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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 4 septembre 2015, n° 15-04137

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Leroux & Lotz Timolor (SASU)

Défendeur :

DCNS (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Touzery-Champion

Conseillers :

Mme Prigent, M. Richard

Avocats :

Mes Bouzidi-Fabre, Cornet, Fisselier, Leblanc

T. com. Paris, du 19 janv. 2015

19 janvier 2015

La société Leroux & Lotz Timolor (société LLTI) est une société spécialisée dans les métiers de la chaudronnerie pour la fabrication de coques métalliques de bâtiments navals civils et militaires et œuvre notamment à Lorient, Saint-Nazaire et Cherbourg.

La société direction des chantiers navals Système et Services (DCNS) est une société commerciale dont la majorité du capital est détenue par l'Etat. Elle est spécialisée dans la conception, la construction, la réparation et la maintenance de bâtiments navals militaires.

Depuis 2006, la société LLTI est intervenue régulièrement en qualité de sous-traitant auprès de la société DCNS. En août 2011, un contrat-cadre a été conclu entre ces deux sociétés pour une durée de 3 ans. Par ce contrat, la société DCNS a confié à la société LLTI des prestations de coque-soudage afférentes à la construction de sous-marins nucléaires.

La relation a pris fin lors des négociations pour le renouvellement du contrat. Par assignation à bref délai en date du 5 septembre 2014, sur le fondement de l'article L. 442-6-2° et 5° du Code de commerce, la société LLTI a assigné la société DCNS devant le Tribunal de commerce de Paris, en paiement d'une indemnité pour rupture brutale des relations commerciales avec la société DCNS et en réparation du préjudice lié à un déséquilibre économique résultant du contrat cadre.

Par jugement du 19 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés LLTI et DCNS de leurs demandes et a condamné la société LLTI à payer la somme de 8 000 euro à la société DCNS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société LLTI a interjeté appel de ce jugement le 23 février 2015.

La société LLTI a déposé une requête devant la Cour d'appel de Paris afin d'être autorisée à plaider à jour fixe comme le permet l'article 917 du Code de procédure civile.

Autorisée par ordonnance du 5 mars 2015, la société LLTI a, par acte d'huissier du 6 mars 2015, assigné la société DCNS à jour fixe devant la cour d'appel de Paris.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 avril 2015, la société LLTI a demandé sur le fondement des dispositions de l'article 442-6 2e et 5e du Code de commerce la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et la condamnation de la société DCNS à lui payer la somme de 1 943 850 euro au titre de son préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies avec cette dernière, la somme de 865 476 euro au titre du préjudice résultant du déséquilibre significatif créé par la conclusion du contrat ainsi que la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 avril 2015, la société DCNS demande sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° et 5° du Code de commerce, des articles 1315 et 1382 du Code civil et l'article 32-1 du Code de procédure civile de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 19 janvier 2015 en ce qu'il a débouté la société Leroux & Lotz Timolor de l'intégralité de ses demandes et de le réformer en ce qu'il a débouté la société DCNS de sa demande tendant à voir condamner la société Leroux & Lotz Timolor à lui verser un euro symbolique pour abus de droit et demande la condamnation de la société Leroux & Lotz Timolor à lui verser un euro symbolique pour abus de droit et la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture brutale des relations commerciales

La société LLTI fait valoir qu'alors que son cocontractant lui a demandé d'augmenter ses effectifs en raison de l'accroissement de la charge de travail, après lui avoir proposé en mars 2014 une reconduction du contrat d'un an, quelques jours plus tard, il limitait cette reconduction à 6 mois, puis par courrier du 4 juillet 2014, interrompait les relations commerciales pour une durée prévisionnelle d'une année, qu'elle entretient, de par le nombre d'années de collaboration soit depuis l'année 2006 et du volume d'activité, des relations commerciales établies avec la société DCNS, la succession de contrats ne constituant pas un obstacle, que la rupture a été imprévisible alors qu'elle a été tenue dans l'illusion du renouvellement contractuel, que la société DCNS n'a à aucun moment explicité cette rupture, qu'elle se trouve dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société DCNS sans qu'elle puisse diversifier ses activités.

La société DCNS réplique que l'état de dépendance économique de la société LLTI lui est seul imputable et ne lui a pas été imposé, que les relations commerciales avec la société LLTI ont toujours été précaires et n'ont donc pas le caractère de relations commerciales établies, qu'elles se sont poursuivies jusqu'à la fin de l'année 2014, conformément au terme prévu au contrat, qu'elle n'est pas fautive en ayant mis fin au contrat-cadre du 9 août 2011 à compter du 31 décembre 2014, que la baisse de commandes n'est pas un choix délibéré de sa part et ne constitue donc pas une rupture fautive des relations commerciales établies.

