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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 9 septembre 2015, n° 14-06837

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Motoworld (SARL)

Défendeur :

PC Moto (SARL) , Kawasaki Motors Europe NV (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Caloni, Geay, Valentie, Lallemand, Barbier

T. com. Nancy, du 28 mai 2010

28 mai 2010

La SARL Motoworld est concessionnaire de la marque Kawasaki en vertu d'un contrat de concession d'exclusivité de marque conclu avec la société de droit néerlandais Kawasaki Motors Europe NV, qui lui confère un droit exclusif de vente des produits Kawasaki dans les arrondissements de Nancy, Lunéville et Toul.

La SARL PC Moto, exerçant sous l'enseigne "Moto Expert", vend des accessoires de motocycles et des motocycles d'occasion sur les arrondissements de Nancy, sans être affiliée à un réseau de revente de motocycles.

Par acte du 19 février 2008, la société Motoworld a assigné en paiement de dommages et intérêts les sociétés PC Moto et Kawasaki Motors Europe devant le Tribunal de commerce de Nancy, en reprochant à la société PC Moto de vendre et de faire la promotion de motos neuves de la marque Kawasaki sur le territoire qui lui est concédé et à la société Kawasaki Motors Europe d'avoir manqué à ses obligations en ne veillant pas à l'étanchéité du réseau de distribution.

Par jugement du 28 mai 2010, le Tribunal de commerce de Nancy a débouté la société Motoworld de ses demandes, aux motifs que la revente par la société PC Moto de motocycles de marque Kawasaki ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale dès lors que la société établit la régularité de ses approvisionnements par la production des factures d'achat des 12 motocycles concernés. Le tribunal a également rejeté les demandes reconventionnelles des sociétés Kawasaki Motors Europe et PC Moto.

Par un arrêt du 25 avril 2012, la Cour d'appel de Nancy a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Nancy.

Par arrêt du 22 octobre 2013, la Chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 25 avril 2012 par la Cour d'appel de Nancy, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées par la société Motoworld contre la société PC Moto du chef de l'article L. 442-6, I, 6° du Code de commerce et celles formées contre la société Kawasaki Motors Europe, et a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris.

Le 26 mars 2014, la société Motoworld a saisi la Cour d'appel de Paris.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 19 septembre 2014, par lesquelles la société Motoworld demande à la cour de :

Au visa des articles 1382 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 28 mai 2010 ;

- débouter purement et simplement la société PC Moto et la société Kawasaki Motors Europe de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et conclusions ;

Et jugeant à nouveau,

- faire injonction à la société PC Moto de fournir ses grands livres détaillés de 2007 à 2014 du compte fournisseur.

A défaut, en tirer toutes conséquences ;

- dire et juger que la société PC Moto a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de Motoworld ;

- dire et juger que la société Kawasaki Motors Europe a violé son engagement d'assurer l'étanchéité de son réseau comme du territoire concédé en exclusivité à la société Motoworld ;

En conséquence,

- condamner in solidum la société PC Moto et la société Kawasaki Motors Europe à payer à la société Motoworld la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Kawasaki Motors Europe à payer à la société Motoworld la somme de 8 795,54 € au titre de dommages et intérêts complémentaires ;

- condamner in solidum la société PC Moto et la société Kawasaki Motors Europe à payer à la société Motoworld les sommes de 50 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction sera faire au profit de la SCP Gaudin, Junqua-Lamarque et Caloni conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 21 juillet 2014, par lesquelles la société PC Moto demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société PC Moto en ses demandes fins et conclusions ;

- constater que l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 octobre 2013 a partiellement infirmé l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 25 avril 2012 ; que les points n'ayant fait l'objet d'aucune cassation sont définitivement tranchés et bénéficient de l'autorité de la chose jugée ;

- donner acte à la société PC Moto qu'elle ne dispose pas des pièces de l'appelante à la date du 21 juillet 2014 ; qu'en violation de l'article 906 du Code de procédure civile, les pièces de l'appelante n'ont pas été signifiées simultanément à ses conclusions ;

- faire injonction à la société Motoworld d'avoir à communiquer les pièces visées en marge de ses conclusions du 4 juin 2014 ;

- donner acte à PC Moto qu'elle se réserve de conclure à nouveau, à réception des pièces de l'appelante ;

