CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 juillet 2015, n° 15-04231
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Langloys Production (SAS)
Défendeur :
Marius Bernard (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mme Lucat, M. Birolleau
Avocats :
Mes Baechlin, Lussault, Meynard, Hournon
Faits et procédure
La société Langloys a pour activité la fabrication de soupes de poissons qu'elle commercialise au rayon marée des grandes et moyennes surfaces de la distribution sous la marque " Marmiton " ;
Dans le courant de l'année 2013, elle a constaté la présence dans le même rayon d'une soupe de poissons sous la marque " Pêcheurs des Calanques " et dans un conditionnement qu'elle estime similaire au sien qui était commercialisée par la société Marius Bernard sous la marque " des pêcheurs des calanques " et qui lui faisait concurrence ;
C'est dans ces conditions que la société Langloys a estimé qu'il s'agissait d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme et qu'elle a fait assigner la société Marius Bernard devant le Tribunal de commerce de Paris le 7 mai 2014 pour les faire cesser et obtenir réparation ;
Par jugement rendu le 5 février 2014, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Langloys de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société Marius Bernard de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné la société Langloys à payer à la société Marius Bernard la somme de 20.000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la société Langloys contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Langloys le 7 mai 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 février 2015 par le Tribunal de commerce de Paris ;
Et statuant à nouveau ;
- constater que la société Marius Bernard a repris sans nécessité les éléments caractéristiques de l'identité visuelle du produit soupe de poissons de la société Langloys ;
- constater que la société Marius Bernard s'est délibérément placée dans le sillage de la société Langloys à l'effet de se procurer indûment un avantage concurrentiel, faits qui constituent des agissements de concurrence déloyale et de parasitisme ;
En conséquence ;
- interdire à la société Marius Bernard de distribuer, commercialiser et faire la promotion de sa gamme de soupes de poissons sur le territoire français, sous le conditionnement litigieux ;
- ordonner le retrait du marché sur le territoire français et aux frais de la société Marius Bernard de l'ensemble des produits sous le conditionnement litigieux et de tout document commercial, catalogue, support promotionnel comportant une reproduction du conditionnement litigieux et une référence à ceux- ci sur le territoire français et ce, passé un délai de 8 jours à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euro par jour de retard et par infraction constatée ;
- condamner la société Marius Bernard à verser à la société Langloys la somme de 400 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
- condamner la société Marius Bernard à payer à la société Langloys une somme de 25 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Elle reproche à la société Marius Bernard d'avoir commis des actes de concurrence déloyale, lui portant un préjudice considérable pour avoir repris les éléments caractéristiques de son conditionnement de sorte que l'identité visuelle des produits est parfaitement similaire pour un consommateur moyen, les produits figurant dans un même rayon ;
Elle relève que l'utilisation d'une bouteille en verre, d'une collerette ainsi que du papier kraft, abandonné par la société Marius Bernard depuis 2003, constituent des éléments évocateurs. Elle affirme notamment qu'elle est la seule à utiliser du papier kraft pour emballer les soupes de poissons, au rayon marée de la grande distribution ;
Elle affirme qu'il existe de ressemblances évidentes entre les deux conditionnements, et que les différences en revanche sont minimes. Elle affirme également qu'aucun véritable investissement n'a été engagé par la société Marius Bernard pour élaborer le conditionnement litigieux ;
Elle considère ainsi que d'une part, le risque de confusion est caractérisé, car les préposés des grandes surfaces approvisionnées par ces deux produits les confondent, de sorte que non seulement les professionnels mais le consommateur à fortiori les confondent, d'autre part, elle fait état du constat de l'huissier mandaté par le Tribunal de commerce de Paris, qui n'a pas pu distinguer le produit Langloys du produit Marius Bernard lors de sa première visite ;
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Marius Bernard le 29 avril 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal ;
- recevoir la société Maris en ses écritures ;
En conséquence ;
- confirmer la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a débouté la société Langloys de l'ensemble de ses demandes ;
- réformer la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a débouté la société Marius Bernard de sa demande de condamnation de la société Langloys pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau ;
- dire et juger que la société Langloys a engagé une procédure abusive ;
En conséquence ;
