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Décisions

CJUE, 3e ch., 1 octobre 2015, n° C-357/14 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Electrabel (SA), Dunamenti Eromu Zrt

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ilešic

Avocat général :

M. Wathelet

Juges :

Mme Toader, MM. Caoimh (rapporteur), Jarašiunas, Fernlund

Avocats :

Mes Philippe, Boret, Guyon

CJUE n° C-357/14 P

1 octobre 2015

LA COUR (troisième chambre),

Arrêt

1 Par leur pourvoi, Electrabel SA (ci-après "Electrabel") et Dunamenti Eromu Zrt. (ci-après "Dunamenti Eromu") demandent l'annulation de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne Dunamenti Eromu/Commission (T-179-09, EU:T:2014:236, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a rejeté le recours de Dunamenti Eromu, tendant à l'annulation de la décision 2009-609-CE de la Commission, du 4 juin 2008, concernant les aides d'État C-41-05 accordées par la Hongrie dans le cadre d'accords d'achat d'électricité (JO 2009, L 225, p. 53, ci-après la "décision litigieuse"), et, à titre subsidiaire, des articles 2 et 5 de cette décision.

Le cadre juridique

2 Aux termes de l'article 2 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l'"acte d'adhésion de 2003"):

"Dès l'adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l'adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte."

3 L'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003 prévoit, à son point 3, des règles relatives aux aides d'État mises à exécution, notamment, en Hongrie avant la date de l'adhésion de celle-ci à l'Union européenne. Ce point 3, paragraphes 1 à 3, est libellé comme suit:

"1. Les régimes d'aides et aides individuelles ci-après, mis à exécution dans un nouvel État membre avant la date d'adhésion et toujours applicables après cette date, sont considérés lors de l'adhésion comme aide existante au sens de l'article 88 paragraphe 1, [CE]:

a) aides mises à exécution avant le 10 décembre 1994;

b) aides énumérées dans l'appendice de la présente annexe;

c) aides examinées par l'autorité chargée de la surveillance des aides publiques du nouvel État membre avant la date de l'adhésion et jugées compatibles avec l'acquis, et à l'égard desquelles la Commission n'a pas soulevé d'objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché commun, en vertu de la procédure visée au paragraphe 2.

Toutes les mesures encore applicables après la date d'adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont pas aux conditions susvisées sont considérées comme une aide nouvelle à la date de l'adhésion aux fins de l'application de l'article 88, paragraphe 3, [CE].

2. Si la Commission ne soulève pas d'objections à l'égard de l'aide existante en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun dans les trois mois suivant la réception d'informations exhaustives à son sujet ou de la réception d'une communication du nouvel État membre dans laquelle il informe la Commission qu'il considère que l'information fournie est complète du fait que l'information supplémentaire qui a été requise n'est pas disponible ou a déjà été fournie, la Commission est réputée ne pas avoir soulevé d'objections.

Toutes les mesures soumises à la Commission avant la date d'adhésion au titre de la procédure décrite au paragraphe 1, point c), font l'objet de la procédure ci-dessus nonobstant le fait que durant la période d'examen le nouvel État membre concerné est déjà devenu membre de l'Union.

3. Toute décision de la Commission de soulever des objections à l'égard d'une mesure au sens du paragraphe 1, point c), est considérée comme une décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen au sens du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88 CE] [(JO L 83, p. 1)].

Si une décision de ce type est prise avant la date de l'adhésion, elle ne sera appliquée qu'à la date de l'adhésion."

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

4 Les antécédents du litige et la décision litigieuse, tels qu'ils ressortent des points 1 à 29 de l'arrêt attaqué, peuvent se résumer comme suit.

Les requérantes

5 Dunamenti Eromu est un producteur d'électricité actif sur le marché de l'électricité hongrois, qui exploite une centrale électrique située environ à 30 km au sud de Budapest (Hongrie). Cette société est une ancienne entreprise publique qui a été privatisée au milieu des années 90. Lors de l'appréciation des faits par le Tribunal dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt attaqué, Dunamenti Eromu était détenue, à hauteur de 75 % environ, par Electrabel, qui fait partie du groupe dont GDF Suez SA est la société mère, et, à hauteur de 25 % environ, par Magyar Villamos Muvek Zrt. (ci-après "MVM"), une entreprise publique active dans la production d'électricité, ainsi que dans le commerce de gros, la transmission et la revente sur le marché en cause.

6 Le 10 octobre 1995, soit juste avant sa privatisation, Dunamenti Eromu a conclu un accord d'achat d'électricité avec MVM, qui concernait les unités "blocs F" et "bloc G2" de sa centrale électrique (ci-après l'"AAE en cause"). Cet accord, qui est entré en vigueur au cours de l'année 1996, devait durer, en ce qui concerne les "blocs F", fonctionnant au gaz, jusqu'en 2010 et, en ce qui concerne le "bloc G2", équipé d'une turbine à gaz à cycle combiné, jusqu'en 2015.

Les accords d'achat d'électricité

7 Comme Dunamenti Eromu, d'autres producteurs d'électricité actifs sur le marché hongrois ont conclu des accords d'achat d'électricité à long terme avec MVM (ci-après les "AAE").