Sur le fond,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en date du 28 mai 2010 ;

- constater qu'il n'est démontré la commission par PC Moto d'aucun acte de concurrence déloyale, ni antérieur ni postérieur à 2008 ;

- juger partiellement irrecevable la demande d'injonction de communiquer les Grands Livres de la société PC Moto de 2007 à 2014 comme se heurtant à la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil ;

- la dire mal fondée sur le fond ;

En conséquence,

- débouter la société Motoworld de l'intégralité de ses demandes, en ce compris ses demandes indemnitaires, sa demande d'injonction d'avoir à communiquer les Grands Livres de PC Moto de 2007 à 2014 ;

- condamner la société Motoworld à verser à la société PC Moto une indemnité de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive, au visa des articles 1382 du Code civil et 32-1 du Code de procédure civile ;

- la condamner à verser à la société PC Moto une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de l'AARPI Absys Avocats, agissant par Maître Sarah Geay, avocat au Barreau de Paris, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 avril 2015, par lesquelles la société Kawasaki Motors Europe NV demande à la cour de :

Aux visas de la décision du Conseil de la concurrence du 25 juillet 2007, des articles 101 du Traité et 1382 du Code civil,

Statuant sur l'appel interjeté dans les limites de sa saisine intervenue ensuite de la cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 25 avril 2012,

- dire et juger qu'en présence d'importations parallèles émanant d'un ou plusieurs Etats de l'Union européenne, la société Kawasaki Motors Europe ne saurait voir sa responsabilité engagée ;

- constater que la société City-2-Roues a approvisionné la société PC Motorcycles Import SPRL et que c'est donc par son intermédiaire que la société PC Moto a pu proposer sur le territoire concédé à la société Motoworld des motocycles de marque Kawasaki ;

- constater encore que la société Kawasaki Motors Europe est intervenue directement auprès de la société City-2-Roues, concessionnaire de marque Kawasaki en Belgique et qu'elle a dénoncé le contrat de concession qu'elle avait précédemment conclu avec ce concessionnaire au motif des atteintes portées par ce concessionnaire à l'exclusivité territoriale ;

- dire et juger que la responsabilité contractuelle de la société Kawasaki Motors Europe ne peut être recherchée dès lors que la société Kawasaki Motors Europe a pris les dispositions nécessaires pour assurer autant que faire ce peut l'exclusivité territoriale concédée à la société Motoworld ;

En conséquence,

- confirmer le jugement du 28 mai 2010 en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de la société Motoworld à l'encontre de la société Kawasaki ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société Motoworld ne fait pas la preuve des préjudices dont elle poursuit l'indemnisation ;

En tout état de cause,

- condamner les sociétés Motoworld et PC Moto à payer à la société Kawasaki Motors Europe la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure après renvoi de cassation, ainsi que celle d'appel dont l'arrêt a été cassé par la Cour de cassation, dont distraction au profit de Maître Christian Valentie, Avocat au barreau de Paris, pour ceux qui le concerne aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR,

Sur la demande de communication de pièces :

Considérant que, lors de l'audience des plaidoiries, l'avocat de la société PC Moto expose que les demandes relatives à la communication des pièces de l'appelante sont abandonnées ; que les parties étant d'accord, il convient de prendre acte du retrait de ces demandes ;

Sur les demandes dirigées contre la société PC Moto :

Considérant que la société Motoworld expose que, en matière de distribution exclusive, la Cour de cassation, sur le fondement exclusif de l'article 1382 du Code civil, a admis que la revente de produits hors réseau ne constituait pas en soi un acte de concurrence déloyale sous la réserve expresse que le revendeur indépendant révèle ses sources d'approvisionnement ; que, à la différence de la jurisprudence rendue sous le visa de l'article 1382 du Code civil, l'application des dispositions de l'article L. 442-6-6 du Code de commerce n'est subordonnée à aucune autre condition que la participation, directe ou indirecte, à la violation d'un réseau de distribution ; qu'en commercialisant des véhicules neufs Kawasaki sans appartenir au réseau de distribution sélective et exclusive Kawasaki, la société PC Moto a engagé sa responsabilité délictuelle tant sur le fondement de l'article L. 442-6-6 du Code de commerce, que sur celui de l'article 1382 du Code civil ;

