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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 septembre 2015, n° 13-24537

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Rosec Transports (SARL)

Défendeur :

NNA (SAS), Unicopa Développement (SAS), Selarl Facques Heiss Bourbouloux (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Lucat, M. Birolleau

Avocats :

Mes Grappotte-Benetreau, Fanen, Le Goff, Fromantin, Michel, Belfayol-Broquet, Bonte

T. com. Rennes, du 21 nov. 2013

21 novembre 2013

Faits et procédure

La société Rosec Transports, spécialisée dans plusieurs activités de transport (transport exceptionnel, frigorifique, benne, porte béton, fond mouvant, vis aliment bétail), a eu, à partir de juillet 2002, au titre de l'activité "vis aliment bétail", l'entreprise Nutrea pour client exclusif.

Initialement département de l'Union Régionale des Coopératives Unicopa, Nutrea a été filialisée en 2005 et est devenue la SNC Nutrea. Dans le cadre de la reprise de cette branche d'activité par le groupe Triskalia, la société Nutrea a cédé son fonds de commerce, en janvier 2010, à la société Nutrea Nutrition Animale (NNA).

La société Rosec a accompli pour Nutréa, dans un premier temps, exclusivement des prestations de traction et a mis à la disposition de cette dernière des remorques correspondant spécifiquement à ses besoins.

Des difficultés sont apparues entre Nutréa et Rosec sur le prix des prestations et sur l'indexation du prix du gazole, points dont Rosec a soutenu qu'ils lui étaient imposés par son donneur d'ordre.

Par actes des 2 août 2011, 11 janvier 2012 et 28 août 2012, la société Rosec a assigné les sociétés Nutrea, NNA et Unicopa venant aux droits de la société Nutrea devant le Tribunal de commerce de Lorient pour défaut d'indexation du prix du gazole.

Par courrier du 21 février 2012, la société Nutrea a rompu l'ensemble des relations commerciales avec la société Rosec.

Alors que la première instance était pendante devant le Tribunal de commerce de Lorient, Rosec a fait assigner les sociétés Unicopa et NNA respectivement les 21 et 26 décembre 2012 devant le Tribunal de commerce de Rennes pour pratique de prix abusivement bas et rupture abusive de la relation commerciale.

Par jugement, en date du 4 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Lorient a dit que la responsabilité civile délictuelle des sociétés Unicopa et NNA ne pouvait pas être engagée et que la totalité de l'action de la société Rosec dirigée à l'encontre de la société Unicopa était prescrite pour la période antérieure au 4 février 2012, et, pour la période postérieure, a ordonné une expertise. Appel ayant été interjeté par Rosec, l'instance est pendante devant la Cour d'appel de Rennes.

Par jugement rendu le 21 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Rennes a :

Sur la demande relative aux prix abusivement bas, sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert désigné par le Tribunal de commerce de Lorient ;

- débouté la société Rosec de ses demandes concernant la rupture brutale des relations commerciales établies ;

- condamné la société Rosec au paiement de :

La somme de 1 000 euro à la société Unicopa en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté la société Unicopa du surplus de sa demande ;

La somme de 1 000 euro à la société NNA en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et débouté la société NNA du surplus de sa demande ;

- condamné Rosec aux dépens.

La société Rosec a interjeté appel de ce jugement le 20 décembre 2013.

Par conclusions procédurales signifiées le 21 avril 2015, elle demande à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 25 février 2015 et de réouvrir les débats clos le 19 mars 2015.

Elle fait valoir qu'elle produit une pièce de nature à établir que le contrat conclu entre Rosec et Nutréa a été transféré à NNA, cessionnaire du fonds de commerce de Nutréa, et que ce document constitue un élément important justifiant la réouverture des débats.

