Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 2 septembre 2015, n° 13-06947

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

KTM Sportmotorcycle AG (Sté)

Défendeur :

Paradise Motorcycles (SARL), Paradise Racing Riders Club (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fisselier, Lingot, Junqua Lamarque, Caloni

T. com. Paris, 1re ch. A, du 5 févr. 201…

5 février 2013

Faits et procédure :

La société KTM, société de droit autrichien, est un constructeur de motocycles spécialisé, représentée en France par la société KTM Motorcycle France.

La société Paradise Motorcycles (ci-après Paradise Moto) est un distributeur multimarques de motos et a une filiale, la société Bastille Motorcycles (devenue Paradise Racing Riders Club).

La société Paradise Motorcycles a commencé à distribuer des produits KTM à partir de l'année 1995.

Le 25 octobre 2000, la société KTM représentée par KTM France et Paradise Moto, ont signé un "contrat sélectif de distribution" d'une année commençant le premier août 2000 pour se terminer de plein droit le 31 août 2001 qui ne pouvait être renouvelé que par convention expresse. Ce contrat était paraphé par la seule société Paradise Moto.

Un nouveau contrat était signé le 9 août 2001 pour la période 2001-2002, d'une période d'une année entre les mêmes parties. Ce contrat était paraphé par la seule société Paradise.

Le 17 novembre 2002, la société KTM représentée par la société KTM France, et la société Paradise Moto immatriculée au registre du commerce de Paris sous le numéro 395225340, dont le siège social était <adresse>, signaient un contrat de distribution KTM commençant le premier septembre 2002 et se terminant le 31 août 2005. Ce contrat était paraphé par la seule société Paradise.

Le 29 novembre 2002, les mêmes parties signaient un contrat d'une durée d'un an, du premier septembre 2002 au 31 août 2003. Ce contrat était paraphé par la seule société Paradise.

Les parties discutaient de leurs relations en 2005.

Cependant, aucun contrat de distribution n'était signé.

Le 7 mars 2006, la société KTM France informait la société Paradise Moto que le contrat "avait pris fin le 31 août 2005 et que la société Paradise Moto était "supprimée de la liste des distributeurs à compter du 8/06/2006", date reportée au 15 juin 2006.

Le 19 juin 2005, la société KTM France adressait aux clients de la société Paradise Moto une lettre circulaire :

- les informant que la société " Paradise Étoile et Paradise Racing Riders Club ont cessé de représenter notre marque depuis le 15/06",

- leur donnant pour leur "permettre d'effectuer l'entretien et le suivi de leur moto dans les meilleures conditions" les coordonnées des distributeurs KTM de leur région.

La société Paradise Moto a alors assigné la société KTM France devant le Tribunal de commerce de Paris. Le jugement du 25 septembre 2009 a été infirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris du du 15 septembre 2010 et le 20 mars 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt. Selon la décision définitive de la cour d'appel de Paris, les demandes de dommages-intérêts formées par les deux sociétés contre KTM Motorcycle France étaient déclarées irrecevables, la demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale était rejetée de même que la demande pour frais irrépétibles ; la société Paradise Motorcycles et la société Bastille Motorcycles étaient condamnées aux dépens.

Par acte du 11 octobre 2010, la société Paradise Moto et la société Paradise Racing Riders Club (anciennement Bastille Motorcycles) ont assigné la société KTM Sportmotorcycle AG devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement rendu le 5 février 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit la société Paradise Moto recevable en ses demandes à l'encontre de la société KTM au titre de la rupture de l'exploitation de la marque KTM dans les magasins <adresse> et <adresse>,

- dit la société Bastille Moto irrecevable en ses demandes,

- dit que les relations commerciales entre la société KTM et la société Paradise Moto sont établies depuis 1995,

- dit que les relations commerciales contractualisées par contrat à durée déterminée sans reconduction tacite entre la société KTM et la société Paradise Moto ont pris fin le 31/08/2003,

