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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 23 septembre 2015, n° 13-13806

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Free mobile (SAS), Free (SAS), Groupe Iliad

Défendeur :

Ministre de l'Economie et des Finances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

Mme Luc

Avocat général :

Mme Guidoni

Avocat :

Mes Utzschneider

TGI Paris, JLD, du 21 mai 2013

21 mai 2013

Vu la déclaration de recours formée le 5 juin 2013 au greffe de la Cour d'appel de Paris, par les sociétés Free, Free Mobile et Groupe Iliad contre l'ordonnance n° 2013-01 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris en date du 21 mai 2013 autorisant les opérations de visite et saisie ;

Vu l'enregistrement de ces recours sous les n° 13-13806, 13-13859 et 13-13828 ;

Suite à une plainte déposée le 16 janvier 2013 par l'UFC Que Choisir, plainte imputant à la société Free Mobile des agissement ayant pour effet de restreindre le service d'accès à l'Internet 3G mobile offert à ses abonnés, agissements qui seraient susceptibles de constituer une pratique commerciale trompeuse, contraire aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris a demandé au chef du service national des enquêtes de la DGCCRF de procéder à une enquête, par soit-transmis du 5 février 2013.

Par requête du 16 mai 2013, le chef du service national des enquêtes de la DGCCRF a demandé l'autorisation au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris de réaliser des opérations de visite et saisie dans les locaux suivants :

À Paris 750008, 16 rue de la Ville l'Evêque, occupés par la société Free Mobile,

À Paris 75008, 16 Rue de la Ville l'Evêque, occupés par la société Groupe Iliad,

À Paris, 75008, 8 Rue de la Ville l'Evêque, occupés par la société Free SAS,

Aux fins d'établir si ces sociétés se livraient à des pratiques prohibées par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, ainsi que toute manifestation de ces agissements prohibés.

Par ordonnance en date du 21 mai 2013, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a autorisé lesdites opérations de visite domiciliaire, avec la date butoir du 11 juin 2013, " afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, ainsi que toute manifestation de ces agissements prohibés ".

Les opérations de visite et saisie se sont déroulées les 28 et 29 mai 2013 dans l'ensemble des locaux susmentionnés.

Postérieurement à l'opération de visite et saisie, les sociétés appelantes ont été convoquées par courrier du 5 juin 2013 afin de procéder à l'ouverture des scellés n° 10, 11 et 12, qui n'avaient pu être exploités le jour des opérations. Ces opérations ont eu lieu les 17 et 24 juin 2013.

Le 5 juin 2013, les sociétés Free, Free Mobile et Groupe Iliad ont formé des recours contre l'ordonnance n° 2013-01 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance en date du 21 mai 2013 autorisant les opérations de visite et saisie.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 octobre 2014, les sociétés Free, Free Mobile et Groupe Iliad ont demandé au Premier Président de la Cour d'appel de Paris :

1 de constater le caractère incomplet du dossier présenté par la DGCCRF au juge des libertés et de la détention (plainte, procès-verbaux effectués chez France Telecom, études techniques, actes d'enquête effectués chez Bouygues et SFR),

de dire que le refus par la DGCCRF de communiquer les pièces manquantes constitue une violation des principes d'égalité des armes et du droit à un procès équitable prévus par l'article 6§1 de la CESDH,

de dire que la DGCCRF a contrevenu à l'article 6§1 de la CESDH et au principe de loyauté dans l'administration de la preuve en ne communiquant qu'une sélection des pièces au juge des libertés et de la détention,

de dire et juger que l'ordonnance, qui a autorisé les opérations sur la base d'un dossier incomplet, contrevient aux dispositions des articles 6§1 de la CESDH et L. 450-4 du Code de commerce, et doit être annulée,

2 de constater que les entreprises Iliad et Free sont toutes deux des entreprises de communication audiovisuelle et qu'Iliad est également une entreprise de presse,

de dire que la DGCCRF, alors qu'elle connaissait cette situation, n'en a pas informé le juge des libertés et de la détention,

de dire que l'ordonnance n° 2013-01 autorisant les opérations de visite et saisie a contrevenu aux dispositions spécifiques de l'article 56-2 du Code de procédure pénale en ne prévoyant pas la présence constante d'un magistrat durant les opérations et doit être annulée,

3 de dire que l'ordonnance susmentionnée a pour fondement un soit-transmis irrégulier, aucun texte ne permettant au procureur de la République d'ordonner la réalisation d'une opération de visite et saisie par la DGCCRF et est donc nulle,

4 de dire que l'ordonnance n'a pas mentionnée les modalités de saisine du JLD pendant le déroulement des opérations, ni les coordonnées du juge, ce qui a fait grief aux sociétés en cause, et justifie son annulation,

5 de constater que l'ordonnance n° 2013-01 a été rendue en référence à des pièces manquantes ou incomplètes, ce qui témoigne de l'absence de contrôle juridictionnel effectif du JLD, et justifie l'annulation de l'ordonnance,

