CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 septembre 2015, n° 15-03440
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Tim (SA)
Défendeur :
AD-Coup Littoral (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Filmont, Dhorne, Cheviller, Latscha
Vu le jugement du 26 novembre 2014, par lequel le Tribunal de commerce de Lille Métropole a dit brutale et fautive, au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce, la rupture de la relation commerciale commise par la société Tim à l'égard de la société AD-Coup Littoral, condamné la société Tim à payer à la société AD-Coup Littoral la somme de 629 700 à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par la société Tim le 12 février 2015 et ses dernières conclusions signifiées le 9 avril 2015, dans lesquelles il est demandé à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2014 par le Tribunal de commerce de Lille Metropole, en conséquence, débouter la société AD-Coup Littoral de toutes ses demandes, constater que la société AD-Coup s'est rendue coupable d'une brusque rupture des relations commerciales à l'égard de la société Tim, condamner la société AD-Coup Littoral à verser à la société Tim la somme de 336 000 à titre de dommages et intérêts, et celle de 30 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions d'appel incident signifiées le 20 mai 2015 par la société AD-Coup Littoral dans lesquelles il est demandé à la cour de dire et juger que la société Tim s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales établies au détriment de la société AD-Coup Littoral, en conséquence, confirmer le jugement rendu le 26 novembre 2014 en ce qu'il a jugé que la rupture commise par la société Tim à l'égard de la société AD-Coup Littoral était brutale et fautive au sens de l'article L. 442-I-5°, l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Tim à payer à la société AD-Coup Littoral la somme de 629 700,00 à titre de dommages et intérêts, en conséquence, condamner la société Tim à verser à la société AD-Coup Littoral la somme de 3 156 870,41 au titre des différents préjudices subis issus de la rupture brutale des relations commerciales établies, débouter la société Tim de l'ensemble de ses demandes, et, enfin, la condamner au paiement d'une somme de 30 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société AD-Coup Littoral est une société française créée en 1995. Elle est spécialisée dans la découpe laser de pièces sur mesure de petites, moyennes et grandes séries. La société Tim fabrique des cabines et des pièces détachées pour les engins agricoles et de chantiers. A ce titre, la société AD-Coup Littoral fabrique des cabines destinées aux grues et aux engins de travaux publics pour le compte de la société Tim, et ceci, depuis près de 19 ans, c'est-à-dire depuis sa création en 1995.
Au cours d'une réunion, le 8 avril 2014, la société AD-Coup Littoral, a " manifesté la volonté de mettre un terme à leur partenariat de sous-traitance ".
Le 15 avril 2014, par LRAR, la société AD-Coup Littoral a signifié à la société Tim qu'elle prenait acte de sa décision de rupture. Dans ce même courrier, la société AD-Coup Littoral précisait qu'elle comptait mettre fin à sa collaboration avec la société Tim à ses propres conditions. Parmi ces conditions, figurait une augmentation de 30 % du tarif horaire de soudage.
Dès le 17 avril 2014, la société Tim répondait au courrier de la société AD-Coup Littoral en rappelant que l'éventualité de réintégrer une partie de la sous-traitance confiée à AD-Coup Littoral était une solution envisagée pour améliorer sa compétitivité sur un marché en crise, mais que ni les volumes, ni le calendrier prévisionnel des commandes n'avaient été arrêtés. La société Tim réfutait les allégations de rupture brutale des relations commerciales et refusait les modifications tarifaires d'AD-Coup Littoral. Elle proposait à son sous-traitant de le rencontrer le 23 avril 2014, afin d'étudier une solution respectant les intérêts légitimes de chaque société.
