Livv
Décisions

ADLC, 8 juillet 2015, n° 15-DCC-82

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint de Comexposium Holding SA par Watling Street Capital Partners LLP et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Région Paris-Île-de-France

ADLC n° 15-DCC-82

8 juillet 2015

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 3 juin 2015, relatif à la prise de contrôle conjoint de Comexposium Holding SA par Watling Street Capital Partners LLP et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Région Paris-Île-de-France, formalisé par une promesse d'achat d'actions en date du 31 mars 2015 ;

Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Watling Street Capital Partners LLP est une société de droit anglais à la tête du groupe Charterhouse réunissant plusieurs sociétés de gestion de fonds d'investissement (ci-après, " Watling Street "). Watling Street exerce, via ses participations contrôlantes dans une dizaine de sociétés, des activités variées comme la fourniture de services financier, juridique et d'assurance, le développement et la commercialisation de produits et de services technologiques liés à l'énergie et à l'environnement, la production et la commercialisation de produits alimentaires ou encore la fourniture de prestations permettant d'externaliser la gestion de la relation client. Watling Street est principalement actif au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie et en France. Le capital de Watling Street est divisé entre plusieurs dizaines d'actionnaires dont aucun n'est en mesure d'exercer une influence déterminante sur la société.

2. La Chambre de Commerce et d'Industrie de région Paris - Île-de-France (ci-après, " CCIR ") a été créée le 1er janvier 2013 par le décret n° 2012-595 du 27 avril 2012 en vertu duquel les chambres de commerce et d'industrie de l'Essonne, de Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine, de Paris, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines ont été rattachées au sein d'une chambre de commerce et d'industrie de région unique. La CCIR est un établissement public administratif à caractère économique placé sous la tutelle de l'État et administrée par des dirigeants d'entreprises élus par leurs pairs. En vertu de l'article L. 710-1 du Code de commerce, le réseau des chambres de commerce et d'industrie doit contribuer au développement économique des territoires, des entreprises et de leurs associations en remplissant des missions de service public, d'intérêt général et d'intérêt collectif. Elles ont une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics. La CCIR contrôle, conjointement avec Unibail, les sociétés Viparis et Comexposium, respectivement actives dans le secteur de la gestion de sites dédiées à l'accueil des congrès, des foires et des salons et dans le secteur de l'organisation de foires et salons.

3. Comexposium Holding (ci-après, " Comexposium ") est une société anonyme conjointement détenue et contrôlée par la CCIR et Unibail (1). Comexposium est spécialisée dans l'organisation de foires et de salons recouvrant près d'une vingtaine de secteurs d'activité, à destination du grand public et des professionnels. En outre, Comexposium propose à ses clients des prestations annexes non directement liées à l'organisation des manifestations elles-mêmes, prestations dites " non concurrentielles " (mise à disposition de stands, meubles, fleurs, prestations logistiques en général, etc.).

4. L'opération, formalisée par une promesse d'achat d'actions en date du 31 mars 2015, consiste dans le transfert de l'intégralité du capital de Comexposium à une société holding d'acquisition qui sera conjointement contrôlée par Watling Street et la CCIR. En vertu de la promesse d'achat d'actions et du projet de convention de cession d'actions, Watling Street et la CCIR détiendront respectivement 50,1 % et 49,9 % du capital et des droits de vote de la holding d'acquisition. En vertu du projet de nouveau pacte d'actionnaires de cette société, Watling Street disposera de quatre représentants sur sept et sera en mesure de décider seule du choix du président de la société cible et du personnel d'encadrement. La CCIR demeurera de son côté en mesure d'exercer une influence déterminante sur Comexposium dans la mesure où son accord restera indispensable pour la prise de décisions stratégiques importantes telles que (i) l'adoption et les mises à jour du Plan d'Affaires Pluriannuel de la société cible, qui définit ses objectifs financiers pour les cinq années à venir, (ii) l'adoption du budget annuel et (iii) la nomination du Président du conseil d'administration de Comexposium qui organise et dirige ses travaux. Il résulte de ce qui précède que Watling Street et la CCIR auront la possibilité d'exercer une influence déterminante sur Comexposium.

5. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint de Watling Street sur Comexposium, aux côtés de la CCIR, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxe total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euro (Watling Street : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 mars 2014 ; CCIR : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; Comexposium : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2014). Deux d'entre elles ont réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euro (Watling Street : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 mars 2014 ; CCIR : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; Comexposium : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2014). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. MARCHE DE SERVICES

7. Dans la lettre du 13 novembre 2007, le ministre de l'économie a relevé que le secteur des foires, salons et congrès mobilisait trois grandes catégories d'opérateurs :

- les gestionnaires de sites de congrès-expositions,

- les organisateurs d'événements, et

- des prestataires de services annexes.

1. LE MARCHE DE LA GESTION DE SITES DE CONGRES-EXPOSITIONS

8. La gestion de site consiste en la location de surfaces aux organisateurs d'événements. Le ministre de l'économie a envisagé trois types de segmentations.

a) Segmentation entre sites susceptibles d'accueillir des foires et salons et sites susceptibles d'accueillir des congrès

9. D'abord, le ministre a considéré qu'il était pertinent de distinguer le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès de celui de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des foires et salons.

10. Il a relevé à cet égard que les foires et salons ont une finalité différente des congrès. Les foires et salons se définissent comme " des manifestations commerciales constituées par le groupement périodique d'exposants présentant aux acheteurs potentiels ou au public des échantillons de produits ou services dans l'intention d'en faire connaître les qualités et d'en provoquer les commandes ". En revanche, un congrès est " organisé par une association professionnelle, une association scientifique, les pouvoirs publics ou une organisation internationale. Il est sans but commercial et vise à rapprocher des participants appartenant à des horizons variés, qui pourront se rencontrer et échanger des informations " (2).

11. En outre, le ministre a relevé que ces deux types d'événements nécessitent des équipements techniques différents (les congrès, expositions, colloques ou conventions nécessitent des amphithéâtres et des salles de réunions alors que les foires requièrent de vastes halls d'exposition plus ouverts, permettant une circulation aisée des visiteurs), ce qui explique la relative spécialisation des sites en France pour l'un ou l'autre type de manifestations.

b) Segmentation du marché entre les sites accueillant des foires et salons pour le grand public et les sites accueillant les professionnels

12. Le ministre de l'économie a considéré qu'une segmentation entre sites susceptibles d'accueillir des foires et salons pour le grand public et les sites susceptibles d'accueillir les professionnels n'était pas pertinente, dans la mesure où les caractéristiques techniques requises pour les deux types de manifestations sont les mêmes. Il a ainsi constaté qu'en France, la plupart des sites accueillent indifféremment des salons professionnels et des salons grands publics.

13. Il a relevé que le seul élément discriminant entre les sites accueillant des salons grand public ou mixtes et ceux accueillant des salons professionnels concernait les contraintes d'accessibilité aux sites. En effet, un site mal desservi par les transports urbains rencontrera des difficultés à attirer le grand public. Un salon professionnel accueillant des exposants et des visiteurs venant de l'ensemble de la France, voire pour certains, de l'ensemble de l'Europe ou du monde, doit quant à lui se tenir sur un site à proximité d'infrastructures autoroutières, ferroviaires ou aéroportuaires permettant de drainer des exposants et visiteurs et disposer d'infrastructures hôtelières suffisantes pour les héberger. Il a toutefois relevé la faible substituabilité entre les sites de Paris Nord Villepinte (ci-après " PNV ") et de la Porte de Versailles à Paris (ci-après " PDV ") compte tenu de leur localisation géographique différenciée (le site de PNV, en raison de son implantation géographique et des infrastructures routières et ferroviaires insuffisantes n'accueille pas de salon grand public, contrairement au site de PDV).

c) Segmentation du marché de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des foires et salons en fonction de la taille des sites

14. Le ministre de l'économie s'est interrogé sur l'existence d'une segmentation en fonction de la taille des salons, dès lors que les grands salons de plus de 100 000 m² n'ont d'autre alternative en France que le site de PDV et le site de PNV.

15. Il a toutefois relevé que les surfaces d'exposition des différents salons faisait apparaître un continuum qu'il était difficile de segmenter de manière pertinente. De plus, il n'y a pas de différenciation tarifaire entre les grandes et les petites surfaces d'exposition ou d'équipements particuliers à des salons de grande ou de petite taille. La question a finalement été laissée ouverte, dès lors que les contraintes et caractéristiques particulières des sites de PNV et PDV ont été prises en compte dans l'analyse concurrentielle.