8 Les AAE se caractérisent principalement par deux éléments. D'une part, ils réservent à MVM la totalité ou la majeure partie de la capacité de production des centrales électriques visées par l'accord.

9 D'autre part, les AAE obligent MVM à acheter auprès de chaque centrale électrique exploitée dans leur cadre une quantité d'électricité minimale déterminée. Ils prévoient ainsi un niveau de prélèvement minimal pour chaque centrale électrique, que MVM est tenue d'acheter chaque année.

10 Les prix ont été fixés dans les AAE de la manière suivante. Un premier et un second cycle de réglementation des prix, respectivement à partir du 1er janvier 1997 et du 1er janvier 2001, ont été mis en place. À compter du 1er janvier 2004, la réglementation a prévu la mise en place, d'une part, d'une redevance de capacité pour les capacités réservées, afin de payer la mise à disposition de cette capacité, cette redevance couvrant les coûts fixes ainsi que le coût du capital et étant acquittée par MVM, et, d'autre part, d'une redevance d'électricité pour payer le prélèvement minimal prévu, laquelle redevance couvre les coûts variables. Cependant, si MVM n'achète pas cette quantité minimale fixée, elle est tenue de payer les coûts des combustibles.

11 Les AAE conclus durant la période 1995-1996, qui constituent sept des dix AAE examinés par la Commission, y compris l'AAE en cause, faisaient partie intégrante du processus de privatisation des centrales électriques. Ils ont été partiellement modifiés par les parties après la privatisation.

L'adhésion de la Hongrie à l'Union

12 Le traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, le Royaume d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d'Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (États membres de l'Union européenne) et la République tchèque, la République d'Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l'adhésion de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l'Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17, ci-après le "traité d'adhésion") a été signé par la Hongrie le 16 avril 2003 et est entré en vigueur le 1er mai 2004.

La procédure devant la Commission et la décision litigieuse

13 Par une lettre du 31 mars 2004, la Commission a reçu des autorités hongroises une notification concernant le décret gouvernemental n° 183-2002 (VIII.23.) fixant les modalités relatives à la définition et à la gestion des "coûts échoués", conformément à la procédure visée à l'annexe IV, point 3, paragraphe 1, sous c), de l'acte d'adhésion de 2003. Le décret gouvernemental notifié régit le système de compensation des coûts supportés par MVM en tant que grossiste en électricité.

14 Par une lettre du 13 avril 2005, les autorités hongroises ont retiré cette notification. Le 4 mai 2005, conformément au règlement n° 659-1999, la Commission a enregistré d'office un dossier d'aide d'État concernant les AAE.

15 À la suite de plusieurs échanges entre la Commission et la Hongrie, la Commission a adopté, le 4 juin 2008, la décision litigieuse.

16 Aux points 468 à 470 de cette décision, la Commission a constaté que les AAE fournissaient une aide d'État illégale, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, aux producteurs d'énergie électrique hongrois et que cette aide d'État était incompatible avec le marché commun. La Commission a ajouté que l'aide d'État résultant des AAE était constituée par l'obligation de MVM d'acheter une certaine capacité et une certaine quantité minimale garantie d'énergie électrique à un prix couvrant les coûts fixes, variables et de capital, pendant une partie importante de la durée de vie des unités de production, et qui garantissait un retour sur investissement aux producteurs. Dès lors, elle a ordonné la suppression de ladite aide.

17 Le dispositif de la décision litigieuse se lit comme suit:

"Article premier

1. L'obligation d'achat établie par les [AAE] à long terme conclus entre [MVM] et [Dunamenti Eromu ainsi que six autres producteurs d'électricité hongrois] contient une aide d'État en faveur des producteurs d'énergie électrique selon l'article 87[, paragraphe 1, CE].

2. L'aide d'État évoquée [au paragraphe 1] est incompatible avec le marché commun.

3. La Hongrie supprime l'attribution de l'aide d'État mentionnée [au paragraphe 1] dans un délai de six mois à compter de la réception de la présente décision.

Article 2

1. La Hongrie doit faire rembourser par les bénéficiaires l'aide mentionnée à l'article [1er].

Article 3

1. Dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision, la République de Hongrie informe la Commission des mesures déjà réalisées et prévues en vue de se conformer à cette décision. Elle l'informe en particulier des progrès réalisés en vue de la réalisation de la simulation de marché nécessaire aux fins d'établir le montant à rembourser, des détails de la [méthode] employée. Elle fournit également une description détaillée des données vouées à être utilisées dans cette simulation.

Article 4

1. La Hongrie calcule le montant précis de l'aide à rembourser sur la base d'une simulation appropriée du marché de gros de l'énergie électrique tel que celui-ci aurait fonctionné si aucun des [AAE à] long terme mentionné à l'article [1er, paragraphe 1,] n'avait été en vigueur après le 1er mai 2004.

2. Dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, la Hongrie calcule selon la méthode mentionnée [au paragraphe 1] les montants à rembourser et soumet à la Commission les informations pertinentes concernant cette simulation, notamment les résultats de la simulation et une description détaillée des méthodes et données utilisées pour exécuter cette simulation.

Article 5

La Hongrie fait en sorte que l'aide mentionnée à l'article [1er] soit remboursée dans un délai de dix mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6

Le destinataire de cette décision est la République de Hongrie."

