ADLC, 24 juin 2015, n° 15-D-11
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs
L'Autorité de la concurrence (section II),
Vu la lettre, enregistrée le 24 janvier 2014 sous le numéro 14-0011F, par laquelle la société Concurrence a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Samsung Electronics France et d'autres sociétés dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs ; Vu la lettre, enregistrée le 6 octobre 2014 sous le numéro 14-0094M, par laquelle la société Concurrence a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Concurrence et Samsung Electronics France ; Vu les décisions de secret des affaires n° 15-DSA-83, 15-DSA-84, 15-DSA-90, 15-DSA-91, 15-DSA-92, 15-DSA-97, 15-DSA-105, 15-DSA-106, 15-DSA-107, 15-DSADEC-02, 15-DSA-114, 15-DSA-98, 15-DSA-126, 15-DSADEC-04, 15-DSA-132, 15-DSA-144, 15-DSADEC-05, 15-DSA-148, 15-DSA-160, 15-DSADEC-06, 15-DSA-178, 15-DSA-179, 15-DSA-187, 15-DSA-194, 15-DECR-25, 15-DEC-34 et 15-DEC-35 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Concurrence et Samsung Electronics France entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence le 27 mai 2015 ;
I. Constatations (1)
A. LA SAISINE
1. LA SAISINE INITIALE
1. Par lettre du 24 janvier 2014, l'Autorité de la concurrence (ci-après " l'Autorité ") a été saisie d'une plainte de la SARL Concurrence (ci-après " Concurrence "), distributeur indépendant de produits d'électronique grand public, dénonçant des pratiques mises en œuvre par la SAS Samsung Electronics France (ci-après " Samsung "), son principal fournisseur, tendant à l'évincer du marché avec le concours des autres filiales du groupe, de ses grossistes et détaillants, ainsi que certains de ses concurrents (2).
2. Le même jour et accessoirement à cette saisine, elle l'avait également saisie d'une première demande de mesures conservatoires(3).
2. LA DÉCISION N° 14-D-07 DU 23 JUILLET 2014
3. Le 23 juillet 2014, l'Autorité a rendu sur les saisines de Concurrence la décision n° 14-D-074 suivante :
" Article 1 : La saisine de la société Concurrence est rejetée comme irrecevable en tant qu'elle concerne les pratiques de manque de loyauté dans l'information reprochées aux SAS Kelkoo et Data Concept.
Article 2 : La saisine de la société Concurrence est rejetée, faute d'éléments suffisamment probants, en tant qu'elle concerne les pratiques d'abus de dépendance économique, de refus de vente et boycott, de rupture brutale des relations commerciales, d'ententes verticales et horizontales sur les prix.
Article 3 : Il y a lieu de poursuivre l'instruction pour le surplus.
Article 4 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 14-0012M est rejetée ".
4. Par acte du 1er septembre 2014, Concurrence a formé un recours contre cette décision5.
5. L'allégation de restrictions verticales aux ventes actives et passives de Concurrence fait actuellement l'objet d'une instruction au fond.
3. LA DEMANDE DE COOPÉRATION ADRESSÉE À LA COMMISSION EUROPÉENNE
6. Préalablement à sa saisine, Concurrence avait déposé le 2 mars 2012 devant la Commission européenne une plainte contre Samsung dénonçant notamment les mêmes quatre clauses litigieuses de son contrat de distribution sélective (6).
7. Les services d'instruction ont adressé le 17 septembre 2014 à la Commission européenne une demande de coopération tendant à ce qu'elle accepte de se saisir de la plainte de Concurrence, dans les limites fixées par la décision n° 14-D-07 (7).
8. Le 30 septembre 2014, la Commission européenne a indiqué qu'elle allait " se saisir d'une partie de cette affaire, c'est-à-dire notamment les questions relatives :
a) aux clauses des contrats de distribution sélective de Samsung qui utilisent la notion de "Zone d'installation"; et
b) à l'interdiction générale des ventes sur les sites internet non agréés et/ou sur des sites tiers, notamment de market places " (8).