Par ses dernières conclusions de fond signifiées le 1er juillet 2014, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 21 novembre 2013 ;

Statuant à nouveau,

Au titre des prix abusivement bas

A titre principal

- condamner in solidum sociétés Unicopa, venant aux droits de la société Nutrea, et NNA à verser à la société Rosec la somme de 516 793 euro, en indemnisation de son préjudice au titre des prix abusivement bas imposés par la société Nutrea ;

A titre subsidiaire

- condamner la société Unicopa venant aux droits de la société Nutrea à verser à la société Rosec la somme de 241 606 euro en indemnisation de son préjudice au titre des prix abusivement bas ;

- condamner la société NNA à verser à la société Rosec la somme de 275 187 euro en indemnisation de son préjudice au titre des prix abusivement bas ;

Au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie

- condamner la société NNA à verser à la société Rosec la somme de 505 821,66 euro en indemnisation de son préjudice au titre de la rupture brutale de la relation commerciale ;

En tout état de cause

- rejeter les contestations, fins et conclusions des sociétés Unicopa et NNA ;

- dire que les intérêts au taux légal sur ces sommes s'appliqueront à dater de l'assignation, et qu'ils se capitaliseront année par année conformément à l'article 1154 du Code civil ;

- condamner in solidum les sociétés Unicopa, venant aux droits de la société Nutrea, et NNA à verser à la société Rosec la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 Code de procédure civile.

L'appelante soutient que la société Nutrea a imposé des prix abusivement bas " pratique contraire à l'article L. 1431-1 du Code des transports - que le comportement reproché, du refus d'indexation gazole ayant fait l'objet de la demande portée devant le Tribunal de commerce de Lorient, la responsabilité indistinctement de Nutrea et de NNA en application de l'article 1382 du Code civil - et non de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui n'est pas invoqué - le préjudice lié à l'exécution à perte, par Rosec, de ses prestations ne pas du contrat signé entre les parties, mais bien de la responsabilité délictuelle.

Elle ajoute subsidiairement que, si la cour n'admettait pas la nature délictuelle de l'action de Rosec, la responsabilité de Nutréa et de NNA demeurerait engagée sur le fondement contractuel par suite du comportement fautif de Nutréa en l'absence de juste rémunération du transporteur, et de sa déloyauté.

Sur la rupture de la relation commerciale par NNA, elle fait valoir que cette rupture présente un caractère abusif manifeste dès lors que :

- aucun préavis n'a été notifié à la société Rosec s'agissant de la rupture du contrat du premier camion, constitutive d'une rupture partielle de la relation ;

- la rupture de la relation pour les quatre autres véhicules est brutale en ce qu'elle n'a été assortie que d'un préavis de six mois, préavis insuffisant au regard d'une relation de dix ans (juillet 2002 - août 2012) ;

- la justification, par NNA, des conditions de la rupture par les baisses de tonnage n'est pas recevable puisque ce n'est pas la fin des flux qui est reprochée à NNA, mais bien le caractère brutal de la rupture.

Elle expose enfin que cette rupture lui a causé un préjudice réel constitué en premier lieu, par des éléments matériels et des investissements spécifiques réalisés pour satisfaire les besoins de la société Nutrea qui n'ont pas été amortis, en second lieu, par conséquences financières qui devront être calculées sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires les trois dernières années de relation et référence à la durée de préavis qui aurait dû être appliquée.

La société Unicopa, par conclusions procédurales signifiées le 20 avril 2015, demande à la cour de :

Vu les articles 15, 16, 445 et 784 du Code de procédure civile,

- dire que la société Rosec n'a présenté, avant la clôture des débats, aucune demande de report de l'ordonnance de clôture, avant son prononcé le 5 mars 2015, ni aucune demande tendant à être autorisée à déposer une note en délibéré ;

- en conséquence, la déclarer irrecevable en sa demande ;

- dire que la société Rosec ne justifie pas de l'impossibilité qui aurait été la sienne de produire en temps utile la pièce dont elle entend faire état ;

- débouter la société Rosec de sa demande visant à obtenir la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture ;

- rejeter purement et simplement les observations et la pièce n° 59 notifiées au cours du délibéré.

