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Décisions

ADLC, 12 mai 2015, n° 15-DCC-52

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Anjou Maine Céréales par la coopérative agricole Terrena

ADLC n° 15-DCC-52

12 mai 2015

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 22 avril 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Anjou Maine Céréales par la société coopérative agricole Terrena via les sociétés C2 Négoce et Cénomani, formalisée par un procès-verbal du Conseil d'administration de C2 Négoce en date du 22 septembre 2014, d'un procès-verbal de l'Assemblée générale ordinaire de Cénomani en date du 23 septembre 2014 et d'un procès-verbal du Conseil d'administration de Terrena du 14 octobre 2014 ainsi que d'un protocole de cession en date du 24 septembre 2014 ;

Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Terrena est une société coopérative agricole dont le capital est détenu par environ 18 500 agriculteurs et de manière minoritaire par d'autres coopératives. Elle opère sur un territoire qui comprend la région Pays de la Loire ainsi qu'une partie des régions Bretagne, du Poitou-Charentes et Centre. Terrena est organisée autour de trois pôles : (i) le pôle " Produits carnés " qui a pour principales activités la transformation et la commercialisation de volailles, bovins et porcins ; (ii) le pôle " Amont " qui couvre notamment les activités de production et commercialisation des productions végétales et animales, la collecte et commercialisation de céréales, la nutrition animale, l'agrofourniture et la distribution grand public ; (iii) le pôle " Végétal Spécialisé " qui regroupe notamment les activités semences, productions végétales spécialisées et la transformation végétale. Elle détient notamment 96,12 % du capital de la société C2 Négoces, holding regroupant l'ensemble des sociétés de négoce de Terrena.

2. Anjou Maines Céréales (ci-après " AMC ") est une société anonyme active dans le secteur de la collecte et de la commercialisation des céréales, oléagineux et protéagineux ainsi que dans la fourniture de produits d'agrofourniture et de nutrition animale. AMC détient en outre des activités de distribution auprès du grand public de produits de jardinage, de bricolage et d'aménagement extérieur. Elle est actuellement détenue à 46,47 % par la Holding AMC, (elle-même détenue à 100 % par la famille Guy) et à 47,33 % par la famille Guy directement.

3. Préalablement à l'opération, C2 Négoces et Crateagus, filiale à 100 % de la Coopérative des Agriculteurs de la Mayenne (ci-après " CAM "), vont constituer une société holding commune dénommé Cénomani dont le capital sera détenu à 85 % par C2 Négoces et à 15 % par Crateagus. En vertu des statuts qui la régissent, Cénomani sera dirigée par un président, nommé et révoqué à la majorité des voix des associés sans condition de quorum. Le président pourra lui-même nommer et révoquer un directeur général. Il en résulte que Terrena, via C2 Négoce, exercera un contrôle exclusif sur Cénomani. A l'issue de l'opération, en vertu du protocole de cession en date du 24 septembre 2014, Cénomani détiendra 100 % du capital de la Holding AMC qui détiendra 75 % d'AMC, les 25 % restants étant détenus par M. Guy. Celui-ci ne détenant pas de droits de veto spécifiques, Terrena exercera, via Cénomani, un contrôle exclusif sur AMC. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société AMC par Terrena, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

4. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (Terrena : [...] d'euro pour l'exercice clos de 2013 ; AMC : [...] d'euro pour la même période). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (Terrena : [...] d'euro pour l'exercice clos le 30 juin 2013 ; AMC : [...] d'euro pour la même période). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

5. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés de la distribution de produits d'agrofournitures à destination de la polyculture (A), de la collecte et la commercialisation de céréales et oléo-protéagineux (B), de la fabrication et la commercialisation de produits de nutrition animale (C) et de la distribution auprès du grand public de produits de jardinage, de bricolage et d'aménagement extérieur (D). Les parties sont également présentes sur les marchés de la vente de granulés de bois et de la vente hors réseau de produits pétroliers. Toutefois, compte tenu de la position très marginale des parties sur ces deux marchés, ceux-ci ne feront pas l'objet d'une analyse concurrentielle spécifique.