9. Elle a précisé le 7 octobre 2014 que ce dernier point " (...) englobe la question de l'application discriminatoire par le fabricant de la clause interdisant les ventes via market places suivant les distributeurs agréés comme alléguée dans la plainte de la société Concurrence " (9).
4. LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES DU 6 OCTOBRE 2014
10. Accessoirement à sa saisine au fond et parallèlement à son recours contre la décision précitée du 23 juillet 2014 (10), Concurrence a de nouveau sollicité le 6 octobre 2014 (11), sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires (12).
B. LES NOUVEAUX ÉLÉMENTS AVANCÉS PAR Concurrence
11. Concurrence expose que sa demande " a pour fondement une partie de la saisine au fond présentée () le 24 janvier 2014 () et qui concerne ''l'entente verticale aux fins de restrictions actives et passives'' " (13).
12. Ses difficultés financières actuelles s'expliqueraient ainsi " par 2 faits principaux :
refus de vente des produits Elite pendant 6 mois et demi,
et interdiction de ventes sur Market Places à dater de mars 2012, interdiction toujours valable en août 2014 " (14), qu'elle considère comme nouveaux, pour avoir été mis en œuvre à compter de 2012 (15).
13. Dans le prolongement de sa saisine, elle explique que, " de nombreux éléments de faits et de droit sont intervenus depuis le 11 juin 2014, qui justifient le prononcé de mesures conservatoires " (16).
14. Ils démontreraient selon elle :
- l'inexistence du circuit long de Samsung (refus de vente de plusieurs grossistes (17), non-respect du contrat sélectif et existence d'obstacles techniques pour distribuer les produits des filiales (18)) ; et
- la pratique par le fabricant de nouvelles discriminations dans l'application de son contrat de distribution sélective (avantages commerciaux discriminatoires (19) et nouvelles discriminations dans l'interdiction de revendre sur les sites de market places (20)).
C. LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES
15. Concurrence, à titre de mesures conservatoires, demande à l'Autorité :
" [d'] Enjoindre à Samsung Electronics France de reprendre ses livraisons de télévisions, de produits électroniques et d'accessoires correspondants à la société Concurrence dans des conditions non discriminatoires, notamment de remises et ristournes, de délais et de modalités de livraison et de services annexes, en circuit court.
[d'] Enjoindre à Samsung Electronics France de procéder, dans le mois à compter de la notification de la décision à venir, à la modification de ses contrats de distribution sélective existants ou à la diffusion d'une circulaire générale, afin de stipuler, dans des termes clairs et dépourvus de réserve, que les distributeurs agréés membres de son réseau de distribution sélective ont la possibilité de recourir à la vente par Internet, notamment sur des places de marché, sans préjudice de la possibilité pour la société Samsung d'encadrer cette activité de vente en ligne, dans le respect de la jurisprudence et des indications figurant dans les lignes directrices de la Commission Européenne à ce sujet.
Plus généralement, [de] prendre toute mesure supplémentaire que l'Autorité de la concurrence estimerait proportionnée à l'atteinte ainsi relevée " (21).
16. Ces demandes sont similaires à celles formulées dans le cadre de sa première demande de mesures conservatoires (22).
II. Discussion
17. La recevabilité de la saisine au fond ayant été déjà examinée dans le cadre de la décision n° 14-D-07 précitée, il n'y a pas lieu de l'étudier à nouveau. Seront donc ici uniquement discutés les exceptions de procédure (i) et le bien-fondé de la demande de mesures conservatoires (ii).
A. LA PROCÉDURE
18. Samsung invoque l'irrecevabilité de la demande en ce que l'Autorité aurait déjà connu des mêmes faits, serait dessaisie par le recours contre sa décision et par la procédure ouverte devant la Commission européenne (23).
19. Concurrence s'oppose à ces prétentions en affirmant se prévaloir de circonstances postérieures à la première décision et en faisant valoir que son recours se limite à des moyens de procédure (24).
20. Il résulte de la pratique décisionnelle que le rejet d'une demande de mesures conservatoires, accessoire à une saisine au fond, n'exclut pas la faculté de saisir à nouveau l'Autorité d'une telle demande en cas de survenance d'éléments nouveaux (25).