Le 23 avril, la société Tim notifiait par courrier à la société AD-Coup Littoral l'arrêt progressif des commandes à fin novembre 2014. Par LRAR du 1er mai 2014, AD-Coup Littoral indiquait qu'elle n'acceptait pas le calendrier proposé par la société Tim, décidait de mettre un terme au tarif privilégié concédé à la société Tim à compter du 8 avril 2014 et modifiait les conditions de règlement. Elle annonçait également, dans ce courrier, un programme de retour des cabines : au 31 mai 2014, au 30 juin 2014 et au 31 juillet 2014. Le 20 mai 2014, la société Tim écrivait à AD-Coup Littoral qu'elle était disposée à modifier le calendrier, mais qu'elle ne pouvait accepter la remise en cause des prix et des modalités de règlement. Elle expliquait : " le programme des retours des cabines que vous imposez vont conduire, de facto, à une cessation brutale de nos relations commerciales, ce que nous ne souhaitons pas. Votre position conduit à rompre vous-même, brutalement, nos relations commerciales en bouleversant l'économie du marché que nous avions conclu depuis plusieurs années ". Ce courrier restait sans réponse, malgré une relance du 24 juin 2014 dans laquelle la société Tim s'étonnait de ne pas avoir eu une réponse à son courrier du 20 mai.
C'est dans ces conditions que le 24 juin 2014, la société AD-Coup Littoral a saisi le Tribunal de commerce de Lille Métropole. Par ordonnance du 26 juin 2014, le Président dudit tribunal a autorisé la société AD-Coup Littoral à assigner la société Tim à bref délai.
Le tribunal a jugé, dans le jugement dont il est interjeté appel, que la rupture des relations commerciales commise par la société Tim à l'égard de la société AD-Coup Littoral avait été brutale au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce : un préavis de 10 mois aurait dû, selon le tribunal, être octroyé à la société AD-Coup Littoral, compte tenu de la durée des relations commerciales établies depuis au moins 10 ans. Le tribunal a cependant estimé que " l'intransigeance de la société AD-Coup Littoral et son refus d'exécuter son préavis ne la rend pas pour autant responsable de la rupture totale, mais la prive du droit à indemnisation pour la partie qu'elle a volontairement refusé d'exécuter. Le tribunal fixera à (10 mois - 6 mois) 4 mois la durée du préavis que la société Tim aurait dû accorder à la société AD Coup Littoral ". Il a donc indemnisé la société AD-Coup Littoral de la perte de marge brute réalisée sur 4 mois, rejetant par ailleurs les demandes d'indemnisation de la société AD-Coup Littoral pour ses investissements spécifiques non amortis, pour ses frais de licenciement, au titre de la dépendance économique ainsi que pour des frais divers.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qu' " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure " ;
Considérant que la société Tim conteste avoir entretenu avec la société AD-Coup Littoral une relation commerciale établie ; qu'elle estime, au surplus, qu'aucune brutalité dans la rupture ne peut lui être imputée ; que ces deux points seront successivement étudiés par la cour ;
Sur les relations commerciales établies
Considérant que la société Tim estime que si ses relations commerciales avec l'intimée étaient anciennes, les volumes d'affaires concernés étaient variables, sans linéarité, ni prévisibilité, dépourvus de toute stabilité, privant ces relations commerciales du caractère de " relations établies " au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ; qu'il n'existait pas de convention écrite liant les deux parties et chaque partie était libre de mettre fin aux relations commerciales au moment souhaité ;
Considérant que la société AD-Coup estime qu'elle et l'appelante ont entretenu des relations commerciales intenses durant 19 ans ; que durant les dix dernières années, ces relations représentaient près de 70 % de son chiffre d'affaires ; qu'il s'agit bien de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