Considérant que la société Motoworld soutient que les premiers juges ont écarté l'application de l'article L. 442-6-6 du Code de commerce au motif qu'elle n'apportait pas la preuve de la connaissance par la société PC Moto de l'interdiction de revente hors réseau et le juge des référés a refusé d'en faire application au motif que la société PC Moto s'était approvisionnée auprès d'un grossiste belge et non directement auprès d'un membre agréé du réseau, alors que l'article L. 442-I-6 du Code de commerce ne pose nullement de telles exigences ; qu'en vertu de l'article L. 442-I-6 du Code de commerce le seul fait de revendre des véhicules neufs en violation du réseau de distribution sélective et exclusive Kawasaki suffit à engager la responsabilité de la société PC Moto ; que l'intimée avait une parfaite connaissance de sa participation à la violation de l'interdiction de revente hors réseau ; que la faute de la société PC Moto est d'autant plus caractérisée, qu'après n'avoir pu obtenir des produits Kawasaki du réseau agréé Kawasaki, elle s'est adressée à un grossiste belge non agréé, qui ne propose pas sur son site de vente les motos importées qu'il a revendues à la société PC Moto au prix concessionnaire, le recours à ce grossiste belge ne visant qu'à masquer l'origine réelle des produits Kawasaki ;

Considérant que la société Motoworld fait valoir que nonobstant le constat sur requête judiciaire du 21 décembre 2007 et la mise en demeure du 5 janvier 2008, la société PC Moto a reconnu avoir persisté dans ses approvisionnements jusqu'en mai/juin 2008 et a repris ses actes délictueux en 2009 en trouvant ultérieurement une autre source d'approvisionnement ; que l'intention de nuire de la société PC Moto est caractérisée par la parfaite connaissance de cette société tant de la nature du réseau Kawasaki que de sa participation à la violation des règles par ses membres agréés ;

Considérant que la société Motoworld expose que la jurisprudence a estimé sous le visa de l'article 1382 du Code civil, et non de L. 442-I-6 du Code commerce, que la participation à la violation d'un réseau de concession exclusive, et non sélective, n'est pas fautive que sous la condition expresse de révéler ses sources d'approvisionnement ; qu'en l'espèce, il faudra près de 7 mois pour que la société PC Moto fournisse enfin partiellement l'origine de ses approvisionnements tout en continuant, de décembre 2007 à juin 2008, à persister dans ses approvisionnements ; qu'il faudra la délivrance, le 21 juillet 2008, d'une assignation en référé pour communiquer une partie des documents ; que la fourniture plusieurs mois après dans le cadre de l'instance en référé de ses sources d'approvisionnement n'élimine en rien la résistance manifestement abusive de la société PC Moto à dénoncer son partenaire et justifie sa condamnation ; que la production tardive par la société PC Moto des sources d'approvisionnement n'efface pas l'acte de concurrence déloyale constitué par le refus initial de justifier de la provenance régulière des motos vendues en violation du réseau Kawasaki et qui ont permis à l'intimée de continuer à s'approvisionner pendant 16 mois en toute impunité en motos neuves Kawasaki ;

Considérant que l'appelante soutient avoir démontré que, malgré l'assignation au fond du 19 février 2008, la commercialisation de motos Kawasaki par la société PC Moto n'a pas cessé en juin 2008 mais a continué en 2009 ; que la société PC Moto n'a pas plus justifié de l'origine de ses nouveaux approvisionnements, dont on ne sait quand ils ont cessé ; qu'il doit être fait injonction à la société PC Moto de fournir les grands livres détaillés de 2007 à ce jour du poste achat de marchandises pour examiner la durée des agissements et leur ampleur ;

Considérant que la société Motoworld expose que si la Cour de cassation a jugé, malgré une jurisprudence antérieure constante, que la société PC Moto n'avait pas commis d'actes de concurrence déloyale en reproduisant sur ses publicités le logo Kawasaki et en faisant état de garantie contractuelle, sans être autorisée à effectuer celle consentie par Kawasaki, ni jamais prouver de sa réalité, étant un vendeur d'accessoires et non un réparateur de motocycles ; que ces agissements n'en révélaient pas moins la recherche d'un rattachement parasitaire à un réseau de distribution auquel la société PC Moto n'appartenait pas ;