16. Il n'y a pas lieu de remettre en cause les constatations tirées par le ministre de l'économie pour l'analyse de la présente opération.

17. Au cas d'espèce, CCIR, via sa filiale Viparis, est active sur le marché de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des congrès et sur celui de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des foires et salons. Le marché de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des congrès ne fera pas l'objet d'une analyse concurrentielle spécifique dans la mesure où Comexposium n'organise pas de congrès.

2. LE MARCHE DE L'ORGANISATION DE FOIRES ET SALONS

18. L'organisation d'événements (foires, salons, congrès, expositions, colloques, conventions, etc.) met en relation des sociétés savantes, des entreprises ou des fédérations et syndicats professionnels avec des spécialistes du métier de l'organisation. Il existe trois types d'organisateurs d'événements : les structures ad hoc créées à l'initiative de syndicats ou de fédérations, les sociétés généralistes, professionnelles de l'organisation ou de la communication, souvent issues de groupes de presse ou d'éditeurs, et enfin les sociétés d'organisation spécialisées dans un secteur précis.

19. Le ministre de l'économie a distingué le marché de l'organisation des foires et salons du marché de l'organisation d'autres événements (congrès, expositions, colloques ou convention). Il a relevé que, du côté de la demande, les foires et les salons répondent à la demande d'un groupement d'entreprises, éventuellement représentées par une fédération professionnelle, alors que les congrès répondent aux besoins d'une seule organisation telle qu'une société savante, un organisme public ou parapublic, un centre de recherche ou une entreprise spécifique. Du côté de l'offre, le ministre a constaté que les entreprises étaient spécialisées dans l'une ou l'autre des activités qui requièrent un savoir-faire différent.

20. Enfin, le ministre de l'économie a exclu certaines segmentations supplémentaires du marché de l'organisation de foires et salons, que cela soit (i) entre l'organisation de foires et l'organisation de salons, (ii) en fonction du public auquel les foires et salons s'adressent (grand public ou professionnel) et (iii) en fonction de la taille de la manifestation.

21. Il n'y a pas lieu de remettre en cause la définition de marché retenue par le ministre de l'économie au cas d'espèce.

22. Seule Comexposium est active sur le marché de l'organisation de foires et salons.

3. LE MARCHE DES PRESTATIONS ANNEXES

23. Les prestataires fournissent aux gestionnaires, aux organisateurs, ou directement aux clients de ces derniers, des services variés dans le domaine de la signalétique, de l'accueil, de la conception et de l'installation de stands, de la sécurité, de la restauration, etc.

24. Le ministre de l'économie a considéré qu'il convenait d'isoler les prestations annexes qui sont directement liées au site. Il en est ainsi des prestations qui ne peuvent être rendues sans disposer d'une très bonne connaissance des sites et d'un droit d'accès étendu à ceux-ci, ou des prestations dont l'exécution engage la responsabilité civile et pénale de l'exploitant du site. Ce dernier peut dès lors légitimement exiger qu'elles soient réalisées par lui-même ou par des entreprises qu'il agrée. De telles prestations sont alors dites " obligatoires " si elles ne sont pas divisibles, ou " exclusives " si leur consommation est attribuable à un exposant en particulier. Ces prestations peuvent concerner les branchements électriques et de plomberie, l'élingage, la signalisation, la sécurité du site et éventuellement la gestion des caisses. Ces prestations directement liées à l'infrastructure du site relèvent donc davantage de la gestion de sites que d'un marché de prestations annexes, étant en réalité complémentaires à la location de surface.

25. S'agissant des prestations de services annexes non directement liées au site, les exposants peuvent faire jouer la concurrence entre les gestionnaires de sites, les organisateurs de salons s'ils proposent ces prestations, et les prestataires spécialisés.

26. Il n'y a pas lieu de remettre en cause les délimitations retenues par le ministre de l'économie pour les besoins de la présente analyse concurrentielle.

27. Au cas d'espèce, CCIR, via Viparis, et Comexposium sont marginalement actives sur le marché des prestations annexes concurrentielles.