L'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce dispose que :

" I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au Répertoire des Métiers : 5°- De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnel ".

Un premier contrat a été signé le 31 janvier 2006 ayant pour objet le soudage de carlingages à bord des sous-marins en construction sur le site de Cherbourg et s'est poursuivi jusqu'au mois d'août 2008, un avenant ayant été signé au mois de juillet 2007.

Un contrat signé le 6 mars 2008, relatif à des travaux de fabrication et de montage de tuyauteries et d'éléments mécaniques, a initialement été conclu pour une durée de 24 mois puis a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2010 pour certaines prestations puis a été interrompu au début de l'année 2009.

Un contrat signé le 21 août 2008 relatif à des travaux de montage de tuyauteries et d'éléments mécaniques, conclu jusqu'au 31 juillet 2011 a été prolongé jusqu'au 30 septembre 2011.

Le contrat signé le 28 août 2008 concernant des travaux d'assemblage pour presse de 12 000 tonnes a fait l'objet d'un avenant en date du 8 décembre 2008 en vue de revaloriser le forfait octroyé par la société DCNS.

Le Contrat-cadre multi-sites (Lorient - Cherbourg - Brest), signé le 1er avril 2008 relatif à l'exécution de prestations de montage de coques métalliques à bord des frégates FREMM 1 et 2, notamment sur le site de Cherbourg, était prévu pour une durée de 57 mois.

Le contrat signé le 25 juillet 2011 relatif à des prestations de soudage de coque des sous-marins, était prévu pour une durée de 3 ans.

La société LLTI produit un document rédigé par la société d'expertise comptable indépendante PriceWaterhouseCoopers (PWC) qui atteste que le montant de la facturation réalisée entre 2006 et 2014 auprès de la société DCNS s'élève à 13 088 697 euro. Cette facturation s'est élevée entre 2006 et 2010 à une moyenne annuelle d'un million d'euro puis pour les années suivantes :

- 2011 : 1 547 655 euro

- 2012 : 2 561 159 euro

- 2013 : 2 803 244 euro

- 2014 : 1 398 245 euro

La société LLTI démontre ainsi l'existence d'un volume d'activités constant durant 8 ans avec une augmentation conséquente des prestations les deux dernières années précédant la rupture. La société DCNS souligne que la société LLTI n'a pas été retenue pour tous les appels d'offre. Malgré le caractère incertain de cette procédure pour celui qui y souscrit, la société LLTI justifie d'un chiffre d'affaire d'environ 1 000 000 euro pour les années antérieures à 2011, et en régulière augmentation les trois dernières années.

Bien que les contrats étaient à durée déterminée et soumis à des appels d'offre, il n'en demeure pas moins que le fait d'entretenir une relation commerciale continue durant plusieurs années quel que soit le statut juridique de celle-ci pour un volume d'activité en augmentation constante caractérise une relation commerciale établie.

La société LLTI justifie donc par la durée et le volume d'activité avoir entretenu avec la société DCNS une relation commerciale établie.

La société LLTI démontre par la production d'un mail en date du 28 janvier 2014 que la société DCNS lui réclamait un renfort de soudeurs jusqu'au mois de mars 2014.

Par mail du 31 mars 2014, la société DCNS informait la société LLTI que " nous nous sommes accordé lors de nos discussions de prolonger pour une durée minimum de 6 mois les contrats pour pouvoir continuer nos échanges et :

- négocier la suite à l'issue de cet avenant,

- permettre la suite des prestations,

- éviter que les personnels soient en accès refusés faute de contrat au terme des dates indiquées sur les avenants. "

La société LLTI s'étonnant de la prolongation des contrats pour une durée de six mois alors qu'elle s'attendait à ce qu'ils soient prorogés pour un an, la société DCNS répondait : " le contrat-cadre arrivant à son échéance en date du 09.08.2014, nous vous proposons de le prolonger jusqu'au 31 décembre 2014, aux fins de poursuivre le bon déroulement des prestations et permettre le libre accès sur les sites ".

Le 4 juillet 2014, la société DCNS adressait à la société LLTI le courrier suivant :

" Lors de notre réunion du 3 juillet en présence de la Directrice des opérations de la division, nous vous avons confirmé l'absence de charges à sous-traiter à votre société à compter de l'achèvement des commandes en cours fin août pour une durée prévisionnelle d'une année.

