CA Poitiers, 1re ch. civ., 4 septembre 2015, n° 14-01497
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Caids (SARL)
Défendeur :
Castelnau (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Potee
Conseillers :
Mmes Contal, Clement
Avocats :
Mes Clerc, Mejean, Lambert, Musereau, Bremond-Paineau
Faits et procédure
Le 1er octobre 2005, la société Les Caïds et M. Chamu ont signé un contrat de représentant à durée indéterminée, M. Chamu étant chargé en qualité de VRP de prendre des commandes pour le compte de la société Les Caïds pour la marque Ile Des Pins.
Par courrier du 7 septembre 2010, la société Les Caïds a fait part à la M. Chamu de sa volonté de lui "racheter la clientèle".
La société Castelnau dont M. Chamu est le gérant, estimant qu'il s'agissait là d'une résiliation unilatérale sans préavis de son contrat d'agent commercial, a sollicité le paiement d'une indemnité égale aux 2 années de commission calculée sur la moyenne des 3 dernières années.
Devant le refus de la société Les Caïds de payer cette indemnité, la société Castelnau a fait assigner la société Les Caïds devant le tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon.
Par jugement du 28 janvier 2014, le tribunal a :
- débouté la société Les Caïds de son moyen de forclusion
- condamné la société Les Caïds à payer à la société Castelnau la somme de 2.669,99 euro au titre des commissions, la somme de 7.000 euro au titre de l'indemnité de cessation d'activité et celle de 1.200 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- condamné la société Les Caïds aux entiers dépens.
LA COUR
Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Les Caïds ;
Vu les conclusions de la société Les Caïds en date du 7 octobre 2014 dans lesquelles elle demande à la cour de :
- in limine litis, vu l'existence d'un contrat de représentation VRP à compter du 1er octobre 2005 et en l'absence de résiliation de ce contrat et de la conclusion de toute autre convention, après avoir constaté l'absence de justification de la cession du contrat de V.R.P. de M. Chamu au profit de la société Castelnau et de l'acceptation par la société Les Caïds d'un contrat d'agent commercial au profit de la société Castelnau aux lieux et place du contrat de V.R.P. de M. Chamu.
- déclarer que le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON est incompétent au profit de la juridiction narbonnaise,
- dire en outre que la juridiction commerciale est incompétente au profit de la juridiction prud'homale,
- en conséquence, renvoyer la société Castelnau à mieux se pourvoir et la débouter de toutes ses demandes
- subsidiairement, dire la société Castelnau forclose en sa demande d'indemnité pour ne pas l'avoir dénoncé dans l'année suivant la rupture en date du 7 septembre 2010.
- dire que la société Castelnau ne saurait revendiquer une indemnité de clientèle et de résiliation étant à l'origine de la rupture des relations commerciales ayant commis une faute en ce qui concerne la non exclusivité et la non représentation de la marque de la société les Caïds.
- débouter la société Castelnau de l'ensemble de ses prétentions, en ce compris celles formées par voie d'incident.
- condamner la société Castelnau à la somme de 3.000euro au titre de l'article 700code de procédure civile.
- condamner la société Castelnau en tous les dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions de la société Castelnau du 16 janvier 2015 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il lui a reconnu le droit à indemnisation du fait de la rupture, à l'initiative de la société Les Caïds, du contrat d'agent commercial liant ces deux sociétés et en ce qu'il a condamné la société Les Caïds à lui payer la somme de 2.669,99 euro (solde de la facture FC0002) ;
- déclarer la société Castelnau recevable et bien fondée en son appel incident et sa demande reconventionnelle ;
- avant-dire droit, condamner la société Les Caïds à communiquer, sous astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir, son livre comptable "journal des ventes" de l'année 2010 certifié par son expert-comptable, afin de permettre de calculer, d'une part, le montant des commissions dues pour l'année 2010 et, d'autre part, l'indemnité de résiliation qui lui est due ;
- au fond, condamner la société Les Caïds à lui verser une indemnité de rupture égale à deux années de commission, à titre d'indemnité compensatrice de résiliation, selon la méthode déterminée ci-avant ;
- condamner la société Les Caïds à lui verser les commissions dues au titre de l'année 2010, savoir 15 % HT sur le montant des ventes réalisées par son intermédiaire ;
- en tout état de cause, condamner la société Les Caïds à lui verser la somme de 3.000 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner la société Les Caïds aux entiers dépens de l'instance.
SUR CE
Sur l'exception de compétence
La société Les Caïds soutient qu'il n'existe qu'un seul contrat de VRP intervenu entre M. Chamu et elle-même contenant une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de Narbonne et que dans ces conditions, seule la juridiction prud'hommale de Narbonne pourrait connaître du litige opposant les parties.
