CA Chambéry, 2e ch., 27 février 2014, n° 13-00540
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Medistri (SARL)
Défendeur :
Guyon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseillers :
MM. Madinier, Balay
Avocats :
SCP Leray-Guido, Selarl FDA, Me Dormeval
Faits, procédure et prétentions des parties :
Le 21 septembre 2012, Monsieur François Guyon a passé commande, sur Internet, d'un téléviseur de marque Samsung pour la somme de 1 429.49 euro auprès de la société Expecity.com. Il a par la suite saisi la juridiction de proximité pour obtenir l'annulation de la vente et la restitution du prix en raison du non-fonctionnement du matériel dont l'écran LCD était détérioré, ce qu'il n'a pas constaté lors de la livraison, le colis étant intact, mais lors de la mise en service.
La Juridiction de proximité de Bonneville, par décision du 1er février 2013 a :
- prononcé la résolution du contrat,
- condamné la société Expecity à payer la somme de 956,48 euro à Monsieur Guyon, outre 213 euro de dommages et intérêts, à charge pour elle de récupérer le bien à ses frais auprès du transporteur,
- dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles.
La SARL Medistri, exerçant sous l'enseigne commerciale Expecity.com, a fait appel de la décision par déclaration au greffe le 12 mars 2013.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 10 juin 2013, elle demande à la cour sur le fondement des articles L. 121-20 et L. 121-20-2 du Code de la consommation :
A titre principal,
- constatant que Monsieur Guyon a accepté le bien livré sans réserve et qu'il ne démontre pas la défectuosité,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner Monsieur François Guyon à payer à la société Medistri le solde du prix de vente,
Subsidiairement, en cas de résolution du contrat,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Medistri à payer à Monsieur François Guyon la somme de 213 euro à titre de dommages et intérêts,
- débouter Monsieur François Guyon de ses demandes à titre de dommages et intérêts,
En toute hypothèse,
- condamner Monsieur François Guyon à payer à la société Medistri, la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La société Medistri sur le fondement des articles L. 121-20 et L. 121-20-2 du Code de la consommation soutient que la rétractation si elle est possible suppose la restitution du matériel en bon état, aux frais et risques du client, sans utilisation du produit, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce. La télévision présentait une dalle fendue de sorte que le vendeur l'a refusée. Concernant le défaut de conformité, l'acceptation sans réserve par le client de la marchandise lui interdirait de se prévaloir du défaut de conformité, non établi sur le plan probatoire. Aucun préjudice moral ne serait démontré. Elle ajoute que les frais de retour de 63 euro sont à la charge de l'acheteur par application de l'article L. 121-20 précité.
Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions du 2 août 2013, Monsieur Guyon demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L. 121-20 et suivants du Code de la consommation,
- confirmer le jugement déféré sur la résolution du contrat,
- condamner la société Medistri à lui payer la somme 956,48 euro outre intérêts au taux légal de plein droit en application des dispositions L. 121-20-1 du Code de la consommation à compter du 16 novembre 2012,
- ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil,
- condamner la société Medistri au paiement d'une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
- condamner la société Medistri, à lui payer une somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens avec pour ceux d'appel application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Clarisse Dormeval, avocat.
Monsieur Guyon explique que ce n'est qu'après installation et mise sous tension de l'appareil qu'il a pu déceler que la dalle LCD était cassée, ce qui jusque-là était indécelable. Il a souhaité exercer son droit de rétractation par lettre recommandée du 13 octobre 2012, lendemain de la livraison et a réexpédié le matériel à la société Medistri qui l'a refusé, prétextant qu'au retour il était endommagé. Il expose qu'il a été contraint à de nombreuses correspondances, démarches pour obtenir le respect de son droit, avec le sentiment d'avoir été abusé, et un stress intense. Il demande donc réparation de son préjudice moral. Les frais irrépétibles sont également destinés à prendre en compte les frais de retour du téléviseur, les nombreux courriers et démarches.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 janvier 2014.
Motivation de la décision :
Aux termes de l'article L. 121-20 du Code de la consommation, régissant les ventes de biens et services à distance, le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant des frais de retour.
La rétractation est donc un choix discrétionnaire du client, un délai de réflexion supplémentaire sur l'intérêt de l'achat auquel il a procédé, mais elle entraîne, si elle est exercée, l'anéantissement du contrat et donc la nécessité de remettre les parties dans l'état antérieur à la vente. Il y aura donc restitution du prix contre restitution en bon état de l'objet acquis qui doit être en état de marche et ne pas avoir fait l'objet d'un usage inadapté ou important.
En l'espèce, Monsieur Guyon souhaite exercer un droit de rétractation dont les conditions ne sont pas remplies puisqu'il n'est pas en mesure de restituer, en bon état l'objet acquis. Le litige s'inscrit davantage dans un débat sur le vice de la chose ou sa non-conformité. La difficulté probatoire est que le consommateur a accepté le bien sans aucune réserve et sans vérifier son bon fonctionnement. Sous prétexte de rétractation, il ne peut restituer une télévision qui est hors service, seul lui est offert un refus d'acquérir pour non-conformité ou vice caché et il lui revient alors sur le plan probatoire à défaut de réserve exprimée lors de sa réception, de démontrer que le bien dès sa réception était endommagé.
Cette preuve est rigoureuse mais elle permet d'écarter le cas d'une mauvaise manipulation de l'objet resté entre les mains du consommateur après le départ du transporteur, et dont l'altération serait alors répercutée sur le vendeur du bien. La non-conformité ou le vice caché doivent en effet exister au moment de la vente ou au plus tard lors de la livraison.
Or, aucun élément du dossier, sauf les propres affirmations de Monsieur Guyon qui ne peut se constituer preuve à lui-même, ne démontre que la télévision était détériorée lorsqu'il l'a réceptionnée et le bref délai de réclamation n'est pas en lui-même une preuve suffisante du bien fondé de ses demandes.
En conséquence, la décision de première instance sera infirmée. Monsieur Guyon reste débiteur du solde du prix de vente, soit 1 429,49 euro moins 956,48 euro et donc la somme de 473,01 euro.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles engagés dans l'instance, il ne sera pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de Monsieur Guyon qui succombe en ses prétentions.
Par ces motifs LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire, Infirme la décision déférée, Statuant à nouveau, Déboute Monsieur Guyon de ses demandes, le Condamne à payer à la SARL Medistri la somme de 473,01 euro solde du prix de vente, Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles, Condamne Monsieur Guyon aux dépens.