CA Bordeaux, 2e ch. civ., 3 septembre 2015, n° 14/05626
BORDEAUX
Décision
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Distribution Casino France (SAS)
Défendeur :
Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ramonatxo
Conseillers :
Mme Wagenaar, M. Rémy
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement rendu le 24 avril 2009 par le Tribunal de commerce de Bergerac ;
Vu l'appel interjeté le 25 mai 2009 par la Société Distribution Casino France;
Vu l'appel interjeté le 23 juin 2009 par la Société Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne,
Vu la jonction des deux appels par mention au dossier du 17 novembre 2009,
Vu l'arrêt du 19 mars 2012 ayant invité les parties à effectuer toutes diligences utiles auprès de la SCP P.L., ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mme X.
Vu l'arrêt du 23 janvier 2013 ayant ordonné la radiation de l'affaire et mentionné que celle-ci ne pourrait être rétablie qu'après dépôt d'un extrait récent du TCS concernant la société Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, l'intervention en la cause des organes de la procédure collective concernant cette dernière société, de nouvelles conclusions des appelantes.
Vu les conclusions du 30 septembre 2014 de remise au rôle et de reprise d'instance de la Selarl H., en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de Mme X.
Avant d'exposer les demandes des différentes parties, un rappel des faits s'impose.
Suivant acte notarié des 21 et 25 novembre 1997, la société Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne a donné à bail à la société Casino France, aux droits de laquelle vient la société Distribution Casino France, des locaux à usage commercial sis à Faux (24460) pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 1997 moyennant un loyer annuel converti en euro de 4 476,47 euro soit 181 euro par mois.
Suivant contrat du 1er août 1998, la société Distribution Casino France a conclu avec Mme X un contrat de franchise lui donnant le droit d'utiliser l'enseigne et le savoir-faire Casino dans le cadre d'un magasin d'alimentation générale situé à Faux. Puis, par acte sous seing privé du 29 octobre 1998, cette même société Distribution Casino France a donné en location-gérance à Mme X un fonds de commerce de vente de produits alimentaires, le dit fonds bénéficiant du bail des locaux consenti par l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne.
Il est avéré que, sur injonction du maire de la commune de Faux qui a pris un arrêté de péril le xxx mars 2005, Mme X a dû fermer son commerce quelques jours et n'a pu réintégrer le local qu'en novembre 2005 après trois déménagements.
Estimant n'avoir pas à souffrir de la négligence de la société Distribution Casino France qui n'a pas respecté ses obligations contractuelles de maintien du fonds de commerce en état d'être exploité, Mme X a fait assigner la société Distribution Casino France devant le Tribunal de commerce de Bergerac, lequel, par jugement du 24 avril 2009:
- s'est déclaré compétent pour examiner l'appel en garantie de Distribution Casino France envers Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne,
- a jugé que la société DSF avait manqué à son obligation d'assurer à Mme X la jouissance paisible du fonds de commerce,
- a jugé que la société Distribution Casino France, par ses exigences et son absence totale d'assistance pendant la période d'inoccupation, a été directement à l'origine de la résolution du plan et de la liquidation judiciaire de Mme X,
- a condamné la société Distribution Casino France à payer à la SCP P.L. es qualité de liquidateur de Mme X, la somme de 100 000 euro au titre du préjudice économique et moral,
- a condamné la société Distribution Casino France à payer à la SCP P.L. es qualité de liquidateur de Mme X, la somme de 13 253,03 euro au titre des pertes sur bénéfices liés à la perte d'exploitation, 893,18 euro au titre des marchandises, 2000 euro au titre de la main d'œuvre du déménagement,
- dit que la société Distribution Casino France devra payer à la SCP P.L., es qualité, la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à relever indemne la société Distribution Casino France de ses condamnations, y compris article 700 du Code de procédure civile et dépens, à hauteur de 50 %.
C'est de cette décision que la société Distribution Casino France et L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne ont relevé appel.