- dit que les relations commerciales établies entre la société KTM et la société Paradise Moto se sont poursuivies depuis septembre 2005 par consentement tacite mutuel jusqu'à mi-2006,

- dit que les relations commerciales établies depuis 11 ans entre la société KTM et la société Paradise Moto ont été unilatéralement interrompues à la date du 15/06/2006 avec un préavis de trois mois,

- dit inopérants tous les arguments de la société KTM et de la société Paradise Moto se rapportant, pour les faits de la cause, aux contrats échus ou non conclus,

- dit que les relations commerciales établies entre la société KTM et la société Paradise Moto ont été fautivement interrompues de façon brutale par la société KTM du fait d'un préavis insuffisant de 21 mois,

- condamné la société KTM à payer à la société Paradise Moto la somme de 122 500 euro à titre de dommages et intérêts pour la rupture brutale des relations commerciales établies,

- condamné la société KTM à payer à la société Paradise Moto la somme de 30 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté respectivement les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent jugement,

- condamné la société KTM aux dépens.

Vu l'appel interjeté par la société KTM le 8 avril 2013, et par les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Clubs (anciennement la société Bastille Moto) le 12 avril 2013,

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 août 2013 par la société KTM, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement en date du 5 février 2013 en ce qu'il a dit la société Bastille Moto (devenue P2RC) irrecevable dans ses demandes indemnitaires,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Paradise Moto et Bastille Moto (devenue Paradise Racing Riders Club " P2RC ") de toutes ses demandes indemnitaires pour concurrence déloyale,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Paradise Moto et Bastille Moto de toutes leurs demandes en réparation au titre des investissements non amortis,

Statuant à nouveau

- débouter les sociétés Paradise Moto et Bastille Moto de toutes leurs demandes indemnitaires,

- les condamner à verser à la société KTM Sportmotorcycle AG une somme de 40 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Fisselier & Associés, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société KTM Motorcycles AG (KTM) fait valoir :

- que la Cour d'appel de Paris a statué sur les faits de dénigrement allégués et sur la qualification des faits s'agissant des conditions de la rupture des relations commerciales, et qu'il y a lieu de "rétablir" le droit afin d'éviter une contrariété de jugement,

Sur l'irrecevabilité des demandes de la société Paradise Racing Riders Club

- que la société P2RC n'a pas la qualité de partie à la relation commerciale et par là même le droit de se prévaloir d'une indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales, qu'un tiers à une relation commerciale doit caractériser en quoi le manquement contractuel constituerait une faute quasi-délictuelle à son égard, que la société Paradise Moto agissait en qualité de commissionnaire d'achat pour la société Paradise Racing Riders Club, qui lui avait délégué cette faculté d'achat et avait perdu en raison de cette délégation toute faculté d'agir au titre de la relation commerciale,

Sur le rejet des demandes au titre des actes de concurrence déloyale :

- principalement, que la demande est irrecevable d'une part, en ce qu'elle est dirigée contre la société KTM AG alors que c'est la société KTM France qui est en situation de concurrence, d'autre part, en ce que l'arrêt de la cour d'appel du 15 septembre 2010 qui a déjà statué sur ce point a autorité de chose jugée, et qu'au delà de l'irrecevabilité de la demande, l'arrêt de la cour d'appel est opposable aux parties,

- subsidiairement, que l'existence d'une concurrence déloyale, d'un détournement de clientèle, ou d'une entente anticoncurrentielle sont contestables, que le courrier envoyé, relatant simplement une réalité objective, ne présente pas les caractères du dénigrement ; que le courrier informant les clients de la fin de la relation était objectif, ne visait que les clients attachés à la marque et non pas la clientèle locale qui a d'ailleurs été conservée par la société Paradise Moto ; que le fait de communiquer à la clientèle attachée à la marque les coordonnées des nouveaux réparateurs agrées ne saurait constituer une pratique anticoncurrentielle dans la mesure où la qualité des réparations est un des critères sélectifs du réseau de distribution de la firme KTM et que, de plus, aucun effet anticoncurrentiel n'est prouvé par les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club ; qu'en tout état de cause, la société KTM fait valoir que la demande en indemnisation pour rupture des relations commerciales et celle pour détournement de clientèle visent un même préjudice, à savoir la perte du droit de commercialiser des motocycles KTM, et qu'une double indemnisation pour un même préjudice n'est pas envisageable,