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2009, Dunamenti Eromu a introduit un recours tendant à l'annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, des articles 2 et 5 de cette décision en ce qu'ils ordonnent la récupération auprès d'elle d'un montant excédant l'aide que la Commission aurait dû considérer comme incompatible avec le marché commun.

19 À l'appui de ce recours, Dunamenti Eromu a soulevé quatre moyens, tirés de ce que, premièrement, la Commission a erronément constaté l'existence d'une aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, deuxièmement, à supposer que les accords conclus pendant l'année 1995 lui aient accordé une aide d'État, la Commission aurait dû considérer celle-ci, à partir du 1er mai 2004, non pas comme une aide nouvelle, mais comme une aide existante, au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE, troisièmement, la Commission a commis plusieurs erreurs quant à la compatibilité de l'aide d'État en cause avec le marché commun et, quatrièmement, la légalité de l'ordre de récupération de cette aide est contestable.

20 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l'ensemble de ces moyens.

Les conclusions des parties devant la Cour

21 Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour:

- d'annuler l'arrêt attaqué en ce qu'il confirme la décision litigieuse;

- à titre principal, de statuer définitivement et d'annuler la décision litigieuse, en ce qu'elle a déclaré les AAE illégaux et constitutifs d'aides d'État incompatibles avec le marché commun ou, à titre subsidiaire, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal, et

- de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant le Tribunal et la Cour.

22 La Commission demande à la Cour:

- de déclarer le pourvoi irrecevable dans la mesure où il est formé par Electrabel;

- de rejeter le pourvoi dans la mesure où il est formé par Dunamenti Eromu, et

- de condamner Dunamenti Eromu aux dépens.

Sur le pourvoi

23 Les requérantes soulèvent cinq moyens à l'appui de leur pourvoi.

24 La Commission conteste, d'une part, la recevabilité du pourvoi dans la mesure où il est formé par Electrabel et, d'autre part, spécifiquement la recevabilité des troisième et quatrième moyens ainsi que le bien-fondé de chacun des cinq moyens présentés par les requérantes.

25 Il convient d'examiner, au préalable, la question de la recevabilité du pourvoi en tant qu'il est formé par Electrabel et d'aborder les arguments avancés par la Commission, tirés de l'irrecevabilité des troisième et quatrième moyens, dans le cadre de l'appréciation individuelle de chacun de ces moyens.

Sur la recevabilité du pourvoi en tant qu'il est formé par Electrabel

Argumentation des parties

26 La Commission demande à la Cour de déclarer le pourvoi irrecevable en tant qu'il est formé par Electrabel, dès lors que cette dernière n'était pas partie à la procédure en première instance.

27 Les requérantes considèrent que le pourvoi est recevable en tant qu'il est formé par Electrabel. Elles relèvent que, lorsque le recours dirigé contre la décision litigieuse a été introduit devant le Tribunal, Electrabel et Dunamenti Eromu faisaient partie du même groupe d'entreprises et que, par conséquent, leur intérêt économique et juridique commun a pu être défendu par une seule d'entre elles.

28 Or, au mois de juin 2014, Electrabel aurait vendu les parts qu'elle détenait dans Dunamenti Eromu et l'intérêt commun de ces deux entités devrait, dès lors, être défendu à la fois par Electrabel et par Dunamenti Eromu. Une interprétation des règles de procédure de la Cour en ce sens qu'elles interdiraient à Electrabel de former le présent pourvoi serait contraire au principe de bonne administration et priverait cette société d'un accès effectif à la justice.

Appréciation de la Cour

29 Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 56, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, peut former un pourvoi devant la Cour "toute partie ayant partiellement ou totalement succombé en ses conclusions". En l'occurrence, il est constant qu'Electrabel n'a pas présenté de conclusions en première instance. En outre, à supposer même que, lors de l'introduction de la requête devant le Tribunal, Electrabel ait fait partie du même groupe d'entreprises que Dunamenti Eromu, elle-même partie à la procédure en première instance, une telle circonstance ne saurait suffire pour conférer à Electrabel la qualité de "partie", au sens de cette disposition.

30 Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, une interprétation du statut de la Cour de justice qui empêche Electrabel de former le présent pourvoi n'est nullement contraire au droit de celle-ci d'accéder à la justice ou au principe de bonne administration. Au contraire, une délimitation de la catégorie des personnes susceptible de former un pourvoi devant la Cour dans une affaire donnée, telle que celle prévue à l'article 56 de ce statut, a précisément pour objectif de garantir une bonne administration de la justice, notamment, en assurant une certaine prévisibilité dans les pourvois susceptibles d'être formés contre les décisions du Tribunal et en évitant le contournement des délais et des conditions de recevabilité qui s'appliquent à d'autres voies de recours prévues par le droit de l'Union.

31 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de considérer que le présent pourvoi est irrecevable en tant qu'il est formé par Electrabel.

Sur le premier moyen, tiré du caractère erroné du raisonnement suivi par le Tribunal pour qualifier l'AAE en cause d'aide nouvelle

Argumentation des parties

32 Dunamenti Eromu soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, au point 60 de l'arrêt attaqué, que l'AAE en cause constitue une aide nouvelle, au sens de l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003, alors qu'il n'avait pas vérifié, auparavant, si cet accord constituait une aide d'État.