Dans ses conclusions de remise au rôle et de reprise d'instance signifiées le 30 septembre 2014, la Selarl H., es qualité de liquidateur de Mme X, demande à la cour:
- de dire et juger que la société Distribution Casino France a manqué à son obligation d'assurer à la locataire gérante une jouissance paisible du fonds de commerce et a, par ses exigences et son absence totale d'assistance pendant la période d'inoccupation des locaux, été directement à l'origine de la résolution du plan et de la liquidation judiciaire de Mme X,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Distribution Casino France à payer au mandataire es qualité la somme de 126 146,21 euro de dommages et intérêts au titre des préjudices commerciaux et des troubles de jouissance se décomposant de la manière suivante:
- pertes sur bénéfice liées à la perte d'exploitation 13 253,03 euro
- perte de marchandises 893,18 euro
- Frais de déménagement : main d'œuvre 2 000 euro
- Préjudice économique et moral 100 000 euro
Outre la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société Distribution Casino France au paiement d'une indemnité supplémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,
- condamner la société Distribution Casino France aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 18 mai 2015, la société Distribution Casino France demande à la cour de:
- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bergerac, le 24 avril 2009
Et statuant à nouveau,
- dire et juger à titre liminaire que l'action de la Société Distribution Casino France à l'encontre de l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne est recevable
- constater à titre principal que la Société Distribution Casino France en sa qualité de loueur de fonds de commerce a parfaitement rempli ses obligations en agissant avec diligence auprès du bailleur, l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, propriétaire des murs, en faisant effectuer, à ses frais avancés, des travaux complémentaires pour permettre la remise à disposition du local commercial
- dire et juger que la Société Distribution Casino France n'est en aucune manière responsable de la résolution du plan d'apurement du passif de Madame X et encore moins du passif déclaré lors du redressement judiciaire
- mettre hors de cause en conséquence la Société Distribution Casino France et débouter la SELARL H., agissant en qualité de liquidateur de Madame X
En remplacement de la SCP P., de toutes ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire:
- condamner exclusivement l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à indemniser Madame X de son entier préjudice, en principal, intérêts, frais et accessoires
- à titre infiniment subsidiaire, condamner l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à relever et garantir la Société Distribution Casino France de toute condamnation éventuelle qui serait prononcée à son encontre
Sinon, dans l'hypothèse où une indemnisation d'un préjudice serait mise à la charge de la Société Distribution Casino France, et que l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne ne serait pas condamnée à indemniser Madame X de son entier préjudice,
- fixer l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et la Société Distribution Casino France à hauteur de leur responsabilité respective à l'indemnisation du préjudice en principal, intérêts, frais et accessoire, subi par Madame X et, dans cette hypothèse, prononcer la compensation de la dette que détient la Société Distribution Casino France à l'encontre de Madame X au titre de sa créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire, du montant de la condamnation à venir à l'encontre de la Société Distribution Casino France,
Et dans tous les cas
- condamner l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne au paiement d'une indemnité de 8 000 euro par application de l'article 700
- condamner l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne aux entiers dépens
Par dernières conclusions signifiées le 21 mai 2015, l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne demande à la cour de :
- dire et juger que L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et la SCP P.L. recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
- dire et juger la Société Distribution Casino France recevable mais mal fondée en son action à l'encontre de L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et la SCP P.L.,
- constater que L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,
- constater que la Société Distribution Casino France n'a pas régulièrement déclaré sa créance conformément aux dispositions de l'article L. 622 26 et R. 622 24 du Code de Commerce,
En conséquence, A titre principal,
- dire et juger que L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne n'a commis aucune faute contractuelle,
- réformer en son intégralité la décision déférée,
- débouter en son intégralité la Société Distribution Casino France de l'ensembIe de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- dire et juger inopposable la créance de la société Distribution Casino France, qu'elle tiendrait du fait de 1'éventuelle condamnation de l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, durant l'exécution du plan de sauvegarde de l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et après cette exécution dès lors que les engagements énoncés dans le plan auront été respectés, et faute de déclaration de créance régulière,
En toute hypothèse,
- condamner la Société Distribution Casino France à verser à L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et 1 000 euro à la SCP P.L., ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Michel P. sur son affirmation de droit en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Sachant que l'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2015, les parties ont sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture afin d'admettre les conclusions sus exposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
Les dernières conclusions de la société Distribution Casino France étant intervenues le 18 mai 2015 soit la veille de la clôture des débats, la cour ne peut qu'admettre le rabat de la clôture à la date des plaidoiries afin d'accueillir les conclusions en réponse de L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne.