Elle souligne que la révocation de la clôture n'est possible que si le report est sollicité avant la clôture des débats, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Par dernières conclusions de fond signifiées le 20 février 2015, elle demande à la cour :

A titre principal

- dire que la société Rosec n'est pas recevable à solliciter l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend subir au titre de la non indexation gazole des articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du Code des transports, dans le cadre de deux instances différentes ;

- renvoyer par conséquent les parties devant la Cour d'appel de Rennes déjà saisie du litige ;

A titre subsidiaire

- dire que les demandes de la société Rosec au titre de la pratique de prix abusivement bas ne peuvent relever que d'un fondement contractuel ;

- déclarer en conséquence la société Rosec irrecevable en ses demandes comme prescrites ;

A titre encore plus subsidiaire

- constater que la société Nutrea a fait l'objet d'une cessation d'activité le 1er janvier 2011 avec vente du fonds ;

- déclarer en conséquence irrecevables et mal fondées les demandes de la société Rosec à l'encontre de la société Unicopa au titre de prestations réalisées postérieurement à cette date ;

Et encore

- dire que la société Rosec ne rapporte pas la preuve des menaces de la société Nutrea aux fins de lui imposer des conditions tarifaires abusives pour la période antérieure ;

- dire que la société Rosec ne justifie pas du principe et du quantum de la créance qu'elle invoque ;

En conséquence

- débouter la société Rosec de toutes ses demandes dirigées contre la société Unicopa ;

Et en tout état de cause

- condamner Rosec à payer à Unicopa la somme de 20 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée expose à titre liminaire que la société Rosec ne saurait soutenir comme elle le fait que les sociétés Nutrea et NNA ont indistinctement contribué à son préjudice, la société Unicopa n'étant nullement intervenue dans le cadre des relations contractuelles entre Rosec avant le 1er janvier 2010.

Elle demande le renvoi de l'affaire devant la Cour d'appel de Rennes, la société Rosec n'ayant pas respecté l'obligation de concentration des moyens et des demandes en ce qu'elle a initialement assigné la société Unicopa devant le Tribunal de commerce de Lorient puis devant le Tribunal de commerce de Rennes, alors qu'elle fait état d'une seule et même prétention, formée entre les mêmes parties, et trouvant sa cause dans les mêmes faits, et a invoqué artificiellement un fondement juridique différent. Elle souligne que la société Rosec respecte pas la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle en ce qu'est erroné le raisonnement de Rosec pour démontrer qu'il existerait une faute délictuelle au visa des articles 1382 du Code civil et de l'article L. 442-6 du Code de commerce, alors que les dispositions de l'article L. 442-6 ne trouvent application que dans le cadre d'une relation commerciale contractuelle, et que l'article 1382 du Code civil est inapplicable à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel.

Elle ajoute que, cet engagement s'inscrivant dans le cadre d'un contrat de transport, l'action de Rosec se heurte à la prescription annale de l'article 133-6 du Code de commerce.

Elle soutient enfin, à titre subsidiaire, que les conditions de la mise en œuvre de l'article L. 442-6 4° ne sont en tout état de cause pas remplies dès lors que Rosec ne rapporte la preuve ni d'une faute elle n'invoque pas même l'existence de menaces telles que visées par l'article L. 442-6 4° - ni d'un préjudice - l'examen des tableaux produits par l'appelante elle-même démontre que l'exploitation de ses ensembles routiers est bénéficiaire sur les exercices en cause - ni d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La société NNA, par conclusions procédurales signifiées le 23 avril 2015, demande de constater l'absence de cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture du 25 février 2015 et de débouter Rosec de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats.

Par dernières conclusions de fond signifiées le 16 février 2015, demande à la cour :

Sur la demande relative aux prix abusivement bas

- infirmer le jugement entrepris et dire la demande infondée juridiquement et non justifiée financièrement ;

Sur la demande relative à la rupture brutale des relations commerciales établies

- confirmé le jugement entrepris et débouter la société Rosec de toutes ses demandes à l'encontre de la société NNA;

- condamner en tout état de cause la société Rosec à payer à la société NNA la somme de 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'intimée relève que c'est à juste titre que le jugement dont appel, a retenu qu'en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce n'emporte pas de plein droit cession à la charge de l'acheteur, du passif des obligations dont le vendeur peut être tenu, en raison des engagements souscrits par lui, et qu'aucun élément versé aux débats, viendrait confirmer le transfert de contrats commerciaux.