A. LE SECTEUR DE L'AGROFOURNITURE

6. En matière d'agrofourniture, les autorités de concurrence distinguent traditionnellement le marché amont mettant en présence les fabricants, en qualité de vendeurs, et les distributeurs ou coopératives agricoles, en qualité d'acheteurs et le marché aval mettant en présence ces derniers, en qualité cette fois de revendeurs, et les agriculteurs, en qualité d'acheteurs.

7. Au cas d'espèce, les parties à l'opération ne sont simultanément actives que sur le marché aval de la distribution au détail de produits d'agrofourniture.

8. La pratique décisionnelle nationale (1) distingue au sein du marché aval de la distribution au détail de produits d'agrofourniture entre la distribution de semences, la distribution d'engrais, la distribution de produits phytosanitaires, la distribution d'autres matériels agricoles, voire la distribution d'amendements, tout en soulignant l'existence d'une forte substituabilité du côté de l'offre dans la mesure où la très grande majorité des distributeurs propose aux agriculteurs ces différentes catégories de produits (2). S'agissant plus spécifiquement de la distribution de semences, il a été envisagé l'existence d'un segment particulier constitué des semences destinées à l'agriculture biologique.

9. L'Autorité de la concurrence (3) a également retenu pour chaque famille de produits une segmentation en fonction du type de cultures, en distinguant notamment le maraîchage de la polyculture, et a envisagé l'existence d'un marché distinct de la distribution de produits pour le vignoble.

10. L'Autorité de la concurrence (4) a en revanche estimé qu'il n'y avait pas lieu de segmenter le marché par canal de distribution, les négociants et les coopératives fournissant aux agriculteurs une offre similaire. En effet, même si des différences importantes entre ces deux types d'acteurs (statuts, fiscalité, nature des relations contractuelles avec l'agriculteur) peuvent subsister, celles-ci ne suffisent pas à retenir l'existence de deux marchés de produits distincts.

11. Au cas d'espèce, les parties interviennent simultanément sur les marchés de la distribution de semences non-biologiques et biologiques, d'engrais et de produits phytosanitaires destinés à la polyculture. Elles sont également actives sur le marché de la fourniture de matériels agricoles (films, bâches et ficelles).

12. S'agissant de la délimitation géographique, la pratique décisionnelle (5) a retenu une dimension locale pour les marchés de la commercialisation de semences, d'engrais et de produits phytosanitaires à destination des agriculteurs, l'analyse étant effectuée au niveau départemental.

13. Au cas d'espèces, les parties sont simultanément présentes dans les départements de la Mayenne, de la Sarthe et du Maine-et-Loire.

B. LE SECTEUR DES CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX

14. La pratique décisionnelle nationale (6) distingue le marché amont de la collecte des céréales, protéagineux et oléagineux par les organismes collecteurs auprès des agriculteurs du marché aval de la commercialisation au niveau national et international par les organismes collecteurs.

1. MARCHÉ AMONT DE LA COLLECTE DE CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX

15. S'agissant des marchés de produits, la pratique décisionnelle nationale (7) retient l'existence d'un marché unique de la collecte englobant à la fois les oléagineux, les protéagineux et les céréales, dans la mesure où les silos de collecte peuvent indifféremment stocker tous types de grains (céréales, protéagineux et oléagineux), certains produits nécessitant seulement des infrastructures spécifiques, tels que des séchoirs pour le maïs ou des outils de triage pour les pois. Or la grande majorité des entreprises collectrices dispose de l'ensemble des infrastructures adaptées à chaque type de grain, ce qui leur permet de stocker des céréales, des oléagineux comme des protéagineux

16. S'agissant de la délimitation géographique, la pratique décisionnelle (8) considère que la collecte de récoltes demeure un marché local, l'analyse concurrentielle étant menée au niveau départemental, complétée par une analyse sur des zones de 45 kilomètres autour des points de collecte des entreprises concernées.

17. En l'espèce, Terrena et AMC sont simultanément actives dans les départements de la Mayenne, de la Sarthe, du Maine et Loire et de l'Orne.

