CA Riom, 3e ch. civ. et com., 22 juillet 2015, n° 14/00125
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Roussel Vallon, Slimness (SARL)
Défendeur :
Physiomins Expansion (SAS), Selarl MDP (ès qual.), Bauland Gladel & Martinez (ès qual.), Dubois (ès qual.), Eric (ès qual.), BNP Paribas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tamalet
Conseillers :
Mme Javion, M. Riffaud
Avocats :
Mes Bellet, Lacquit, Limagne, Guizard, Gutton Perrin
Faits, procédure et prétentions des parties :
Par acte sous seing privé du 27 février 2009, Mme Roussel Vallon, agissant au nom de la société Slimness en cours de constitution, a conclu un contrat de franchise avec la société Physiomins Expansion pour une durée de cinq ans.
Elle a cessé son activité qui s'est révélée déficitaire au 1er janvier 2011.
Le 6 juin 2011, la société Physiomins Expansion a obtenu à une ordonnance d'injonction de payer à l'encontre de la société Slimness.
Imputant l'échec de son commerce à la société Physiomins Expansion et à BNP Paribas, la société Slimness et Mme Roussel Vallon ont engagé une action en justice en février 2012.
La société Physiomins Expansion a fait l'objet d'une ouverture de redressement judiciaire le 26 mars 2013, puis d'une liquidation judiciaire le 11 juin 2013.
Par jugement du 12 décembre 2013, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a débouté la société Slimness et Mme Roussel Vallon de l'intégralité de leurs demandes, débouté la société Physiomins Expansion de sa demande reconventionnelle, condamné les demanderesses au paiement d'indemnités procédurales.
Mme Roussel Vallon et la société Slimness ont interjeté appel par déclaration reçue le 14 janvier 2014.
Vu leurs dernières conclusions transmises par RPVA le 17 mars 2015 aux termes desquelles elles demandent :
1) à l'égard de la société Physiomins Expansion représentée par son liquidateur judiciaire,
A titre principal :
- prononcer l'annulation du contrat sur le fondement de l'article 1116 et subsidiairement de l'article 1110 du Code civil,
- fixer au passif de la société Physiomins Expansion :
* la créance de restitution de la société Slimness à la somme de 65.515,07 euro
* la créance de dommages et intérêts de la société Slimness à la somme de 88.771 euro
* la créance de dommages et intérêts de Mme Roussel Vallon au titre du manque à gagner à la somme de 31.521 euro
* la créance de dommages et intérêts de Mme Roussel Vallon au titre des fonds investis dans la franchise en pure perte à la somme de 76.858,77 euro,
A titre subsidiaire :
- dire que la société Physiomins Expansion a violé son obligation d'assistance et a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat,
- dire que le contrat sera résilié aux torts exclusifs du franchiseur,
- fixer au passif de la société Physiomins Expansion :
* la créance indemnitaire de la société Slimness à la somme de 88.771 euro,
* la créance indemnitaire de Mme Roussel Vallon à la somme de 108.379;77 euro (31.521 + 76.858,77)
2) à l'égard de BNP Paribas
- dire que la banque disposant d'un Pôle franchise a manqué à son obligation de conseil, et de mise en garde en accordant un crédit inconsidéré au regard du caractère irréaliste du prévisionnel qui lui a été soumis, et en n'ayant procédé à aucune analyse ou vérification de la situation du franchiseur et du dossier qui lui a été soumis, faisant ainsi preuve d'une légèreté blâmable,
- dire que ces manquements ont un lien de causalité directe avec leurs préjudices dès lors qu'elles n'auraient pas contracté ni poursuivi les relations avec la société Physiomins Expansion si elles avaient été justement alertées,
- condamner in solidum BNP Paribas avec la société Physiomins Expansion à payer à :
* la société Slimness la somme de 88.771 euro,
* Mme Roussel Vallon la somme de 76.858,77 euro,
- en toute hypothèse,
* dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation des intérêts,
* si la cour devait estimer que les préjudices consistent en une perte de chance, celle-ci ne saurait être évaluée à moins de 80 % des montants précités,
* rejeter les demandes adverses,