Compte tenu des éléments ainsi fournis et de l'achèvement planifié du contrat capacitaire, le maintien des moyens matériels et humains sur Cherbourg que vous évoquez dans votre courrier ne peut s'entendre à notre sens pour assurer vos engagements contractuels et prospects au profit de vos clients hors DCNS ".

La société LLTI était informée le 4 juillet 2014 que le contrat prenait fin au 30 août 2014.

La société LLTI se plaint de n'avoir reçu aucune explication quant aux motifs de la rupture des relations ; cependant, le cocontractant n'a pas à motiver la rupture d'autant plus que le contrat étant à durée déterminée, la société DCNS était fondée à ne pas le renouveler. L'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce impose simplement de respecter un préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

La société DCNS fait valoir qu'elle a été confrontée à une diminution de charges, la construction de sous-marins ayant été ajournée. Cependant, elle fait également observer que la société LLTI bénéficiait auprès d'elle, d'un volume d'affaires nettement moins important que celui de ses concurrents ; il résulte de ses écritures que sur la période de 2006 à 2009, la société LLTI s'est vu confier 3,6 millions d'euro de commandes sur un montant total de 50 millions d'euro pour les prestations de soudage à Cherbourg ; donc, cette diminution d'activité était insusceptible de mettre en difficulté la société DCNS ; ce qui est reproché à celle-ci n'est pas la rupture des relations commerciales dont la poursuite ne s'imposait pas mais l'absence de respect d'un préavis afin de permettre au cocontractant de retrouver de nouveaux clients, la société LLTI réalisant 55 % de son chiffre d'affaires avec la société DCNS et 100 % pour le site de Cherbourg.

En l'espèce, compte tenu de la nature des relations commerciales portant sur des commandes d'un montant important pour la société LLTI et mobilisant du personnel technique, nécessitant des prévisions à long terme, le fait de poursuivre les relations commerciales sur une période de 8 ans, de laisser entrevoir une prolongation des relations durant un an supplémentaire alors que des avenants avaient été régulièrement signés dans le cadre des contrats précédents, puis finalement de six mois pour en définitive prévenir deux mois avant la fin du contrat qu'aucune prorogation n'interviendrait, la société DCNS a interrompu les relations avec la société LLTI après avoir entretenu celle-ci dans l'illusion qu'elles allaient se poursuivre ce qui caractérise l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales.

Si du personnel de la société LLTI a été maintenu jusqu'au 31 décembre 2014 sur le site de Cherbourg, il n'est justifié d'aucune nouvelle commande à compter du mois de septembre 2014 ;

Seules les commandes en cours ont été honorées conformément au courrier en date du 4 juillet 2014.

Durant le préavis, il doit être assuré au contractant un volume d'activité équivalent à celui réalisé antérieurement ; or, en 2013, celui-ci s'est élevé à 2 803 244 euro et en 2014 à 1 398 245 euro soit deux fois moindre.

La société LLTI a bénéficié d'un préavis de deux mois. Elle allègue une situation de dépendance économique vis-à-vis de la société DCNS qui la conteste. La société LLTI ne peut se fonder sur l'absence de mobilité de ses salariés et la crise économique qui sont sans lien avec un état de dépendance imputable à la société DCNS. La société LLTI évoque des difficultés contractuelles et financières liées au contrat ; les travaux de soudure, spécialité de la société LLTI, exercés dans le domaine de la construction des sous-marins doivent être considérés comme hautement qualifiés. Si la société LLTI consacrait 100 % de son activité du site de Cherbourg à la société DCNS, il doit être tenu compte de l'activité globale pour évaluer l'état de dépendance soit 55 % de son chiffre d'affaires total avec la société DCNS. Cette orientation résultait de son choix personnel, aucune disposition contractuelle ne l'y contraignant. Collaborant avec la société DCNS dans le cadre de contrats à durée déterminée, il lui appartenait de diversifier son activité qui doit être considérée comme recherchée ce qui lui était possible puisqu'elle disposait de personnels très qualifiés et ce qu'elle pratiquait sur ses autres sites. Si elle ne pouvait retrouver un partenaire économique exerçant une activité identique, d'autres sociétés notamment en matière maritime font réaliser des travaux de soudure de haute technicité. La société LLTI se fonde sur le plan PME proposé en juin 2014 par la société DCNS pour faire diminuer le taux de dépendance de la société LLTI ; ce plan, outre qu'il est très proche de la date de la rupture, propose des solutions signifiant que la société LLTI pouvait diversifier ses activités.

En conséquence, la société LLTI ne justifie pas que la société DCNS l'a maintenue dans un état de dépendance économique.