2. LE MARCHÉ AVAL DE LA COMMERCIALISATION DE CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX

18. S'agissant des marchés de produits, la pratique décisionnelle nationale (9), tout en laissant la question ouverte, considère qu'il existe un marché pertinent par type de céréales, oléagineux et protéagineux. Elle distingue par ailleurs le blé dur du blé tendre au motif que les usages de ces deux céréales sont différents : le blé dur est utilisé en semoulerie tandis que le blé tendre sert essentiellement en meunerie et en alimentation animale. En outre, les autorités de concurrence (10) ont considéré qu'il pouvait être envisagé de distinguer des segments incluant uniquement les céréales, oléagineux ou protéagineux d'origine biologique.

19. En l'espèce, les parties sont simultanément présentes sur les marchés de grains non biologiques suivants : blé tendre, triticale, colza, tournesol, pois, orge et le mais.

20. S'agissant des marchés géographiques, la pratique décisionnelle nationale (11), tout en laissant la question ouverte, a considéré que ces marchés sont de dimension nationale, voire européenne.

C. LE SECTEUR DE LA NUTRITION ANIMALE

21. La pratique décisionnelle nationale (12) distingue, en matière de nutrition animale, les marchés amont (produits servant à l'élaboration d'aliments pour animaux) des marchés aval (aliments résultant de cette élaboration). Elle opère également une distinction au sein de l'alimentation pour animaux entre les animaux d'élevage et les animaux de compagnie, segment sur lequel les parties ne sont pas présentes.

1. LES MARCHÉS AMONT DE LA NUTRITION ANIMALE

22. En amont, les matières premières utilisées pour fabriquer les produits destinés à l'alimentation animale sont globalement les mêmes (tourteaux, céréales, pré-mélanges) selon les espèces. La pratique décisionnelle a donc considéré qu'il n'était pas nécessaire de distinguer des marchés propres à chaque type d'animal. Elle a en revanche considéré que les huiles végétales, les céréales, les tourteaux, les pré-mélanges (" prémix "), les pré-mélanges médicamenteux pouvaient constituer chacun un segment distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale (13).

23. En l'espèce, les deux parties n'interviennent simultanément que sur le marché de la production et de la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux.

24. La pratique décisionnelle (14) a considéré que la production et la commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux pouvait constituer un marché distinct au sein du marché des produits à destination de l'alimentation animale et qu'il s'agissait d'un marché de dimension au moins nationale.

2. LES MARCHÉS AVAL DE LA NUTRITION ANIMALE

25. A l'aval, la pratique décisionnelle nationale (15) a identifié au sein des marchés de la nutrition animale, le marché de la production et de la commercialisation d'aliments complets ainsi que le marché de la production et de la commercialisation des aliments composés minéraux et nutritionnels. Elle a également envisagé l'existence d'un marché de la production et de la commercialisation de " single feed ".

26. S'agissant de la production et de la commercialisation d'aliments complets, la pratique décisionnelle (16) a envisagé, en laissant la question ouverte, une segmentation du marché en fonction de l'espèce animale (espèces bovines, espèces ovines et caprines, espèces porcines, volailles, lapins), dans la mesure où il apparaît que chaque type d'aliment est spécifique à l'espèce animale à laquelle il est destiné. En l'espèce, les activités des parties se chevauchent en matière d'aliment complets pour ruminants (17).

27. La pratique décisionnelle considère que ces marchés ont une dimension locale, correspondant à une zone de livraison de 100 à 150 kilomètres autour du site de production, en raison du caractère volumineux et pondéreux des aliments concernés.

28. En l'espèce, l'analyse concurrentielle sera donc menée sur une aire de 150 km autour de l'usine d'AMC située à Laval (53).

29. S'agissant de la production et la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels, la pratique décisionnelle (18) a envisagé l'existence d'un marché distinct des aliments composés minéraux et nutritionnels, dans la mesure où ces aliments répondent à des fonctions nutritionnelles spécifiques et se différencient des autres produits de nutrition animale (notamment des prémix qui ont vocation à rentrer dans la composition d'un aliment complet) et des médicaments vétérinaires (dont la commercialisation est soumise à une autorisation de mise sur le marché).

30. Sans trancher définitivement la question, la pratique décisionnelle considère que le marché des aliments composés minéraux et nutritionnels est de dimension au moins nationale.