La société Castelnau, seule présente dans le présent litige, fait valoir que si au début des relations avec la société Les Caïds, un contrat de VRP était intervenu avec M. Chamu aujourd'hui gérant de la société Castelnau, à partir de l'année 2008, M. Chamu et la société Les Caïds ont mis fin à cette relation et un contrat d'agent commercial a été conclu verbalement entre la société Les Caïds et la société Castelnau.
L'article L. 134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.
La qualité d'agent commercial ne suppose aucun formalisme particulier si ce n'est que d'avoir reçu mandat d'un commettant conformément aux dispositions de l'article L 134-1 du Code de commerce.
Le mandat d'agent commercial peut être purement verbal.
Il ressort des pièces du dossier qu'effectivement le 1er octobre 2005 un contrat de représentant a été signé entre la société Les Caïds et M. Chamu pour la vente de Prêt à porter féminin de marque ILE DES PINS. Ce contrat précisait dans son article 8 que tout différent découlant du contrat pourrait être soumis au Tribunal de Narbonne.
Néanmoins, la société Castelnau produit aux débats les factures de ses commissions en date des 5 novembre et 7 décembre 2009 correspondant à l'été 2009 dont il n'est pas contesté par la société Les Caïds qu'elle les a bien réglées sans émettre la moindre réserve.
De même, la société Les Caïds ne conteste pas que la société Castelnau est régulièrement inscrite au registre spécial des agents commerciaux, qu'elle organisait librement son activité sans être soumise à aucune contrainte horaire ou compte tendu.
En outre, dans son courrier en date du 7 septembre 2010, la société Les Caïds proposait à M. Chamu de lui 'racheter sa clientèle' reconnaissant ainsi l'existence d'un contrat d'agent commercial.
Il résulte de ces éléments que le contrat à durée indéterminée signé avec M. Chamu a bien pris fin d'un commun accord entre les parties et qu'un nouveau contrat d'agent commercial est intervenu entre la société Les Caïds et la société Castelnau.
La société Les Caïds ne démontre pas qu'un accord était intervenu avec la société Castelnau pour donner compétence au 'Tribunal de Narbonne' en cas de litige.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu sa compétence territoriale et rationae materiae.
Il convient de débouter la société Les Caïds de l'exception de compétence soulevée.
Sur le fond
La société Les Caïds soutient subsidiairement que la demande d'indemnité de résiliation revendiquée par la société Castelnau est caduque comme n'ayant pas été réclamée dans le délai d'un an à compter de la rupture du contrat.
Il convient de relever que le 7 septembre 2010, la société Les Caïds a adressé à M. Chamu un courrier dans lequel elle manifestait sa volonté de lui racheter sa clientèle.
Ce courrier ne peut s'analyser que comme un courrier de rupture de contrat ce qui n'est nullement contesté par la société Les Caïds.
Dans la mesure où il est démontré que le seul contrat existant à cette date était un contrat d'agent commercial liant la société Les Caïds à la société Castelnau et que M. Chamu est le gérant de la société Castelnau, il y a lieu de considérer que cette lettre du 7 septembre 2010 est le point de départ de la rupture du contrat.
Par courrier en date du 28 octobre 2010 à l'en-tête de la société Castelnau, M. Chamu en sa qualité de gérant a sollicité le paiement du solde de ses commissions pour l'année 2010 outre le paiement d'une indemnité au titre du 'rachat de mon secteur évalué en prenant la moyenne des trois dernières années à 7.000 euro'.
En cas de rupture contractuelle ou de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une " indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ".
Le montant de l'indemnité est fonction de la durée de l'ancienneté des relations contractuelles, du montant du chiffre d'affaires réalisé avec le mandat et du contexte de la rupture.
En tout état de cause, l'agent commercial a légalement le droit à l'octroi d'une indemnité compensatrice et sans avoir à démontrer la commission d'une quelconque faute de la part du mandant.
La seule condition à la charge de l'agent commercial est de notifier au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits à indemnités.
Il résulte des éléments rappelés ci-dessus que la société Castelnau a bien, dans le délai d'un an à compter de la rupture de son contrat, sollicité le paiement de cette indemnité compensatrice.
Sa demande est donc parfaitement recevable.
La société Les Caïds invoque l'existence d'une faute grave de la part de la société Castelnau pour justifier le non-paiement d'une telle indemnité.
Si la faute de l'agent commercial peut justifier une cessation du contrat sans préavis ni indemnité, encore faut-il que cette faute présente un caractère de gravité portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel.
La société Les Caïds soutient que la société Castelnau a délaissé ses marques au profit de marques concurrentes et que la baisse du chiffre d'affaires provenant de la société Castelnau ne correspondait pas à la réalité du marché puisque les autres représentants avaient vu leur propre chiffre d'affaires progresser.
Cependant la seule production aux débats d'une attestation de l'expert-comptable de la société Les Caïds indiquant que son chiffre d'affaires étaient en progression sur les trois années 2007/2008, 2008/2009 et 2009/2010 ne permet pas d'en déduire un comportement fautif de la part de la société Castelnau.