Considérant qu'il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société AD-Coup que cette société, en relations d'affaires avec la société Tim depuis 19 années, a réalisé avec elle, en moyenne, sur les 10 dernières années, un chiffre d'affaires de 2 280 475 , sur un chiffre d'affaires global de 3 461 596 ; que la société AD-Coup a donc réalisé, en moyenne, sur les 10 dernières années, 65,88 % de son chiffre d'affaires global avec la société Tim ; que le chiffre d'affaires réalisé avec la société Tim a toujours été supérieur à 2 millions d'euros, excepté pour les années 2006 et 2009 (respectivement 1 465 900 et 722 387 ) ; qu'il en résulte l'existence démontrée de relations commerciales intenses, et continues ; que ces relations, stables et continues, caractérisent des relations commerciales établies au sens du Code de commerce ; que l'absence de contrat écrit est indifférente pour l'appréciation de relations commerciales établies ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que les conditions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce étaient réunies ;
Sur la brutalité de la rupture
Considérant que la société AD-Coup soutient que la décision de la société Tim constitue une rupture brutale des relations commerciales que les deux sociétés entretenaient, car elle n'a pas respecté un délai de préavis suffisant et raisonnable, au regard de la durée des relations commerciales, de l'investissement qu'elle leur a consacré et de leur intensité ; qu'elle conteste les allégations de l'appelante, prétendant lui avoir proposé des discussions ; qu'elle prétend être en état de dépendance économique à l'égard de la société Tim, car son activité avec Tim accaparait ses capacités de production ; que si elle avait voulu chercher un autre client, il aurait fallu qu'elle investisse dans de très nombreux appareils, coûteux ; que bien qu'elle ne puisse formellement le prouver, elle affirme que l'investissement dans de nouveaux bâtiments avait pour seul but de satisfaire la société Tim qui était son principal donneur d'ordre ;
Considérant que la société Tim soutient avoir respecté un délai de préavis suffisant, qui permettait à la société intimée de réorienter son activité et de se mettre en quête d'autres clients ; qu'aucune rupture brutale ne lui est imputable, car c'est le comportement de l'intimée qui caractériserait la violence requise pour qualifier de brutale la rupture de leurs relations commerciales ; que c'est l'intimée qui aurait, en effet, rompu, irrévocablement et immédiatement le partenariat, sans respecter le moindre préavis, alors qu'elle-même voulait convenir, avec l'intimée, d'un calendrier de cessation progressive des relations ; qu'elle conteste l'argument selon lequel l'intimée aurait effectué des investissements dédiés à la société Tim ou spécifiques à cette dernière ; que le matériel en cause permettait aussi de répondre à la demande des autres clients de la société AD-Coup et la société Tim ne peut être responsable du fait qu'elle ait surinvesti dans de grands bâtiments surdimensionnés, sans qu'elle le lui ait demandé ;
Considérant que la durée du préavis a pour finalité de permettre aux entreprises victimes de remédier à la désorganisation résultant de la rupture ; qu'elle s'apprécie au regard de critères qui dépendent de la nature et de l'ancienneté de la relation commerciale, de la notoriété des produits pris en considération, du degré de dépendance à l'égard du fournisseur, de la faculté de trouver des partenaires équivalents, et d'amortir les investissements engagés légitimement pour satisfaire les besoins spécifiques du cocontractant, auteur de la rupture ;
Considérant que c'est la société qui rompt les relations commerciales qui doit manifester à son partenaire son intention de ne pas les poursuivre dans les conditions antérieures ; que cette manifestation fait courir le délai de préavis ;
Considérant, en l'espèce, que la société Tim a manifesté, dès le début du mois d'avril 2014, sa volonté d'internaliser la fabrication des cabines, auparavant sous-traitée à la société AD-Coup ; que la rupture n'a toutefois été annoncée que dans le courrier du 23 avril 2014 de la société Tim, qui contenait un calendrier de cessation progressive des commandes jusqu'en novembre 2014 : - 14 % du chiffre d'affaires en mai 2014 ; -10 % en juin 2014 ; - 32 % en juillet 2014 ; - 12 % en septembre 2014 et -30 % en novembre 2014 ;
Considérant que la société Tim ne saurait imputer à la société AD-Coup la responsabilité de la rupture et faire remonter celle-ci au courrier de la société AD-Coup, daté du 1er mai 2014 ; que dans ce courrier, en effet, la société AD-Coup se borne à accuser réception de la résiliation du 23 avril 2014, en faisant part à la société Tim d'un programme de retour des cabines plus rapide que celui prévu par la société Tim ; que si des changements de prix et de règlement sont annoncés dans ce courrier, preuve n'est pas rapportée que ces changements auraient été mis en œuvre ;