21. En l'espèce, la décision de l'Autorité n° 14-D-07 précitée a déclaré la saisine au fond de Concurrence pour partie étayée d'éléments suffisamment probants justifiant la poursuite de l'instruction en ce qui concerne les faits susceptibles de révéler des restrictions verticales sur les ventes actives et passives des détaillants sur le marché pertinent.
22. Cette saisine au fond est donc susceptible de servir de fondement à l'octroi de mesures conservatoires, si les critères en sont réunis.
23. L'instruction est en cours, le recours formé par Concurrence, qui n'est pas suspensif, n'ayant pas dessaisi l'Autorité.
24. Dans ce contexte, Concurrence justifie de circonstances de fait postérieures à la première décision consistant en :
- des échanges avec Samsung depuis le 25 août 2014 relatifs à la communication d'informations jugées nécessaires à son approvisionnement en circuit long (26) ;
- des démarches en date du 5 septembre 2014 à l'égard des 25 grossistes agréés Samsung en vue d'entrer en relation commerciale (27) ;
- des échanges intervenus depuis le mois de septembre 2014 avec le grossiste GPDIS censés établir son refus de se conformer aux prescriptions du contrat sélectif Samsung, en particulier sur les références distribuées, la fourniture des informations tarifaires et l'objet de la convention-cadre 2015 (28) ;
- des réponses des 2 et 8 septembre 2014, respectivement des filiales belge (29) et suisse (30) du groupe Samsung, à une demande d'informations sur les références et conditions de livraison ;
- de nouvelles discriminations dans l'application du contrat sélectif Samsung, notamment de la clause interdisant la revente sur les sites tiers ou de market places, la fixation des remises et ristournes (31), voire la mise en place de nouvelles formes contractuelles (32).
25. Par ailleurs, la Commission européenne n'a à ce jour pas formellement ouvert de procédure en vue d'une décision au titre du chapitre III du règlement CE n° 1-2003, susceptible d'entraîner le dessaisissement de l'Autorité de la partie de la plainte au fond dont la reprise est envisagée (33).
26. Il résulte de l'ensemble de ces constatations que Concurrence est recevable à présenter une nouvelle demande de mesures conservatoires accessoirement à sa saisine au fond, nonobstant l'exercice d'un recours sur la décision statuant sur une première demande.
B. LA DEMANDE DE MESURES CONSERVATOIRES
27. Il résulte des alinéas 1 et 2 de l'article L. 464-1 du Code de commerce que l'Autorité ne peut prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.
28. La pratique décisionnelle énonce de manière constante que ces trois critères de gravité, d'immédiateté de l'atteinte et de lien de causalité entre les pratiques et l'atteinte présentent un caractère cumulatif, de sorte que si l'un d'entre eux n'est pas établi, aucune mesure conservatoire ne peut être accordée (34).
29. Le Conseil de la concurrence, puis l'Autorité ont par ailleurs rappelé à plusieurs reprises que le risque de disparition de l'entreprise requérante n'est pris en considération que dans le cas d'une atteinte immédiate à ses intérêts, ce qui ne recouvre pas les situations anticoncurrentielles anciennes (35).
30. En effet, les mesures conservatoires que peut prononcer l'Autorité ne visent pas à prévenir un risque de perturbation potentielle du jeu concurrentiel, mais ont vocation à répondre à une atteinte existante, grave et immédiate par des mesures d'urgence nécessaires pour éviter des conséquences difficilement réversibles et préserver la pleine efficacité de l'application du droit de la concurrence dans l'attente de la décision au fond (36).
31. En l'espèce, Concurrence soutient que l'Autorité doit se placer au moment de l'effet des pratiques dénoncées sans considération des motifs concurrentiels, en l'espèce en mars 2012, compte tenu de ses bons résultats en 2011 (37).
32. Samsung avance que les pratiques invoquées, qui datent de 2012, sont anciennes, ne sont étayées d'aucun élément nouveau et que Concurrence a avoué avoir " vendu le magasin " (38).