Sur le défaut de rupture brutale des relations établies :

que la société KTM rappelle que ces contrats écrits établissent des relations s'inscrivant dans des réseaux de distribution sélective ; que la société KTM qui réorganisait son réseau K44 lui a proposé un nouveau contrat consacrant les nouvelles conditions d'appartenance au réseau K43, que la société Paradise Motorcycles qui avait décidé de réorienter ses activités pour des raisons économiques, a alors refusé de signer le projet de contrat qui lui a été adressé et que KTM en a pris acte en 2006 ; que le contrat qui expirait en 2005 excluait toute reconduction tacite et prévoyait que le distributeur qui ne paraphait pas le nouveau contrat était considéré comme n'ayant plus l'intention de poursuivre les relations commerciales de sorte que la rupture n'est pas brutale ; que si néanmoins, la rupture brutale est admise, la détermination de la durée de la relation doit prendre en compte les seuls rapports entre elle et la société Paradise Moto depuis l'année 2000, que la durée du préavis a été largement suffisante pour un distributeur multimarques K47 puisque la cessation de la relation avait été reportée au 15 juin 2006, soit neuf mois et demi après le terme prévu au contrat ; qu'enfin, la société Paradise Motorcycles n'a pas démontré l'existence d'un préjudice certain, actuel et direct, en relation avec la rupture, aucun élément de preuve relatif à la période postérieure à l'arrêt de la relation ne venant établir un tel préjudice.

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 juillet 2013 par les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club (anciennement Bastille Moto), dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- débouter purement et simplement la société KTM de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- dire et juger que la résiliation par la société KTM des relations commerciales avec les sociétés Paradise Racing Riders Club et Paradise Moto est brusque,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société KTM à payer la société Paradise Moto la somme de 122 500 euro en réparation du préjudice subi en raison de la brusque rupture des relations commerciales et du préavis de 24 mois dont elle a été privée ainsi que 30 000 euro au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens,

- le réformer pour le surplus,

- dire et juger la société Paradise Racing Riders Club recevable et bien-fondée en son action,

- dire et juger n'y avoir lieu à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du du 15 septembre 2010,

- dire et juger que la société KTM n'a pas respecté le préavis octroyé en supprimant les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club de ses opérations promotionnelles avant le terme du contrat,

- dire et juger que le préavis de rupture doit être égal à 30 mois au lieu des 24 mois retenus par le jugement entrepris,

- dire et juger que la société KTM a commis des actes de concurrence à son expiration, en détournant illégalement la clientèle des sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club des concessionnaires agréés concurrents,

- condamner la société KTM à payer aux sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club les sommes complémentaires suivantes :

- 36 438,49 euro au titre de l'indemnité de préavis ;

- 60 406 euro au titre des investissements non amortis ;

- 60 000 euro HT au titre des actes de concurrence déloyale subis et de ses comportements déloyaux.