B. MARCHES GEOGRAPHIQUES

1. LE MARCHE DE LA GESTION DE SITES DE FOIRES ET SALONS

28. Le ministre de l'économie a considéré que les sites accueillant des foires et salons pour le grand public revêtaient une dimension locale, dans la mesure où les foires sont des manifestations généralistes se tenant le plus souvent annuellement et qui sont très marquées par un ancrage territorial car associées au nom d'une ville. La concurrence entre sites pour accueillir des foires ne peut donc être que locale. Il a cependant relevé que les sites de la région parisienne occupaient une position singulière, ces derniers étant les seuls à avoir la capacité d'accueillir les quelques salons grands public de dimension nationale.

29. En ce qui concerne les foires et salons visant un public professionnel, le ministre de l'économie a considéré qu'une dimension nationale devait être retenue, en raison de l'organisation le plus souvent nationale des filières professionnelles. Il a précisé que eu égard à leurs exigences de surface, de moyens d'accès et de capacités d'hébergement, les salons professionnels ne peuvent, dans les faits, se tenir que sur des sites de la région parisienne.

30. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation au cas d'espèce.

2. LE MARCHE DE L'ORGANISATION DE FOIRES ET SALONS

31. Le ministre de l'économie a relevé qu'une implantation nationale était essentielle pour toucher les organisations professionnelles clientes des organisateurs de foires et salons. A ce titre, il convient de retenir une dimension nationale pour le marché de l'organisation de foires et salons, même si les organisateurs étrangers exercent une concurrence potentielle sur les acteurs nationaux.

32. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation au cas d'espèce.

3. LE MARCHE DES PRESTATIONS ANNEXES

33. Le ministre de l'économie a laissée ouverte la question de la délimitation géographique du marché des prestations annexes. Dans la mesure où les activités des parties sur ce marché demeurent marginales, il n'est pas nécessaire de trancher cette question au cas d'espèce.

III. Analyse concurrentielle

A. RAPPEL DE L'ANALYSE MENEE PAR LE MINISTRE DE L'ECONOMIE ET LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE EN 2007

34. Le ministre de l'économie, dans le prolongement de l'avis rendu par le Conseil de la concurrence (3), a constaté en 2007 que la prise de contrôle conjoint d'Unibail et de CCIR sur Viparis et Comexposium conduisait à des préoccupations de concurrence auxquelles il convenait de remédier par le biais d'engagements.

1. PREOCCUPATIONS DE CONCURRENCE IDENTIFIEES PAR LE MINISTRE DE L'ECONOMIE DANS SA LETTRE DU 13 NOVEMBRE 2007

a) Le marché de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des foires et salons

35. Le ministre de l'économie et le Conseil ont constaté que la prise de contrôle conjoint d'Unibail et de CCIR sur Viparis et Comexposium entraînait " la création d'un quasi-monopole " sur le marché de la gestion des sites susceptibles d'accueillir des foires et salons (grand public et professionnels), avec des parts de marché comprises entre 90 % et 100 % selon le type de mesure analysé (4). Le pouvoir de marché de Viparis était encore renforcé par l'existence de " très fortes barrières à l'entrée ".

36. Ce " quasi-monopole " était de nature, selon le ministre, à induire des risques d'augmentation des tarifs, d'accroissement du périmètre des prestations annexes obligatoires et exclusives, la baisse de leur qualité ou l'augmentation de leur prix. Le ministre a précisé que ces risques étaient identiques pour les sites susceptibles d'accueillir des professionnels et ceux susceptibles d'accueillir le grand public, malgré des dimensions géographiques différentes. En effet, il a relevé à cet égard que les sites de la région parisienne sont les seuls, à quelques exceptions près, susceptibles d'accueillir des salons professionnels.

b) Le marché de l'organisation de foires et salons

37. Le ministre de l'économie a constaté que la prise de contrôle conjoint d'Unibail et de CCIR sur Viparis et Comexposium aboutirait à la création du leader du marché, avec une part de marché cumulée des parties comprise entre [20-30] % et [40-50] %. Il a en outre relevé que le niveau de la frange concurrentielle devait être relativisée, dans la mesure où ce marché se caractérise par une spécialisation importantes des opérateurs et l'existence de barrières à l'entrée telles que la difficulté de changer d'organisateurs, la nécessité d'un savoir-faire spécifique et d'une stratégie de marque.