Considérant que la société Tim ne peut pas davantage soutenir avoir recherché la négociation avec la société AD-Coup, puisque la lettre de résiliation du 23 avril 2014 est impérative et ne mentionne aucune négociation à venir ; que si la société Tim a proposé un réaménagement du calendrier le 24 juin 2014, ce courrier ne saurait être pris en compte, les conditions de la rupture devant être appréciées au moment de la notification de la rupture, soit le 23 avril 2014 ; qu'en toute hypothèse, la société AD-Coup n'est responsable d'aucune mauvaise foi dans l'exécution du préavis ;
Considérant que les parties étaient en relation depuis 19 ans, ceci n'étant pas contesté ; que le volume continu d'affaires réalisé entre les parties était toujours supérieur à 2 millions d'euros par an sur les dix dernières années ; que la société AD-Coup réalisait en moyenne 68 % de son chiffre d'affaires avec la société Tim ; que la société AD-Coup ne démontre cependant pas avoir investi dans des installations exclusivement dédiées aux produits destinés à la société Tim ; qu'en effet, si l'attestation de son expert-comptable fait état de l'achat de machines spécialisées, dédiées à la réalisation des cabines de la société Tim, et d'un matériel de contrôle tridimensionnel pour fabriquer chaque pièce, ce document est insuffisamment précis et n'est accompagné d'aucune facture permettant d'en corroborer les assertions ; que cette pièce ne peut, en soi, suffire à rapporter la preuve que la société AD-Coup aurait réalisé des investissements spécifiques pour la société Tim et que ces investissements ne pourraient être réutilisés à la fabrication de pièces d'autres clients de la société AD-Coup ; que la société AD-Coup ne démontre pas être dans une position de dépendance économique à l'égard de la société Tim, malgré la part prépondérante représentée par ce client dans son chiffre d'affaires ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de fixer à 12 mois la durée de préavis qu'aurait dû consentir la société Tim ;
Considérant, s'agissant du préavis de 6 mois prétendument octroyé par la société Tim, de mai à octobre 2014 inclus, que celui-ci n'a pas été effectif, puisqu'il n'a pas été exécuté par la société Tim selon les conditions habituelles entre les parties, mais a permis un arrêt progressif des commandes ;
Considérant que si la société AD-Coup prétend avoir réalisé, de façon anticipée, les commandes de la société Tim au titre de ce préavis, la société Tim soutient au contraire que la société AD-Coup a rompu brutalement ce préavis en restituant en avance les gabarits des pièces et en modifiant les tarifs et modes de règlement ;
Mais considérant que la société Tim ne démontre pas que les commandes d'avril à novembre 2014 n'auraient pas été exécutées par la société AD-Coup Littoral ; qu'en effet, si elle verse aux débats un tableau censé démontrer que toutes les commandes n'ont pas été honorées par la société AD-Coup, ce tableau est dépourvu de force probante, la société AD-Coup en contestant utilement les mentions ; qu'en effet, concernant une commande n° 38 533 (et plus précisément la pièce référence 604391S), la société AD-Coup produit les différents bons de livraison émargés par la société Tim qui démontrent que l'intégralité de la commande a bien été effectuée, contrairement à ce qu'indiqué dans le tableau de la société Tim ;
Considérant que le préavis de six mois consenti à la société AD-Coup ne correspond pas à six mois d'activité normale, puisqu'il prévoyait une réduction progressive d'activité ; que la société AD-Coup ne versant pas aux débats le chiffre d'affaires réalisé en 2014 au titre de l'exécution de ce préavis, la cour évaluera à quatre mois le préavis effectivement octroyé par la société Tim ;
Considérant qu'il y a donc lieu d'indemniser la société AD-Coup sur la base de 8 mois (12 moins 4) de préavis ;
Sur le préjudice
Considérant que la société AD-Coup affirme, sur la base du rapport de son expert-comptable, avoir subi un préjudice sans précédent, résultant de la perte de marge escomptée pendant la période qu'aurait duré le préavis soit 19 mois (3 014 090 ) ; qu'elle soutient, en outre, avoir du procéder à des licenciements économiques pour faire face à la réduction importante de son activité dans des délais drastiques (142 780, 41 ) ;