- condamner la société KTM Sportmotocycles AG à payer aux sociétés P2RC et Paradise Motorcycle la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club font valoir :

Sur l'état des relations contractuelles lors de la rupture des relations commerciales :

- que le contrat du 17 novembre 2002 n'a jamais été signé et paraphé par la société KTM et que seul a été conclu un contrat en date du 29 novembre 2002 expirant le 31 août 2003, que par la suite, les relations des parties se sont poursuivies sans contrat "formel", qu'elles recevaient de nouvelles conditions commerciales pour l'année 2006 sans jamais recevoir un contrat "en préparation" à signer, que le projet de contrat à durée indéterminée communiqué par la société KTM était vierge, de même que ses annexes, ne désignait pas l'une des sociétés du groupe Paradise, ne précisait pas les engagements matérialisés en avril et juin 2005 ; que la société KTM a poursuivi la relation bien après l'expiration du contrat, sans que cette poursuite ne puisse être assimilée à un préavis,

Sur la recevabilité de l'action de la société Bastille Moto (devenue Paradise Racing Riders Club) (qualité à agir) :

- que la société KTM a accepté la commercialisation de ses motos sur le site <adresse>, lequel est exploité par la société Paradise Racing Riders Club, que les deux sociétés sont juridiquement autonomes, que l'une revendait à l'autre les motos KTM acquises auprès de la société KTM, que la société Paradise Racing Riders Club est recevable dans son action,

- que la rupture brutale des relations commerciales établies est indépendante de tout contrat formel et qu'un tiers victime d'un préjudice direct est fondé à invoquer la responsabilité de l'auteur de la rupture, comme en l'espèce, que les pièces montrent que la société KTM traitait Paradise Bastille et Paradise Etoile comme deux concessionnaires différents,

Sur l'absence d'autorité de la chose jugée sur les actes de concurrence déloyale :

- que l'arrêt de la cour d'appel du 15 septembre 2010 confirmé par la Cour de cassation n'a que l'autorité relative de la chose jugée, et qu'un réexamen des faits peut avoir lieu, que ce ne sont pas les mêmes parties qui sont concernées par la présente instance et que seul est revêtu de l'autorité de chose jugée ce qui forme le dispositif, que la société KTM France n'exploitant pas de magasins en France, étant simple interlocuteur des magasins du réseau auxquels elle impose la politique de la société mère, elle ne peut être considérée comme un concurrent,

- que les sociétés Paradise Moto et Paradise Racing Riders Club affirment que l'autorité de la chose jugée ne vaut qu'entre les mêmes parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que de plus, s'agissant d'une décision d'irrecevabilité, la société KTM ne peut se prévaloir d'une appréciation sur le fond,

Sur la brutalité de la rupture :

- que, faute de prouver l'existence d'un contrat en vigueur au moment de la résiliation d'une part, et d'une mise en demeure de respecter des obligations dont KTM se prévaut de la violation après l'expiration du contrat d'autre part, la société KTM ne peut se prévaloir d'une prétendue inexécution contractuelle, qu'elles ont toujours respecté les critères de sélection prévus dans le contrat de 2002, et que le changement de ces critères ne leur est pas opposable dans la mesure où ceux-ci ne leur ont jamais été communiqués et leur défaut de respect ne peut leur être imposé, qu'elles rappellent ensuite et contrairement à ce qu'affirme la société KTM, qu'aucun contrat de distribution ne leur a été proposé,

Sur les conséquences de la brusque rupture :

- qu'en l'absence de contrat, les relations sont nécessairement à durée indéterminée, que la rupture a eu lieu le 7 mars 2006, et non pas au terme du prétendu contrat,

- que pour ce qui concerne la durée du préavis, les contrats de concession sont des contrats à forte dépendance ; que le marché des motocycles a un caractère saisonnier, que la rupture est intervenue en pleine saison de sorte qu'elles n'ont pas pu trouver de marques de remplacement au moment de la rupture, que dans ce domaine, les délais de préavis sont augmentés ; que le délai de trois mois est notoirement insuffisant pour trouver des solutions de reconversion compte tenu de la faible substituabilité des produits KTM, tout particulièrement les motos tout terrain "Enduro" ; qu 'en outre, en leur accordant un préavis de trois mois alors qu'elle consent désormais un préavis de 30 mois à ses autres distributeurs, KTM commet une pratique discriminatoire ; que les premiers juges auraient du prononcer un préavis de 30 mois,