38. Il a considéré que les risques pour la concurrence ne concernaient pas d'éventuels effets horizontaux mais tenaient " davantage à l'intégration verticale des parties et aux avantages qu'elles peuvent tirer de leur monopole sur le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des foires et salons en région parisienne ". Selon le ministre de l'économie, la puissance de marché des parties sur ces marchés leur permettait :

- de discriminer leurs concurrents sur les tarifs des loyers ou des prestations annexes, sur le choix des lieux, des dates d'exposition ou du calendrier des options de réservation ;

- de tirer profit des informations stratégiques auxquelles le gestionnaire de sites a accès pour favoriser sa branche organisatrice de foires et salons ;

- d'accroître leur puissance d'achat vis-à-vis des prestataires de services auxquels les parties font appel pour réaliser les prestations obligatoires et exclusives ; et

- de coupler des prestations obligatoires attachées à l'infrastructure du site avec des prestations habituellement concurrentielles par le biais d'un couplage ou d'une remise de couplage.

c) Le marché des prestations annexes

39. Le ministre a relevé que l'activité des parties sur le marché des prestations annexes se limitait à commercialiser sur leurs propres sites des prestations réalisées par des prestataires indépendants. Il en a conclu que l'opération n'était pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux sur ce marché.

2. LES ENGAGEMENTS PRIS PAR LES PARTIES DANS LE CADRE DE LA PRECEDENTE OPERATION

40. Afin de remédier aux préoccupations de concurrence, Unibail et CCIR ont proposé une série d'engagements structurels et comportementaux. Ces engagements, toujours en vigueur, sont les suivants :

Extension des capacités : les parties se sont engagées à étendre le site de PNV d'une surface de 135 000 m² entre 2010 et 2021 ;

Régulation tarifaire : les parties se sont engagées à limiter les tarifs des loyers et des prestations annexes obligatoires ou exclusives. La modération des évolutions tarifaires passe par l'utilisation d'indices permettant de fixer des plafonds à toute hausse des prix ;

Non-discrimination dans l'accès aux sites : les parties notifiantes se sont engagées à (i) limiter les délais de réservation des surfaces d'exposition et en rendant impossible toute réservation plus de 24 mois à l'avance et (ii) à respecter une hiérarchie dans l'attribution des créneaux avec une priorité pour les salons dits " pivots ", l'octroi aux autres salons d'un " droit du grand-père " leur garantissant une continuité dans l'accès aux sites d'exposition et le respect d'un certain nombre de critères pour l'acceptation de nouveaux salons ;

Respiration du marché de l'organisation : les parties se sont engagées à limiter leur part relative dans l'occupation de leurs propres sites par leurs propres salons, cette part ne devant pas dépasser [40-50] % ; et

Prestations annexes : les parties se sont engagées à ne pas pratiquer de couplage entre les prestations annexes obligatoires et exclusives et les prestations concurrentielles.

B. LA PRESENTE OPERATION

1. ANALYSE CONCURRENTIELLE DE LA PRESENTE OPERATION

a) Analyse des effets horizontaux

41. La présente opération est sans incidence sur l'analyse qui avait été menée par le ministre de l'économie concernant les effets horizontaux sur le marché de la gestion des sites accueillant des foires et salons. En effet, Viparis, qui est active sur ce marché, demeurera conjointement contrôlée par Unibail et CCIR à l'issue de la présente opération. De plus, les parties notifiantes indiquent que la part de marché de Viparis demeure de [90-100] % environ sur le marché de la gestion des sites accueillant des foires et salons. Dès lors, il n'y a pas lieu de revenir sur l'analyse des effets horizontaux sur le marché de la gestion des foires et salons qui avait été effectuée dans la lettre du 13 novembre 2007.

42. En outre, les parties sont, comme en 2007, marginalement présentes sur le marché des prestations annexes dans la mesure où le chiffre d'affaires cumulé a représenté moins de [0-5] % du marché de l'Île-de-France.

b) Analyse des effets verticaux

43. En ce qui concerne l'analyse des effets verticaux de l'opération de 2007, la partie notifiante indique que la présente opération mettra un terme à l'intégration verticale visée dans la décision du ministre dans la mesure où Unibail ne contrôlera plus Comexposium à l'issue de la concentration. Elle ajoute que " Viparis et Comexposium ne seront donc plus sous un contrôle commun et leurs intérêts ne seront plus alignés. L'Opération Envisagée a donc un effet pro-concurrentiel ".

