour l'année 2006.
Le 17 février 2006, la société Nabor Auto Confiance écrivait à la société Volkswagen Group France qu'elle n'entendait plus distribuer la marque Skoda à compter de 2007. Le distributeur exposait que les investissements exigés et les contraintes étaient trop lourds et que " ces charges financières pour une ville comme Forbach (17 000 habitants) sont identiques à une ville comme Metz (200 000 habitants) ou Strasbourg ou Nancy, d'où une rentabilité pratiquement impossible pour un distributeur monomarque".
Par courrier du 30 mars 2006, la société Nabor Auto Confiance demandait à Volkswagen de reporter l'audit 2006, du 5 avril 2006 au 19 juin 2006. Elle terminait ce message par la phrase suivante : " j'ai bien conscience que c'est le dernier audit possible pour rester dans le réseau ". Par courrier du 4 mai 2006, Volkswagen Group France rappelait à son concessionnaire que " l'absence d'audit équivaut à un échec à l'audit concerné " et lui annonçait que, conformément à la directive certification, un audit de rattrapage pouvait avoir lieu, 6 à 12 semaines suivant le 12 avril 2006. Le même courrier a été envoyé le 11 mai 2006, s'agissant du contrôle des standards afférents au contrat de distributeur.
Par courrier du 13 mai 2006, la société Nabor Auto Confiance informait le concédant de sa situation et rappelait qu'elle estimait être dispensée du respect des standards contractuels, dans la mesure où elle avait décidé de rompre le contrat à effet au 31 décembre 2006 et que "trois éléments clés de l'entreprise en charge des tâches ISO" l'avaient quittée et sollicitant un accompagnement afin de pouvoir passer l'audit. Par lettre du 14 juin 2006 elle écrivait à Volkswagen pour lui demander l'annulation de l'audit de rattrapage prévu le 19 juin 2006.
Par courrier du 29 juin 2006, Volkswagen écrivait au distributeur que l'annulation de l'audit du 19 juin 2006 était considérée comme un échec et que conformément à la directive certification elle avait la faculté de passer un deuxième et dernier audit de rattrapage au plus tard le 12 juillet 2006. Volkswagen indiquait : " en cas de nouvel échec lors de l'audit de rattrapage, l'absence d'audit, ou en cas de non-respect des délais, nous serons contraints de procéder à la résiliation extraordinaire du contrat de réparateur agréé Skoda qui nous lie ". Le même courrier était envoyé, s'agissant du contrôle des standards pour le contrat de distributeur. Malgré ces courriers d'avertissement, la société Nabor Auto Confiance écrivait à Volkswagen, pour demander l'annulation du dernier audit de rattrapage prévu le 12 juillet 2006.
Par lettres recommandées avec accusés de réception en date du 24 juillet 2006, la société Volkswagen Group France signifiait à la société Nabor Auto Confiance la résiliation immédiate de son contrat de distributeur et de son contrat de réparateur Skoda, en raison de l'absence d'audit.
Par acte d'huissier en date du 5 mai 2011, la société Nabor Auto Confiance a fait assigner la société Volkswagen Group France, pour résiliation fautive, sans respect du préavis, des contrats de distribution et de réparation Skoda dont elle était concessionnaire.
Dans le jugement frappé d'appel, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la résiliation sans préavis des contrats était justifiée par le non-respect des standards qualitatifs de la marque. Il a donc débouté la société Nabor Auto Confiance de toutes ses demandes.
Sur la résiliation du contrat de distributeur et sur la résiliation du contrat de réparateur agréé
Considérant que la société appelante soutient que la société Volkswagen Group France a mis en jeu de mauvaise foi la clause résolutoire prévue dans les contrats de distributeur et de réparateur agréé et que la résiliation sans préavis est totalement disproportionnée par rapport aux griefs mis en avant par la société Volkswagen Group France ; que la société Volkswagen Group France a engagé sa responsabilité à l'égard de la société Nabor Auto Confiance en résiliant sans préavis, le 24 juillet 2006, ses contrats de distributeur et de réparateur Skoda pour non-réalisation des audits ; que, selon l'appelante, dès lors que la société Volkswagen Group France avait accepté la résiliation du contrat par anticipation (au profit d'un autre distributeur déjà identifié, nommé dès janvier 2007), elle ne pouvait de bonne foi exiger de la société Nabor Auto Confiance qu'elle se mette aux normes et effectue des investissements pour les 6 mois restant à courir ; qu'elle aurait dû bénéficier d'une dérogation quant au respect des standards qualitatifs pour la vente jusqu'au 31 décembre 2006 ;
Considérant que la société appelante soutient que celui qui souhaite mettre en œuvre la clause résolutoire doit rapporter la preuve que les manquements dont il se prévaut sont d'une gravité telle qu'ils justifient la résolution immédiate et sans préavis du contrat ; qu'en l'espèce, selon l'appelante, elle a, suite à un courrier de la société Volkswagen Group France en date du 4 mai 2006, exprimé clairement par courrier en date du 15 mai 2006 une demande de formation, préalable à tout audit, et qu'ainsi la société Volkswagen Group France ne pouvait de bonne foi enclencher la procédure d'audit ;