Sur le fond du litige :
Ce dernier repose sur deux contrats et les obligations en résultant, soit :
- le contrat de bail commercial en date des 21 et 25 novembre 1997 signé entre L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et la société Distribution Casino France,
- le contrat de location gérance signé entre Mme X et la société Distribution Casino France en date des 29 et 30 novembre 1998.
Sur la responsabilité de la société Distribution Casino France :
Ainsi que le mentionne cette dernière, l'exploitant d'un fonds de commerce qui en concède la location à un gérant est tenu des obligations du bailleur telles que définies à l'article 1719 du Code civil et notamment, d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour laquelle elle a été louée et en faire jouir paisiblement le preneur pendant le bail. Il doit être ajouté que Mme X était également liée à la société Distribution Casino France par un contrat de franchise.
En l'espèce, il ressort des pièces et documents produits que par lettre du 15 novembre 2000, la société Distribution Casino France a informé le propriétaire des murs, L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, que ' des infiltrations d'eau, dues à une mauvaise étanchéité de la toiture', s'étaient 'déclarées dans les locaux ' et qu'il appartenait à L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne ' d'entretenir le clos et le couvert'.
Cinq ans plus tard, par lettre recommandée du 11 mars 2005, la société Distribution Casino France met en demeure L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne de 'faire effectuer les travaux qui s'imposent dans les meilleurs délais', après avoir (à l'initiative de qui, la cour l'ignore) sollicité l'avis du bureau Veritas lequel, aux termes d'un examen visuel effectué le 16 février 2005, mentionne :
- que la charpente et la maçonnerie du pignon gauche ne sont plus autostables,
- que les murs en façade en pierres de la zone gauche sont détériorés,
- que le mur du pignon en faux aplomb menace de s'effondrer,
- que le plafond en briques du magasin est trop fragile pour résister aux mouvements de charpente et risque ruine.
La transmission de ce rapport au maire de la commune (par qui ' Comment ') va très logiquement inciter l'édile à rendre un arrêté de péril le 21 mars 2005 et va entraîner la fermeture du magasin d'alimentation géré par Mme X qui va trouver un local provisoire jusqu'à la fin septembre 2005 puis, qui va remiser la marchandise et l'équipement du magasin chez ses parents jusqu'à la fin des travaux du local initial qui n'interviendra qu'en novembre 2005.
Il résulte de ces pièces et documents qu'entre le 15 novembre 2000, premier courrier recommandé adressé par la société Distribution Casino France à L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne et la seconde lettre recommandée du 11 mars 2005, il n'est justifié d'aucune démarche de la part de la société Distribution Casino France, cocontractant direct de Mme X alors qu'elle était parfaitement informée du problème affectant le local qu'elle avait l'occasion de visiter puisque, outre ses obligations de bailleurs, elle supportait, notamment dans le cadre du contrat de franchise, une obligation d'assistance et de conseil et devait aider le franchisé 'à maintenir le magasin en conformité aux normes', tout comme elle devait 'lui fournir des prestations d'assistance dans tous les domaines concernant l'exploitation du magasin'.