* condamner in solidum la société Physiomins Expansion représentée par son liquidateur judiciaire et BNP Paribas au paiement de la somme de 8.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions de la société Physiomins Expansion représentée par la SELARL MDP, mandataire judiciaire, appelante incidente, transmises par RPVA le 13 juin 2014, aux termes desquelles elle demande de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Slimness et Mme Roussel Vallon,
- l'infirmer sur sa demande reconventionnelle et condamner la société Slimness à lui payer :
* la somme de 10.779,73 euro au titre de l'arriéré de facturations, objet de l'ordonnance d'injonction de payer du 6 juin 2011,
* la somme de 20.000 euro de dommages et intérêts,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 4.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions de la BNP Paribas transmises par RPVA le 18 mars 2015 aux termes desquelles elle demande :
A titre principal,
de confirmer le jugement,
A titre subsidiaire,
- dire que le préjudice subi par la société Physiomins Expansion, emprunteuse, s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut correspondre qu'à un pourcentage du prêt accordé,
- dire qu'elle ne saurait être tenue du remboursement du droit d'entrée, ni des redevances de franchise, ni des pertes enregistrées et encore moins au paiement de la rémunération que Mme Roussel Vallon escomptait se verser,
- débouter en conséquence les appelantes de leurs demandes dirigées contre la banque,
En tout état de cause,
condamner solidairement la société Slimness et Mme Roussel Vallon à lui payer la somme de 4.000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture du 26 mars 2015.
La cour se réfère aux écritures des parties pour plus ample exposé du litige et de leurs moyens.
MOTIFS :
Sur la demande de nullité du contrat de franchise :
En vertu de l'article L 330-3 du Code de commerce, le franchiseur est tenu, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun, de fournir à l'autre partie devant exercer sa future activité de manière exclusive ou quasi-exclusive, un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en toute connaissance de cause, les informations de ce document d'information précontractuel (DIP) étant listées à l'article R 330-1 du Code de commerce.
La nullité ne peut être prononcée que si le manquement au devoir d'information a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.
En l'espèce, Mme Roussel Vallon soutient que le DIP ne contenait pas une présentation sincère de l'évolution du réseau et de la rentabilité du concept, ce qui a vicié son consentement par réticence dolosive ou à tout le moins par erreur substantielle, ayant été trompée par le compte d'exploitation prévisionnel annonçant un chiffre d'affaires de 299.000 euro la première année, certes ramené à 160.000 euro par le cabinet d'experts comptables qu'elle a consulté, lequel demeure toutefois très éloigné du chiffre d'affaires réalisé de 40.000 euro en un an et de 77.000 euro sur 19 mois d'activité.
Elle indique que le réseau Physiomins a connu un nombre effrayant de fermetures, entre 20 et 30 par an entre 1998 et 2006 durant l'exploitation de la société LABORATOIRE MEDILIGNE, turn over inquiétant qui a perduré ultérieurement avec la société Physiomins Expansion, le nombre de centres franchisés étant de 92 en 2007, 54 en 2009, 44 en 2010, 39 en 2011.
Toutefois, le tribunal a rappelé à juste titre que Mme Roussel Vallon avait été clairement informée par le DIP du 7 janvier 2009 :
- sur le fait que la société Financier Lavigne, aux droits de laquelle intervient la société Physiomins Expansion, avait acquis les marques Physiomins et Physioligne dans le cadre d'un plan de cession suite au redressement judiciaire de la société Laboratoire Mediligne par jugement du tribunal de commerce d'Annonay du 19 octobre 2007 ,
- que la société Physiomins Expansion n'a pu communiquer que les éléments fournis par l'administrateur judiciaire sur l'état du réseau, à savoir, 78 franchisés en France, 45 à l'export,
- que le compte prévisionnel type mentionné dans le DIP ne constituait pas un compte d'exploitation prévisionnel tel qu'expressément indiqué mais seulement une aide à l'établissement du dossier bancaire, les futurs franchisés reconnaissant qu'ils devront modifier les ratios et montants ne correspondant pas à leur dossier.