33. Pour rechercher s'il existe une atteinte grave et immédiate aux intérêts de l'entreprise concernée, il convient de rappeler que la demande s'inscrit dans le cadre des relations commerciales existant entre Samsung et Concurrence.
34. La chronologie des rapports de distribution entre ces deux entreprises peut être présentée comme suit :
- entre 2010 et février 2011 (39), Samsung a fourni à Concurrence des téléviseurs sur la base d'un accord verbal (40), prévoyant diverses remises, ristournes et le réaménagement du magasin à l'enseigne du fabricant (41) ;
- entre février 2011 et février 2012, les deux sociétés ont entamé des pourparlers infructueux sur les conditions futures de leurs relations commerciales (42) ;
- au mois de février 2012, Samsung a proposé à Concurrence d'adhérer à son contrat de distribution sélective (43) ;
- le 14 mars 2012, Concurrence a adhéré au contrat de distribution sélective Samsung, tout en en contestant les conditions
(44) ;
- le 20 mars 2012, Samsung a notifié à Concurrence la rupture de leurs relations commerciales avec effet au 30 juin 2013, lui laissant la possibilité de se fournir en circuit court pour l'ensemble de ses produits, y compris en téléviseurs " Elite " objet de la distribution sélective, pendant la durée du préavis (45) ;
- entre le 20 mars 2012 et le 20 septembre 2012, Samsung et Concurrence sont entrées en pourparlers sur les conditions d'agrément de cette dernière pendant la durée du préavis (46) ;
- le 20 septembre 2012, Concurrence a été agréée en qualité de distributeur pour les produits sélectifs Elite (47) ;
- entre le 20 septembre 2012 et le 30 juin 2013, Samsung et Concurrence ont été en conflit sur l'application de la clause du contrat de distribution sélective interdisant la vente sur les sites de marketplaces (48) ;
- répondant à une demande de Concurrence du 30 mars 2012, réitérée le 23 janvier 2013, Samsung lui a envoyé le 1er février 2013 une liste de 35 grossistes agréés pour la vente de ses téléviseurs Elite (49) ;
- le 27 février 2013, les parties ont signé un avenant à leur contrat de distribution sélective, portant sur les nouveaux critères d'agrément et la gamme Elite 2013 (50) ;
- le 28 février 2014, Concurrence et Samsung ont signé un nouvel avenant au contrat sélectif, relatif à la gamme Elite 2014 (51) ;
- sur demande de Concurrence, Samsung lui a fourni le 5 septembre 2014 une nouvelle liste (52) de 25 grossistes agréés pour distribuer les téléviseurs Elite ;
- le 16 mars 2015, les parties ont conclu un troisième avenant à leur contrat, permettant la distribution de la totalité des références de la gamme Elite 2015 (53).
35. Or, sans nier les obstacles rencontrés par Concurrence liés à des rapports souvent conflictuels avec son fournisseur, les difficultés économiques dont elle fait état à l'appui de la demande procèdent d'un processus historique continu et antérieur à la signature du contrat de distribution sélective, objet de la saisine au fond de l'Autorité.
36. En effet dès 2008 (54), le chiffre d'affaires de Concurrence avait déjà chuté de 30 % par rapport à l'année précédente (- 30,97 %) et son résultat d'exploitation a été divisé par trois (- 291,37 %), ce dernier atteignant la somme négative de 698 610 euro (55).
37. Malgré une légère progression de son chiffre d'affaires en 2011, elle connaissait toujours un résultat d'exploitation déficitaire de 25 120 euro et sa solvabilité (56) s'était lourdement dégradée lors de cet exercice (- 60 % par rapport à 2010), ce alors même qu'elle commercialisait à l'époque ses produits sur les sites de market places (57).
38. Poursuivant cette tendance, la situation économique de la société s'est fortement détériorée entre 2011 et 2014, avec une division par quatre de son chiffre d'affaires (de 4 774 353 euro à 1 168 122 euro) et par 12 de son résultat d'exploitation (de 25 120 euro à 301 298 euro).
