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Décisions

CA Bastia, ch. civ. B, 7 janvier 2015, n° 13-00904

BASTIA

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bouygues Telecom (SA)

Défendeur :

Colonna d'Istria de Cinarca

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baetsle

Conseillers :

Mmes Pascal, Deltour

Avocats :

Mes Caporossi Poletti, Sebastiani, Leandri

TI Ajaccio, du 13 mars 2013

13 mars 2013

Le docteur Octave Colonna d'Istria de Cinarca a saisi le Tribunal d'instance d'Ajaccio pour obtenir la condamnation de la SA Bouygues Telecom à lui verser 7 500 euro de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait du dégroupage abusif de sa ligne téléphonique " fixe " opéré sans son consentement après un simple démarchage par téléphone, outre une somme de 3 000 euro au titre de son préjudice moral et matériel.

Suivant jugement réputé contradictoire du 13 mars 2013 le Tribunal d'instance d'Ajaccio a fait droit à ses demandes et a condamné la SA Bouygues Telecom aux dépens.

La SA Bouygues Telecom a formé appel de cette décision le 19 novembre 2013.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 février 2014 elle demande à la cour :

A titre principal,

- de constater qu'en matière de vente à distance la preuve de l'existence du consentement de l'intéressé, en qualité de professionnel, peut être apportée par tout moyen, de constater l'attitude passive de M. Octave Colonna d'Istria de Cinarca à contester la souscription de l'offre consentie par téléphone et de dire que c'est à bon droit que Bouygues Telecom a conclu avec lui un contrat " Bbox 2P ",

- en conséquence de dire que la société Bouygues Telecom n'a commis aucun manquement à son égard,

- et en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- de constater que la société Bouygues Telecom était dans l'incapacité technique de rétablir la ligne de M. Colonna d'Istria de Cinarca, de dire et juger qu'elle n'a commis aucun manquement à son égard et en conséquence d'infirmer le jugement,

- en tout état de cause de constater que M. Colonna d'Istria de Cinarca ne justifie ni de la réalité ni du quantum du préjudice économique qu'il invoque et de constater qu'il ne démontre pas qu'il aurait subi un préjudice moral,

- en conséquence de rejeter toutes les demandes de M. Colonna d'Istria de Cinarca, d'infirmer le jugement, et de condamner M. Colonna d'Istria de Cinarca à lui verser la somme de 1 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 avril 2014, M. Colonna d'Istria de Cinarca conclut à la confirmation de la décision appelée et y ajoutant à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juillet 2014.

SUR CE :

Il est constant que M. Colonna d'Istria de Cinarca, démarché par téléphone fin janvier 2012, n'a signé aucun contrat avec la société Bouygues Telecom.

Les dispositions régissant la vente à distance, édictées par le Code de la consommation sont applicables à M. Colonna d'Istria de Cinarca en sa qualité de simple consommateur ; en effet, son activité professionnelle de médecin est sans aucun rapport avec l'activité technique de fourniture de lignes et d'appareils téléphoniques exercées par la société Bouygues Telecom, même si pour les besoins de son activité M. Colonna d'Istria de Cinarca utilise quotidiennement un téléphone. En tant qu'utilisateur de matériel téléphonique il est simple profane, à l'inverse de la société Bouygues.

L'article L. 121-20 du Code de la consommation prévoit qu'à la suite d'un démarchage par téléphone le professionnel adresse au consommateur sur papier ou sur support durable une confirmation de l'offre qu'il a faite (...) et que le consommateur n'est engagé par cette offre qu'après l'avoir signée et acceptée par écrit ou avoir donné son consentement par voie électronique.

C'est donc en violation de ces dispositions impératives que la société Bouygues Telecom a fourni la prestation qu'elle avait seulement proposée à M. Colonna d'Istria de Cinarca, et sans consentement valable de sa part.

Cette attitude fautive, qui a entraîné le dégroupage de la ligne, a indubitablement causé à M. Colonna d'Istria de Cinarca un préjudice résultant de l'absence de ligne téléphonique fixe pendant plusieurs jours, à compter du 3 février 2012.

Le moyen subsidiaire développé par l'appelante, à savoir qu'elle n'avait aucun moyen technique de résoudre le problème résultant de "l'écrasement" de la ligne est inopérant dans la mesure où celui-ci ne résulte directement que de la fourniture d'un service qui n'a pas été sollicité par le consommateur et qu'il ne s'agit pas d'un aléa inhérent à la mise en place d'un service expressément consenti.

La date exacte à laquelle la ligne de M. Colonna d'Istria de Cinarca a été rétablie ne ressort pas des pièces versées aux débats, mais il a reconnu lui-même dans son courrier du 6 mars 2012 que les appels de ses clients ont pu être transférés sur sa ligne mobile au bout de 10 jours, que sa ligne fixe a été rétablie au bout de 20 jours.

La société Bouygues Telecom, qui ne conteste pas que la ligne a été effectivement coupée, est mal fondée à soutenir que la coupure n'a pas duré plus de 10 jours, puisque selon son propre courrier du 16 février 2012 elle a vainement essayé de le joindre à plusieurs reprises pour trouver une solution ; c'est donc que le problème perdurait à cette date.

Le préjudice subi résulte du fait que pendant la période considérée les patients n'ont pas pu le contacter, pour prendre ou annuler des rendez-vous, et que l'ensemble de son activité professionnelle a nécessairement été perturbée. En l'absence de tout document comptable le préjudice peut être évalué à 3 500 euro, y compris le préjudice moral et la perte de temps, liée à la nécessité d'effectuer plusieurs démarches.

Le jugement sera donc infirmé en ce qui concerne le montant du préjudice.

La société Bouygues Telecom, qui succombe sur le principe de l'indemnisation, versera la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile à M. Colonna d'Istria de Cinarca.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation au titre du préjudice financier et au titre des dommages-intérêts, Statuant à nouveau de ce seul chef, Condamne la SA Bouygues Telecom à payer à M. Colonna d'Istria de Cinarca la somme de trois mille cinq cents euro (3 500 euro) toutes causes de préjudices confondues, Y ajoutant, Condamne la SA Bouygues Telecom à payer à M. Colonna d'Istria de Cinarca la somme de deux mille euro (2 000 euro) en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Bouygues Telecom aux dépens.