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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 9 janvier 2014, n° 11-14437

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

BPCE (SA)

Défendeur :

Abarca Sports SL (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

T. com. Paris, du 20 juil. 2011

20 juillet 2011

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit espagnol Abarca Sports SL (ci-après, Abarca) a pour objet de développer et d'animer une équipe professionnelle de cyclisme classée en première division au sens de l'Union Cyclisme Internationale, participant au Pro-Tour, et en particulier au Tour de France.

Le 2 mars 2005, elle a conclu un contrat de parrainage avec la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance (CNCE), aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BPCE, qui s'est engagée, en tant que parrain de l'équipe d'Abarca, à apporter une " participation financière ", en contrepartie de " la promotion et de la publicité qu'il pourra retirer de l'association, de son image avec la participation de l'Equipe aux événements sportifs précités ou compétitions s'y substituant ".

Le contrat entrait en vigueur à sa signature pour se terminer fin 2010. Un avenant a été signé le 28 janvier 2009, fixant la contrepartie annuelle de BPCE à la somme de 9,5 M euro HT pour 2009 et 2010, payable par quatre versements trimestriels de 2 375 000 euro ; la société BPCE a refusé de régler la dernière facture, en date du 5 octobre 2010.

Par lettre recommandée AR du 13 décembre 2010, la société Abarca l'a mise en demeure de payer. Cette dernière a maintenu son refus, invoquant la carence de la société Abarca à fournir l'Equipe, en raison des démêlés judiciaires de son leader, le coureur Alejandro V., condamné par le tribunal arbitral du sport (TAS) le 31 mai 2010.

C'est dans ces conditions que la société Abarca a fait assigner la société BPCE devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement en date du 20 juillet 2011, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société BPCE à payer à la société Abarca la somme de 2 375 000 euro, outre les intérêts au taux légal, à compter du 13 décembre 2010,

- condamné la société BPCE à payer à la société Abarca la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- condamné la société BPCE aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2011 par la société BPCE contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées le 22 février 2012 par lesquelles la société BPCE demande à la cour de :

- dire et juger que la société BPCE, à bon droit et de manière proportionnée, s'est prévalue de l'exception d'inexécution,

- en conséquence, dire mal fondée la société Abarca en ses demandes, et l'en débouter,

- condamner la société Abarca à payer à la société BPCE la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société BPCE soutient que la société Abarca n'a pas exécuté ses obligations contractuelles, dans la mesure où son leader M.V. a été interdit de course en Italie par le Comité Olympique National Italien, et n'a donc pas pu participer au Tour de France qui faisait une incursion en territoire italien cette même année.

Elle ajoute que la société Abarca n'a rien fait pour pallier le risque d'interdiction de course pesant sur son leader, ni pour faire en sorte que l'Equipe se maintienne au niveau qui avait été le sien, alors que l'absence de son leader s'est confirmée lorsque le tribunal arbitral du sport a étendu sa suspension à tous les pays, pendant deux ans.

Elle fait valoir que la gestion par Abarca de cette équipe lui a été particulièrement préjudiciable, notamment lorsque celle-ci a décidé de faire courir l'ensemble des courses du Pro Tour situées hors d'Italie à son leader, sans adopter l'attitude prudente qui aurait dû être la sienne.

Elle insiste sur le fait que la société Abarca a maintenu M. V. dans son rôle de leader au préjudice de son image, sans la moindre sanction, et alors même que c'est ce leader qui justifiait l'importante contrepartie financière du sponsor. Elle expose en outre que lorsque la société Abarca a mis fin au contrat de M. V., à compter du 1er juillet 2010, elle s'est abstenue de lui en faire part.

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 décembre 2011 par lesquelles la société Abarca demande à la cour de :

- dire et juger que la société Abarca est bien fondée dans sa demande de paiement,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BPCE à verser à la société Abarca la somme de 2 375 000 euro et les intérêts contractuels sur la créance due à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2010,

- condamner la société BPCE au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Abarca soutient que l'affirmation de l'appelante selon laquelle la fixation de la contrepartie financière au début de l'année 2009 a été convenue en considération de la composition de l'Equipe au moment de la signature de l'avenant du 28 janvier 2009 (c'est à dire, en considération de la présence de M. V.) est contraire à l'esprit et à la lettre du contrat de parrainage et ne saurait être accueillie en raison de l'incertitude du sport quant à la permanence dans le temps des performances des sportifs de haut niveau.

Elle insiste sur le fait qu'elle a respecté la présomption d'innocence de M.V. et que les résultats de l'Equipe au Tour de France 2010 ont été tout à fait comparables avec ceux obtenus lors du Tour de France 2008, en dépit de l'absence de ce dernier. Elle ajoute que l'équipe a terminé 2ème au classement général en 2010, alors qu'elle n'était que 6ème en 2008.

Sur ses prétendues inexécutions, la société Abarca expose en premier lieu que la société BPCE ne s'en est prévalue que lorsque qu'elle a été assignée en justice. Elle affirme ensuite n'avoir assumé aucune obligation contractuelle liée à la présence active, nécessaire et indispensable de M. V. au sein de l'Equipe pour les saisons 2009 et 2010 et que l'argument au terme duquel l'Equipe n'avait plus de leader est erroné.