- condamner la société Langloys à verser à la société Marius Bernard la somme de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
En toute hypothèse ;
- condamner la société Langloys à verser à la société Marius Bernard la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
La société Marius Bernard conteste avoir commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société Langloys, en ce que celle-ci n'établit pas la possession antérieure des emballages de soupes de poissons, elle-même ayant antérieurement utilisé le conditionnement en cause ;
Elle affirme qu'il s'agit d'un emballage banal qui ne peut constituer un agissement parasitaire. Elle considère en effet que les éléments tels que l'utilisation de la bouteille en verre, l'usage de la collerette ou celle de papier kraft sont partagés par de nombreuses marques de soupes de poissons et ne présentent pas de caractère distinctif ;
Elle conteste également avoir bénéficié d'un accord de référencement national au sein des points de vente Carrefour, l'implantation de ses produits n'étant que le fait de magasins locaux. Elle réfute donc l'argument selon lequel elle aurait " volé " à la société Langloys un référencement, puisqu'elle n'en bénéficiait pas ;
Elle réfute également l'existence d'un monopole de la société Langloys concernant la soupe de poissons sur le rayon marée de la grande distribution, car elle estime qu'une soupe de poissons est substituable à une autre, et que l'existence d'un rayon marée n'est qu'une opération marketing ;
L'intimée considère que l'impression d'ensemble est différente, et que les points communs entre ses emballages et ceux de la société Langloys ne sont que la réponse aux usages de la commercialisation de soupes de poissons, de sorte que les actes de concurrence déloyale ne sont pas caractérisés. Elle argue par exemple que les stries et la police de son emballage sont différentes ;
En toute hypothèse, elle relève que le risque de confusion s'apprécie par rapport au consommateur d'attention moyenne, la renommée des produits accroissant le risque de confusion. Elle affirme que la société Langloys ne démontre pas la renommée de ses produits et encore moins de leur emballage ;
Elle conteste également avoir commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Langloys.
Elle affirme être liée à la société Carrefour aux termes d'un appel d'offres privé, alors qu'elle relève que la société Langloys n'a pas été consultée par la société Carrefour ;
L'intimée affirme que son antériorité, sa notoriété et son travail de développement réalisés depuis 50 ans démontrent qu'aucun acte de parasitisme ne peut lui être reproché ;
Elle invoque que le préjudice allégué par la société Langloys n'est pas démontré, la baisse générale du chiffre d'affaires de la société Langloys n'étant pas, selon elle, corrélée avec le chiffre d'affaires de la société Marius Bernard et son activité ;
Elle conclut également à l'absence de tout lien de causalité. Elle affirme que la société Langloys n'avait pas de référencement auprès de la société Carrefour, et que la baisse de son chiffre d'affaires ne peut être liée au choix de l'emballage ou à une confusion du consommateur entre les deux produits, mais plutôt par le choix de la société Carrefour qui a créé une situation de concurrence entre les deux sociétés ;
A titre reconventionnel, l'intimée réclame le paiement d'indemnités sur le fondement du caractère abusif de la procédure intentée. Elle estime que par ses actions, la société Langloys tente d'évincer un concurrent du marché et qu'elle est animée d'une intention nocive, lui causant un préjudice considérable ;
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Considérant que la société Langloys reproche à la société Marius Bernard d'avoir commis des actes de concurrence déloyale, en ce qu'elle a commercialisé au rayon marée de certaines grandes et moyennes surfaces des soupes de poisson reprenant dans leur conditionnement ses propres caractéristiques de sorte qu'il s'en est suivi des ressemblances visuelles et intellectuelles, créant un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne ;
Qu'elle expose que ces éléments du conditionnement sont les suivants :
- une bouteille en verre transparent de forme trapue inspirée des bouteilles de lait des années 1950 ;
- une collerette de papier froissé sur le couvercle de la bouteille ;
- l'utilisation tant pour cette collerette que pour l'étiquette collée sur la bouteille d'un fond rayé beige et brun clair qui n'était qu'une interprétation novatrice du papier kraft ;
Qu'elle ajoute que les soupes Marius Bernard sont présentées dans certains magasins de façon identique à savoir sur le présentoir qui est le sien ;
Considérant que la société Marius Bernard affirme qu'il s'agit d'un emballage banal et que les éléments tels que l'utilisation de la bouteille en verre, l'usage de la collerette ou celle de papier kraft sont partagés par de nombreuses marques de soupes de poissons et ne présentent pas de caractère distinctif ;