39. Pourtant jusqu'au 30 juin 2013, Concurrence avait toujours la possibilité de se fournir en circuit court auprès de Samsung pour l'ensemble de ses produits, y compris en téléviseurs Elite, ce qui tend à établir que les difficultés financières de l'entreprise ne sont pas liées aux clauses du contrat de distribution sélective conclu entre les parties.
40. Force est de constater que malgré cette détérioration, Concurrence n'a alors ni saisi l'Autorité des pratiques aujourd'hui imputées à Samsung, ni sollicité des mesures conservatoires, laissant ainsi penser que la dégradation financière était sans lien notamment avec la clause prohibant la commercialisation des produits de la marque sur les market places.
41. Concurrence, qui considère que le point de départ des effets des pratiques dénoncées est le mois de mars 2012 (58), a effectivement attendu deux ans et demi avant de présenter sa demande de mesures conservatoires.
42. En outre, elle n'apporte sur ce point aucun élément nouveau par rapport à ceux dont l'Autorité a eu connaissance lors de l'examen de la précédente demande de mesures conservatoires, le fait qu'elle jugeait trop stricts les critères d'octroi des mesures conservatoires (59) ne pouvant justifier qu'elle ait à ce point différé sa saisine.
43. Les éléments factuels nouveaux qu'elle avance au soutien de cette seconde demande de mesures conservatoires ne peuvent à cet égard modifier la présente analyse, puisqu'ils s'inscrivent dans le prolongement de la situation préexistante.
44. Il en résulte que le critère d'immédiateté requis par l'article L. 464-1 du Code de commerce n'est pas rempli.
45. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres conditions prévues par ce texte, la demande de mesures conservatoires doit être rejetée.
DÉCISION
Article unique: La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 14/0094 M est rejetée.
Délibéré sur le rapport oral de M. Renaud Halem, rapporteur, et lintervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, M. Emmanuel Combe, vice-président et Mme Chantal Chomel, membre.
Notes :
1 Pour la lecture de la présente décision, les cotes référencées en notes de bas de page sont celles du dossier n° 14-0094M. En cas de référence aux dossiers 14-0011F et 14-0012M, les numéros de ces dossiers précèdent expressément le visa de leurs côtes. L'acronyme " VNC " renvoie à la version non confidentielle des cotes citées.
2 Dossier n° 14-0011F : saisine du fond du 24 janvier 2014, cotes 1 à 113.
3 Dossier n° 14-0012M : demande de mesures conservatoires du 24 janvier 2014 (intégrée dans le dossier n° 14-0011F, aux cotes 114 à 127).
4 Décision n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits bruns, en particulier des téléviseurs. L'analyse de l'Autorité sur le secteur, les entreprises concernées, l'affectation du commerce entre Etat membres, les marchés pertinents, la position des entreprises et la recevabilité de la saisine au fond, qui a été exposée dans cette décision, ne sera pas reprise ici.
5 Cotes 18 591 à 18 594.
6 Dossier n° 14-0011F : cotes 128 à 146.
7 Dossier n° 14-0011F : demande de coopération adressée le 17 septembre 2014 à la Directrice générale de la concurrence, cotes 2768 et 2769.
8 Dossier n° 14-0011F : courrier de la Commission européenne du 30 septembre 2014, cote 2771. Elle mentionnait par ailleurs l'" existence d'une enquête en cours sur diverses pratiques commerciales et restrictions contractuelles dans le secteur de la vente de produits électroniques au grand public [incluant] la question de[s] market places ".
9 Dossier n° 14-0011F : courriel du Chef de l'Unité C-3 de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne, cote 2779.
10 Toujours pendant devant la Cour d'appel de Paris à la date de la présente décision.
11 Demande de mesures conservatoires du 6 octobre 2014 enregistrée sous le numéro 14-0094M, cotes 1 à 53.
12 Il ressort de l'audition de son gérant M. Jean X du 8 janvier 2015 (cote 782, points 28 et 29) qu'informée le 18 novembre 2014 des perspectives procédurales données par la Commission européenne, la société avait dans un premier temps décidé de porter son affaire devant le juge des référés du Tribunal de commerce. Dans un courrier du 26 novembre 2014, elle s'est finalement rétractée, réclamant une instruction " rapide " et un " calendrier très court " (cotes 739 à 744).