31. S'agissant de la production et la commercialisation de " single feed ", la pratique décisionnelle (19) considère que le marché inclut les aliments pour animaux fabriqués à partir d'un seul ingrédient de base tel que le soja, le colza, la betterave à sucre, la farine de poisson ou les grains. Elle a également envisagé de sous-segmenter ce marché en fonction des types d'ingrédients (ingrédients non-céréaliers et ingrédients céréaliers), du mode de distribution (vente en gros) ou des clients auxquels les ingrédients sont destinés (producteurs d'aliments et éleveurs).

32. Ce marché est de dimension au moins nationale.

D. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DE JARDINAGE, DE BRICOLAGE ET D'AMÉNAGEMENT EXTÉRIEUR AUPRÈS DU GRAND PUBLIC

33. S'agissant de la distribution grand public de produits de jardinage, bricolage, aménagements extérieurs et animalerie, les autorités de concurrence nationales (20) retiennent un marché composé des libres services agricoles (LISA), des jardineries, des grandes surfaces de bricolage (GSB) disposant d'espaces " jardinerie " et des grandes surfaces alimentaires (GSA) disposant également d'espaces " jardinerie ".

34. S'agissant de la délimitation géographique de ce marché, la pratique décisionnelle nationale retient (21) pour son analyse une zone de chalandise de vingt minutes autour des points de vente concernés.

35. En l'espèce, les activités des parties se chevauchent sur 4 zones : La Membreolle sur Longuenée (49), Daumeray (49), Château Gontier (53) et Saint Denis d'Anjou (53) (22).

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPERATION

1. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AGROFOURNITURE

36. Les parts de marché en valeur de la nouvelle entité sur les marchés de la distribution au détail de produits d'agrofourniture destinés à la polyculture sont récapitulées dans le tableau ci-dessous:

" emplacement tableau "

37. S'agissant de la distribution de semences biologiques, les parts de marché des parties resteront inférieures à 20 % quel que soit le département concerné.

38. S'agissant de la distribution de semences non biologiques, dans les départements de la Mayenne et de la Sarthe les parts de marché cumulées seront de [10-20] % au maximum.

Dans ces départements la nouvelle entité fera face à de nombreux concurrents tels que CAM53 ([30-40] % de parts de marché) ou Hautbois ([20-30] %) en Mayenne et Agrial ([40-50] % de parts de marché) dans la Sarthe. En Maine-et-Loire, la part de marché cumulée sera de [40-50] %. Toutefois l'incrément sera faible ([0-5] %) et la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence de Capl ([20-30] % de parts de marché) et de Doué négoce ([10-20] %).

39. S'agissant des engrais et des amendements, la part de marché cumulée ne dépassera pas [10-20] % en Mayenne et dans la Sarthe. La part de marché de la nouvelle entité atteindra [40-50] % en Maine-et-Loire. Cependant, l'incrément est faible ([0-5] %) et la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence de Capl ([20-30] %) et Doué Négoce ([10-20] %).

40. S'agissant de la de la distribution de produits phytosanitaires destinés à la polyculture, la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [20-30] % à l'exception du Maine-et-Loire où elle atteindra [40-50] %. Toutefois, l'incrément sera faible ([0-5] %) et la nouvelle entité continuera à faire face à la concurrence de Capl ([20-30] %) et de Doué négoce ([10-20] %).

41. S'agissant de la distribution de films, bâches et ficelles, la position cumulée de la nouvelle entité sera inférieure à [20-30] % à l'exception, du département du Maine-et-Loire où elle atteindra [40-50] %. Toutefois, l'incrément sera faible ([0-5] %) et Terrena continuera à faire face à la concurrence de Capl qui dispose d'environ [20-30] % du marché.

42. Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés de la distribution de produits d'agrofourniture au titre des effets horizontaux.

2. LES CÉRÉALES, PROTÉAGINEUX ET OLÉAGINEUX

a) La collecte de céréales, protéagineux et oléagineux

43. Sur le marché amont de la collecte de céréales la nouvelle entité aura une part de marché de [0-5] % dans l'Orne, [10-20] % dans la Sarthe et [20-30] % en Mayenne ([5-10] % pour Terrena et [10-20] % pour AMC). On relèvera dans ce dernier département la présence de CAM avec [30-40] % de parts de marché.