Compte tenu de la durée de la relation commerciale soit 8 ans, du volume et de la nature de l'activité exercée, la société DCNS devait respecter un préavis de huit mois pour permettre à son cocontractant de retrouver de nouveaux clients. La société DCNS ayant informée par courrier du 4 juillet 2014, la société LLTI de la rupture des relations commerciales à la fin du mois d'août 2014, le préavis ayant été limité à deux mois, l'appelante doit être indemnisée du préjudice subi par l'allocation de dommages et intérêts équivalents à six mois de marge brute.

La société LLTI communique une attestation en date du 20 novembre 2014 de la société PriceWaterhouseCoopers (PWC), expert-comptable indépendant de la société LLTI, qui précise que l'évaluation de son préjudice par celle-ci est en cohérence avec les données en lien avec la comptabilité. La société DCNS réplique que ces pièces ne sont pas suffisantes pour établir le préjudice de la société LLTI ; quant au calcul de la marge brute, la société PriceWaterhouseCoopers (PWC) a attesté du montant du chiffre d'affaires réalisé par la société LLTI avec la société DCNS ; la somme de 32 736 euro de marge brute mensuelle proposée par rapport au chiffre d'affaires mensuel n'est pas contestable et ce montant sera retenu.

Il sera alloué à la société LLTI la somme de 32 736 euro X 6 mois = 196 416 euro en réparation de son préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales.

La société LLTI sollicite l'indemnisation d'un préjudice lié au coût des licenciements auxquels elle a dû procéder. Elle justifie de la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi relatif au licenciement de 34 salariés, lequel a été homologué le 18 décembre 2014 par la direction régionale du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La société LLTI reconnaît que la procédure comportait deux étapes : la première avant notification des licenciements économiques, nécessaire à la négociation avec les représentants du personnel et à la recherche de reclassement internes pour le personnel d'août 2014 à février 2015 et une deuxième étape d'une durée de 6 à 8 mois pendant laquelle, le personnel a bénéficié d'un congé de reclassement.

La procédure de licenciement s'est étendue sur plusieurs mois et résulte de la fin du contrat liant les parties. La société LLTI ne peut imputer à la brutalité de la rupture les licenciements qui étaient inévitables du fait de la cessation du contrat et qui nécessitait le respect de la procédure légale. La société LLTI aurait eu à assumer le coût des licenciements même en présence du respect d'un préavis puisque le contrat était à durée déterminée. Il n'est pas justifié que le respect du préavis aurait modifié l'orientation prise sur le plan de l'emploi au sein de la société ni accéléré la procédure alors qu'elle a dû maintenir après la rupture des relations commerciales du personnel sur le site pour terminer l'exécution des contrats en cours.

En conséquence, la société LLTI sera déboutée de sa demande d'indemnisation au titre des licenciements.

Sur le déséquilibre dans les droits et obligations des parties

L'article L. 420-2 alinéa 2 du Code de commerce énonce qu' " Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur ".

La société LLTI estime subir un préjudice du fait du déséquilibre dans les droits et obligations des parties résultant du contrat du 9 août 2011 dans la mesure où la société DCNS aurait imposé à cette dernière un barème de prix totalement ruineux pour elle ainsi qu'un niveau de qualité de prestations largement supérieur à celui exigé jusqu'alors.

La société DCNS réplique que les clauses du contrat ont été librement négociées.

Le choix du sous-traitant a été effectué dans le cadre d'un appel d'offres auquel a librement répondu la société LLTI en formulant une offre après avoir pris connaissance des conditions contractuelles proposées par la société DCNS. Il résulte du "Contrat Capacitaire Coque/Soudage" établi par la société DCNS le 10 février 2011 que la société LLTI a été retenue pour sa maîtrise du soudage mais également en raison du prix de ses barèmes notamment compte tenu du gain important sur forfait. La société LLTI a accepté les conditions contractuelles en signant le contrat-cadre, le 25 juillet 2011 sur la base de ce barème de prix.

L'article 6 du contrat relatif aux "Conditions financières" stipulait au paragraphe 6.1 Barème des prix " 2. Les prix, établis aux conditions économiques de Janvier 2011, sont forfaitaires, fermes et définitifs pendant les deux premières années du présent contrat.