Considérant que la société intimée fait savoir que dans le cadre de son réseau de distribution sélectif qualitatif, le respect des standards qualitatifs contractuels était au cœur de la relation contractuelle et que selon l'article 20-1 du contrat de réparateur agréé " le présent contrat peut être résilié sans préavis pour motif grave.... notamment lorsque : le réparateur agréé, malgré une mise en demeure, ne respecte toujours pas un ou plusieurs standards qualitatifs... ", stipulation également présente dans le contrat de Distributeur à l'article 19.a ; qu'afin de vérifier le respect permanent par le Distributeur/Réparateur agréé des standards qualitatifs de la marque Skoda, le processus d'audit était annualisé et la société Nabor Auto Confiance n'avait pas respecté les délais prévus par le Protocole de mise aux standards service et vente pour effectuer l'audit et qu'ainsi cette faute justifiait la résiliation sans préavis des contrats de distributeur et de réparateur agréé ; que les demandes en dommages et intérêts étaient, dès lors, injustifiées ;
Considérant que dans le cadre d'un système de distribution sélectif qualitatif pour la vente et le service après-vente de véhicules de marque Skoda, la société Groupe Volkswagen France et la société Nabor Auto Confiance ont signé un contrat de distributeur et un contrat de réparateur agréé pour la représentation de la marque Skoda à Morsbach ;
Considérant que ces contrats comportent des articles 1.1 et 1.3 stipulant que "la distribution de véhicules automobiles neufs de la marque Skoda" et " l'exécution des services d'entretien et de réparation pour le véhicule automobile de marque Skoda, y compris la distribution des pièces d'origine Skoda, est réalisée dans le cadre d'un système de distribution sélective qualitative " et les deux contrats prévoient qu'ils sont basés sur le respect permanent, par le réparateur agréé ou les distributeurs, des standards qualitatifs conformément à l'annexe 1 du contrat de réparateur et l'annexe 2 du contrat de distributeur ; que ces annexes renvoient aux directives du fournisseur, s'agissant des "standards qualitatifs" ; que l'article 10. 1 du contrat de distributeur contient les dispositions suivantes : " Le distributeur s'engage à équiper et à entretenir ses locaux d'exploitation de façon que les dimensions, l'équipement, l'aménagement ainsi que l'apparence extérieure répondent aux exigences de la marque Skoda fixées par les standards qualitatifs et les directives tant sur le plan technique que commercial. En fait notamment partie le système de la garantie de la qualité conformément à la norme ISO 9000 et suivantes " ; que le contrat de réparateur agréé comporte un article 11.1 parfaitement identique ; qu'en vertu de l'article 19 a du contrat de distributeur et de l'article 20.1 du contrat de réparateur, il est prévu que ces contrats pourront être résiliés sans préavis avec effet immédiat pour motif grave par lettre recommandée avec accusé de réception et que le fournisseur y est notamment habilité lorsque "le distributeur ou le réparateur, malgré une mise en demeure, ne respecte toujours pas un ou plusieurs standards qualitatifs fixés à l'annexe 1 ou 2 ou une autre obligation essentielle née du présent contrat " ;
Considérant qu'il résulte du déroulement des faits que la société Nabor Auto Confiance a refusé de se soumettre à la procédure d'audit au titre de l'année 2006 ; qu'elle connaissait cette procédure d'audit, puisqu'elle y avait été soumise en 2004 et en 2005 ; qu'elle avait été informée par la société Volkswagen Group France, à plusieurs reprises, que l'annulation d'un audit équivalait à un audit négatif ; que les clauses résolutoires des deux contrats ont donc été à juste titre mises en œuvre ;
Considérant que tout manquement aux critères de sélection, dans le cadre d'un réseau de distribution sélective, précisément basé sur le respect de ces critères, constitue une faute, de nature à justifier une résiliation sans préavis du contrat, sous réserve que ces critères ne soient pas manifestement excessifs ou irréalisables ou appliqués de façon discriminatoire ; que la société Nabor Auto Confiance ne démontre pas cet état de fait ;
Considérant que la société appelante soutient que la société Volkswagen Group France aurait été de mauvaise foi en faisant diligenter la procédure d'audit, alors qu'elle avait, à sa demande, accepté le principe de la fin du contrat au 31 décembre 2006 ;
Considérant qu'une résiliation peut revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil aux termes desquelles les conventions légalement formées " doivent être exécutées de bonne foi " que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi ;
Mais considérant que la société Nabor Auto Confiance ne démontre aucunement que la société intimée avait accepté la résiliation anticipée, notifiée par le distributeur ni qu'elle avait renoncé au respect des critères de sélection ; que, de plus, même si elle avait accepté expressément cette résiliation, cet accord n'aurait pas dispensé le distributeur de respecter les critères de sélection et de se soumettre aux audits de contrôle ; que la société Nabor Auto Confiance ne démontre pas avoir été tenue dans l'ignorance de cette procédure ; qu'elle ne peut notamment soutenir que la "directive de certification vente et service" du groupe Volkswagen, décrivant la procédure d'audit, et datée de janvier 2006, ne lui aurait jamais été communiquée ; qu'en effet, cette directive ne constitue que la reprise de règles préexistantes et concrètement appliquées par Volkswagen Group France à Nabor AutoConfiance en 2004 et en 2005 ; que les dates des audits et les délais écoulés entre ceux-ci, proposés à la société Nabor Auto Confiance en 2006, sont conformes à cette procédure ; qu'aucune mauvaise foi n'est imputable à la société Volkswagen Group France ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Nabor Auto Confiance aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Nabor Auto Confiance à payer à la société Volkswagen Group France la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.