Considérant que la société Marius Bernard propose depuis plus de vingt ans des soupes de poisson conditionnées dans des bouteilles en verre ; qu'elle a mis sur le marché un emballage associant forme de bouteille de lait et papier kraft qu'elle a abandonné en 2003 ; que cette circonstance met en évidence que l'utilisation d'une bouteille en verre est un conditionnement banal pour ce type de produit ; que la référence à la bouteille de lait ne permet pas d'identifier la caractéristique d'une telle bouteille ; que, si la société Marius Bernard indique avoir utilisé cette forme jusqu'en 2003, elle ne peut sous prétexte de cette antériorité, revendiquer un droit de propriété sur ce conditionnement dont elle ne conteste pas la banalité ; que l'utilisation de la bouteille en verre est un conditionnement standard pour ce type de produit ce qui apparaît sur la photographie produite par la société Marius Bernard sur laquelle figurent aussi les soupes Auchan, Lou Hujou, Carrefour et Reflets de France ; que la cour constate néanmoins que les bouteilles Langloys Production et Marius Bernard utilisées pour la soupe en cause sont strictement identiques dans leur forme tout comme elles le sont aussi à celles de deux autres marques ;
Considérant que cette photographie met aussi en évidence que huit bouteilles sur neuf comportent une collerette ; que la société Langloys n'en conteste pas la nécessité esthétique qui est de dissimuler les remontées d'huile ; que cinq sont en kraft, celle de la société Marius Bernard se distinguant de cette de la société Langloys Production par le fait qu'elle est maintenue par une cordelette et qu'elle est très légèrement plus enveloppante alors que celle de la société Langloys Production est collée ;
Considérant qu'en plus de ces deux éléments, la société Langloys Production affirme qu'elle était le seul fabricant de soupes de poisson à utiliser une étiquette façon kraft sur le marché de la soupe de poisson au rayon marée, rayon sur lequel la société Marius Bernard ne conteste pas qu'elle était absente, ses produits étant commercialisés au rayon épicerie ; que la société Langloys indique que la société Marius Bernard aurait pu continuer à commercialiser ses produits soupes de poisson au travers du conditionnement qui était alors le sien à savoir une bouteille en verre mais revêtue d'une étiquette rouge et jaune et présentant des caractéristiques visuelles clairement distinctes ;
Considérant que les étiquettes des bouteilles de chacune des deux sociétés sont en papier couleur kraft ; qu'elles présentent des différences en ce que celle du produit Marius Bernard a la forme d'un bandeau mesurant 9,5 cm et celle de la société Langloys Production une forme de bague de 6,5 cm ;
que toutefois les deux étiquettes mentionnent toutes deux de façon centrale " soupe de poisson " et celle de la société Marius Bernard comporte un cercle contenant cette mention atténuant la différence qui aurait pu résulter des différences de forme ; que, si les rayures imitant le papier kraft sont horizontales sur le produit Langloys Production et verticales sur celui de la société Marius Bernard, cette différence de texture ne crée pas de différence visuelle clairement perceptible dès lors que la couleur reste la même ; que, si sur la bouteille de la société Langloys figure son logo à savoir sa marmite qui permet de l'identifier, en revanche sur l'étiquette de la bouteille Marius Bernard ne figure aucun élément permettant de l'identifier comme un produit de la société Marius Bernard alors que la société Marius Bernard a construit sa notoriété sur son nom, sur la provenance de ses produits, la Provence et sur un Code couleur rouge et jaune ; que le consommateur moyen ne pouvait dès lors que confondre la bouteille de la société Marius Bernard avec celle dont les caractéristiques visuelles évidentes étaient similaires et qui était celle de la société Langloys ;
Considérant que, si la société Marius Bernard fait valoir qu'elle a utilisé de 1990 à 2003 des étiquettes kraft pour l'emballage de ses soupes de poisson afin de conforter l'aspect artisanal de celles-ci, elle ne produit aucune pièce qui démontrerait leur commercialisation après 2000 alors que la société invoque pour sa part une commercialisation continue depuis plus de 10 ans ce qui n'est pas contesté ; que la société Marius Bernard ne saurait dès lors se référer à un conditionnement qu'elle a utilisé dans le passé et qu'elle a manifestement abandonné depuis des années ;
Considérant que l'huissier de justice qui s'est transporté au supermarché Carrefour, 1-3 avenue du général Sarrail 75016 Paris n'a pas pu distinguer lors de sa première visite les produits fabriqués par la société Langloys Production de ceux fabriqués par la société Marius Bernard ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Marius Bernard qui commercialisait des produits dont des soupes clairement identifiés et présentés notamment par la société Carrefour dans ses rayons épicerie a établi à la demande de celle-ci un nouveau concept afin de présenter des soupes de poissons destinées au rayon marée sur lequel était seule présente la société Langloys ; que, si ces soupes faisaient certes l'objet d'un conditionnement standard identique, la bouteille de verre, la société Marius Bernard a utilisé un habillage comportant des différences minimes avec celui utilisé depuis de nombreuses années par la société Langloys Production de sorte que le consommateur moyen n'était pas en mesure de distinguer clairement le produit de l'une et de l'autre, ces deux produits étant commercialisés dans le même rayon à savoir le rayon marée où la société Marius Bernard n'avait pas et n'avait pas eu d'autres produits sous sa marque ;