33 L'approche adoptée par le Tribunal serait erronée pour deux raisons. En premier lieu, en se fondant sur une hypothèse implicite, à savoir l'existence d'une aide d'État, le Tribunal n'aurait pas suffisamment motivé sa constatation de l'existence d'une aide nouvelle. À cet égard, il ressortirait du libellé même de l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003 que celle-ci n'est applicable qu'aux mesures qui constituent une aide. En second lieu, le Tribunal aurait adopté un raisonnement "circulaire", aux points 55 à 60, 61 à 73 et 77 à 98 de l'arrêt attaqué, selon lequel ce serait l'hypothèse de l'existence d'une aide d'État qui aurait finalement abouti à la conclusion que l'aide en question existe effectivement.

34 Lors de l'audience devant la Cour, Dunamenti Eromu a soutenu que, aux points 78 et 79 de l'arrêt OTP Bank (C-672-13, EU:C:2015:185), la Cour a jugé qu'il est nécessaire de vérifier si une mesure étatique contient une aide d'État, avant d'examiner si cette aide doit être qualifiée de nouvelle ou d'existante.

35 La Commission fait valoir que ce premier moyen n'est pas fondé.

Appréciation de la Cour

36 Il convient, tout d'abord, de relever que, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, le Tribunal est libre de structurer et de développer son raisonnement de la manière dont il estime devoir le faire pour répondre aux moyens présentés devant lui. Ainsi, la structure et le développement de la réponse choisis par le Tribunal ne sauraient être mis en cause dans le cadre d'un pourvoi par des prétentions qui cherchent à établir que le Tribunal aurait dû conduire son raisonnement en se conformant aux attentes d'une partie requérante (arrêt British Telecommunications/Commission, C-620-13 P, EU:C:2014:2309, point 29).

37 Ensuite, s'agissant des points 78 et 79 de l'arrêt OTP Bank (C-672-13, EU:C:2015:185), contrairement à ce que soutient Dunamenti Eromu, la Cour n'y a nullement constaté que l'existence d'une aide d'État doit toujours être vérifiée par le Tribunal avant qu'il soit procédé à la qualification de la mesure en question d'aide nouvelle ou existante. En effet, à ces points, la Cour s'est limitée à relever, en substance, que, notamment, la mesure en cause devait être considérée comme une aide nouvelle dans le cas où la juridiction de renvoi avait conclu que cette mesure était constitutive d'une aide d'État. Cette constatation témoigne précisément du fait que la qualification d'une mesure d'aide nouvelle peut être effectuée sur la base de l'hypothèse de l'existence d'une aide d'État.

38 Il s'ensuit que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt attaqué, le Tribunal était libre de ne vérifier si l'AAE en cause constituait une aide d'État qu'après avoir examiné le point de savoir si, dans l'hypothèse où tel était le cas, l'aide découlant de cet accord devait être qualifiée d'aide existante.

39 Par ailleurs, il n'est pas contesté que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l'intégralité des arguments présentés devant lui, tant dans le cadre du premier moyen invoqué en première instance, selon lequel la Commission aurait erronément constaté l'existence d'une aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, que dans le cadre du deuxième moyen soulevé devant le Tribunal, selon lequel la Commission aurait dû qualifier l'aide découlant de l'AAE en cause non pas d'aide nouvelle, mais d'aide existante, au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE.

40 Enfin, par son argumentation relative au présent moyen, Dunamenti Eromu n'a pas non plus démontré que la structure de la réponse choisie par le Tribunal aurait induit ce dernier en erreur.

41 En particulier, Dunamenti Eromu ne saurait reprocher au Tribunal un défaut de motivation en ce qui concerne la qualification de l'AAE en cause d'aide nouvelle, en raison du seul fait qu'il s'est fondé sur l'hypothèse de l'existence d'une aide d'État aux fins de cette analyse, dès lors qu'il a, par la suite, aux points 67 et suivants de l'arrêt attaqué, procédé à un examen exhaustif des arguments portant sur la question de l'existence d'une aide d'État. En outre, ainsi que le soutient la Commission, la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal à cet égard, à savoir que l'existence d'une aide d'État pouvait être confirmée, n'est aucunement fondée sur la constatation, figurant au point 60 de l'arrêt attaqué, selon laquelle l'aide découlant de l'AAE en cause devait être qualifiée d'aide nouvelle.

42 Il s'ensuit que Dunamenti Eromu ne saurait non plus reprocher au Tribunal d'avoir suivi un raisonnement "circulaire" aux fins de répondre aux deux premiers moyens invoqués en première instance. En effet, le fait même d'avoir procédé à un examen indépendant de la question de l'existence d'une aide d'État témoigne de ce que le Tribunal s'est fondé sur l'hypothèse de l'existence d'une aide uniquement aux fins de son appréciation de la question de savoir si l'aide découlant de l'AAE en cause devait être qualifiée d'aide nouvelle ou d'aide existante. De même, cette hypothèse n'a pas fondé l'analyse effectuée par le Tribunal, aux points 61 à 66 de l'arrêt attaqué, de la question distincte de la détermination de la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'existence d'une aide d'État.