6 de constater que l'ordonnance a contrevenu au principe de proportionnalité des articles 8 de la CESDH et L. 450-4 du Code de commerce et en prononcer l'annulation, en ce qu'elle a autorisé les mesures de visite et saisie dans les locaux des appelantes, alors même que le recours à l'article L. 450-4 du Code de commerce ne constituait pas le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés, sans aucune restriction quant au champ de l'enquête, alors même que les indices d'infraction invoqués par la DGCCRF concernaient uniquement le service de l'accès à l'Internet mobile et sans restriction quant aux entreprises visées,

7 à titre subsidiaire, d'annuler l'ordonnance par voie de retranchement en ce qu'elle concerne, sans aucune limitation, l'ensemble des activités relevant des sociétés du groupe Iliad et non pas uniquement la seule activité objet de l'enquête, à savoir l'offre de service d'accès à l'Internet Mobile 3G proposée par la société Free Mobile et l'ensemble des entreprises du groupe Iliad domiciliées aux 8 et 16 rue de la Ville L'Evêque à Paris alors même que ces entreprises, à l'exception de Free Mobile, ne présentent aucun lien avec l'objet de l'enquête rappelée ci-dessus,

en tout état de cause,

de condamner la DGCCRF aux entiers dépens ;

Par conclusions responsives signifiées le 22 octobre 2014, le ministre de l'Economie, représenté par le chef du service national des enquêtes de la DGCCRF, a demandé au Premier Président de la Cour d'appel de Paris de déclarer régulière l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de grande instance de Paris du 21 mai 2013 ;

Par conclusions du 25 mars 2014, le Ministère public a conclu à la confirmation de l'ordonnance du 21 mai 2013.

SUR CE,

Considérant qu'il y a lieu, dans le souci de l'administration d'une bonne justice de joindre les recours enregistrés sous les numéros 13-806, 13-13859 et 13-13828 ;

1) Sur les droits de la défense et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve

Considérant que les sociétés Free, Free Mobile et Iliad soutiennent que la DGCCRF a présenté au JLD un dossier incomplet ; qu'elle n'a pas communiqué au JLD les annexes des procès-verbaux de France Télécom des 28 février et 18 mars 2013, les études techniques visées dans la requête de la DGCCRF et les annexes de la plainte pénale de l'UFC Que Choisir et, que pourtant, le JLD se réfère à ces pièces dans son ordonnance ; que la DGCCRF n'a pas communiqué les procès-verbaux d'audition réalisés auprès de Bouygues Télécom et SFR, ni les résultats de l'étude non-officielle menée par l'un des opérateurs ;

que ce défaut de communication constituerait une méconnaissance de l'article 6 § 1 de la CESDH et du principe d'égalité des armes, car ces pièces, susceptibles de constituer des éléments à décharge, n'ont pas pu être discutées par les appelantes ; qu'ayant opéré un tri parmi les pièces, la DGCCRF a méconnu le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ; que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce et du principe de l'égalité des armes et du contradictoire de l'article 6§1 de la CESDH ont été violées " en raison du caractère incomplet du dossier présenté par la DGCCRF au juge des libertés et de la détention " ;

Considérant que le ministre de l'Economie, représenté par le chef du service national des enquêtes de la DGCCRF soutient, s'agissant du caractère incomplet du dossier présenté au juge des libertés et de la détention, " que le texte de l'article L. 450-4 du Code de commerce n'impose la fourniture que des seuls éléments utiles à la décision du JLD et non de l'intégralité des pièces en possession des services d'enquête " ; qu'ainsi, la DGCCRF n'était tenue de produire, à l'appui de sa requête, que les éléments d'information de nature à la justifier et non l'ensemble des éléments dont elle disposait ; que, s'agissant de l'atteinte au principe de loyauté dans l'administration de la preuve invoquée par les sociétés Free, Free Mobile et Iliad, si certains documents ont, comme l'affirment les appelantes, été transmis au juge sans certaines de leurs annexes, ou avec une reproduction partielle de celles-ci, le juge a néanmoins trouvé, dans les autres documents transmis, des indices qu'il a estimés suffisants ; qu'il est ainsi, notamment, fait référence, pour démontrer que le juge s'est fondé sur des indice suffisants, à un rapport " très complet et très détaillé " de l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes intitulé " la qualité des services de voix et de données des opérateurs mobiles 2G et 3G en France métropolitaine " et auquel l'ordonnance critiquée fait expressément référence en pages 8 et 9 ;

Considérant qu'il résulte de l'alinéa 2 de l'article L. 450-4 du Code de commerce que " Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite" ;