Considérant que la société Langloys Production produit des constats d'huissier qui relèvent que ses produits sont commercialisés exclusivement au rayon marée, preuve que la société Marius Bernard ne peut combattre par la production d'une photographie prise au supermarché de Thonon les Bains et montrant des produits Langloys Production au rayon épicerie, photographie dont il ne peut être exclu qu'elle ait été prise pour les besoins de la cause ; que la société Marius Bernard a indiqué dans une revue spécialisée qu'elle entendait développer la gamme " Les pêcheurs des Calanques pour intégrer les rayons marée ", démontrant ainsi qu'il s'agissait d'un rayon spécifique, parfaitement distinct sur rayon épicerie et sur lequel elle n'était pas présente ;
Considérant que la société Langloys ajoute que la société Marius Bernard a utilisé des présentoirs identiques aux siens ; que, si la société Marius Bernard fait valoir que la société Langloys n'en fait la démonstration que pour deux points de vente alors qu'il en existe 1 200 en France, elle reconnaît néanmoins que ses produits ont été livrés avant les présentoirs dédiés de sorte qu'elle ne peut nier ceux-ci ont été présentés sur les présentoirs de la société Langloys comme le démontrent les pièces produites par la société Langloys ce qui participait de la confusion visuelle créée par le conditionnement pour le consommateur moyen ; que la circonstance que ces mêmes présentoirs auraient également servi pour d'autres produits est inopérante ;
Considérant que si la société Marius Bernard invoque sa notoriété supérieure à celle de la société Langloys, une gamme de produits plus large et les investissements qu'elle a réalisés pour réaliser le type de soupe souhaitée par la société Carrefour et qui devait être composée de 35 % de poissons pêchés exclusivement en Méditerranée alors que la soupe de la société Langloys est composée de 28 % de poissons dont l'origine n'est pas garantie, elle ne conteste pas que les deux soupes se trouvaient ainsi en situation de concurrence ; qu'elle ne peut s'appuyer sur sa notoriété et sur l'implantation de ses produits dans la mesure même où elle a créé cette soupe sous une nouvelle marque " Pêcheurs de Calanques " qui n'avait encore aucun autre produit de cette sorte commercialisé et qui n'avait donc aucune notoriété à la différence de la société Langloys qui commercialisait sa soupe sous sa marque depuis dix ans ;
Considérant que s'agissant des investissements que la société Marius Bernard prétend avoir engagés à hauteur de 200 256,32 euro, il est justifié d'une facture de 984 euro pour la réalisation technique des étiquettes, d'une facture de 1 200 euro pour la réalisation d'une maquette sans qu'il soit justifié d'un travail de création distinct et préalable de conception, d'une facture de 194 715,36 euro qui a pour objet la fabrication de mobilier commercial ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société Marius Bernard a profité de la situation de la société Langloys installée sur le créneau du marché des soupes de poissons par la grande distribution dans le rayon spécifique marée, pour créer, sous une nouvelle marque dépourvue de toute notoriété, un produit concurrent ; qu'elle s'est ainsi glissée dans le sillage de la société Langloys, en commercialisant sa soupe dans des conditions de conditionnement qui ne permettaient pas au consommateur moyen de la distinguer de celle commercialisée par la société Langloys, détournant à son profit une partie de la valeur capitalisée par cette dernière depuis 10 ans sur ce produit ce qui caractérise des agissements de parasitisme ;
Considérant que la société Marius Bernard fait valoir que la société Langloys aurait eu une attitude ambigüe en ce qu'elle aurait à son tour utilisé une police proche de celle des étiquettes de la société Marius Bernard, qu'elle a supprimé sa marque de ses emballages et qu'au-delà elle fonde ses demandes sur un emballage qu'elle n'utilise même plus ; que ces circonstances démontrent seulement que la société Langloys a pris des mesures pour répondre à la concurrence déloyale faite par la société Marius Bernard ;
Sur le préjudice
Considérant que la société Langloys Production demande à la cour de prononcer des mesures d'interdiction de commercialisation de distribution et de promotion de sa gamme de soupes de poissons ;
Considérant toutefois que ne sont concernées que les soupes de poissons commercialisées par la société Marius Bernard aux rayons marée ; que la société Langloys Production indique que la société Marius Bernard a tout récemment modifié le conditionnement litigieux pour intégrer le rayon Marée du groupe Casino au travers d'un conditionnement qui se démarque totalement du sien ;
Considérant en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à la demande tendant à ce que soit ordonné le retrait du marché français et au frais de la société Marius Bernard des produits sous le conditionnement litigieux et de tout document ou support comportant une reproduction de celui-ci ;