13 Cote 2.
14 Cote 9.
15 Son gérant M. Jean X indique : " () je vise le refus de vente et l'interdiction de vente sur les market places, qui sont nouvelles, car jusqu'en 2012, elles n'avaient pas cours. En effet, il n'y avait pas de refus de vente ni d'interdiction formelle de vendre sur les market places, le contrat de distribution sélective Samsung ayant été mis en place en 2010. Les difficultés antérieures à 2012 provenaient uniquement de conditions commerciales discriminatoires ", audition du 8 janvier 2015 (point 43), cote 784.
16 Cote 2.
17 Cotes 17 à 22, 727 à 735, 19 562 à 19 564.
18 Cotes 19 563 et 19 564.
19 Cote 18 730.
20 Cotes 24 et 25.
21 Demande de mesures conservatoires du 6 octobre 2014, cote 50.
22 Dossier N° 14-0012M : cote 20 228, reprise au point 67 de la décision n° 14-D-07 de l'Autorité de la concurrence précitée.
23 Cotes 18 580 à 18 582.
24 Cote 18 728.
25 Conseil de la concurrence, décision n° 00-MC-13 du 25 juillet 2000 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par les sociétés Cinévog SARL, Les Cinq Parnassiens SA, SNC Studio du Dragon et la société MK2 concernant les pratiques de la société UGC Ciné-Cité dans le secteur de l'exploitation des salles de cinéma, p. 11.
26 Cotes 20 à 22 : notamment sur les références vendues en France et en Europe, la mise en service à domicile, le service après-vente, les informations commerciales à donner aux vendeurs et la classification en catégorie Elite des dernières références de téléviseurs apparues sur internet.
27 Cotes 17, 18, 36 et 44, 18 745 à 18 757.
28 Cotes 45 à 48, 726 à 732, 18 731, 18 734, 19 562 et 19 563.
29 Cotes 19, 20, 44 et 19 564.
30 Cote 36.
31 Cotes 23 à 33, 18 718, 18 719, 18 736 à 18 742, 18 757, 18 758, 18 759, 18 760, 19 565 et 19 566.
32 Cotes 18 742 à 18 744.
33 Règlement (CE) n°1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 [devenus articles 101 et 102] du traité, article 11, paragraphe 6 : " L'ouverture par la Commission d'une procédure en vue de l'adoption d'une décision en application du chapitre III dessaisit les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer les articles 81 et 82 du traité. Si une autorité de concurrence d'un État membre traite déjà une affaire, la Commission n'intente la procédure qu'après avoir consulté cette autorité nationale de concurrence ".
34 Autorité de la concurrence, décision n° 14-MC-02 du 9 septembre 2014 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Direct Energie dans les secteurs du gaz et de l'électricité, points 208, 209 et 276 ; décision n° 14-MC-01 du 30 juillet 2014 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société beIN Sports France dans le secteur de la télévision payante, points 228 et 229 ; décision n° 13-D-16 du 27 juin 2013 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes, point 163 ; décision n° 13-D-04 du 14 février 2013 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe EDF dans le secteur de l'électricité photovoltaïque, point 179.
35 Conseil de la concurrence, décision n° 89-MC-01 du 24 janvier 1989 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la SARL Publi-Cazal, dernière page ; Autorité de la concurrence, décision n° 13-D-04 du 14 février 2013 précitée, points 183 à 186, 209 et 210 ; décision n° 10-D-33 du 30 novembre 2010 relative à une demande présentée par la société Roland Vlaemynck Tisseur, point 53.
36 Autorité de la concurrence, décision n° 09-D-15 du 2 avril 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société SFR concernant diverses pratiques mises en œuvre par le groupe France Télécom sur les marchés de la téléphonie mobile et de l'Internet haut débit (offre 'Unik'), point 66.
37 Cotes 39, 41 et 18 735.
38 Cote 18 586 et 18 587.
39 Dossier n° 14-0011F : extrait des conclusions de Samsung du 18 décembre 2012 devant le Tribunal de commerce de Paris, cote 290.