Considérant qu'il ne ressort pas de cet article l'obligation de l'Administration de communiquer au JLD tous les éléments en sa possession ; que seuls les éléments de nature à justifier la visite sont communiqués au JLD ; que l'Administration est donc libre de choisir les éléments qu'elle estime devoir présenter au soutien de sa demande d'autorisation, sous réserve que ce choix n'ait pas eu pour effet de tromper le JLD ; que l'accès au dossier complet constitué par l'Administration au soutien de ses griefs ne s'exerce que lors de la phase ultérieure éventuelle d'accusation, et non lors de la phase d'enquête ; que la procédure d'autorisation des opérations de visite et saisie devant le JLD n'est pas contradictoire ; que le moyen de tromperie du JLD n'est pas soulevé par les appelantes ; qu'ainsi, la DGCCRF n'avait pas à communiquer : les annexes du procès-verbal du 18 mars 2013, les tests en eux-mêmes, à l'exception de l'étude de l'ARCEP et les investigations périphériques ;

Considérant qu'il n'en résulte aucune contradiction avec le principe de l'égalité des armes, selon lequel chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire ; que ce principe garantit, notamment, que chaque partie a un égal accès aux pièces communiquées au juge, afin de pouvoir assurer sa défense ; qu'en l'espèce, il convient de vérifier que les appelantes ont eu accès aux mêmes pièces que le juge ;

Considérant que, selon les termes de l'ordonnance (page 9), "les indices résultant des tests (annexes 4 et 8 de la requête), de la teneur du partenariat entre les deux opérateurs (annexe 18 de la requête), de l'état du réseau de Free Mobile (annexes 8, 21, 23 et 33 de la requête) et des plaintes (annexes 2, 4 et 10 de la requête) constituent un faisceau concordant laissant à penser que Free Mobile a réalisé un bridage délibéré du débit accordé aux clients qui cherchent à accéder à Internet" ; que les annexes 4 et 8 de la requête sont constituées de la plainte de l'UFC Que choisir sans les annexes (annexe 4) et de la copie de la revue Capital du 20 juin 2012, intitulée "Free Mobile : des débits internes toujours aussi faibles" (annexe 8) ; que les "indices résultant des tests", dont parle l'ordonnance attaquée, ne se réfèrent pas, d'après les termes-mêmes de l'ordonnance, aux tests eux-mêmes, mais à leurs résultats, tels que présentés dans le magasine Capital pour le test Directique (annexe 8) et dans la plainte de l'UFC-Que Choisir pour le test UFC (annexe 4) ; que l'ordonnance du JLD mentionne en effet en page 8 : "en juin 2012, le magazine Capital a fait procéder à des tests réalisés par le cabinet d'études Directique pour examiner la qualité du "surf sur Internet" pour les abonnés Free Mobile (annexe 8) ; que les mesures effectuées montrent que les performances de Free Mobile sont très en deçà de celles des trois autres opérateurs de téléphonie mobile en matière d'Internet mobile" ; "qu'en novembre et décembre 2012, l'UFC-Que choisir a commandé une étude similaire à celle réalisée pour le compte de Capital, qui aboutit aux mêmes conclusions (annexe 4 de la requête)" ; que le JLD disposait de l'étude de l'ARCEP en annexe 21 de la requête, à laquelle renvoyait l'annexe 4 : "qu'en novembre 2012, l'ARCEP a publié une étude d'où il ressort que les services offerts par Free Mobile restent médiocres en comparaison des prestations assurées par les autres opérateurs (annexe 4)" ;

Considérant, en l'espèce, que les appelantes ne justifient pas que le JLD se serait basé, pour autoriser les opérations, sur des pièces dont elles n'auraient pas eu communication, ou aurait fondé son autorisation sur des pièces dont il n'aurait pas eu connaissance ;

Considérant qu'il ne saurait être reproché à la DGCCRF de ne pas avoir transmis tous les tests ; qu'en effet, il convient à ce stade de vérifier si le JLD disposait d'éléments de nature à justifier des investigations coercitives dans les locaux des entreprises ; qu'il n'est pas exigé, à ce stade, que la preuve des pratiques litigieuses soit rapportée par la DGCCRF, mais que des indices de nature à établir que les pratiques sont susceptibles d'être qualifiées de trompeuses soient présentés au JLD ; que cet examen sera effectué avec le moyen soulevé spécifiquement sur ce point par les appelantes ;

Considérant, en conséquence, que le moyen tiré de la violation des droits de la défense et du principe de loyauté sera rejeté ;

2) Sur le statut spécifique des sociétés Free et Iliad

Considérant que les sociétés Free, et Iliad soutiennent qu'elles auraient du bénéficier du statut spécifique d'entreprises de presse et de communication audiovisuelle, prévu à l'article 56-2 du Code de procédure pénale ; qu'en vertu de ce texte, l'ordonnance aurait dû désigner le magistrat chargé de diriger les opérations ; que ces dispositions n'ayant pas été respectées, l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention serait nulle ;

Considérant que le ministre de l'Economie conteste, d'une part, l'application des dispositions de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, estimant que l'article 56-2 du Code de procédure pénale ne s'applique qu'aux perquisitions pénales et non aux opérations administratives de visite et saisies et, d'autre part, s'appuie sur une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 11 janvier 2012 n° 10-85.446), aux termes de laquelle : " attendu que pour infirmer cette décision, l'ordonnance attaquée énonce que les présomptions doivent être d'autant plus précises, graves et concordantes, qu'il s'agit d'une entreprise de presse, les perquisitions dans ces lieux étant en outre soumises aux exigences de l'article 56-2 du Code de procédure pénale ; mais attendu qu'en statuant ainsi, le juge a ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas " ; que, par voie de conséquence, le fait de soumettre l'autorisation des opérations de visite et saisies dans des entreprises de presse à des conditions particulières n'est pas exigé par les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