Considérant que la société Langloys Production fait valoir qu'elle a subi une perte de clientèle soit 27,33 % de son chiffre d'affaires au cours du quatrième trimestre 2013 et de 45 % au premier trimestre
2014, soit une perte de marge brute de 405 189,75 euro ;
Considérant que la société Marius Bernard conteste ce chiffre et affirme que le conditionnement de ses produits n'est pas la cause de cette baisse ; qu'elle expose que la société Langloys n'était pas référencée au plan national par la société Carrefour ;
Considérant que, si elle expose que le chiffre d'affaires de la société Langloys a augmenté entre 2013 et 2014, cette circonstance est sans effet dans la mesure où le préjudice de la société Langloys doit s'apprécier sur la base du profit réalisé par la société Marius Bernard sous sa nouvelle marque en ce que celle-ci a directement concurrencé la marque Langloys ;
Considérant que, si la société Langloys ne bénéficiait pas d'un référencement national auprès du groupe Carrefour, il n'est pas contesté qu'elle a commercialisé en 2013 et 2014 sa soupe auprès des enseignes du groupe ; qu'il n'est pas démontré que le choix de la société Carrefour de référencer la société Marius Bernard au plan national ait concerné les soupes distribuées sous la marque Les Pêcheurs des Calanques ;
Considérant que, si la société Casino a décidé, courant 2014, de référencer un fournisseur de soupes de poisson par grande région, la société Marius Bernard étant retenue pour le Sud Est de la France et la société Langloys pour la région Rhône Alpes et une partie de la région parisienne ce qui a entraîné des pertes de marchés sectorielles pour l'une et l'autre des deux sociétés, il n'est pas démontré que cette décision ait eu un impact sur le chiffre d'affaires de l'une comme de l'autre puisqu'elle avait aussi pour conséquence un accroissement quantitatif sur le secteur attribué ;
Considérant que ces éléments ne permettent pas de mettre en cause les données chiffrées produites par la société Langloys ;
Considérant que, de plus, la société Marius Bernard ne conteste pas que le chiffre d'affaires de la société Langloys avec les hypermarchés Carrefour a connu, entre septembre et décembre 2013, une baisse de 106 705 euro ; qu'elle reconnaît également une baisse de celui-ci de l'ordre de 40 000 euro pour les Magasins à l'enseigne Carrefour Market et CSF ; que pour la plateforme Guyenne et Gascogne elle reconnaît une baisse de 7 % ; que ces baisses sont dès lors patentes et ne sauraient être rapprochées des chiffres d'affaires réalisés par la société Marius Bernard et qui portent sur l'ensemble de ses produits ; le fait que la société Marius Bernard ait réalisé les deux tiers de son chiffre d'affaires de la gamme Pêcheurs des Calanques avec les points de vente Carrefour Market alors que la société
Langloys n'était présente que sur quelques points de vente, ne saurait diminuer le préjudice subi par la société Langloys ;
Considérant que ces éléments chiffrés démontrent que la société Langloys a connu une baisse de son chiffre d'affaire qui reposait sur la seule commercialisation de sa soupe tandis que dans le même temps la société Marius Bernard a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires jusque-là inexistant sous sa nouvelle marque et que celui-ci s'est développé en 2014 ;
Considérant que la société Marius Bernard ne fournit aucun élément pertinent permettant de remettre en cause les données chiffrées produites par la société Langloys concernant ses pertes dont il résulte que celles-ci se sont élevées pour la période d'août 2013 à septembre 2014 en termes de marge brute à la somme de 405 189,75 euro ; que la société Langloys ne précise toutefois pas quel a été son bénéfice net et demande à la Cour la condamnation de la société Marius Bernard à lui payer la somme de 400 000 euro à titre de dommages et intérêts ; que la Cour fixera à la somme de 200 000 euro le montant de la réparation à charge de la société Marius Bernard ;
Sur la demande de dommages et intérêts de la société Marius Bernard
Considérant que la société Marius Bernard succombe en cause d'appel de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Langloys Production a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs, Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Ordonne le retrait du marché français et au frais de la société Marius Bernard des produits sous le conditionnement litigieux et de tout document commercial, catalogue, ou support promotionnel comportant une reproduction de celui-ci sur le territoire français et ce, passé un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euro par jour de retard et par infraction constatée, Condamne la société Marius Bernard à payer à la société Langloys Production la somme de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts, Condamne la société Marius Bernard à payer à la société Langloys Production la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contrairement, Condamne la société Marius Bernard aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.