44. Il est exact de constater que la présente opération aura pour effet de dénouer les relations capitalistiques existants entre Comexposium et Unibail. Toutefois, contrairement à ce que soutient la partie notifiante, elle ne conduira pas à la fin de toute intégration verticale entre l'activité de gestion de sites et l'activité d'organisation de foires et de salons. En effet, à l'issue de la présente opération, CCIR gardera le contrôle conjoint de Comexposium, aux côtés de Watling Street, et de Viparis, aux côtés d'Unibail, par le biais principalement de ses droits de veto sur les décisions stratégiques. Dès lors, un lien vertical sera maintenu entre les deux activités en raison de la présence de CCIR dans la chaîne de contrôle de Comexposium et de Viparis.

45. Enfin, les parties notifiantes précisent que la part de marché de Comexposium sur le marché de l'organisation de foires et de salons n'a pas significativement baissé depuis l'opération de 2007, cette part de marché ayant été estimé à l'époque dans une fourchette comprise entre [20-30] % et [40-50] % par le ministre de l'économie et le Conseil de la concurrence.

46. Dès lors, l'analyse menée par le ministre de l'économie et le Conseil de la concurrence en 2007, qui retenait l'existence de risques d'atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux entre le marché amont de la gestion des sites et le marché aval de l'organisation, demeure pertinente.

2. CONSEQUENCE SUR LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS EN 2007

47. A l'exception de l'engagement de respiration du marché de l'organisation, la lettre du ministre de l'économie exige que l'ensemble des engagements pris " demeureront en vigueur tant qu'une des parties notifiantes sera titulaire de la concession du parc des Expositions de la Porte de Versailles (la convention d'occupation actuelle expirant le 31 décembre 2026), à moins que l'opération faisant l'objet de la présente décision ne soit complètement dénouée ". La décision du ministre ajoute que " les engagements prendront fin avec la situation de quasi-monopole de la nouvelle entité en matière de gestion de sites ".

48. Or, la présente opération ne conduit pas au dénouement complet de l'opération de 2007, dans la mesure où CCIR et Unibail exercent toujours un contrôle conjoint sur Viparis qui conserve son pouvoir de marché sur le marché amont de la gestion des sites.

49. En ce qui concerne l'engagement de respiration du marché de l'organisation, la lettre du ministre indique que " cet engagement devient caduc dans l'hypothèse où l'ensemble formé par les Parties ne détiendrait plus la majorité du capital d'OpCo [Comexposium] et ne détiendrait plus une influence déterminante dans OpCo [Comexposium] ".

50. Cet engagement, qui encadre l'activité de gestion de sites de Viparis, vise à limiter le développement de Comexposium sur les marchés aval de l'organisation et des prestations annexes afin d'éviter que la concurrence ne soit faussée sur ces marchés par le pouvoir de marché détenu en amont. Or, comme indiqué ci-dessus, la présente opération n'est pas de nature à écarter les risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés aval par le biais des effets verticaux que le ministre de l'économie et le Conseil de la concurrence ont identifié. Par ailleurs, CCIR conservera une influence déterminante dans Comexposium à l'issue de l'opération.

51. Dès lors, la présente opération n'est pas de nature à remettre en cause les engagements pris par CCIR et Unibail dans le cadre de l'opération de 2007.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-074 est autorisée.

Notes :

1 Voir la lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 13 novembre 2007, aux conseils de la société CCIR, relative à une concentration dans le secteur de l'organisation de foires et salons.

2 Lettre du ministre C2005-6 du 14 mars 2005, précitée.

3 Avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-10 du 26 septembre 2007 relatif au rapprochement des activités de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et de la société Unibail Holding SA dans le secteur de la gestion de sites de congrès-expositions et de l'organisation de foires et salons.

4 L'analyse concurrentielle retient deux mesures pour évaluer la part de marché des gestionnaires de sites : la surface disponible et la surface facturée sur une année, c'est-à-dire la surface brute (cette dernière correspond à la surface totale occupée par la manifestation, par opposition à la surface nette, qui ne comprend que la surface louée aux exposants).