Considérant qu'il résulte de l'article 56-2 du Code de procédure pénale que " Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57. Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Ces dispositions sont édictées à peine de nullité " ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les sociétés Free et Iliad soient des entreprises de communication ;

Considérant que l'objet de l'ordonnance contestée est d'autoriser des visites et saisies au siège de Free Mobile, Iliad et Free pour rechercher des pratiques commerciales trompeuses ;

Considérant que les pratiques commerciales trompeuses, énoncées aux articles L. 121-1 à L. 121-7 du Code de la consommation (à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code) sont recherchées dans les conditions fixées par l'article L. 450-4 du Code de commerce, l'article L. 141-1 du Code de la consommation, stipulant : " Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du Code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent Code : (...) 2° Les sections 1 à 4 bis, 8, 9, 12 et 15 du chapitre Ier du titre II du livre Ier " ;

Considérant que l'article L. 450-4 du Code de commerce règlemente le régime des " visites et saisies " réalisées par la DGCCRF, notamment dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques restrictives de concurrence et des pratiques commerciales trompeuses ; que cet article énonce que " Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. (...). La visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Il désigne le chef du service qui devra nommer les officiers de police judiciaire chargés d'assister à ces opérations et d'apporter leur concours en procédant le cas échéant aux réquisitions nécessaires, ainsi que de le tenir informé de leur déroulement. Lorsqu'elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal de grande instance, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. (...).

L'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix (...) " ;

Considérant que cet article ne renvoie à aucun moment à l'article 56-2 du Code de procédure pénale, le seul renvoi figurant dans l'article L. 450-4 du Code de commerce étant le renvoi à l'article 56 ;

Considérant qu'en l'absence de renvoi express à cet article, l'article 56-2 du Code de procédure pénale ne saurait s'appliquer aux visites et saisies administratives ; qu'en effet, cet article régit les perquisitions pénales réalisées en flagrance diligentées " dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité " ; que les opérations de visites et saisies administratives obéissent à un régime distinct de celui des perquisitions pénales et ce régime particulier ne prévoit aucune procédure spéciale pour les visites et saisies effectuées au siège d'entreprises de presse ou de communication ;

Considérant que les appelantes soutiennent que la Cour d'appel de Paris a, dans un arrêt du 16 novembre 2009, annulé divers procès-verbaux dans le cadre d'une procédure pénale qui concernait l'UFC Que choisir, Free et Iliad, au visa des articles 56-2 et 96 du Code de procédure pénale, le juge n'ayant pas personnellement dirigé les opérations de perquisition au sein des entreprises de communication ;

Mais considérant que cet arrêt se contente d'appliquer les articles 56-2 et 96 du Code de procédure pénale au déroulement des perquisitions effectuées dans le cadre d'une procédure pénale, visant Free et Iliad ; que cet arrêt est dépourvu de pertinence pour démontrer que l'article 56-2 s'appliquerait aussi dans le cadre d'opérations administratives de visite et saisie ;

Considérant que les appelantes citent encore la circulaire du 27 janvier 1993 relative à la présentation de l'ensemble des dispositions de la loi du 4 janvier 1993, ayant créé l'article 56-2 du Code de procédure pénale, aux termes de laquelle " aucune perquisition dans les locaux d'une entreprise de presse écrite ou audiovisuelle ne pourra être réalisée hors la présence d'un magistrat, juge d'instruction ou procureur de la République " ;

Mais considérant que cette circulaire est relative aux seules perquisitions pénales ;

Considérant que les appelantes exposent que le JLD de Bobigny a, le 12 mai 2009, autorisé des opérations de visite et saisie au visa exprès des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56-2 du Code de procédure pénale ;

Mais considérant que cette ordonnance a été annulée par une ordonnance du magistrat délégué par le premier président de la Cour d'appel de Paris du 17 juin 2010, elle-même cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2010 ; que la Cour de cassation a estimé que la cour d'appel avait " ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comport(ait) pas ", en énonçant que " les présomptions (de pratiques anticoncurrentielles) doivent être d'autant plus graves et concordantes, qu'il s'agit d'autoriser des opérations de visite et saisie dans les locaux d'entreprises de presse, les perquisitions dans ces lieux étant en outre soumises aux exigences de l'article 56-2 du Code de procédure pénale " ; que la Cour de cassation corrige au passage dans l'attendu en cause, les termes utilisés par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel, en ce qu'il avait exigé des présomptions renforcées de pratiques, en prenant en compte " que le législateur national impose aussi depuis de nombreuse années, dans l'article 56-2 du Code de procédure pénale, qu'une visite ou perquisition ne puisse porter atteinte au libre exercice de la profession de journaliste " ; que la Cour de cassation applique le régime de droit commun des visites de l'article L.450-4 du Code de commerce aux entreprises de presse et communication et ne parle, dans son attendu, que de " perquisition (...) soumises aux exigences de l'article 56-2", à l'exclusion de " visite " ; que la seconde ordonnance du magistrat délégué, rendue à la suite de la cassation, du 31 août 2012, ne fait d'ailleurs plus aucune référence à cet article 56-2 du Code de procédure pénale ;