S'il est vrai que la société Distribution Casino France ne pouvait se substituer au propriétaire des murs, L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, dans la réalisation des travaux de réparation, il n'en demeure pas moins qu'il lui appartenait de faire toutes diligences pour que le locataire gérant puisse exploiter paisiblement le fonds.
Or, hormis la première lettre recommandée du 15 novembre 2000, les diligences invoquées par la société Distribution Casino France et notamment l'assignation en référé de son propre bailleur, ne sont intervenues que 5 années plus tard, alors que les dégâts étaient tels qu'ils ont nécessité la fermeture des locaux accueillant le fonds. Et la solution provisoire d'hébergement du commerce a été trouvée, non par le bailleur, mais par le maire de la commune (cf attestation de M. Adhémar Mathias du R., maire de Faux)
La société Distribution Casino France met en avant le silence de la locataire-gérante qui ne justifie d'aucune réclamation écrite adressée à son bailleur, et cela même après le renouvellement de la location gérance le 1er avril 2002. Elle argue également de ce qu'elle a accepté de prendre les lieux dans leur état au jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exercer aucun recours contre la société Distribution Casino France pour quelque cause que ce soit . Et il est vrai que lors de l'entrée dans les lieux fin 1997, les locaux présentaient quelques défaillances (procès-verbal de constat du 30 octobre 1997: le plafond du magasin comporte des traces importantes d'humidité et une fissure, les autres pièces attenantes sont en mauvaise état et la façade présente de nombreuses fissures).
Il a été toutefois rappelé ci-dessus que Mme X et la société Distribution Casino France étaient unies par un contrat de location gérance mais également par un contrat de franchise donnant au franchiseur un droit de contrôle par le franchisé du respect des normes permettant à toute personne habilitée par Casino France à accéder au magasin. La société Distribution Casino France ne pouvait donc ignorer l'état des locaux exploités par sa locataire-gérante franchisée.
Par ailleurs, la clause, selon laquelle le preneur accepte de 'prendre les lieux dans leur état au jour de l'entrée en jouissance', ne décharge pas le bailleur de son obligation d'entretien et elle n'équivaut pas à une renonciation, de la part du preneur, à se prévaloir ensuite de ses droits concernant l'obligation du bailleur d'entretenir lesdits lieux en état de servir à l'usage pour lequel ils ont été loués, puisque le bailleur n'a pas été déchargé de cette clause par la convention et qu'il a été noté en outre qu'il supportait à l'égard de son locataire franchisé, une obligation d'assistance et de conseil.
En conséquence, la cour écarte l'argumentation de la société Distribution Casino France visant à être déchargée de toute responsabilité en raison de la négligence de Mme X et retient, comme l'a fait le tribunal, que la société Distribution Casino France n'a pas respecté son obligation d'assurer à son locataire-gérant et franchisé un entretien de la chose en état de servir à l'usage pour laquelle elle a été louée et une jouissance paisible du bail.
Sur la responsabilité du propriétaire du local, L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne :
Cette dernière estime qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre puisqu'elle n'a jamais été mise en demeure avant 2005 d'avoir à effectuer des travaux et qu'aucune décision de justice n'est intervenue autorisant le preneur à les faire exécuter. Au surplus, aucun élément de permet d'établir un lien de causalité entre les infiltrations mineures dénoncées le 15 novembre 2000 par la société Distribution Casino France et les désordres constatés le 16 février 2005.
Or, il résulte de l'obligation continue d'entretien de l'article 1719 du Code civil qu'il appartient au propriétaire des locaux de veiller de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité des travaux à effectuer, à l'entretien de son immeuble, c'est à dire à la réparation des outrages naturels du temps et de l'usure normal due à l'action des éléments.
L'état des lieux rappelé ci-dessus, tel qu'il a été mis en évidence après l'examen réalisé par le bureau Veritas le 16 février 2005, démontre que le bailleur a complètement failli à son obligation d'entretien.
En outre, l'article 1720 du Code civil impose au bailleur d'effectuer, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autre que locatives, étant admis effectivement qu'il n'est pas tenu d'en supporter la charge en l'absence de mise en demeure.