Elle soutient que c'est donc à tort que la société Rosec prétend que le manquement est établi du seul fait qu'elle n'aurait pas perçu ce qui, selon elle, devait constituer sa juste rémunération, la société

NNA n'ayant jamais été de mauvaise foi ou déloyale, et la société Rosec ne pouvant que se reprocher à elle-même les conditions de la négociation du contrat.

Sur la rupture brutale de la relation commerciale, elle fait valoir qu'aucune rupture abusive ne peut lui être reprochée, la société Rosec ne justifiant pas du préjudice allégué, et ce faisant, oublie que seules les conséquences préjudiciables du caractère brutal de la rupture peuvent être réparées et seulement à condition d'être justifiées et devront à ce titre, être rejetées.

MOTIFS

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Considérant que l'article 784, alinéa 1er, du Code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;

Considérant que la clôture de l'instruction a été prononcée sans opposition des parties le 5 mars 2015 ; que l'affaire a été retenue et plaidée à l'audience du 19 mars 2015 sans contestation des parties ; que la société Rosec n'a pas sollicité l'autorisation de produire une note en délibéré ; qu'en conséquence, la cour dira irrecevables les demandes de Rosec ainsi que la pièce produite par Rosec en cours de délibéré sous le numéro 59 ;

Sur le fond

Sur la pratique de prix abusivement bas

Considérant que Rosec fait grief à Nutréa de lui avoir imposé abusivement bas ; que la demande de réparation de Rosec est présentée sur le fondement de l'article L. 1431-1 du Code des transports qui dispose que " les conditions dans lesquelles sont exécutées les opérations de transport public, notamment la formation des prix et tarifs applicables et les clauses des contrats de transport, permettent une juste rémunération du transporteur assurant la couverture des coûts réels du service rendu dans des conditions normales d'organisation et de productivité " ; que cette demande est distincte de celle dont Rosec a saisi le Tribunal de commerce de Lorient, laquelle concerne essentiellement l'indexation gazole, seul point sur lequel porte l'expertise ordonnée par cette juridiction ; qu'il n'y a donc pas lieu à sursis à statuer dans l'attente du rapport de l'expert désigné par le Tribunal de commerce de Lorient ;

Considérant que le dommage invoqué par Rosec tient en ce que le prix du transport ne couvrirait pas le coût réel de la prestation ; que l'action introduite par Rosec tend en conséquence à obtenir une révision du prix du transport jugé insuffisant par elle ; que, la fixation ou la révision du prix constituant un élément de la convention conclue entre les parties, le dommage invoqué résulte nécessairement de l'exécution du contrat ; que le préjudice ressort, dans ces conditions, non de la responsabilité délictuelle, comme le soutient à tort Rosec, mais du contrat de transport ;

Considérant que doit, dans ces circonstances, recevoir application l'article L. 133-6 du Code de commerce qui dispose que "les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité. Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l'article 1269 du Code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an" ;

Considérant que, l'acte introductif d'instance étant daté du 21 décembre 2012, la prescription annale est acquise pour les demandes portant sur les prestations exécutées avant le 21 décembre 2011 ; qu'au titre de la période postérieure - soit de janvier à juillet 2012 - si NNA reconnaît que c'est elle [qui] a proposé au transporteur le prix de prestations, Rosec ne rapporte la preuve ni de ce que les prix pratiqués auraient été pour autant " imposés " par Nutréa, ou par NNA, ni de ce que ces prix étaient sans rapport avec le coût des prestations fournies, ni, en tout état de cause, de ce que ses résultats déficitaires à partir de 2009, en admettant qu'ils soient établis au titre de 2012 - ce qui ne ressort pas des éléments communiqués par Rosec en pièce n° 52 b (tableau de rentabilité par ensemble routier et par mois), seuls deux ensembles routiers sur quatre présentant un résultat d'exploitation négatif pour cette période - résultent nécessairement d'un prix des prestations anormalement bas et dès lors d'une quelconque faute de Nutréa ou de NNA ; qu'en conséquence, la cour déboutera Rosec de sa demande de ce chef et réformera le jugement entrepris en ce sens ;

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Considérant que l'article L. 442-6 I, 5° du Code de commerce dispose qu' "engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte, notamment, de la durée de la relation commerciale. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution, par l'autre partie, de ses obligations ou en cas de force majeure" ;