43 Par conséquent, le premier moyen du pourvoi doit être écarté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré du caractère erroné de la date retenue pour apprécier si l'AAE en cause contient une aide d'État

Argumentation des parties

44 Dunamenti Eromu souligne qu'elle ne conteste pas que les règles en matière d'aides d'État sont devenues obligatoires pour la Hongrie à la date de l'adhésion de cet État membre à l'Union. En revanche, elle soutient que tant le Tribunal que la Commission ont commis une erreur de droit en interprétant l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003 en ce sens que cette date doit être retenue comme pertinente pour apprécier si l'AAE en cause contient une aide d'État.

45 Par la première branche de son deuxième moyen, Dunamenti Eromu soutient que le raisonnement suivi par le Tribunal pour déterminer la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'existence d'une aide d'État est dépourvu de base légale.

46 Contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 55 de l'arrêt attaqué, l'annexe IV, point 3, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion de 2003 mentionnerait seulement les cas dans lesquels une aide, déjà qualifiée comme telle, peut constituer une aide nouvelle ou une aide existante, et cette annexe ne ferait aucunement mention de la date à laquelle une mesure étatique doit être examinée à la lumière des règles relatives aux aides d'État.

47 En effet, il découlerait clairement du libellé de l'acte d'adhésion de 2003 et, en particulier, de l'expression "après la date d'adhésion" que cette annexe s'applique aux mesures encore applicables après cette date, mais elle ne réglerait pas la question de la détermination de la date pertinente aux fins d'apprécier l'existence d'une aide. En outre, si, au point 55 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que ladite annexe indique le moment pertinent à cet égard, il aurait considéré, au point 65 de cet arrêt, que cette règle pouvait seulement être déduite de ladite annexe.

48 Dunamenti Eromu ajoute que le fait que la mesure en cause ne remplissait pas les quatre critères énoncés à l'article 87, paragraphe 1, CE avant la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union n'a pas été modifié par la circonstance que les règles relatives aux aides d'État sont devenues obligatoires à compter de cette date.

49 Par la seconde branche de son deuxième moyen, Dunamenti Eromu soutient que le raisonnement du Tribunal est contraire à la pratique de la Commission et à la jurisprudence des juridictions de l'Union.

50 Selon cette jurisprudence, notamment les arrêts France/Commission (C-482-99, EU:C:2002:294, points 71 et 76 à 83), Commission/EDF (C-124-10 P, EU:C:2012:318, points 104 et 105), Cityflyer Express/Commission (T-16-96, EU:T:1998:78, point 76), Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission (T-228-99 et T-233-99, EU:T:2003:57, point 246) ainsi que Pays-Bas/Commission (T-29-10 et T-33-10, EU:T:2012:98, point 78), l'examen de l'existence d'une aide et, notamment, l'analyse relative à l'investisseur privé devraient être fondés sur les éléments existant à la date de l'adoption de la mesure concernée.

51 Selon Dunamenti Eromu, qui se réfère, notamment, aux points 169 à 180 de la décision 2010-690-UE de la Commission, du 4 août 2010, concernant l'aide d'État C-40-08 (ex N 163/08) mise à exécution par la Pologne en faveur de PZL Hydral SA (JO L 298, p. 51), le raisonnement suivi par le Tribunal dans la présente affaire est également contraire à des lignes directrices de la Commission et à la pratique décisionnelle de cette institution, selon laquelle des éléments relatifs à la période précédant l'adhésion de l'État membre concerné à l'Union seraient également pris en compte.

52 Dunamenti Eromu ajoute qu'il est illogique et erroné en droit d'appliquer les notions d'"avantage" et d'"investisseur privé" à une date où aucun investissement n'avait été réalisé.

53 Selon Dunamenti Eromu, aucun arrêt des juridictions de l'Union, à l'exception de ceux relatifs à la décision litigieuse, ne constate l'existence d'une aide d'État sur la base de l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003. En particulier, l'arrêt Kremikovtzi (C-262-11, EU:C:2012:760) porterait uniquement sur la récupération de l'aide concernée. Dans cet arrêt, la Cour aurait mentionné le libellé de l'annexe V de l'acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203, ci-après l'"acte d'adhésion de 2005"). Il en résulterait seulement que la conclusion relative à l'appréciation de l'existence d'une aide doit toujours être valide à la date de l'adhésion à l'Union de l'État membre concerné. De même, dans l'arrêt Rousse Industry/Commission (T-489-11, EU:T:2013:144, points 61 à 64), le Tribunal aurait seulement jugé que la Commission était devenue compétente à la date de l'adhésion de l'État membre concerné à l'Union et il n'aurait jamais considéré que celle-ci constituait la date pertinente aux fins d'apprécier l'existence d'une aide.

54 La Commission considère que ce deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

55 Aux points 50 à 52 de l'arrêt Kremikovtzi (C-262-11, EU:C:2012:760), relatif à l'annexe V de l'acte d'adhésion de 2005, la Cour aurait déjà écarté un argument analogue à celui qui est soulevé par Dunamenti Eromu dans le cadre du deuxième moyen du présent pourvoi. Dans l'arrêt Rousse Industry/Commission (T-489-11, EU:T:2013:144, points 61 à 64), le Tribunal aurait également écarté un tel argument. En outre, aucun des arrêts sur lesquels s'appuie Dunamenti Eromu ne concernerait des mesures adoptées par un État membre avant son adhésion à l'Union et qui, postérieurement à cette adhésion, auraient toujours été applicables.