44. En Maine-et-Loire, la nouvelle entité aura une part de marché cumulée de [50-60] %. Toutefois, l'incrément reste faible ([0-5] %). En outre, on relèvera la présence de concurrents tels que Capl ([10-20] % de parts de marché), de CAM ([0-5] %), Hermouet, Celleir ou SCPA.

45. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché amont de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux au titre des effets horizontaux.

b) La commercialisation de céréales, protéagineux et oléagineux

46. Les parts de marché de la nouvelle entité sur le marché français de la commercialisation de semences seront inférieures à [5-10] % quel que soit le produit concerné avec un incrément d'au plus [0-5] %.

47. L'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la commercialisation de céréales, protéagineux et oléagineux.

3. LES PRODUITS DE NUTRITION ANIMALE

48. S'agissant des marchés amont de la production et commercialisation de céréales servant à l'élaboration d'aliments pour animaux, la nouvelle entité détiendra une part de marché de [0-5] % au niveau national.

49. S'agissant du marché aval de la production et la commercialisation d'aliments complets, pour ruminants, dans la zone de 150 kilomètres autour de l'usine d'AMC située à Laval (53), la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [10-20] % avec un incrément de [0-5] %.

50. S'agissant du marché aval de la production et la commercialisation d'aliments composés minéraux et nutritionnels, la part de marché de la nouvelle entité sera de [0-5] % au niveau national.

51. S'agissant du marché aval de la production et la commercialisation de " single feed ", la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [5-10] % au maximum au niveau national, quelles que soient les segmentations envisagées.

52. Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés du secteur de la nutrition animale.

4. DISTRIBUTION DE PRODUITS DE JARDINAGE, DE BRICOLAGE ET D'AMÉNAGEMENT EXTÉRIEUR AUPRÈS DU GRAND PUBLIC

53. Sur la zone de La Membrolle sur Longuenée (49), la nouvelle entité disposera d'une part de marché cumulée de [10-20] % avec [...] points de vente Terrena de 1 160 m² au total et de [...] points de vente AMC de 75 m². Elle fera notamment face sur cette zone à [...] points de vente Jardiland de 4 480 m² et à [...] points de vente Truffaut de 4 500 m².

54. Sur la zone de Château Gontier (53), la nouvelle entité disposera d'une part de marché cumulée de [10-20] % avec [...] points de vente Terrena de 600 m² et [...] points de vente AMC de 400 m². Elle fera notamment face sur cette zone à [...] points de vente Gamm Vert de 3 228 m² et à [...] points de vente Espace Emeraude de 1 400 m².

55. Sur la zone de Saint Denis d'Anjou (53), la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [10-20] % avec [...] points de vente Terrena d'une surface cumulée de 1 763 m² et [...] points de vente AMC d'une surface cumulée de 156 m². Elle fera notamment face sur cette zone à [...] points de vente Espace Emeraude (5 500 m²) et [...] points de vente La Maison du Point Vert (5 000 m²).

56. Sur la zone de Daumeray (49), la nouvelle entité disposera d'une part de marché de [60-70] % avec [...] points de vente Terrena d'une surface totale de 3 255 m² et [...] points de vente AMC d'une surface globale de 156 m², soit un incrément de [5-10] %. En outre, elle fera en face sur cette zone à [...] points de vente Mr Bricolage et [...] points de vente Tout Faire Matériaux qui disposent de surfaces de vente significatives en produits de jardinage, bricolage et aménagement extérieur et représentent les [40-50] % du marché restant.

57. Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution auprès du grand public de produits de jardinage, de bricolage et d'aménagement extérieur.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX DE L'OPERATION

58. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

59. En l'espèce, de tels effets doivent être examinés sur le marché des céréales et sur le marché de la nutrition animale sur lesquels la nouvelle entité sera active.

60. Dans le secteur des céréales, oléagineux et protéagineux, l'opération n'emporte aucun risque de verrouillage sur les marchés aval de la commercialisation de céréales, oléagineux et protéagineux compte tenu des parts de marché limitées des parties (inférieures à [5-10] %). De même, il est peu probable que la position de la nouvelle entité sur le marché amont de la collecte entraine un quelconque risque de verrouillage de l'accès des opérateurs concurrents de Terrena et d'AMC à l'offre de céréales, oléagineux et protéagineux, compte tenu des parts de marché limitées des parties ou de l'incrément négligeable qu'entraîne l'opération.