3. A l'issue de cette période de vingt-quatre (24 mois), les barèmes de prix pourront être actualisés par application d'un coefficient suivant la formule ci-dessous. Cette actualisation fera l'objet d'un avenant et s'appliquera sur toutes nouvelles commandes passées après signature de l'avenant par la dernière des parties. "

Les parties ont signé les 29 mars et 5 avril 2009 un avenant n° 5, ayant pour objet d'établir " pour solde de tous comptes, et portant sur le traitement des questions en suspens concernant la revalorisation des barèmes, la prise en charge rétroactive des écarts des premiers barèmes du fait de cette revalorisation ainsi que sur l'indemnisation du préjudice d'un montant de 42 126 euro ramené à 23 226 euro supporté par DCNS du fait de la mauvaise exécution par Timolor (société LLTI) d'opérations de soudage sur le tronçon 8 du Barracuda 2. Il porte également sur une modification des coefficients de pondération de l'annexe 2 du contrat. "

Les barèmes ont été réévalués sur ces bases.

La société LLTI fait valoir que ses demandes de renégociation n'ont été que partiellement prises en compte ; cependant, les dispositions contractuelles financières ont été rediscutées en fonction des difficultés rencontrées lors de l'exécution du contrat, la signature de l'avenant caractérisant l'accord des parties sur celui-ci.

Il a d'ailleurs été mentionné à l'article 2 de l'avenant que "Par la signature de l'avenant établi pour solde de tous comptes, le prestataire reconnaît ainsi que les dispositions prises satisfont ses demandes. Il s'interdit toute nouvelle réclamation ou revendication jusqu'à la fin de validité du contrat cadre sauf circonstances exceptionnelles non prévisibles et dans la mesure où DCNS respecte les engagements décrits au § 6 ci-après".

Il n'a pas été retenu un état de dépendance économique de la société LLTI qui ne peut donc invoquer ce moyen pour justifier des conditions dans lesquelles elle aurait été amenée à signer le contrat et l'avenant.

Tant les modalités de conclusion du contrat dans le cadre d'un appel d'offre que la réévaluation des barèmes exposée dans l'avenant ne révèlent aucun déséquilibre dans les droits et obligations des parties.

La société LLTI reproche à la société DCNS d'avoir modifié ses exigences sur le plan du contrôle de la qualité en appliquant au cours de l'année 2013 une nouvelle technique de contrôle dite TOFD ; la société DCNS réplique qu'aux termes du contrat, il lui revient de définir les modalités du contrôle de qualité des prestations.

L'article 6.4 du cahier des charges annexé au contrat-cadre énonce :

" Pour chaque commande, le Prestataire est tenu d'effectuer les contrôles techniques, conformément à la spécification des travaux, assurant la qualité des travaux réalisés. Les modalités d'exécution des contrôles sont définies par des gammes de contrôle rédigées par DCNS (moyens, méthodes et critères d'acceptation). Les contrôles non destructifs des soudures sont réalisés par DCNS... ".

Aux termes du contrat, la société DCNS définit les méthodes de contrôle des soudures et effectue les contrôles non destructifs des soudures. La société DCNS est donc fondée sur ces bases à mettre en œuvre les modalités de contrôle de qualité des prestations et à améliorer celles-ci en fonction des technologies existantes ; la société LLTI est responsable contractuellement du contrôle visuel des soudures et prend à sa charge les réparations dès lors qu'il est établi par les parties qu'elles sont imputables à la prestation et consécutives aux défauts constatés dans les contrôles réalisés par la société DCNS et leurs conséquences. Aux termes de l'avenant n° 5, la société LLTI a été amenée à indemniser la société DCNS du fait de la mauvaise exécution des prestations ; si les modalités de contrôle relèvent de la société DCNS, les résultats sont soumis au prestataire qui peut les discuter et prend en charge les réparations après accord des parties.

La société DCNS, en tant que client, est fondée à mettre en place des contrôles de qualité, que la société LLTI a acceptés contractuellement et dont elle ne peut contester les modalités de mise en œuvre mais les résultats ce qui limite en définitive le caractère unilatéral de la méthode dénoncée par le prestataire.

Ces dispositions ne caractérisent pas un déséquilibre dans les droits et obligations des parties.

La société LLTI sera déboutée de ses demandes d'indemnisation de ce chef.

La société LLTI étant déclarée partiellement fondée en ses demandes, celle de la société DCNS, au titre de la procédure abusive ne peut prospérer et sera rejetée.

La société DCNS sera condamnée à payer à la société LLTI la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. L'intimée sera déboutée de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Leroux & Lotz Timolor de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales, sur les frais irrépétibles et les dépens, Confirme le jugement sur le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société DCNS à payer à la société Leroux & Lotz Timolor la somme de 196 416 euro en réparation du préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales, Condamne la société DCNS à payer à la société Leroux & Lotz Timolor la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne la société DCNS aux dépens de première instance et d'appel.