Dans la présente espèce, L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne ne peut nier avoir été destinataire le 15 novembre 2000 d'un courrier recommandé de sa locataire l'informant 'd'infiltrations d'eau dues à une mauvaise étanchéité de la toiture'et lui demandant de faire procéder aux réparations nécessaires. Cette lettre recommandée, qui mentionne expressement la nécessité de réparations nécessaires pour entretenir le clos et le couvert, constitue une mise en demeure.
Or, la première manifestation de l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, qui correspond à une demande de devis, est datée de juillet 2004, soit quatre années après la mise en demeure et les travaux de couverture et de charpente, qui étaient bien destinés à mettre fin aux infiltrations causées par une mauvaise étanchéité de la toiture, n'ont été réalisés qu'en octobre 2005 soit 5 années après la mise en demeure.
Quoi qu'en dise L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, ce ne sont pas seulement les désordres affectant le plafond et la cheminée qui ont occasionné la fermeture du local mais également les désordres affectant la charpente et le pignon gauche, désordres qui relèvent bien, comme ceux affectant le plafond d'ailleurs, des grosses réparations incombant au bailleur.
En conséquence, la cour estime, comme l'a fait le tribunal, que L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne a été défaillance dans son obligation de procéder aux réparations nécessaires. Elle écarte la demande faite par la société Distribution Casino France visant à condamner directement L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à réparer l'entier préjudice subi par Mme X sur le fondement de la responsabilité délictuelle puisque, outre qu'il n'existe aucun lien de droit entre Mme X et L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, la défaillance du propriétaire des murs ne saurait exonérer la société Distribution Casino France de sa propre responsabilité à l'égard du locataire gérant, mais admet que L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne doit être condamnée à relever indemne la société Distribution Casino France de toutes les condamnations mises à sa charge.
La cour ne peut toutefois que constater, en application de l'article L. 622-26 du Code de commerce, que la créance de la société Distribution Casino France est inopposable à L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne pendant l'exécution du plan et après cette exécution, lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le Tribunal ont été tenus.
Sur le préjudice allégué par Mme X et le lien de causalité entre la faute et le dit préjudice :
Mme X rappelle avoir du procéder à trois déménagements du stock et du matériel par ses propres moyens, avoir du cesser toute exploitation du 26 septembre au 20 novembre 2005, avoir subi une perte d'exploitation, une perte de chiffre d'affaire et une perte de marchandise qui ont conduit à la résolution de son plan de redressement, conséquence directe des agissements de la société Distribution Casino France.
Elle produit un document établit par la société Audit comptabilité Conseil Expertise qui chiffre sa perte nette de bénéfice à la somme de 14 146,21 euro (incluant perte d'exploitation et perte de produits frais) et justifie avoir subi des problèmes de santé pendant cette période 2005.
Bien qu'il ait été noté ci-dessus que Mme X était déjà en septembre 2005 dans une situation économique et financière fragile, il est bien évident que le fait d'exploiter un commerce pendant plusieurs années dans un local dégradé, puis le déménagement du fonds, qu'elle a supporté seule, après plusieurs jours de fermeture, dans un local plus petit et transitoire, enfin la fermeture temporaire mais totale du fonds entre le 26 septembre et le 20 novembre 2005, date de la nouvelle installation dans les locaux initiaux réparés, n'a pu qu'avoir un effet délétère sur la clientèle du fonds et les résultats financiers de ce dernier.
La cour admet que Mme X a subi, sans aucune aide de la part de son bailleur et franchiseur, l'aggravation de l'état des locaux ainsi que les conséquences de la dégradation des lieux et de l'arrêté de péril en résultant et que l'inertie de son bailleur est bien à l'origine du préjudice qu'elle a subi.