56 Par ailleurs, la Commission rappelle, en se référant à l'arrêt Commission/Irlande e.a. (C-89-08 P, EU:C:2009:742, points 72 et 73), que la notion d'aide d'État est une notion objective. Dunamenti Eromu ne pourrait, par conséquent, reprocher au Tribunal de ne pas avoir motivé sa décision au regard de la position adoptée par la Commission dans ses lignes directrices.

Appréciation de la Cour

57 Par les deux branches de son deuxième moyen, qu'il convient d'examiner ensemble, Dunamenti Eromu soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en interprétant l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003 en ce sens que la date d'adhésion devait être retenue comme pertinente aux fins de l'appréciation de la question de savoir si l'AAE en cause contenait une aide d'État.

58 Il y a lieu, d'emblée, de faire observer que, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 53 de l'arrêt attaqué et ainsi qu'il découle de l'article 2 de l'acte d'adhésion de 2003, les règles de l'Union en matière d'aides d'État sont devenues obligatoires en Hongrie le 1er mai 2004, à savoir à la date de l'adhésion de cet État membre à l'Union.

59 Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le Tribunal au point 54 de l'arrêt attaqué, l'annexe IV, point 3, de l'acte d'adhésion de 2003 a prescrit des règles spécifiques pour les aides existant en Hongrie à la date de l'adhésion à l'Union de cet État membre. En particulier, ce dernier a accepté l'introduction dans cet acte de dispositions en vertu desquelles les mesures d'aide toujours applicables après cette adhésion devaient être examinées au regard des règles de l'Union en matière d'aides d'État si ces mesures ne pouvaient pas être qualifiées d'aides existantes conformément aux termes dudit acte.

60 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, à ce point 54, le Tribunal a considéré que la question de la détermination de la date pertinente aux fins de l'appréciation, au titre de l'article 87, paragraphe 1, CE, d'une mesure étatique adoptée par la Hongrie avant la date de son adhésion à l'Union et toujours applicable après cette date devait être examinée au regard de l'acte d'adhésion de 2003.

61 À cet égard, il convient de relever que, ainsi que le Tribunal l'a constaté au point 62 de l'arrêt attaqué, il ressort de l'annexe IV, point 3, de l'acte d'adhésion de 2003 que les États qui étaient membres de l'Union avant le 1er mai 2004 voulaient protéger le marché intérieur contre les mesures contenant une aide d'État, instaurées dans les pays candidats avant leur adhésion à l'Union et pouvant potentiellement fausser la concurrence, en soumettant ces mesures, à compter du 1er mai 2004, au régime des aides nouvelles, si lesdites mesures ne relevaient pas des exceptions précisément énumérées à cette annexe.

62 Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l'a relevé à bon droit aux points 64 et 66 de l'arrêt attaqué, il découle du libellé de l'article 1er, sous b), v), du règlement n° 659-1999 et, notamment, de la première phrase de cette disposition, aux termes de laquelle constitue une aide existante "toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre", qu'une mesure de soutien étatique qui ne constituait pas une aide d'État au moment de sa mise à exécution peut en devenir une par la suite.

63 Il convient également de rappeler que la Cour a déjà eu l'occasion de juger, au point 52 de l'arrêt Kremikovtzi (C-262-11, EU:C:2012:760), relatif à l'acte d'adhésion de 2005, qui reprend, en substance, les dispositions de l'acte d'adhésion de 2003 reproduites aux points 2 et 3 du présent arrêt, que les mesures mises à exécution avant l'adhésion de la République de Bulgarie à l'Union, mais qui, d'une part, sont toujours applicables après celle-ci et qui, d'autre part, à la date de l'adhésion, satisfont aux critères cumulatifs énoncés à l'article 87, paragraphe 1, CE sont soumises aux règles spécifiques établies à l'annexe V de l'acte d'adhésion de 2005.

64 Au point 54 de l'arrêt Kremikovtzi (C-262-11, EU:C:2012:760), la Cour a précisé que, ainsi qu'il peut être déduit notamment de l'article 1er, sous b), i), et c), du règlement n° 659-1999, lu en combinaison avec l'article 2 de l'acte d'adhésion de 2005, ce n'est qu'à partir de ladite adhésion que, en Bulgarie, les critères figurant à l'article 87, paragraphe 1, CE peuvent être directement appliqués en tant que tels, et cela uniquement au regard de situations se présentant à partir de cette date.

65 Il s'ensuit que le constat effectué par le Tribunal au point 65 de l'arrêt attaqué, selon lequel c'est à la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union qu'une mesure d'aide encore applicable après cette date doit être évaluée au vu des quatre conditions énoncées à l'article 87, paragraphe 1, CE, n'est entaché d'aucune erreur de droit. Ainsi que le Tribunal l'a jugé à bon droit à ce même point, toute autre conclusion aurait pour conséquence de priver de son sens l'objectif poursuivi par les auteurs du traité d'adhésion, tel qu'il a été rappelé au point 61 du présent arrêt. En effet, l'approche préconisée par Dunamenti Eromu dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi aurait pour effet de soustraire au contrôle de la Commission, dans le cas d'un État membre tel que la Hongrie, ayant adhéré à l'Union le 1er mai 2004, toute mesure adoptée avant cette date, qui ne constituait pas une aide d'État lors de son adoption, mais qui, par la suite, est devenue une telle aide et continue de l'être après ladite date.