Considérant, enfin, que les appelantes ne peuvent tirer argument des différences de protection entre les entreprises, selon que les entreprises feraient l'objet de visite domiciliaire ou de perquisitions pénales, pour démontrer que l'article 56-2 du Code de procédure pénale ne peut que s'appliquer dans les deux cas ; qu'en effet, le régime des perquisitions pénales est très différent de celui des visites domiciliaires : qu'elles sont effectuées par des agents différents, fonctionnaires pour les visites et saisies, OPJ pour les perquisitions ; qu'elles font l'objet de recours différents, les perquisitions de flagrance n'étant susceptibles que d'un recours avec le fond, alors que les visites le sont à bref délai, tant au niveau de l'autorisation que du déroulement ; que la présence d'un avocat, de droit pour les visites domiciliaires, ne l'est pas lors des perquisitions ;

Considérant, qu'il résulte de ce qui précède qu'en n'appliquant pas les dispositions de l'article 56-2 du Code de procédure pénale, et en ne prévoyant pas, dans son ordonnance, qu'il procèderait lui-même aux opérations de visite et saisie ou qu'un autre juge y procèderait, conformément à cet article, le juge a fait une juste application de l'article L. 450-4 du Code de commerce ; qu'en conséquence, ce moyen sera rejeté ;

3) Sur l'origine de l'enquête

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent qu'aucun texte ne prévoit que le procureur de la République puisse ordonner aux enquêteurs de la DGCCRF de diligenter une enquête ; qu'il apparait que les actes de procédure effectués par la DGCCRF sont dans la dépendance directe du soit-transmis du procureur de la République et de la plainte pénale de l'UFC Que Choisir ; qu'ainsi, les opérations de visite et saisie seraient irrégulières ;

Considérant que le ministre de l'Economie conteste ce moyen, soulignant que " c'est bien la demande d'enquête du ministre de l'Economie, dont le service national des enquêtes était également saisi, qui a justifié la demande d'autorisation formée par ce service auprès du JLD et non le soit-transmis " ; que l'ordonnance attaquée n'est donc pas fondée sur le soit-transmis ;

Considérant que le parquet peut déclencher une enquête de la DGCCRF, qui agit alors sous son autorité ; qu'en effet, il résulte de l'article L. 121-2 du Code de la consommation que : " Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ceux de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'Agriculture et ceux du service de métrologie au ministère de l'Industrie sont habilités à constater, au moyen de procès-verbaux sur l'ensemble du territoire national les pratiques commerciales trompeuses. (...). Les procès-verbaux sur l'ensemble du territoire national dressés en application du présent article sont transmis au procureur de la République " ; qu'ils sont donc investis d'une mission de police judiciaire pour constater ces infractions, sous la direction du parquet ; que par soit-transmis du 5 février 2013, le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris a saisi le chef du Service National des Enquêtes de la DGCCRF d'une demande d'enquête ;

Considérant que selon les dispositions de l'article L. 141-1 du Code de la consommation, déjà cité, " I.-Sont recherchés et constatés, dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du Code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent Code : (...) 2° Les sections 1 à 4 bis, 8, 9, 12 et 15 du chapitre Ier du titre II du livre Ier " ; que d'autre part, selon l'article L. 450-4 du Code de commerce, " Les agents mentionné à l'article L. 450-1 ne peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'Economie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. (...) " ; que, par délégation du ministre de l'Economie, Madame la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a désigné M. Didier Gautier, directeur fonctionnel, chef du service national des enquêtes, pour mener une enquête sur les pratiques en cause et, éventuellement, obtenir l'autorisation de visite et saisie prévue par l'article L. 450-4 du Code de commerce ; que c'est cette décision du ministre de l'Economie qui a habilité M. Didier Gautier à saisir le JLD ; que cette décision n'est pas contestée ; qu'il est indifférent, pour l'application de l'article L. 450-4 du Code de commerce, que le ministre de l'Economie ait agi à la demande du parquet, ou d'initiative, sur la seule plainte de l'association UFC Que choisir, le 25 juin 2012 ;

4) Sur l'article 6§1 de la CESDH

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent que l'ordonnance a été rendue en violation de l'article 6§1 de la CESDH, car elle ne mentionne pas que les enquêteurs de la DGCCRF puissent faire connaître aux entreprises visées leur droit de soumettre toute difficulté au juge des libertés et de la détention, et n'indique ni la possibilité et les modalités de la saisine du juge des libertés et de la détention en vue de la suspension ou de l'arrêt des visites, ni les coordonnées du juge des libertés et de la détention ou du juge de permanence, de sorte que les appelantes n'avaient aucune possibilité de le saisir d'une difficulté pendant le déroulement des opérations ; que ces lacunes de l'ordonnance les auraient privées d'un accès effectif au juge, ce qui se serait confirmé lors du déroulement des opérations ;