Le fait que la société Distribution Casino France ait accordé à Mme X des facilités de paiement afin de pallier ses difficultés de trésorerie le 16 mai 2006, soit postérieurement aux dégâts ayant entraîné la fermeture du fonds, n'exclut nullement l'existence d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice causé, lien de causalité que la cour estime parfaitement établi
Au vu des pièces produites par Mme X, la cour admet les sommes suivantes :
- perte de bénéfice liée à la perte d'exploitation et perte de marchandises : il convient de retenir la somme proposée et motivée par l'expert-comptable soit la somme de 14 146,21 euro ;
- les frais de main d'œuvre pour les déménagements : il résulte des attestations produites par Mme X que les déménagements ont été effectués par des membres de sa famille. Il n'est justifié d'aucune rémunération de ceux-ci. Par contre, Mme X a utilisé également les services de Mme Cassagne D., employée de maison qui précise avoir travaillé 74 heures à débarrasser et nettoyer le local ce qui permet à la cour de retenir, au titre des frais de déménagement, la somme de 558 euro ;
- le préjudice économique et moral : Mme X indique avoir tout perdu depuis sa mise en liquidation judiciaire, y compris sa maison d'habitation, et cette liquidation, consécutive à la résolution du plan de redressement, était la conséquence directe des agissements de son bailleur.
Or la cour constate néanmoins que Mme X ne produit aucun document, aucune élément chiffré permettant d'évaluer précisément son préjudice économique, étant admis, comme cela a été rappelé ci-dessus, qu'elle était déjà, en septembre 2005, dans une situation économique et financière fragile.
La cour écarte en conséquence la réclamation faite au titre du préjudice économique mais condamne par contre la société Distribution Casino France à payer à Mme X la somme de 30 000 euro au titre de son préjudice moral lequel est avéré eu égard aux conditions d'exploitation telles qu'elles ont été ci-dessus rappelées.
La cour réforme en conséquence le jugement du Tribunal de commerce de Bergerac sur le montant de l'indemnisation du préjudice subi par Mme X qui est fixé:
- à la somme de 14 146,21 euro au titre de perte de bénéfice,
- à la somme de 558 euro au titre des frais de déménagement,
- à la somme de 30 000 euro au titre de son préjudice moral.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande de condamner la société Distribution Casino France à payer à la Selarl H., en qualité de mandataire à la liquidation de Mme X, une indemnité de 2000 euro au titre des frais irrépétibles.
L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne sera également condamnée à ce titre à verser à la société Distribution Casino France la somme de 2 000 euro.
Il convient de faire masse des dépens lesquels seront supportés par moitié par la société Distribution Casino France et la société Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Confirme partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont admis que la Société Distribution Casino France avait manqué à son obligation d'assurer à Mme X la jouissance paisible du fonds de commerce et était à l'origine de la liquidation judiciaire de Mme X. Confirme également le jugement sur la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le Reforme pour le surplus, et Statuant à nouveau, Déboute la Selarl H., en sa qualité de mandataire à la liquidation de Mme X de sa réclamation au titre du préjudice économique, Condamne la Société Distribution Casino France à payer à la Selarl H., en sa qualité de mandataire à la liquidation de Mme X, au paiement des sommes suivantes : à la somme de 14 146,21 euro au titre de perte de bénéfice, à la somme de 558 euro au titre des frais de déménagement, à la somme de 30 000 euro au titre de son préjudice moral, Condamne L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à relever indemne la société Distribution Casino France des condamnations prononcées à son encontre. En application de l'article L. 622-26 du Code de commerce, constate l'inopposabilité de la créance de la société Distribution Casino France à L'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne, y Ajoutant, Condamne la société Distribution Casino France à payer à la Selarl H., en qualité de mandataire à la liquidation de Mme X, une indemnité de 2000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne l'Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne à payer à la société Distribution Casino France la somme de 2000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Fait masse des dépens lesquels seront supportés par moitié par la société Distribution Casino France et la société Union des Coopérateurs de la Vallée de la Dordogne.