66 C'est donc également à bon droit que le Tribunal a considéré, aux points 61 et 62 de l'arrêt attaqué, que la question de savoir si l'AAE en cause contenait une aide compatible avec le marché commun à la date de sa conclusion, ou à toute autre date antérieure à l'adhésion de la Hongrie à l'Union, est dépourvue de pertinence aux fins de la qualification de cet accord d'aide d'État à la date de cette adhésion.

67 Les considérations figurant aux points 65 et 66 du présent arrêt ne sauraient être remises en cause par l'argument invoqué par Dunamenti Eromu, selon lequel la jurisprudence des juridictions de l'Union a énoncé un principe en vertu duquel une mesure étatique doit être appréciée, au titre de l'article 87, paragraphe 1, CE, à la date de son adoption. Ainsi que le souligne la Commission, les arrêts sur lesquels s'appuie Dunamenti Eromu à cet effet ne concernent pas des mesures d'aides qui avaient été adoptées par un État membre avant son adhésion à l'Union et qui étaient toujours applicables après cette adhésion, tel l'AAE en cause, lequel, d'ailleurs, s'inscrit dans le cadre réglementaire spécifique décrit aux points 59 et 61 du présent arrêt.

68 Enfin, la pratique suivie par la Commission dans ses décisions ou dans ses lignes directrices, à supposer même qu'elle vienne au soutien de l'approche préconisée par Dunamenti Eromu dans le cadre du deuxième moyen du pourvoi, ne saurait, en tout état de cause, lier la Cour dans son interprétation des règles de l'Union en matière d'aides d'État. Tout argument tiré de cette pratique doit, dès lors, être rejeté.

69 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d'écarter le deuxième moyen comme non fondé.

Sur le troisième moyen, tiré de l'absence d'avantage accordé aux requérantes

Argumentation des parties

70 Par son troisième moyen, Dunamenti Eromu soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 68 et 69 de l'arrêt attaqué, en écartant les arguments relatifs à sa privatisation et en concluant que l'AAE en cause accordait un avantage aux requérantes, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. En particulier, en considérant que la date pertinente pour apprécier l'existence d'une aide d'État était celle de l'adhésion de la Hongrie à l'Union, le Tribunal aurait, à tort, ignoré le contexte entourant la privatisation de Dunamenti Eromu, l'AAE en cause constituant une partie intégrante de cette privatisation.

71 Ce troisième moyen se divise en trois branches.

72 Par la première branche de son troisième moyen, Dunamenti Eromu soutient que l'AAE en cause n'a pas accordé aux requérantes un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, étant donné que MVM a agi comme un investisseur privé lorsqu'elle a conclu cet accord en tant que mesure préparatoire destinée à faciliter la privatisation de Dunamenti Eromu.

73 À cet égard, Dunamenti Eromu expose que, au milieu des années 90, les objectifs de la Hongrie en matière d'approvisionnement en énergie visaient à garantir la sécurité de l'approvisionnement au coût le plus bas possible, à moderniser l'infrastructure et à respecter les nouvelles normes environnementales ainsi qu'à mettre en œuvre la nécessaire restructuration du secteur de l'énergie. Selon Dunamenti Eromu, ces objectifs devaient être réalisés notamment grâce à un programme de privatisation.

74 Dans ce contexte, le 10 octobre 1995, l'AAE en cause aurait été conclu entre Dunamenti Eromu et MVM afin de rendre possible la privatisation imminente de Dunamenti Eromu. Ainsi, au mois de décembre 1995, cette dernière aurait été acquise par Electrabel.

75 Dunamenti Eromu souligne que, dans le contexte d'une privatisation, la Commission doit vérifier si l'État membre concerné a cherché à maximiser le profit ou à minimiser la perte générée par la vente. En se référant, notamment, à l'arrêt Espagne/Commission (C-278-92 à C-280-92, EU:C:1994:325, point 28), Dunamenti Eromu ajoute qu'un État membre agit comme un investisseur privé s'il cède des actifs publics, d'une part, à l'issue d'un appel d'offres ouvert, inconditionnel et concurrentiel et, d'autre part, au plus offrant.

76 Dans la présente affaire, l'application correcte du critère de l'investisseur privé montrerait clairement que l'AAE en cause ne confère aucun avantage aux requérantes, puisque les conditions rappelées au point précédent seraient réunies. En particulier, un appel d'offres ouvert et concurrentiel aurait été lancé et l'offre la plus élevée aurait été retenue, à savoir celle d'Electrabel. Par ailleurs, l'État hongrois aurait engagé un spécialiste financier indépendant qui recommandait une privatisation fondée sur la conclusion d'un tel accord. Cet État aurait cherché à maximiser son profit et aurait dûment tenu compte de l'AAE en cause dans le prix de la privatisation. Le fait que ledit État a tiré profit de la vente aurait été reconnu par l'organisme de contrôle des comptes de ce même État.