Considérant que le ministre de l'Economie conclut au rejet de ce moyen ;

Considérant que les agents qui procèdent à la visite n'ont pas l'obligation légale de faire connaître aux intéressés la faculté de soumettre les difficultés d'exécution au juge, lequel n'est tenu de mentionner, dans l'ordonnance d'autorisation, ni la possibilité ni les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou l'arrêt de la visite ; que par ailleurs l'article L.450-4 du Code de commerce n'oblige pas à mentionner les coordonnées du juge compétent sur les ordonnances d'autorisation ;

Considérant que l'article 6 alinéa 1 de la CESDH prévoit que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) " ;

Considérant que l'ordonnance mentionne les recours offerts aux entreprises faisant l'objet d'une visite domiciliaire, à savoir l'appel contre l'ordonnance elle-même, et le recours en contestation du déroulement de la visite et des saisies effectuées en exécution de celle-ci ; qu'il n'est pas allégué par les appelantes que les modalités du recours porté devant le magistrat délégué du premier président de la cour d'appel sur le déroulement des opérations seraient contraires à l'article 6 de la CESDH ;

Considérant que les appelantes soutiennent, en revanche, que l'absence des mentions litigieuses sur l'ordonnance d'autorisation les priverait d'un recours effectif sur le déroulement des opérations ; que, cependant, les appelantes ne sauraient soutenir que l'absence d'un accès automatique au juge pendant les opérations elles-mêmes, leur permettant de lui soumettre toute difficulté en l'appelant directement sur sa ligne téléphonique, serait contraire à l'article 6 ; que la présence sur les lieux d'un officier de police judiciaire, chargé de tenir le juge informé du déroulement des opérations, ainsi que de tout incident pouvant survenir, garantit suffisamment le droit des entreprises à ce que les difficultés rencontrées soient correctement consignées, éventuellement traitées et prises en compte dans l'appréciation finale du déroulement des opérations, lors du recours sur le déroulement prévu par la loi ; que c'est l'officier de police judiciaire qui est l'intermédiaire entre les parties et le juge et décide de l'opportunité de lui soumettre un problème particulier ; que l'accès au juge s'exerce donc par son intermédiaire ou directement par un fax adressé au juge en son tribunal ;

Considérant, au surplus, que le moyen, non fondé en droit, manque aussi en fait ; qu'en effet, la possibilité ou les modalités de la saisine du juge des libertés et de la détention en vue de la suspension ou de l'arrêt des visites sont nécessairement connues des parties par l'intermédiaire de leur service juridique, ou de leur avocat ; que si les coordonnées du juge des libertés et de la détention n'ont pas à être transmises aux parties, en toute hypothèse, le juge des libertés qui a rendu l'ordonnance est nécessairement accessible dans son tribunal ; que les appelantes échouent donc à démontrer que l'absence des mentions litigieuses les auraient privées d'un accès effectif au juge ;

Considérant que les parties invoquent, à tort, au soutien de leurs prétentions, un arrêt Ravon du 21 février 2008 de la CEDH (requête numéro 18497-03), qui aurait énoncé que l'accès au juge des libertés était plus théorique qu'effectif pendant le déroulement des opérations de visites et saisies et en aurait conclu à l'absence de recours effectif ; qu'en effet, ce n'est que dans le cadre d'une appréciation globale de la procédure de visite domiciliaire prévue par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, que la Cour européenne des droits de l'Homme a recherché si l'absence de recours effectif, en fait comme en droit, à l'encontre de la décision prescrivant les opérations de visites et de saisie pouvait être rachetée par le contrôle du déroulement de celles-ci ; qu'à aucun moment la cour n'a conclu à la non-conformité, à l'article 6 de la CESDH, du contrôle du déroulement des opérations, n'étant saisie que du contrôle de l'ordonnance les ayant autorisées ;

5) Sur le moyen relatif à l'absence de contrôle juridictionnel effectif du bien-fondé de la demande d'enquête lourde

Considérant que les appelantes soutiennent que l'absence de contrôle juridictionnel effectif du juge résulte du fait que l'ordonnance d'autorisation se fonde sur des études et tests qu'il n'a pas examinés ou sur des pièces incomplètes ;

Mais considérant qu'il a déjà été répondu sur ce point ;

