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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 15 septembre 2015, n° 13-09057

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Haroui

Défendeur :

Codi France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

M. Leplat, Mme Guillou

Avocats :

Mes Minault, Bouvier, Hongre-Boyeldieu, Ittah

T. com. Nanterre, 4e ch., du 8 nov. 2013

8 novembre 2013

Vu l'appel interjeté le 10 décembre 2013, par Eric Haroui d'un jugement rendu le 8 novembre 2013 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui:

l'a condamné à payer à la société Codi France:

- la somme de 72 344,56 euros avec intérêts au taux équivalent à 3 fois l'intérêt légal à compter de la date d'échéance des factures, avec capitalisation des intérêts échus par année entière,

- la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- l'a condamné aux dépens;

Vu l'arrêt rendu le 10 mars 2015, par lequel la cour, avant-dire droit, a rappelé que les litiges découlant de l'article L. 442-6 du Code de commerce relèvent de la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris, a invité les parties à s'expliquer sur le moyen d'irrecevabilité relevé d'office par la cour tenant à son incompétence

Vu les dernières écritures en date du 6 mai 2015, par lesquelles Eric Haroui demande à la cour, au visa des articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce,1134 et 1382 du Code civil, de :

- constater l'incompétence de la Cour d'appel de Versailles au profit de la Cour d'appel de Paris et renvoyer l'affaire devant cette cour,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions,

- ordonner la nullité du contrat souscrit le 15 octobre 2009, avec la société Disval-Silor aux droits de laquelle se trouve la société Codi France,

- débouter la société Codi France de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société Codi France de son appel incident,

en tout état de cause,

- condamner la société Codi France au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens;

Vu les dernières écritures en date du 22 juin 2015, aux termes desquelles la société Codi France prie la cour, sur le fondement des articles 1134 du Code civil, L. 440-20, L. 441-6, L. 442-6, D. 442-3 du Code de commerce, 367 du Code de procédure civile, de:

- ordonner la disjonction de l'instance relative d'une part à la demande en nullité du contrat d'approvisionnement fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et d'autre part la demande en paiement de factures et chèques impayés fondée sur l'article 1134 du Code civil,

en conséquence:

- se déclarer incompétente uniquement pour statuer sur la demande en nullité du contrat d'approvisionnement fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce et renvoyer cette instance devant la Cour d'appel de Paris,

- se déclarer compétent pour statuer sur l'instance relative à la demande en paiement de factures impayées d'un montant de 72 344,56 euros fondée sur l'article 1134 du Code civil,

- condamner Eric Haroui au paiement de la somme de 72 344,56 euros majorée d'une pénalité au taux équivalent à trois fois l'intérêt au taux légal à compter de la date d'échéance de la facture, capitalisée année par année jusqu'à parfait paiement,

- condamner Eric Haroui au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner Eric Haroui au versement de la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de la procédure;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

- la société Codi France, venant aux droits de la société Disval-Silor, est spécialisée dans le commerce alimentaire auprès de magasins de proximité,

- au mois de juin 2009, Eric Haroui a acquis un fonds de commerce d'alimentation de proximité,

- le 15 octobre 2009, il a conclu avec la société Disval-Silor un contrat d'approvisionnement aux termes duquel il s'est engagé à s'approvisionner auprès de cette société pendant 5 ans, à hauteur de la somme de 7 500 euros HT minimum par mois, la société Disval-Silor lui concédant l'enseigne "Panier Sympa" et l'autorisation d'utiliser la marque éponyme déposée par la société Pro A Pro Distribution,

- Eric Haroui a rencontré des difficultés pour régler son fournisseur,

- il a cédé son fonds de commerce le 5 juillet 2011,

- la société Codi France a fait opposition sur le prix de vente,

- le 17 février 2011, la société Codi France a assigné Eric Haroui devant le Tribunal de commerce de Lons le Saunier en paiement de la somme principale de 72 344,56 euros,

- par jugement du 8 mars 2013, ce tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Nanterre,