Les comptes de résultats prévisionnels ont été établis par Mme Roussel Vallon en collaboration avec son expert-comptable de Thiers, lequel ne mentionne pas les données locales du marché du secteur de Grasse. Dans son mail du 28 février 2009, Mme Roussel Vallon déclare avoir fait établir par ses soins l'étude de marché relative à l'ouverture de son centre et précise ne pas solliciter de la part de la société Physiomins Expansion une étude de marché.
Antérieurement au DIP, il n'est pas établi l'existence de nouvelles fermetures de centres après la reprise par la société Physiomins Expansion et ses comptes n'étaient pas encore établis.
Il s'ensuit qu'au vu de ces éléments, le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a écarté à bon droit la demande de nullité, tant sur le fondement du dol que sur celui de l'erreur substantielle, aucun vice du consentement n'étant démontré, la société Slimness ne pouvant ignorer les difficultés du réseau Physiomins, lesquelles étaient au surplus susceptibles d'être améliorées en 2009, le dirigeant de la société Physiomins Expansion, créateur du réseau Elytis, étant un partenaire expérimenté ayant connu un succès reconnu, de sorte que la restructuration du groupe repris en octobre 2007 était loin d'être utopique sans toutefois être garanti.
Sur la demande de responsabilité contractuelle :
A l'encontre de la société Physiomins Expansion :
A titre subsidiaire, les appelantes reprochent la société Physiomins Expansion de ne pas leur avoir apporté l'aide nécessaire à l'exploitation du centre sans toutefois produire de pièces à l'appui, se contentant de commenter celles versées aux débats par le franchiseur.
La cour ne peut que constater :
- qu'outre la documentation générale sur l'exploitation du concept, Mme Roussel Vallon a bien reçu une formation initiale et n'établit aucunement que le fait qu'elle soit restée peu de temps en immersion semaine 12 soit imputable au franchiseur.
- d'après la société Physiomins Expansion l'enseigne était beaucoup trop petite, étant observé que Mme Roussel Vallon n'établit aucunement qu'elle ait suivi les conseils du franchiseur sur ce point, le montage photographique produit montrant une enseigne sur tout le bâtiment correspondant au projet de façade préconisé et non à la réalité,
- les problèmes rencontrés avec le matériel (livraison sans montage et sans aide logistique ou non conformes à la commande) ont fait l'objet d'observations ciblées de la part de la représentante de la société Physiomins Expansion dans son compte rendu d'ouverture du centre afin que des améliorations soient apportées à ce sujet,
- Mme Roussel Vallon a refusé la venue de la directrice commerciale prévue en mai 2009, laquelle était destinée 'à cerner les problèmes que tu encoures lors de tes bilans, afin de les résoudre et de trouver les meilleures solutions en s'adaptant surtout à ta clientèle',
- son souhait de formation sur l'ensemble des possibilités des machines achetées ne pouvait être centrée que sur les programmes requis par la méthode Physiomins tel que rappelé par M. J.P Lavigne dans son courrier du 27 mai 2009,
- la responsable Animation Réseau est venue sur place en juin 2010 pour 'faire le point sur votre activité et mettre en place des partenariats pour générer davantage de trafic dans votre centre'. Si Mme Roussel Vallon estime que cette visite était trop tardive, elle ne justifie pas avoir demandé un déplacement avant cette date alors qu'elle avait refusé celui de mai 2009.
Les appelantes, qui ont par ailleurs bénéficié des retombées publicitaires de la marque au niveau national, notamment de celles associées à l'élection Miss France 2009, ne démontrent aucunement un comportement fautif du franchiseur dans son obligation d'aide et assistance en lien de causalité avec leur échec commercial.