- que la durée des relations commerciales est appréciée sans tenir compte des restructurations internes au groupe KTM sans incidence sur cette ancienneté, et qu'en cas de changement de cocontractant, le préavis doit être apprécié en fonction de toute la période durant laquelle le distributeur a commercialisé les produits KTM,

Sur le comportement déloyal et fautif de la société KTM durant tout le préavis :

- que la clientèle locale des deux sociétés est un élément de leur fonds de commerce et que la société KTM a profité des données sur cette clientèle pour détourner celle-ci vers ses autres distributeurs, violant ainsi son obligation de ne pas entraver leur reconversion, que leur chiffre d'affaires a connu une baisse plus que significative consécutive à un prétendu détournement de clientèle, qu'elles sont justifiées à percevoir une indemnité complémentaire de clientèle,

- qu'en outre, laissant les consommateurs penser que le groupe Paradise n'était plus compétent pour procéder aux réparations, elle a commis un acte de concurrence déloyale, d'autant plus que les réparateurs indépendants ont le droit de procéder à de telles réparations et qu'elles disposaient de l'outillage nécessaire pour faire ces réparations,

- qu'enfin, la société KTM a supprimé les deux appelantes de la liste de ses distributeurs agréés diffusée dans des publicités nationales avant le terme du préavis, enfreignant ses obligations contractuelles,

Sur l'évaluation des indemnités :

- que, pour le préavis, elles doivent obtenir des dommages-intérêts calculés à partir du manque à gagner direct en terme de marge brute, qu'il y a lieu de tenir compte des ventes perdues, que dans la mesure où la vente de motocycles neufs s'accompagne de prestations de réparation et d'entretien, mais aussi du rachat du véhicule du client, c'est toute l'activité de l'entreprise concernant les produits KTM qui doit être prise en compte pour l'évaluation du préjudice lequel doit être fixé sur une période de 30 mois, conformément aux préavis prévus pour l'ensemble du réseau KTM, que la somme allouée sera ainsi de 122 500 euros + 36 438, 49 euros HT pour l'indemnité de préavis,

- que le détournement de clientèle sera indemnisé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 60 000 euros,

- que sera ordonné le remboursement à hauteur de la somme de 60 406 euros des investissements en matériels spécifiques et en formation qui n'ont pas pu être complètement amortis et que la rupture des relations commerciales rend sans intérêt.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la demande formée par la société P2RC (anciennement Bastille Motorcycle) :

Considérant que l'examen de la qualité à agir de cette société est indépendant du bien fondé de ses demandes,

Considérant qu'il apparaît que la société P2RC expose être, sinon victime directe de la rupture des relations commerciales qu'elle entretient avec la société KTM, tiers victime de la rupture des relations qu'entretenaient les sociétés KTM et Paradise Moto, qu'elle invoque également un préjudice résultant de faits de concurrence déloyale de la part de KTM ; qu'elle fait état d'un intérêt qui lui donne qualité pour agir,

Sur la rupture des relations commerciales :

Sur les parties à la relation commerciale :

Considérant que selon les pièces versées aux débats, la société P2RC n'a jamais été le partenaire commercial de la société KTM ; que si certaines marchandises ont pu être livrées, sur instruction expresse de la société Paradise Motorcycles, à l'adresse de la société Bastille <adresse>, un des deux points de vente de la société Paradise Moto qui s'organise comme elle l'entend, cela ne crée pas pour autant une quelconque relation commerciale entre KTM et cette société ; qu'aucun document, bon de commande et bon de livraison notamment n'est versé aux débats pour le justifier ; que dans le courrier du 21 avril 2005 qu'elle lui adresse, KTM se dit " d'accord pour un deuxième point de vente à Bastille... mentionné dans le contrat ", ce qui n'implique nullement qu'elle ait désormais deux contractants distincts, Paradise Moto et la société Bastille (P2RC),