Mais considérant que la Cour de cassation ayant rejeté, dans son arrêt du 22 octobre 2013, le troisième moyen du pourvoi de la société Motoworld, les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 25 avril 2012 ayant débouté l'appelante de ses demandes, fondées sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, reprochant à la société PC Moto des actes de concurrence déloyale et de parasitisme pour avoir utilisé sur ses publicités le logo Kawasaki et fait état d'une garantie contractuelle, sont devenues irrévocables ; que les demandes de la société Motoworld à ce titre doivent être rejetées ;

Considérant que la Cour de cassation ayant rejeté, dans son arrêt du 22 octobre 2013, le premier moyen pris en sa première branche du pourvoi de la société Motoworld, les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 25 avril 2012 ayant débouté l'appelante de ses demandes reprochant à la société PC Moto, sur le fondement des dispositions des articles 1382 du Code civil et L. 442-6 I 6° du Code de commerce, sa résistance à révéler ses sources d'approvisionnement pour les 12 motocycles de marque Kawasaki acquises jusqu'au mois de juin 2008, sont devenues irrévocables ; que les demandes de la société Motoworld à ce titre doivent être rejetées ;

Considérant que la Cour de cassation ayant rejeté, dans son arrêt du 22 octobre 2013, le deuxième moyen du pourvoi de la société Motoworld, les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 25 avril 2012, ayant débouté l'appelante de ses demandes reprochant à la société PC Moto, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 6° du Code de commerce, d'avoir une parfaite connaissance de participer à la violation de l'interdiction de vente hors réseaux s'agissant de la mise en vente des 12 motocycles de marque Kawasaki acquises jusqu'au mois de juin 2008 auprès de la société DC Motocycles Import SPRL, sont devenues irrévocables ; que les demandes de la société de la société Motoworld à ce titre doivent être rejetées ;

Considérant qu'il est constant que la société Kawasaki Motors Europe NV a résilié, par lettre du 20 août 2008, le contrat de concession la liant à la société de droit belge City 2 Roues, qui avait approvisionné la société de droit belge DC Motocycles Import SPRL en faisant croire que les motos étaient acquises par un particulier ; que pour établir que la société PC Moto a trouvé une autre source d'approvisionnement et a de nouveau commercialisé des motos de marque Kawasaki au cours de l'année 2009, la société Motoworld produit trois attestations datées des 11 et 12 juin 2009 faisant état de la mise en vente dans les locaux de la société PC Moto d'une moto Z 750 Kawasaki de couleur noire ; que les rédacteurs de deux de ces attestations ne précisent pas la date à laquelle ils se sont rendus dans le magasin de la société PC Moto et ont constaté la présence de cette moto ; qu'il est probable que cette unique moto en stock soit l'une des 12 motos vendues à l'intimée par la société DC Motocycles Import SPRL, en 2008, en effet une moto Z 750 Kawasaki de couleur noire faisait partie des motocycles Kawasaki régulièrement acquises par la société PC Moto ; que les trois attestations produites par l'appelante sont insuffisantes à démontrer qu'en 2009 la société PC Moto s'approvisionnait et commercialisait de façon irrégulière des motos de marque Kawasaki ;

Considérant que nonobstant les dispositions de l'article 770 du Code de procédure civile, qui donnent au conseiller de la mise en état "tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces", la société Motoworld demande à la cour de faire injonction à la société PC Moto, après la clôture des débats, de produire ses grands livres détaillés de 2007 à 2014 du compte fournisseur afin d'établir jusqu'à quelle date l'intimée a acheté des motos de marque 7 Kawasaki ; que cette demande tardive a pour finalité de suppléer la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de ce que la société PC Moto a continué à acquérir des motos de marque Kawasaki après le mois de juin 2008 ; que l'appelante doit être déboutée de sa demande d'injonction de communication de pièces et de ses demandes à l'encontre de la société PC Moto ;

Sur les demandes dirigées contre la société Kawasaki Motors Europe :