La société Les Caïds ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence d'une faute imputable à la société Castelnau autrement que par ses affirmations.
Il y a lieu de débouter la société Les Caïds de sa demande visant à voir rejeter la demande d'indemnité compensatrice de la société Castelnau pour faute grave.
La société Castelnau sollicite, avant dire droit, la condamnation de la société Les Caïds à lui communiquer, sous astreinte, son livre comptable 'journal des ventes' de l'année 2010 afin de pouvoir calculer, d'une part, le montant des commissions restant à lui devoir au titre de l'année 2010 et , d'autre part, le montant de l'indemnité de résiliation.
Il convient tout d'abord de relever que la société Castelnau ne justifie devant la cour que du montant de ses commissions pour l'année 2009 soit 9.500 euro HT (11.362 euro TTC).
Pour ce qui concerne l'année 2010, il convient de noter que la facture litigieuse en date du 17 janvier 2011 FC002 d'un montant de 2669,99 euro TTC a été établie au vu d'un courrier de la société Les Caïds du 25 octobre 2010 reconnaissant avoir reçu le règlement de commandes à hauteur de la somme de 14.882,92 euro.
Les parties sont en désaccord sur le pourcentage à appliquer. Néanmoins, il n'est pas sérieusement contesté par la société Les Caïds que pour l'année 2009, le pourcentage appliqué par la société Castelnau pour le calcul de ses commissions était de 15 % et que ces commissions avaient bien été versées par la société Les Caïds.
En conséquence, la cour retient un taux de commission de 15 %.
Il y a lieu de condamner la société Les Caïds à verser à la société Castelnau la somme de 2.669,99 euro TTC au titre de la facture du 17 janvier 2011.
D'autre part, le courrier du 25 octobre 2010 de la société Les Caïds indique je vous propose d'accepter le règlement de ces commissions plus celles des factures restant à encaisser et rien d'autre.
Il apparaît ainsi que la société Les Caïds reconnaissait que l'intégralité des commissions dues à la société Castelnau pour l'année 2010 n'avait pas été versée dans la mesure où elle n'avait pas elle-même encore été payée à cette date.
Dans ces conditions, il y a lieu, avant dire droit sur la demande d'indemnité compensatrice, d'ordonner une mesure de consultation afin déterminer le solde des commissions restant dues à la société Castelnau pour l'année 2010.
PAR CES MOTIFS, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Les Caïds et en ce qu'il a condamné la société Les Caïds à payer à la société Castelnau la somme de 2.669,99 euro au titre de la facture du 17 janvier 2011. Réforme pour le surplus et statuant à nouveau, Sursis à statuer et ordonne avant dire droit un mesure de consultation en application des articles 256 à 262 du code de procédure civile et désigne pour y procéder M. GIRARD Daniel demeurant [...] avec pour mission de : - convoquer les parties et se faire remettre tout document utile notamment les documents comptables de la société Les Caïds pour établir les paiements effectués par les clients de la société Castelnau pour les commandes passées par son intermédiaire pour l'année 2010 ; - indiquer le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société Castelnau pour le compte de la société Les Caïds afin de permettre de calculer le montant des commissions dues par cette dernière à la société Castelnau pour l'année 2010 Dit que le consultant commis, saisi par le Greffe, devra accomplir sa mission contradictoirement en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, les entendre ne leurs observations et déposer rapport de ses opérations avec son avis dans un délai de deux mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission par le greffe après consignation de la provision, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le magistrat chargé du contrôle sur demande de l'expert. Plus spécialement rappelle au consultant : Qu'il devra annexer à son rapport ceux des documents ayant servi à son établissement, ceux qui le complètent ou contribuent à sa compréhension et restituera les autres, contre récépissé, aux personnes les ayant fournis ; Qu'il ne pourra concilier les parties mais que si elles viennent à se concilier, il constatera que sa mission est devenue sans objet ; qu'en cas de conciliation partielle, il poursuivra ses opérations en les limitant aux autres questions exclues de l'accord ; Qu'il devra remplir personnellement sa mission et informer les parties du résultat de ses opérations et de l'avis qu'il entend exprimer ;. Dit que la société Castelnau fera l'avance des frais de cette consultation. Fixe, sous réserve de consignations complémentaire si la provision allouée devient insuffisante, à la somme de 1000 euro la provision à valoir sur la rémunération du consultant que la société Castelnau devra consigner au Greffe de cette Cour dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la présente décision, à défaut de quoi il sera fait application de l'article 271 du Code de Procédure Civile. Dit que le consultant, si le coût probable de l'expertise s'avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer à la Cour et aux parties l'évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, au besoin, la consignation d'une provision complémentaire. Dit que cette mesure de consultation sera effectuée sous le contrôle du Président de la 1ère chambre civile, à qui il en sera référé en cas de difficulté.