40 Dénommé " Accords Y ", du nom de Jacques Y, ancien Vice-président exécutif de Samsung, en fonctions selon la plaignante jusqu'à son remplacement en février 2011 par M. Philippe Z. Voir dossier 14-0012M : audition de M. Jean X, points 65 à 67, cote 2782 ; dossier n° 14-0011F : courriel de M. Philippe Z du 1er juin 2011, page 2, faisant référence à " () cet accord " (cote 158) ; dossier 14-0094M : audition de M. Jean X du 20 janvier 2015, points 83, 85 à 87, cote 841.
41 Dossier n° 14-0011F : devis de réaménagement du magasin à l'enseigne Samsung du 24 novembre 2009 (cotes 843 et 844), lettre de M. Jacques Y du 15 janvier 2010 au sujet de la protection des stocks et à une remise de 3 % (cote 230), facture de réaménagement du magasin établie au nom de Samsung et réglée par celle-ci (cotes 295 à 297), photo de la pose de l'enseigne Samsung sur le magasin (cotes 841 et 842), courrier de M. Philippe Z du 25 avril 2011 faisant référence à un courant d'affaires entre les deux sociétés et au paiement d'avoirs et de ristournes différées (cote 856 et 857), avoirs de Samsung du 28 février 2011 (cotes 847 et 848) et du 3 juin 2011 (cotes 849 et 850), courrier de M. Philippe Z du 16 juin 2011 relatif à des avoirs (cote 854), courriel de M. Philippe Z du 9 décembre 2011 relatif au régime des remises et ristournes octroyées à Concurrence entre 2009 et 2011 (cotes 182 à 184), courriels de M. Philippe Z du 20 février 2012 (cote 186) et morceau de courriel non daté (cote 163) faisant référence à des " remises spécifiques à la référence du produit ".
42 Dossier n° 14-0011F : courrier (non daté) de Samsung d'invitation à devenir distributeur agréé Elite (cote 360), courriel de Concurrence du 13 avril 2011 contestant la légalité du contrat sélectif proposé par Samsung (cote 338), courriel de M. Philippe Z du 18 avril 2011 au sujet d'une proposition de contrat-cadre (cote 312) et proposition de contrat-cadre (cotes 313 à 327), courrier de M. Philippe Z du 25 avril 2011 au sujet d'une erreur sur les " ristournes différées " de janvier et février 2011 (cotes 856 et 857), courriel de M. Philippe Z du 23 mai 2011 au sujet d'un projet de rendez-vous (cote 846), courriel du 9 décembre 2011 de M. Philippe Z (cotes 183 et 184), courriel de M. Jean X du 19 décembre 2011 contestant la réduction des remises (cotes 189 et 190), courriel de M. Philippe Z du 24 février 2012 proposant de nouvelles remises après contestation (cotes 554 à 557), courrier de Concurrence du 28 février 2012 (cotes 362 à 365) et courriel de M. Philippe Z du 7 mars 2012 (cotes 367 et 368).
43 Dossier n° 14-0011F : courrier de Samsung (non daté) de proposition du contrat de distribution sélective 2012 (cote 360), courrier de M. Jean X du 28 février 2012 de contestation des obligations imposées au distributeur (cotes 362 à 365) et courriel de M. Philippe Z du 7 mars 2012 répondant aux critiques et incitant à la signature du contrat (cotes 367 et 368).
44 Dossier n° 14-0011F : courrier de Concurrence à M. Philippe Z du 14 mars 2012 (cotes 231 à 233). Voir également, dans le dossier 14-0094M, le contreseing de ce contrat par Samsung le 4 mai 2012, aux cotes 7225 à 7243 de ce dossier.
45 Dossier n° 14-0011F, courriers de Samsung à Concurrence du 20 mars 2012 (cotes 235 et 236) et du 24 juin 2013 (cote 679).