Considérant que la société Motoworld reproche à la société Kawasaki Motors Europe sa passivité pour faire cesser le comportement de la société City 2 Roues, membre du réseau de distribution, alors que dès le début du litige l'intimée pouvait déterminer l'origine des motos litigieuses, puisqu'elle lui a communiqué officiellement le procès-verbal de constat du 21 décembre 2007 faisant mention des numéros de châssis des véhicules Kawasaki au sein des locaux de la société PC Moto ; que l'appelante fait valoir que la société Kawasaki Motors Europe, qui a attendu le 20 août 2008 pour sanctionner la société City 2 Roues, avec, au surplus, un délai supplémentaire de 6 mois, alors que cette faute grave justifiait une résiliation immédiate du contrat, a fautivement tardé à assurer l'étanchéité garantie à ses distributeurs ; que la société Kawasaki Motors Europe a reconnu devant la Cour d'appel de Nancy avoir violé ses engagements contractuels au prétexte d'une procédure en cours devant l'Autorité de la concurrence, laquelle a validé son contrat de distribution le 25 juillet 2007 ; qu'en réalité la société Kawasaki Motors Europe n'a mis aucun empressement à restreindre le marché parallèle, alors que le règlement 2790-1999 du 22 décembre 1999 l'y autorisait, recherchant manifestement à écouler ses produits par des réseaux parallèles tout en imposant des sujétions à ses distributeurs agréés ;

Considérant que la société Kawasaki Motors Europe expose que la Cour d'appel de Nancy a manifestement considéré qu'en l'absence de violation du réseau de distribution par la société PC Moto, le grief qui lui est fait tenant à l'absence de protection de l'exclusivité territoriale consentie n'avait pas de fondement ; que ce n'est que parce que la Cour d'appel de Nancy ne l'a pas expressément indiqué que son arrêt a été censuré par la Cour de cassation ; que le droit communautaire lui interdit d'empêcher la pratique licite des importations parallèles ; qu'aucune interdiction des ventes passives au sein de l'Espace Economique Européen n'est possible dans le cadre d'un schéma de distribution exclusive territoriale, y compris à des distributeurs non agréés, ce n'est qu'en présence d'indices forts et concordants de ce que les reventes passives sont en réalité des ventes actives destinées à alimenter le marché parallèle qu'elle peut agir ;

Considérant que la société Kawasaki Motors Europe expose qu'entre 2003 et 2007 elle a été impliquée dans une enquête de concurrence où le grief principal qui lui était fait portait sur la limitation faite à ses concessionnaires de vendre en dehors du territoire qui leur était attribué ; que la procédure devant le Conseil de la concurrence a abouti à la décision du 25 juillet 2007 qui a reconnu la licéité du système de distribution de Kawasaki ; que l'existence de cette procédure devant le Conseil de la concurrence et les sanctions encourues en cas de condamnation (jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires mondial de l'entreprise) expliquent que pendant toute la durée de cette procédure et même au-delà (au moins jusqu'à l'expiration des délais de recours contre la décision du Conseil de la concurrence), Kawasaki n'ait pas fait appliquer et respecter strictement les stipulations de son contrat de distribution relatives aux ventes hors territoire ;

Considérant que la société Kawasaki Motors Europe soutient qu'étant désormais assurée de la validité de son contrat au regard des règles de concurrence, elle ne manque pas de "rappeler à l'ordre" le distributeur en faute, lorsqu'elle a connaissance d'un manquement contractuel ; que jusqu'à l'assignation délivrée par la société Motoworld le 19 février 2008, elle n'était pas informée des pratiques de la société PC Moto et le constat d'huissier ne lui a été communiqué que le 29 mars 2008 au soutien de l'assignation délivrée ; que ce n'est qu'à compter de cette date qu'elle a pu reconstituer la chaîne d'approvisionnement et être en mesure de pouvoir agir utilement ; que ce n'est qu'à la faveur de la production par la société PC Moto, le 22 juillet 2008, des factures émises par la société DC Motorcycles import SPRL, faisant apparaître des numéros de châssis des motocycles, qu'elle a pu mener des investigations internes complémentaires, procéder à des recoupements et constater que les motocycles vendus à la société PC Moto par la société de droit belge DC Motorcycles import SPRL provenaient d'un seul et même concessionnaire, la société City-2-Roues, avec lequel Kawasaki a cessé ses relations contractuelles depuis la fin de l'année 2008, après avoir notifié un préavis par lettre du 20 août 2008, pour ne pas avoir respecté l'interdiction de concurrence active qui lui était faite en vertu du contrat de concession ;