Elle fait valoir que la société BPCE allègue d'obligations non prévues au contrat, et affirme avoir géré l'Equipe en bon père de famille, notamment en respectant la présomption d'innocence de M. V. .

Elle expose que les conséquences sportives des agissements et des suspensions pour dopage de M. V. ne peuvent lui être imputées, et qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir trouvé un autre 'leader' en dehors des membres de son équipe à la suite de la décision du Tribunal arbitral du sport du 31 mai 2010 dans la mesure où les contrats des coureurs cyclistes sont conclus pour une durée déterminée se terminant le 31 décembre.

Sur la prétendue carence à promouvoir l'image du Parrain, la concluante relève que la BPCE fait preuve d'une grande légèreté dans son argumentaire, et en particulier au regard des obligations contractuelles du parrainé en matière de promotion de l'image du parrain (article V-E du contrat de parrainage), et qu'elle ne démontre pas l'existence d'un manquement du parrainé à l'une de ses obligations au titre des dispositions dudit contrat.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile

MOTIFS

Considérant que la société BPCE n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière,

Considérant que le contrat précise dans son préambule que la société BPCE " souhaite conforter sa notoriété et promouvoir son image par l'intermédiaire de la discipline cycliste ' et qu'à cette fin elle s'est rapprochée de " M. José Miguel E. qui bénéficie d'une notoriété certaine, d'une pratique, d'une réputation et d'un savoir-faire dans le domaine du cyclisme professionnel " ; que l'article XII stipule que " le contrat est conclu en considération de la personne du Parrainé et de son Président Directeur Général, Monsieur José Miguel E.

Considérant que le contrat stipule " La composition de l'Equipe est exposée en Annexe 2. Il est toutefois entendu qu'à partir de 2006, l'Equipe fera ses meilleurs efforts selon les conditions du marché cycliste afin d'inclure plusieurs coureurs de nationalité française et un nombre minimum de coureurs de notoriété internationale", étant précisé que " la notoriété internationale est acquise lorsque les Coureurs sont classés dans les 200 premiers coureurs mondiaux au sens du classement Pro Tour 2005 ou tout autre classement défini par l'UCI ". Considérant, qu'en conséquence, le Parrainé n'a contracté aucune obligation d'assurer la présence effective et constante d'un coureur, celui-ci fût-il le leader de l'équipe à un moment donné, dès lors que ses choix respectaient les critères de notoriété internationale.

Considérant que la société Abarca ne pouvait pas aligner M.V. au départ du Tour de France 2009, dans la mesure où le circuit passait par l'Italie, pays où celui-ci était interdit de course ; que son choix d'un autre leader en la personne de M. Luis-Leon S., coureur dont la société BPCE ne démontre pas qu'il ne bénéficiait pas d'une notoriété internationale, quand bien même elle affirme qu'il ne s'agissait pas d'un "véritable leader", qu'il n'était pas connu du public français, en tout cas autant que M.V. et qu'il s'est comporté sans éclat dans cette épreuve ; que la société Abarca n'avait aucune obligation de résultat, ni quant aux performances de son leader dont elle avait le libre choix, ni de son équipe ; qu'elle justifie néanmoins que celle-ci a été classée deuxième du classement général par équipe lors du Tour de France, alors qu'elle n'avait été que sixième en 2008, résultat collectif qui ne saurait être nié ; que, par ailleurs, elle a connu des résultats individuels qui ne sont pas négligeables avec trois coureurs dans les trente premiers, avec un coureur français 22ème du classement général et 2ème du classement du meilleur grimpeur.

Considérant que M.V. ayant saisi le tribunal arbitral sportif et bénéficiant d'une présomption d'innocence, la société Abarca a pu le faire participer à des épreuves sportives se déroulant dans les autres pays sans qu'il puisse lui en être fait grief ; que le conservant dans l'équipe, elle n'avait aucune raison de l'écarter de sa position de leader qui reposait sur ses performances passées ; que le 19 juillet 2010, elle a mis fin sans indemnité à son contrat ce qu'elle ne pouvait faire, avant toute décision définitive le sanctionnant, sauf à encourir des risques financiers susceptibles de mettre en péril le devenir de l'équipe.

Considérant que, si un sponsor apporte un financement à l'occasion d'un sport collectif et s'il entend en recueillir des retombées au regard de sa propre image dans le public, il n'en demeure pas moins qu'il soutient ainsi un sport et une équipe ; que connaissant les problèmes de dopage affectant la pratique sportive, notamment le cyclisme, le sponsor ne pouvait ignorer cet aléa qui, en l'espèce n'a concerné qu'un coureur et non l'équipe ; que la société BPCE n'apporte aucun élément démontrant que la société Abarca aurait commis des fautes dans la gestion du problème de dopage de M.V. dont elle ne saurait être tenue pour responsable ; qu'au contraire, elle a géré en bon père de famille la situation de l'équipe en lui permettant de rester en compétition avec des résultats honorables en dépit de la défaillance de son leader.

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société BPCE à verser à la société Abarca la somme de 2 375 000 euro et les intérêts contractuels sur la créance due à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2010 ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Abarca a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré, Condamne la société BPCE à payer à la société Abarca la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile Condamne la société BPCE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.