46 Dossier n° 14-0011F : courriel de M. Jean X du 22 février 2012 sur l'inclusion des remises et ristournes (cotes 556 et 557), courriel de Concurrence du 30 mai 2012 relatif aux ventes sur internet (cotes 350 à 352), courriel de Concurrence du 5 septembre 2012 sur les services de livraison et d'installation (cote 348), courriel de M. Philippe Z du 11 septembre 2012 relatif aux services de livraison, d'installation, le service après-vente et la distribution sur internet (cotes 340 et 341), lettre de Concurrence à Samsung du 13 septembre 2012 (cotes 354 à 358), courriel de M. Philippe Z du 18 septembre 2012 (cote 343) et courriel de M. Jean X du 18 septembre 2012 (cotes 345 et 346) ; voir également dans le même dossier les cotes 238 à 241, 280, 650 et 651, 673 à 689.
47 Dossier n° 14-0011F : courrier de Samsung à Concurrence du 24 septembre 2012 faisant référence à cette date d'agrément (cote 310).
48 Dossier n° 14-0011F : courrier de Samsung du 24 septembre 2012 rappelant l'interdiction de vendre sur le site internet de Concurrence sauf agrément ultérieur (cote 310), courrier de Concurrence du 28 septembre 2012 invoquant l'illicéité et l'application discriminatoire de la clause d'interdiction des market places (cotes 238 et 239) et lettre de Samsung du 22 novembre 2012 de mise en demeure de respecter la clause market places (cote 241).
49 Dans le dossier n° 14-0011F : courriel de M. Jean X du 30 mars 2012 sollicitant la liste des grossistes Samsung pour les téléviseurs, les ordinateurs portables, les téléphones, les tablettes et les produits audio (cote 727), courriel de relance du 23 janvier 2013 (cote 862) et courriel de M. Philippe Z du 1er février 2013 communicant la liste des grossistes agréés Elite en janvier 2013 (cotes 388 à 395).
50 Cotes 10 360 à 10 369 (VNC).
51 Cotes 10 370 à 10 381 (VNC).
52 Cotes 56 et 7278 à 7280.
53 Voir avenant 2015 accepté par M. Jean X le 16 mars 2015 (cotes 17 270 à 17 282), notamment la liste des produits télévision Elite figurant en son annexe 1 (cotes 17 279), qui est identique à la liste des produits de la gamme 2015 produite par Samsung (cote 7015).
54 Sur les aspects comptables et financiers, voir les comptes détaillés de Concurrence aux cotes 1621 à 1969 et leur analyse aux cotes 14 156 et 14 157.
55 Cote 1681.
56 Rapport entre l'actif disponible (créances clients et comptes rattachés, autres créances et disponibilités) et le passif exigible (concours bancaires courants, avances et acomptes reçus sur commandes en cours, dettes fournisseurs et comptes rattachés, dettes fiscales et sociales et autres dettes).
57 En effet, alors que la signature du contrat de distribution sélective prohibant ce canal de vente n'est intervenue que le 20 mars 2012 et que Concurrence commercialisait avant cette date ses produits sur les sites de market places, son chiffre d'affaires avait déjà reculé de 22 % et son résultat d'exploitation de 259 % entre 2009 et 2010.
58 À savoir la rupture des relations commerciales en circuit court et la signature d'un contrat de distribution sélective avec Samsung au mois de mars 2012.
59 Audition de M. Jean X du 8 janvier 2015, points 47 et 119, respectivement aux cotes 784 et 794 : " Je n'ai pas fait appel à l'Autorité de la concurrence plus tôt car je savais que les critères exigés par cette instance sont très élevés en la matière. Donc pour obtenir gain de cause, j'ai privilégié d'autres voies procédurales, la Commission européenne en mars 2012 et les juridictions commerciales en référé. J'ai essayé au maximum d'éviter de saisir l'Autorité de la Concurrence car les critères sont très élevés et je ne suis pas resté inactif judiciairement. En référé, il suffit de démontrer l'existence d'un dommage ou d'un trouble illicite, sans avoir à évaluer les conséquences sur la santé de l'entreprise. Devant l'Autorité de la concurrence, il faut démontrer le dommage à l'entreprise. Même si j'avais fait un mauvais choix, qu'importe si le dommage subsiste aujourd'hui ".