Cass. com., 15 septembre 2015, n° 14-15.052
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Servaux (Epoux), Chaflodis (SARL), Enjalbert (ès qual.)
Défendeur :
Casapizza France (SAS), Dauverchain (ès qual.), Blanc (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Orsini
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Richard
LA COUR : - Donne acte à M. et Mme Servaux du désistement de leur pourvoi ; - Donne acte à M. Enjalbert de ce qu'il reprend l'instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Chaflodis ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 décembre 2013), qu'aux termes d'un contrat de franchise conclu le 14 mai 2007, la société Casapizza France (la société Casapizza) a concédé à la société Chaflodis l'exclusivité de la franchise " La Casa " sur la ville de Montauban ; qu'assignée en résiliation du contrat et en paiement de redevances impayées et de dommages-intérêts, la société Chaflodis a opposé la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement et défaut de cause et demandé la réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Chaflodis et son liquidateur judiciaire font grief à l'arrêt du rejet de leur demande de nullité du contrat de franchise alors, selon le moyen : 1°) que " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause " ; que lorsque plus d'un an s'est écoulé entre la remise du document d'informations précontractuelles (DIP) et la signature du contrat, il appartient au franchiseur d'actualiser l'information afin de permettre au franchisé de s'engager en connaissance de cause ; qu'en ne recherchant pas en l'espèce ainsi qu'elle y était invitée si, faute, au moment de la signature du contrat, d'actualisation du DIP qui lui avait été remis treize mois plus tôt, la société Chaflodis n'avait pas été privée de la possibilité de donner un consentement éclairé et donc valable à son engagement contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce ; 2°) que la validité de la marque mise à disposition par le franchiseur au profit du franchisé est un élément essentiel du contrat de franchise ; qu'en affirmant en l'espèce que le contrat de franchise n'était pas dépourvu de cause dès lors que les parties avaient entendu exploiter une enseigne commune sous le signe " La Casa pizza " et que le franchiseur, titulaire de cette marque, pouvait en autoriser l'utilisation par le franchisé sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette marque n'était pas nulle à raison de son absence de caractère distinctif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ; 3°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la société Chaflodis avait invoqué la nullité de la marque concédée à l'appui de sa demande en nullité du contrat de franchise sans que la société Casapizza ne réponde sur ce point dans ses conclusions ; qu'en soulevant d'office, pour rejeter la demande en nullité du contrat de franchise fondée sur la nullité de la marque concédée, le moyen tiré de ce que " le dépôt du signe comme marque n'avait certainement d'autre but que de renforcer la protection de l'enseigne " et que le dépôt effectué en 2005 ne pouvait constituer une tromperie pour avoir " été effectué au titre d'une extension de la protection à l'étranger (Benelux, l'Espagne et le Portugal) ce qui induit nécessairement un enregistrement préalable de la marque en France ", sans provoquer au préalable la discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ; 4°) que les motifs hypothétiques et dubitatifs équivalent à un défaut de motifs ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de la société Chaflodis en nullité du contrat de franchise pour nullité de la marque concédée, que " le dépôt du signe comme marque n'avait certainement d'autre but que de renforcer la protection de l'enseigne " et que le dépôt effectué en 2005 ne pouvait constituer une tromperie pour avoir " été effectué au titre d'une extension de la protection à l'étranger (Benelux, l'Espagne et le Portugal) ce qui induit nécessairement un enregistrement préalable de la marque en France ", la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dubitatifs et hypothétiques et a, partant, violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que la société Casapizza avait remis le document d'information précontractuelle au futur franchisé le 4 avril 2006, puis lui avait adressé, trois mois plus tard, un document complémentaire sur l'état du marché local, l'arrêt relève que l'étude de site n'a pas occulté l'attraction de la zone pour des enseignes de restauration et le risque de saturation et retient qu'il ne peut être reproché au franchiseur d'avoir trompé la société Chaflodis en ne lui signalant pas, avant la signature du contrat de franchise, le 14 mai 2007, un événement qui s'est produit postérieurement à cette signature, à savoir l'ouverture d'un magasin concurrent en juillet 2007 ; qu'après avoir examiné les autres griefs allégués par la société Chaflodis, il retient qu'il n'est pas établi que les informations fournies à cette société aient été de nature à la priver de donner un consentement éclairé et donc valable à son engagement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à d'autres recherches dès lors que la société Chaflodis ne précisait pas les informations, autres que celle relative à l'ouverture d'un restaurant concurrent, qui auraient dû être actualisées et dont la méconnaissance l'avait empêchée de s'engager en toute connaissance de cause, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté, par des motifs non critiqués, que le contrat de franchise accordait au franchisé l'utilisation de la marque " La Casa pizza grill ", la cour d'appel, devant laquelle la nullité de cette marque n'était pas invoquée, a pu statuer comme elle a fait, sans avoir à procéder à la recherche inopérante, visée à la deuxième branche, relative à la nullité de la marque " La Casa pizza " ;
Et attendu, en dernier lieu, que contrairement à ce que soutient le moyen en ses deux dernières branches, la cour d'appel, par les motifs critiqués, n'a pas rejeté la demande en nullité du contrat de franchise fondée sur la nullité de la marque concédée, " La Casa pizza grill ", demande dont elle n'était pas saisie, mais a écarté la thèse de la société Chaflodis qui soutenait avoir été trompée sur l'ancienneté de cette marque, lors de la signature du contrat ; d'où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, manque en fait pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.