Considérant que la société Tim affirme que l'intimée s'est elle-même placée dans une situation de " non-retours " en annonçant le licenciement immédiat de 25 ponceurs et soudeurs, et en renvoyant immédiatement l'ensemble des matériaux confiés par la société Tim ; qu'ainsi, l'intimée est elle-même à l'origine du préjudice qu'elle impute à la société Tim ; que la modification des demandes opérée par l'intimée quant à son préjudice entre la procédure en première instance et l'appel, démontre les difficultés qu'elle rencontre pour chiffrer un éventuel préjudice ; que, subsidiairement, elle conteste le calcul du quantum du préjudice de l'intimée, qui n'apporte aucun élément, excepté l'attestation de son expert-comptable ; que pour que la demande de l'intimée ait une quelconque pertinence, il faudrait que celle-ci produise sa comptabilité analytique et sa méthode d'évaluation ;
Considérant que l'indemnité allouée à l'effet de réparer le préjudice résultant d'une brutalité dans l'intervention d'une rupture des relations commerciales établies correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait dû être perçue si le préavis nécessaire avait été consenti ;
Considérant que le chiffre d'affaires moyen de la société AD-Coup avec la société Tim s'est élevé sur les trois dernières années, de 2011 à 2013, à 3 153 755 ; que ce chiffre n'est pas utilement contesté par la société Tim, qui dispose pourtant de la faculté d'évaluer, de son côté, le chiffre d'affaires réalisé avec AD-Coup ; que le taux moyen de marge brute sur ces trois dernières années s'est élevé à 59,4 %, selon l'attestation du commissaire aux comptes de la société AD-Coup, corroborée par les chiffres avancés par l'expert-comptable de la société ; que la marge brute annuelle moyenne réalisée par AD-Coup avec la société Tim s'élève donc à (3 153 755 × 59,4 %) 1 873 330 et la marge mensuelle à 156 110 ; qu'il y a donc lieu de condamner la société Tim à payer à la société AD-Coup la somme de (156 110 multipliés par 8) 1 248 880 euros ;
Considérant que compte tenu de la brutalité de la rupture, annoncée en avril pour novembre 2014, avec réduction progressive des commandes jusqu'en novembre, ayant eu pour conséquence la baisse de près de 70 % du chiffre d'affaires de la société AD-Coup, la société AD-Coup justifie avoir dû licencier 21 salariés, dont les plans de licenciement se sont élevés à la somme de 142 780 ; que la société Tim sera également condamnée à payer cette somme à la société AD-Coup, ce préjudice résultant directement de la brutalité de la rupture ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Tim
Considérant que la société Tim estime que l'intimée s'est rendue coupable d'une rupture brutale des relations commerciales à son détriment ; que la non-exécution de nombreuses commandes passées par la société Tim lui aurait causé un préjudice, car elle aurait du refuser certaines commandes, recruter du personnel intérimaire et faire réaliser des heures supplémentaires par son personnel habituel ;
Considérant que la société AD-Coup affirme qu'elle a respecté toutes les commandes passées par la société Tim, cette dernière étant dans l'incapacité de prouver ses allégations et produisant des tableaux faux qui n'ont, par conséquent, aucune force probante ;
Considérant que la société Tim ne démontre pas que la société AD-Coup serait coupable d'une rupture brutale du préavis ; que c'est la société Tim qui a rompu brutalement les relations commerciales en avril 2014 ; que la société Tim ne démontre pas que AD-Coup n'aurait pas exécuté ses commandes, et n'aurait pas loyalement exécuté le préavis ; que la restitution des gabarits de soudage ne constitue que la conséquence de l'exécution des commandes de chaque gamme de cabines, selon le planning de AD-Coup, qui a finalisé les commandes pour chaque gamme plus tôt que prévu dans le calendrier de la société Tim ; qu'en toute hypothèse, la société Tim ne démontre avoir subi aucun préjudice du fait de la prétendue rupture, l'élément qu'elle verse aux débats n'étant qu'un document interne sans valeur probatoire particulière ;
Par ces motifs confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit brutale et fautive la rupture de la relation commerciale commise par la société Tim à l'égard de la société AD-Coup Littoral, en ce qu'il a statué sur les dépens et sur l'article 700 du Code de procédure civile, l'infirme pour le surplus, et, statuant à nouveau, condamne la société Tim à payer à la société AD-Coup Littoral les sommes de 1 248 880 euros et 142 780 , condamne la société Tim aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, condamne la société Tim à payer à la société AD-Coup Littoral la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.