A l'encontre de la BNP Paribas ;
Les appelantes reprochent à la BNP Paribas un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde aux motifs qu'en sa double qualité de banque munie d'un pôle franchise, elle disposait nécessairement d'informations spécifiques qu'elle s'est gardée de communiquer ou d'intégrer dans sa prise de décision d'octroi de crédit, et que d'autre part, elle n'a procédé à aucune analyse ou vérification de la situation du franchiseur et du dossier qui lui était soumis, faisant ainsi preuve d'une légèreté blâmable.
Toutefois, il convient d'observer en premier lieu qu'au regard du parcours professionnel de Mme Roussel Vallon ayant une formation et une expérience commerciale, de gestion, de tenue d'un magasin, et agissant pour le compte de sa société, elle ne peut être considérée comme un emprunteur non averti même si elle n'avait pas d'expérience en matière de franchise dans le domaine de l'amincissement.
Ses pourparlers avec la société Physiomins Expansion démontrent également qu'elle savait négocier, mettant le franchiseur en concurrence avec un autre, ayant signé le bail commercial avant même d'avoir conclu la franchise et fait réaliser elle-même les comptes de résultat prévisionnel et étude de marché.
Elle ne démontre aucunement que la BNP Paribas, même disposant d'un pôle franchise, aurait eu des informations privilégiées qu'elle-même aurait ignorées, étant rappelé que la société Physiomins Expansion venait de reprendre l'activité de la société LABORATOIRE MEDILIGNE un peu plus d'un an auparavant et qu'elle ne pouvait présenter à ce titre aucun bilan comptable antérieur, tel que mentionné dans le DIP. Les éléments comptables étant ainsi inconnus du franchiseur, il ne pouvait en être que de même de la BNP Paribas.
Au surplus, le prêt contracté en mars 2009, soit postérieurement au contrat de franchise, l'a été pour l'agencement du centre et pour un montant de 60.000 euro qui n'a rien d'inhabituel en la matière.
Force est de constater que là encore, les appelants ne rapportent pas la preuve d'un comportement fautif de la banque, étant rappelé qu'elle n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de sa cliente et que le site internet de la banque conseillait aux candidats franchisés de recourir à un expert-comptable pour établir le plan financier et à un conseil juridique pour étudier le DIP.
Sur la demande reconventionnelle de la société Physiomins Expansion :
La société Physiomins Expansion représentée par son liquidateur judiciaire demande à titre reconventionnel paiement de la somme de 10.779,73 euro au titre de ses factures impayées.
Le tribunal a écarté à juste titre cette demande dès lors qu'elle dispose d'une ordonnance d'injonction de payer signifiée en Etude le 3 mai 2011 revêtue de la formule exécutoire le 6 juin 2011. Si celle-ci peut encore faire l'objet d'une opposition et si la SELARL MDP peut rencontrer des difficultés pour son exécution forcée du fait de la cessation d'activité de la société Slimness et de l'ignorance de l'adresse actuelle de Mme Roussel Vallon, cela ne justifie pas pour autant une nouvelle décision de justice sur la même demande.
La société Physiomins Expansion forme par ailleurs une demande de dommages et intérêts de 20.000 euro contre les deux appelantes du fait de la résiliation unilatérale par le franchisé.
Il est certes constant que la société Slimness a cessé son activité en janvier 2011 et vendu son pas de porte sans en aviser la société Physiomins Expansion. Néanmoins, du fait de l'activité déficitaire du franchisé, il n'est pas justifié de préjudice, et ce d'autant plus que la société Slimness était depuis plusieurs mois dans l'incapacité de régler ses redevances sans que le franchiseur n'en tire les conséquences sur une résiliation de plein droit, tel que prévu au contrat.
Le jugement sera en conséquence également confirmé sur le rejet de la demande reconventionnelle.
Par ces motifs : La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne in solidum Mme Pascale Roussel Vallon et la société Slimness à payer à la SELARL MDP ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Physiomins Expansion la somme de 2.000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en appel et à payer à BNP Paribas du même chef la somme de 2.000 euro. Les condamne in solidum aux entiers dépens.