61. De même, dans le secteur de la nutrition animale l'opération n'emporte aucun risque de verrouillage sur les marchés amont et aval compte tenu des parts de marché limitées des parties ou de l'incrément négligeable qu'entraîne l'opération.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX DE L'OPERATION

62. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroitre son pouvoir de marché. Si les concentrations conglomérales peuvent susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

63. Au cas d'espèce, Terrena et AMC sont présentes à la fois sur les marchés de la collecte de céréales et d'oléo-protéagineux dans les départements de la Mayenne, de la Sarthe, du Maine-et-Loire et de l'Orne et les marchés de distribution au détail de produits d'agrofournitures dans les départements du Maine-et-Loire, de la Sarthe et de la Mayenne. Or, il existe une connexité entre ces marchés dans la mesure où ils mettent en présence les mêmes acteurs : sur le premier, les agriculteurs interviennent en qualité d'acheteurs de semences, engrais, produits phytosanitaires auprès du réseau des deux coopératives ; sur le second ils sont vendeurs de leurs récoltes auprès de ces mêmes coopératives. De même, pour les exploitants agricoles détenant à la fois un élevage et des surfaces de terre, il existe un lien de connexité entre les marchés de la distribution d'aliments pour le bétail, les marchés de la distribution au détail de produits d'agrofourniture et les marchés de la collecte de céréales, oléagineux et protéagineux. Précisément, les parties pourraient lier commercialement leurs ventes ou leurs achats sur ces différents marchés, en conditionnant, par exemple, l'achat des récoltes produites par les agriculteurs à une obligation préalable d'achat par ceux-ci de leurs intrants en cultures auprès de son réseau de distribution ou encore, en conditionnant l'achat des récoltes produites par les exploitations agricoles détenant par ailleurs un élevage à une obligation préalable de ceux-ci d'acheter leurs aliments pour le bétail ou leurs intrants pour cultures auprès de la nouvelle entité.

64. Toutefois, il est peu probable que l'opération emporte un tel risque, la nouvelle entité ne bénéficiant pas de positions suffisamment fortes sur un marché pour faire jouer un effet de levier. Ainsi, (i) sur le marché de la distribution au détail de produits d'agrofourniture (au niveau départemental), les parts de marché cumulées des parties seront inférieures à [20-30] % dans tous les départements sauf dans le Maine et Loire (où ses parts de marché seront autour de [40-50] %) ; (ii) sur le marché de la collecte de céréales, protéagineux et oléagineux (au niveau départemental) la part de marché cumulée des parties sera inférieure à 25 % quel que soit le département (à l'exception du Maine et Loire) et ; (iii) sur le marché de la distribution d'aliments pour le bétail auprès des éleveurs la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à [10-20] %.

65. En outre, les principaux concurrents actifs sur la zone concernée sont également présents sur chacun des marchés pouvant faire l'objet de ventes/achats liés, comme les groupes CAM, CAPL, Cooperl ou Agrial qui assurent à la fois une activité de distribution au détail de produits d'agrofourniture et une activité de collecte de récoltes. Ces concurrents disposent ainsi, quelle que soit la capacité et l'incitation de la future entité à verrouiller les marchés concernés, des moyens de faire échec à une éventuelle stratégie de celle-ci en ce sens.

66. Concernant le marché de la collecte de céréales et d'oléo-protéagineux et celui relatif à la production et commercialisation de produits relatifs à la nutrition animale, le risque de verrouillage du marché de la production et de la commercialisation de produits de nutrition animale peut être écarté compte tenu des parts de marché limitées de la nouvelle entité sur ce marché.

67. Dès lors, tout risque d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux peut être écarté.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-230 est autorisée.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 14-DCC-129 du 9 septembre 2014 relative à la prise de contrôle de la société coopérative Val Nantais par la société coopérative Terrena., n° 13-DCC-170 du 20 novembre 2013 relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal, n° 12-DCC-104 du 31 juillet 2012 relative à la fusion entre les coopératives Gascoval et Terres de Gascogne, n° 12-DCC-75 du 18 juin 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de Seveal-Union par le groupe Vivescia, n°10-DCC-107 du 9 septembre 2010 relative à l'apport partiel d'actifs de CAM 56 à Coopagri Bretagne, et à la fusion entre Coopagri Bretagne et Union Eolys, n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010 relative à la transformation de RAGT Semences en entreprise commune contrôlée par RAGT et CAF Grains, n° 10-DCC-41 du 10 mai 2010 relative à la fusion par absorption des coopératives Capafrance et Force 5 par la coopérative Océal.