Mais considérant que le concédant a l'obligation de faire respecter l'exclusivité qu'il a consentie ; qu'il résulte des pièces produites par l'appelante que la société Kawasaki Motors Europe a été destinataire du constat d'huissier du 21 décembre 2007, mentionnant les numéros de série des 3 motocycles neuves de marque Kawasaki en vente dans le magasin de la société PC Moto, au plus tard lors de la signification de l'assignation au fond devant le Tribunal de commerce de Nancy du 19 février 2008, puisque ce constat faisait partie des pièces jointes à l'assignation ; que les numéros de châssis des motocycles permettaient à l'intimée de connaître l'historique de la commercialisation des véhicules ;

Considérant que la mise en avant par la société Kawasaki Motors Europe de la procédure ayant conduit à la décision du Conseil de la concurrence du 25 juillet 2007 et le fait que la société PC Moto ait cessé de s'approvisionner auprès de la société City-2-Roues en juin 2008, sont inopérants à justifier l'inaction reprochée à la société Kawasaki Motors Europe à compter du début de l'année 2008 ; que nonobstant la communication du procès-verbal de constat du 21 décembre 2007 et l'engagement du litige devant le Tribunal de commerce de Nancy, la société Kawasaki Motors Europe a attendu le 20 août 2008 pour mettre fin, à effet du 1er janvier 2009, au contrat de concession la liant à la société City-2-Roues ; que la société Motoworld reproche à juste titre à la société Kawasaki Motors Europe sa passivité, d'autant que le courrier du 20 août 2008 fait état d'un précédent avertissement donné le 15 juin 2007 à la société City-2-Roues, pour des faits similaires ;

Considérant que la société Kawasaki Motors Europe ne fournit aucune justification particulière lui permettant de se décharger de sa responsabilité résultant de la violation de l'exclusivité qu'elle a accordée ; que la société Motoworld est bien fondée à reprocher à la société Kawasaki Motors Europe, filiale du constructeur japonais et importateur exclusif sur l'Union européenne des véhicules de marque Kawasaki, de ne pas avoir assuré, sur la période allant de fin 2007 à août 2008, le respect de l'exclusivité qui lui était accordée ;

Considérant que la société Motoworld sollicite la condamnation de la société Kawasaki Motors Europe à lui verser la somme de 150 000 € en réparation de son préjudice résultant des pertes de marge brute résultant des ventes perdues, incluant les pertes de primes, qui constituent l'essentiel de sa marge, des pertes de marge en matière de services après-vente, des ventes de véhicules d'occasion et de rémunération des garanties liées à ces ventes, l'atteinte à son image et à sa notoriété en laissant croire à sa clientèle qu'elle pratique des prix excessifs ; que l'appelante soutient que cette somme de 150 000 € correspond aux préjudices qui lui ont été causés par les agissements de la société PC Moto ;

Considérant que la société Motoworld sollicite également le paiement de la somme de 8 795,54 € en exposant qu'elle a dû engager d'importants frais pour faire respecter l'exclusivité dont la société Kawasaki Motors Europe lui devait garantie ; que l'inaction de l'intimée l'a contrainte à engager 8 795,54 € d'honoraires et frais non compris dans l'article 700 du Code de procédure civile, que la société Kawasaki Motors Europe aurait dû engager afin d'assurer l'étanchéité de son réseau ;

Mais considérant que la passivité de la société Kawasaki Motors Europe a permis à la société PC Moto d'acquérir en tout 12 motocycles de marque Kawasaki ; que la société Motoworld ne verse aux débats aucun document permettant de chiffrer le préjudice qui en est résulté pour elle ; que les frais de procédure exposés par l'appelante dans le cadre du présent litige seront pris en compte au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la société Motoworld a subi un préjudice certain du fait que la société Kawasaki Motors Europe a failli à son obligation de faire respecter l'exclusivité qu'elle lui a consentie, que la cour peut chiffrer ce préjudice à la somme de 25 000 € ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 28 mai 2010 sauf en ce qu'il a débouté la société Motoworld de ses demandes à l'encontre de la société Kawasaki Motors Europe; Et statuant de nouveau dans cette limite, Dit que la société Kawasaki Motors Europe a engagé sa responsabilité en ne garantissant pas l'exclusivité qu'elle avait assurée à la société Motoworld ; Condamne la société Kawasaki Motors Europe à verser à la société Motoworld la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société Kawasaki Motors Europe à verser à la société Motoworld la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société Kawasaki Motors Europe aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.