- Eric Haroui a soulevé la nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

Considérant que la société Codi France demande le paiement de factures et de chèques impayés au titre du contrat d'approvisionnement, de distribution et de collaboration signé le 15 octobre 1999 avec Eric Haroui;

Que reconventionnellement, Eric Haroui, qui s'oppose à la demande en paiement, sollicite la nullité du contrat, fondant sa demande sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

Considérant que la société Codi France soulève l'inapplication de l'article L. 442-6 du Code de commerce en raison notamment de la licence de marque "Panier Sympa" concédée à Eric Haroui, des conditions de résiliation du contrat justes et équilibrées, de l'absence d'exclusivité et de dépendance économique de Eric Haroui;

Qu'elle reconnaît que la Cour d'appel de Paris est seule compétente pour statuer sur les demandes relevant de l'article L. 442-6 du Code de commerce, mais soutient que la demande de nullité n'a aucune incidence sur le paiement des factures et des chèques impayés de sorte qu'elle sollicite la disjonction en deux instances:

- l'une portant sur la demande en nullité du contrat d'approvisionnement fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce relevant de la compétence de la Cour d'appel de Paris,

- l'autre portant sur la demande en condamnation à paiement fondée sur l'article 1134 du Code civil au titre de laquelle la Cour d'appel de Versailles peut retenir sa compétence;

Considérant que Eric Haroui sollicite le renvoi de l'entier litige devant la Cour d'appel de Paris;

Qu'il s'oppose à une disjonction d'instance qui serait contraire à une bonne administration de la justice, faisant valoir qu'il n'existe pas dans cette affaire deux litiges de nature à être jugés séparément, mais qu'il y a bien un lien entre les pratiques restrictives imposées par le contrat et le caractère indu des factures dont il est demandé paiement;

Considérant que Eric Haroui fonde sa demande en nullité du contrat sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

Considérant que la société Codi France soutient vainement que ne seraient pas applicables au litige les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et que la conséquence de la demande de nullité du contrat formée par Eric Haroui serait sans incidence sur la demande en paiement des factures;

Qu'en effet, pour s'opposer à la demande en paiement, Eric Haroui prétend à la nullité du contrat, soutenant s'être trouvé dans une situation de domination économique et faisant valoir que: Surtout, si Monsieur Haroui a dû commander, ou plutôt accepter de recevoir la marchandise de la société Codifrance, c'est qu'il n'en avait absolument pas le choix compte tenu des termes du contrat. De plus, les commandes facturées à Monsieur Haroui ne reposant pas sur un réel besoin d'activité de son commerce, mais sur un contrat imposant des pratiques restrictives, la cour de céans considérera que les factures, dont la société Codifrance sollicite le règlement, ne sont pas fondées;

Que dans ces circonstances, la cour ne pourrait juger indépendamment la demande en paiement de la société Codi France sans examiner la validité du contrat dont elle découle nécessairement, de sorte que l'instance étant indivisible, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de disjonction sollicitée par la société Codi France;

Considérant que selon l'article D. 442- 3 du Code de commerce, entré en vigueur le 1er décembre 2009 :

Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.

La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris;

Qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, D. 442-3 du Code de commerce, quel que soit le tribunal de commerce qui ait été compétent en première instance antérieurement au 1er décembre 2009, que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L.442-6, privant toute autre cour d'appel du pouvoir de statuer sur une action fondée sur ces dispositions;

Considérant en l'espèce, que l'appel est formé contre une décision rendue dans un litige relatif à l'application de l'article L. 446-2 du Code de commerce;

Que de sorte, il convient de relever la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la Cour d'appel de Paris du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce;

Que l'appel formé par Eric Haroui, devant la Cour d'appel de Versailles dépourvue de tout pouvoir pour en connaître, sera donc déclaré irrecevable;

Par ces motifs, LA COUR, Rejette la demande de disjonction sollicitée par la société Codi France, Déclare irrecevable l'appel formé par Eric Haroui, Laisse les dépens d'appel à la charge de chacune des parties.