2 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 du 10 octobre 2001 relative à la prise de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial.

3 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-170, n° 12-DCC-104, n°12-DCC-75, n° 11-DCC-150 et n° 10-DCC-107 précitées.

4 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-150 précitée.

5 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-170, n° 12-DCC-104, n° 12-DCC-75 et n° 10-DCC-107 précitées

6 Voir notamment Décision n° 13-DCC-170 du 20 novembre 2013 relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal.

7 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-170 du 20 novembre 2013 relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal, n° 12-DCC-42 du 26 mars 2012, n° 12-DCC-49 du 10 avril 2012

8 Voir la décision de l'Autorité n°13-DCC-170 du 20 novembre 2013 relative à la fusion-absorption des sociétés coopératives agricoles Epis-Centre, Epis-Sem et Agralys par l'Union de Coopératives Agricoles Axereal.

9 Voir par exemple les décisions n° 10-DCC-107 du 9 septembre 2010 relative à l'apport partiel d'actifs de CAM 56 à Coopagri Bretagne, et à la fusion entre Coopagri Bretagne et Union Eolys et n°14-DCC-100 du 4 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Soufflet Agriculture des sociétés composant le groupe Entreprise Raynot.

10 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-38 du 4 septembre 2009 relative à la fusion des coopératives Limagrain et Domagriet et n°14-DCC-100 du 4 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif par Soufflet Agriculture des sociétés composant le groupe Entreprise Raynot.

11 Voir par exemple les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-90 et n° 10-DCC-107, précitées.

12 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence, n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Glon Sanders Holding et le groupe Euralis.

13 Voir notamment la décision n° 13-DCC-37 du 26 mars 2013 et n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013 précitée.

14 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-91 du 24 décembre 2009, n° 10-DCC-34 du 22 avril 2010, n° 12-DCC-103 du 30 juillet 2012.

15 Voir les décisions de l'Autorité n° 12-DCC-13 du 30 juillet 2012 et n° 14-DCC-78 du 10 juin 2014 relative à la création d'une entreprise commune, Teravia, par les sociétés Cerena et Coopérative Agricole de Juniville.

16 Voir notamment les décisions l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Glon Sanders Holding et le groupe Euralis, n° 12-DCC-103 du 30 juillet 2012 et n° 13-DCC-37 du 26 mars 2013, la décision de la Commission européenne du 16 mars 2012 n° COMP/M.6468, Forfarmers/Hendrix et la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 1er juillet 2005 au conseil du groupe coopératif Unicopa relative à une concentration dans le secteur de l'alimentation pour le bétail.

17 La part de marché d'AMC étant infinitésimale sur les marchés des aliments complets pour porcs et chevaux, ceux-ci ne feront pas l'objet d'une analyse concurrentielle spécifique

18 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Glon Sanders Holding et le groupe Euralis et n°09-DCC-67 du 23 novembre 2009

19 Voir notamment la décision de la Commission européenne du 16 mars 2012 n° COMP/M.6468 et de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-102 du 26 juillet 2013 relative à la création d'une entreprise commune par la société Glon Sanders Holding et le groupe Euralis

20 Voir les décision de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-90 du 29 décembre 2009 et Décision n° 12-DCC-49 du 10 avril 2012 relative à la fusion entre les coopératives Charente Coop et Charentes Alliance.

21 Voir les décisions de l'Autorité n° 09-DCC-90 du 29 décembre 2009 relative à la fusion de la coopérative agricole de la Charente et de la coopérative agricole Syntéane et n°12-DCC-49 du 10 avril 2012 relative à la fusion entre les coopératives Charentes Coop et Charentes Alliance.

22 AMC dispose également de points de vente à Beauné et Bierné. Toutefois, les zones de chevauchements sur lesquelles ils se situent ne feront pas l'objet d'une analyse concurrentielle spécifique compte tenu de la taille de ces magasins (moins de 30 m2).