Considérant que les appelantes soutiennent encore que le juge s'est basé sur des pièces dénuées de pertinence et de force probante ; que l'ordonnance affirme au visa des annexes 12 à 20 que le service d'accès à l'Internet mobile 3G offert par Free Mobile serait illimité, ce qui ne ressortirait pas de ces pièces ; que l'ordonnance mentionne aussi que les dysfonctionnements se seraient poursuivis jusqu'à ce jour (page 8), au visa de l'annexe 31 qui ne contient pas cette information ; que l'annexe 18 (page 9) n'a rien à voir avec le partenariat entre Free Mobile et France Télécom ; que les indices des dysfonctionnements relevés par l'ordonnance en page 7 (annexes 8, 10 et 33) sont constitués de copies d'écran de sites Internet auxquelles ne saurait être conférée une valeur probante, car réalisées dans des conditions ignorées ; que l'ordonnance prétend que " les stratégies élaborées par la société Free Mobile (...) le sont suivant des modalités secrètes ", alors qu'une pratique commerciale trompeuse s'appuie sur des éléments diffusés publiquement et est suffisamment établie par un décalage entre le contenu de l'offre et ses caractéristiques réelles, sans avoir besoin de recourir aux enquêtes lourdes pour établir les origines de la pratique, nullement exigées pour l'établir ;

Mais considérant que le ministre de l'Economie soutient à juste titre que l'accès à l'Internet mobile 3G sans limitation figure dans le communiqué de presse en annexe 11, et dans les offres tarifaires de Free Mobile (annexe 14) ; que si le terme " accès illimité " ne figure pas sur ces offres, aucune restriction de durée n'y est prévue, ce qui équivaut de facto à un accès illimité, la seule restriction portant sur le volume (jusqu'à 3 Go) ; que l'ordonnance ne vise l'annexe 31 que pour illustrer le lancement des offres commerciales litigieuses de Free Mobile et non pour illustrer leur persistance dans le temps ; que l'annexe 18 intitulée " copie des conditions générales d'abonnement de Free Mobile au 24 janvier 2012 " comporte la mention, relative au contrat d'itinérance, selon laquelle le service concerné est proposé " en itinérance 2G/3G sur tout ou partie du réseau d'un opérateur historique partenaire " ;

Considérant qu'il appartient au magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel de s'assurer que le juge des libertés a suffisamment caractérisé l'existence de présomptions de pratiques commerciales trompeuses, justifiant la mesure autorisée ; que ces présomptions résultent d'indices et de preuves librement produites par l'Administration, sous réserve de leur licéité apparente et de leur recueil dans des conditions loyales ;

Considérant que les copies d'écran versées aux débats ne sont pas dépourvues de toute valeur probante, au seul motif que les conditions de leur réalisation sont ignorées ; qu'elles constituent des indices, non utilement contestés par les appelantes, selon lesquels les utilisateurs des forfaits Free Mobile se sont plaints des dysfonctionnements en cause, la circonstance que seuls quelques milliers d'entre eux en aient témoigné n'enlevant pas à ces indices leur valeur probatoire ;

Considérant que la réunion de ces indices avec les autres indices relevés par le juge caractérise le niveau de présomptions requis ; qu'il résulte des éléments présentés au juge que Free Mobile commercialisait des abonnements à des forfaits de téléphonie mobile, comportant des accès à Internet sans restriction de durée ; que l'opérateur a fortement communiqué sur ce point dans les medias ; que les problèmes d'accès aux services d'Internet de Free Mobile ont été signalés (plaintes de mobinautes, pétition en ligne, plainte de l'UFC) ; que des tests ont confirmé les dysfonctionnements constatés ; qu'il résulte de ces éléments une présomption de pratiques commerciales trompeuses, contraires aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation ;

Considérant que cette présomption justifie le recours à l'enquête lourde, afin de déterminer le caractère délibéré des pratiques, allant au-delà d'une simple négligence ; qu'en effet, était suspecté le bridage volontaire des accès à Internet dans le but de minimiser les frais d'itinérance ; que ce bridage résulterait d'une stratégie nécessairement cachée de l'entreprise, que seule une enquête lourde pouvait permettre d'établir, la révélation spontanée des pratiques par les chefs d'entreprises étant plus qu'improbable ; que, par ailleurs, le recours à l'enquête lourde n'est nullement subordonné à la réalisation préalable d'une enquête simple ;