Considérant qu'il n'est pas discuté qu'existe entre Rosec et NNA une relation commerciale établie ; que, si Rosec a entretenu une relation commerciale avec Nutréa à partir de juillet 2002, la SNC Nutrea a cédé son activité à la SAS NNA à effet du 1er janvier 2010 ;

Considérant qu'une relation commerciale établie avec un donneur d'ordre peut se poursuivre avec un autre partenaire dès lors que les parties ont manifesté leur intention de se situer dans la continuation de la relation antérieure ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, Rosec ne rapportant pas la preuve de cette intention ;

Que NNA ne vient pas aux droits de Nutréa ; que la cession du fonds de commerce n'emporte pas transport de plein droit au cessionnaire des conventions attachées à son exploitation ; il n'est pas démontré que le contrat conclu entre Nutréa et Rosec ait été transféré à l'occasion de la cession du fonds de commerce de Nutréa à NNA, cette dernière justifiant au contraire, par la production du protocole de cession, du principe de non-reprise des contrats prévu par l'article 2.6 b de ce protocole qui stipule que les contrats ne sont pas transférés au cessionnaire à l'exception de ceux identifiés dans les annexes, lesquelles ne visent pas le contrat Rosec ; que c'est en conséquence à raison que les premiers juges ont retenu que la relation dont la rupture est arguée de brutale n'a débuté qu'avec la seule société NNA le 1er janvier 2010 ;

Sur la rupture partielle de la relation commerciale

Considérant qu'il est constant que, par lettre en date du 31 mars 2011, Nutréa, se référant à une baisse d'activité de l'usine de Plouagat, a notifié à Rosec la réduction, à compter du 4 avril 2011, de 5 à 4 du nombre des ensembles routiers mis à la disposition de Nutréa par Rosec ;

Considérant que Rosec prétend que l'arrêt d'un véhicule sur cinq est constitutif d'une rupture partielle de la relation ;

Considérant que la rupture partielle des relations commerciales n'est caractérisée que par la perte effective et significative de chiffre d'affaires ; qu'en l'espèce, Rosec indique que les cinq lignes de transport routier représentaient 21 % de son chiffre d'affaires en année pleine (page 22 de ses dernières conclusions), de sorte que l'impact de l'arrêt d'un seul véhicule n'a pas excédé 4 % du chiffre d'affaires du transporteur ; qu'une telle variation n'excède pas la marge de manœuvre qui doit être laissée à tout agent économique d'adapter son activité de production ou de distribution à l'évolution du marché ; qu'il n'est pas, dans ces conditions, établi que le courant général d'affaires entre Rosec et Nutréa ait été substantiellement réduit par suite de la modification intervenue ;

Qu'aucune rupture partielle brutale n'étant dès lors caractérisée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Rosec de sa demande de ce chef ;

Sur la rupture totale de la relation commerciale

Considérant que, par lettre du 21 février 2012, NNA a rompu l'ensemble des relations commerciales avec un préavis de six mois expirant le 31 août 2012 ; que la durée du préavis appliqué, de six mois, doit être regardée comme suffisante au regard de l'ancienneté de la relation commerciale de 27 mois ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté Rosec de sa demande de ce chef ;

Considérant que l'équité commande de condamner Rosec, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, à payer à Unicopa la somme de 1 000 euro et à NNA celle de 1 000 euro ;

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit irrecevables les demandes de la SARL Rosec Transports de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats, ainsi que la pièce produite par la SARL Rosec Transports sous le numéro 59, Confirme le jugement entrepris, sauf sur la demande de la SARL Rosec Transports relative à la pratique de prix abusivement bas, Statuant à nouveau de ce chef, Dit prescrite la demande de la SARL Rosec Transports au titre de la période antérieure au 21 décembre 2011, Deboute la SARL Rosec Transports de sa demande au titre de la période postérieure au 21 décembre 2011, Deboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la SARL Rosec Transports, en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, à payer à la société Unicopa Développement la somme de 1 000 euro et à la SAS NNA celle de 1 000 euro, Condamne la SARL Rosec Transports aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.