Considérant que ce sont les relations commerciales entretenues par les sociétés KTM et Paradise Moto qui seront examinées,

Sur l'état des relations des parties lors de la rupture et la date de la rupture :

Considérant que les sociétés KTM et Paradise Moto ont signé plusieurs contrats ; que selon KTM, le contrat du 17 novembre 2002 a expiré le 31 août 2005, et selon Paradise Moto, le contrat du 27 novembre 2002 qui seul est valide a cessé ses effets le 31 août 2003 ; qu'il existe en effet deux contrats de durée différente signés à quelques jours d'intervalle en novembre 2002 ; que toutefois, seul le contrat du 17 novembre, parfaitement valable, a produit effet : que l'apposition d'un paraphe par KTM n'en subordonne pas la validité ; que le comportement des parties au cours de l'exécution du contrat, leurs discussions à partir de mars et avril 2005 pour l'établissement d'un nouveau contrat, traduisent, contrairement à ce que tente de soutenir Paradise Moto, la volonté qu'elles ont eue d'exécuter le contrat signé le 17 novembre 2002 d'une durée de trois années ; que faute de trouver un accord et de signer de nouvelles dispositions, leurs relations contractuelles ont pris fin le 31 août 2005 mais les parties ont entretenu des relations commerciales pendant quelques mois encore jusqu'à ce que la société KMT adresse à la société Paradise le courrier du 7 mars 2006 ; qu'à cet égard, le moyen tiré des dispositions des contrats signés selon lesquelles "Passé le délai de trente jours francs après la remise ou l'envoi du contrat et des annexes, tout distributeur qui n'a pas retourné le contrat paraphé et signé avec les bons de commande s'y attachant sera considéré comme n'ayant plus d'intention de poursuivre les relations commerciales" reste inopérant, dès lors qu'il est constaté, notamment par des virements bancaires sur le compte de KTM, que des relations commerciales se sont poursuivies jusqu'à ce que la société KTM y mette fin par courriers des 7 mars et 23 mai au 15 juin 2006 ;

Sur la durée des relations commerciales :

Considérant que la société Paradise Moto ne justifie pas que la société KTM a, en créant sa filiale française, repris les engagements de son importateur français, la société Royal Moto France ; que toutefois dans son courrier du 21 avril 2005, la société KTM rapporte sans les contester les propos de Paradise Moto qui "travaillait pour KTM depuis dix ans maintenant ",

Considérant qu'une durée de relations commerciales peut être retenue sur onze années,

Sur la rupture :

Considérant que les dispositions contractuelles précisaient que le distributeur était supposé ne pas poursuivre les relations commerciales à défaut de signer un nouveau contrat ; que, selon les documents versés aux débats, la société Paradise Moto a été en possession du nouveau contrat KTM qui lui aurait été adressé, selon Paradise Moto en 2004, mais dont elle devait remplir les mentions concernant le distributeur laissées en blanc ; que les parties ont discuté les bases de leurs relations contractuelles en avril 2005, comme il résulte des correspondances qu'elles ont échangées ; que les "nouvelles annexes au contrat de distribution KTM applicables à compter du premier septembre 2005", dans lesquelles l'obligation d'achat des motos Enduro et Cross ne figurait plus, conformément au souhait exprimé par Paradise Moto en avril 2005, ont été adressées à Paradise Moto par courrier du 12 octobre 2005, et la société KTM attirait son attention sur la nécessité de les retourner signées pour certaines avant le 31 octobre 2005, d'autres, "dans les meilleurs délais" ; que rien ne s'est produit jusqu'à l'envoi par KTM de la lettre du 7 mars 2006,

Considérant tout d'abord, que la société Paradise Moto savait que la poursuite des relations était soumise à la conclusion d'un nouveau contrat, que la relation avait un caractère précaire ;