6) Sur le principe de proportionnalité

Considérant que les appelantes invoquent en outre une violation des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce et de l'article 8 de la CESDH, dont il ressort qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit de toute personne au respect de son domicile que si celle-ci est proportionnée au but légitime qu'elle poursuit en fonction des circonstances de l'espèce ; que le recours à l'article L. 450-4 du Code de commerce leur apparaît disproportionné, une enquête simple conforme à l'article L. 450-3 étant suffisante ; que les enquêteurs n'ont pas cherché à obtenir les informations en auditionnant les responsables des entreprises, avant de recourir à l'article L. 450-4 ; que le champ de l'autorisation doit être directement corrélé aux éléments d'information soumis au juge ; qu'alors que la demande d'enquête visait à déterminer si la société Free Mobile restreignait le service d'accès à Internet vendu à ses abonnés comme illimité jusqu'à 3 Giga-octets, en contravention avec les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation, l'ordonnance permet de " rechercher la preuve d'agissements entrant dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation " ; que l'ordonnance ayant autorisé des visites et saisies dans les locaux des appelantes, elle permettrait de saisir toute pièce en lien avec les activités relevant de toutes les sociétés du groupe Iliad, alors que seul le service d'accès à l'Internet mobile était visé par l'enquête ; que l'autorisation est donc trop large ; que l'ordonnance attaquée, en autorisant des mesures de visite domiciliaire sans aucune restriction quant au champ de l'enquête alors que les indices invoqués par la DGCCRF concernaient le seul service de l'accès à l'Internet mobile, serait par conséquent, selon les sociétés Free, Free Mobile et Iliad, disproportionnée et injustifiée, et, de ce fait, irrégulière ; que les pièce saisies dépasseraient le champ défini dans les motifs de l'ordonnance ; que l'ordonnance enfreint également le principe de proportionnalité en autorisant les visites et saisies dans les locaux du groupe Iliad et de Free Mobile et des sociétés du même groupe sises à la même adresse et dans ceux de la société Free SAS et des sociétés du même groupe sises à la même adresse, alors que la plainte et la requête ne visaient que les pratiques de la société Free Mobile ; que la seule circonstance que ces sociétés partagent des locaux communs ne saurait justifier ces mesures ; que les appelantes sollicitent l'annulation, par voie de retranchement de l'ordonnance ;

Considérant que le ministre de l'Economie réplique que l'ordonnance n'a pas un champ trop large puisque cette dernière vise bien à établir si la société Free Mobile s'est livrée à des pratiques prohibées par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation ; que " l'ordonnance justifiait clairement la nécessité d'autoriser la réalisation d'opérations de visite et de saisie dans les locaux de toutes les sociétés du groupe Iliad situées aux 8 et 16 Rue de la Ville l'Evèque " ; que "le juge qui autorise des opérations de visite et saisie dans les locaux d'une société n'est pas tenu d'identifier toutes les sociétés du même groupe, domiciliées à la même adresse " (Cass. crim., 4 avril 2012, société urbaine de travaux, n° 10-88.195) ; que les preuves des pratiques recherchées pouvaient parfaitement se trouver dans les locaux communs de l'une quelconque des sociétés du groupe concerné et qu'à ce titre la DGCCRF était en droit, sur la seule base de l'existence de locaux communs, de recourir aux mesures prévues par l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

Considérant que, comme rappelé plus haut, la réalisation d'une enquête simple n'est nullement un préalable à une demande de visite et saisie ; que l'audition des responsables des entreprises en cause n'était donc pas un préalable obligé ; que, de plus, l'effet de surprise attendu des visites et saisies aurait été anéanti par de tels actes d'enquête ;

Considérant, concernant le champ de l'enquête, qu'il est suffisamment circonscrit par le dispositif qui habilite M. Gautier, chef du Service National des Enquêtes à " rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du Code de la consommation " ; que ce dispositif doit être lu à la lumière de la motivation de l'ordonnance, qui en constitue le support nécessaire ; que l'objet de l'enquête est clairement rappelé en page 5 de l'ordonnance et vise " à établir si la société Free Mobile restreint le service d'accès à Internet vendu à ses abonnés comme illimité jusqu'à 3 Giga-octets en contravention avec les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-1-1 (pratiques commerciales trompeuses) du Code de la consommation " ; que ces motifs permettent à la cour de contrôler si les visites ont excédé le champ de l'enquête ; qu'il appartiendra de vérifier, au stade du contrôle du déroulement des opérations, que les pièces saisies entrent bien dans ce champ ;

Considérant, concernant les lieux à visiter, que le juge qui autorise les opérations de visite et saisie dans les locaux d'une société, n'est pas tenu d'identifier toutes les sociétés du même groupe, domiciliées à la même adresse ; qu'en l'espèce, la société Free Mobile, auteur présumé des pratiques, fait partie du groupe Iliad, dont fait également partie la société Free ; que Free Mobile commercialise des forfaits de téléphonie mobile pour le compte d'Iliad, qui définit la stratégie d'ensemble du groupe ; que ces trois sociétés partagent des locaux communs, 16 rue de la Ville l'Evêque pour Iliad et Free Mobile et 8, rue de la Ville l'Evêque pour Free, local communiquant avec le 16 ; que le juge pouvait donc autoriser les opérations au siège de ces trois sociétés, ainsi que de celles des sociétés du même groupe ;

Considérant, en définitive, que c'est par des motifs pertinents qui doivent être approuvés que le juge des libertés, qui a procédé à l'analyse de l'ensemble des documents présentés par l'Administration, a considéré que ces pièces constituaient un faisceau d'indices établissant des présomptions de pratiques commerciales trompeuses ; que l'autorisation qu'il a donné aux enquêteurs ne constitue pas une atteinte disproportionnée aux droits des entreprises ; qu'il y a donc lieu de rejeter l'appel des sociétés Free, Free Mobile et Groupe Iliad ;

Par ces motifs ; Joignons les appels enregistrés sous les numéros 13-806, 13-13859 et 13-13828, Rejetons les appels dirigés par les sociétés Free, Free Mobile et Groupe Iliad contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris en date du 21 mai 2013, Les condamnons aux dépens.