Considérant ensuite, que la société Paradise Moto a eu à sa disposition les différents documents écrits lui permettant de maintenir une relation contractuelle avec KTM, que comme Paradise Moto l'avait indiqué lors des discussions avec KTM en avril 2005 et l'avait expliqué à plusieurs reprises dans ses écritures, elle voulait concentrer son activité sur le développement des routières et pour des raisons économiques, vendre "ponctuellement" des motos pour le cross et l'enduro et la société KTM l'avait accepté ; que néanmoins, aucun contrat n'a été retourné signé par Paradise Moto ; que peu avant l'envoi de la lettre du 7 mars 2006, KTM avait établi un rapport d'activité du site <adresse>, avait constaté que la société Paradise Moto avait " pris Triumph en exclusif car ils ont 20 % de remise sur facture et 5 points de RFA. Il n'y a plus de panneau KTM en façade sur les deux magasins à la grande Armée", et que ce désintérêt pour la vente et la promotion des produits KTM était constaté également par huissier selon procès-verbal du 3 mai 2006 ; que ces divers éléments traduisent la volonté qu'avait la société Paradise moto depuis quelques mois de mettre fin aux relations des parties,

Considérant qu'il résulte des éléments versés aux débats que la rupture des relations entre le parties n'est pas imputable à KTM qui n'a fait que constater la rupture des relations entre les parties par son courrier du 7 mars 2006 et que sa responsabilité ne peut engagée ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un préavis et sur le défaut de respect allégué par la société Paradise Moto de ses obligations au cours de ce préavis par la société KTM,

Sur la concurrence déloyale invoquée par les sociétés Paradise Moto et Paradise Bastille :

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, même si les dispositions de l'arrêt sont opposables aux tiers lorsqu'elles affectent leurs droits, il apparaît que dès lors que la société KTM Motorcycle AG n'était pas partie au litige, elle ne peut soulever la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée pour faire échec aux prétentions des deux sociétés ;

Considérant que la société KTM adressait un courrier daté du 19 juin 2006 à ses clients pour les informer que les magasins Paradise Etoile et Paradise Bastille avaient cessé de représenter sa marque depuis le 15 juin 2006 et donnait les coordonnées des distributeurs de la région pouvant permettre l'entretien et le suivi des motos ; que les termes utilisés relatent les changements intervenus de façon objective, de sorte qu'il ne peut être soutenu que les deux sociétés soient dénigrées pour leur savoir-faire ; que les termes employés ne font pas plus croire aux clients qu'ils sont tenus de faire réparer leur moto chez un distributeur de la marque ; qu'il n'y a pas non plus entrave à la reconversion des deux intéressées,

Considérant encore qu'il est soutenu que la société KTM a profité de sa position privilégiée pour détourner la clientèle de la société Paradise Moto ; que toutefois, les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ne sont pas invoquées à bon escient, alors que rien n'interdit aux utilisateurs de motos KTM de faire appel à d'autres réparateurs que ceux du réseau de distribution KTM s'ils le souhaitent ; que par ailleurs, les clients concernés par le courrier sont ceux de la marque KTM et qu'il appartient aux sociétés intimées de justifier que cette clientèle est également attachée au fonds et qu'elle a été perdue ; que toutefois, cette preuve n'est pas faite, alors que les intimées ont continué à réparer des motos KTM quelques mois encore ;

Considérant que la demande de réparation en raison de la concurrence déloyale n'est pas fondée,

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimées de leur demande relative à la concurrence déloyale, infirmé pour le surplus,

Par ces motifs : LA COUR, infirme le jugement sur les demandes formées par les intimées au titre de la rupture et de sa réparation, au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles et les dépens de première instance, dit la société P2CR recevable en ses demandes, déboute les sociétés Paradise Moto et P2RC de toutes leurs demandes au titre de la rupture des relations commerciales, condamne les sociétés Paradise moto et P2RC à payer à la société KTM la somme de 20 000 euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, condamne les sociétés Paradise Moto et P2RC aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.