77 Par la deuxième branche de son troisième moyen, Dunamenti Eromu soutient que, en tout état de cause, même si l'AAE en cause avait contenu un avantage quelconque, il aurait été remboursé par la vente de cette société. Cette dernière ajoute, en se référant aux arrêts Banks (C-390-98, EU:C:2001:456, point 78) ainsi que Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C-74-00 P et C-75-00 P, EU:C:2002:524, point 180), que, lorsque la société bénéficiaire d'une aide est vendue au prix du marché, le prix de vente reflète les conséquences de l'aide antérieure et le vendeur de cette société conserve le bénéfice de cette aide.

78 En l'occurrence, l'avantage découlant de l'AAE en cause aurait été inclus dans le prix payé par Electrabel pour l'acquisition de Dunamenti Eromu et, par conséquent, Electrabel aurait remboursé par avance cet avantage à l'État hongrois. Selon Dunamenti Eromu, c'est donc cet État qui a conservé ledit avantage après la privatisation réalisée au cours de l'année 1995, dès lors que Dunamenti Eromu a été acquise par Electrabel à l'issue d'un processus d'appel d'offres concurrentiel et ouvert. Il s'ensuivrait que, quelle que soit la période retenue pour apprécier l'existence d'une aide, l'un des quatre critères requis pour qualifier l'AAE en cause d'aide d'État ferait défaut.

79 Dunamenti Eromu reproche au Tribunal de ne pas avoir examiné la question de sa personnalité juridique et de celle d'Electrabel pour répondre à son argument tiré d'un remboursement de toute aide éventuelle résultant de l'AAE en cause en raison de sa privatisation. Aux points 68 et 69 de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait écarté cet argument en renvoyant simplement à l'annexe IV de l'acte d'adhésion de 2003 pour conclure que, cette privatisation ayant eu lieu avant l'adhésion de la Hongrie à l'Union, ledit argument était dénué de pertinence.

80 Dunamenti Eromu soutient que, dans l'arrêt AceaElectrabel/Commission (T-303-05, EU:T:2009:312), le Tribunal a constaté que le contrôle de la société et la poursuite d'activités économiques identiques ou parallèles sont des éléments essentiels pour déterminer l'existence d'une unité économique. Étant donné que la situation d'Electrabel et de Dunamenti Eromu réunissait tous ces éléments à la date du prononcé de l'arrêt attaqué, il conviendrait de considérer qu'elles formaient une seule unité économique.

81 Selon Dunamenti Eromu, les arguments soulevés, à titre subsidiaire, par la Commission pour démontrer que la deuxième branche du troisième moyen est dépourvue de fondement n'apparaissent aucunement dans l'arrêt attaqué et doivent, dès lors, être écartés. Par ailleurs, les points 66 à 68 de l'arrêt Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission (T-384-08, EU:T:2011:650), auxquels la Commission se réfère, seraient dénués de pertinence, puisqu'ils porteraient sur le caractère sélectif et l'imputabilité d'une garantie de l'État.

82 Par la troisième branche de son troisième moyen, Dunamenti Eromu fait valoir que l'adhésion de la Hongrie à l'Union n'a eu aucune incidence sur le fait que l'AAE en cause constituait un élément fondamental de la privatisation, antérieur à cette adhésion, qui ne conférait pas d'avantage aux requérantes. En particulier, ladite adhésion ne pouvait en rien modifier le fait qu'aucun avantage n'avait été accordé aux requérantes en conséquence de la conclusion de l'AAE en cause et que l'État hongrois avait agi comme un investisseur privé lors de la vente de Dunamenti Eromu. La modification de la législation hongroise ayant fait suite à l'adhésion de cet État membre à l'Union ne pourrait faire naître un avantage qui ne préexistait pas.

83 Dunamenti Eromu considère que le Tribunal a manifestement confondu la date à laquelle il aurait dû apprécier les critères relatifs à l'existence d'une aide d'État avec celle à laquelle les règles en matière d'aides d'État sont devenues obligatoires en Hongrie.

84 La Commission fait valoir, à titre principal, que le troisième moyen ne peut qu'être écarté si la date pertinente pour apprécier l'existence d'une aide est celle de l'adhésion de la Hongrie à l'Union. La question de savoir quels sont les éléments qui peuvent être rattachés à la période commençant le 1er mai 2004 serait une question de fait qui ne pourrait être invoquée au stade du pourvoi, dès lors que Dunamenti Eromu n'a invoqué aucune dénaturation des éléments de preuve.

85 À titre subsidiaire, la Commission fait valoir qu'aucune des trois branches invoquées par Dunamenti Eromu dans le cadre de son troisième moyen n'est fondée en droit.

86 S'agissant de la première de ces branches, la Commission soutient, en se référant à l'arrêt Elliniki Nafpigokataskevastiki e.a./Commission (T-384-08, EU:T:2011:650, points 66 à 68), que l'absence d'avantage pour l'acquéreur n'exclut pas l'existence d'un avantage en faveur de l'activité acquise. De surcroît, dans l'arrêt Commission/Scott (C-290-07 P, EU:C:2010:480, points 5 à 11, 25 et 26), la constatation de l'existence d'une aide en faveur d'une entreprise n'aurait pas été affectée par l'acquisition des parts de cette entreprise par une autre entreprise ni par l'achat des actifs ayant vu le jour grâce à l'aide par une troisième entreprise. Il s'ensuivrait que le fait qu'un acquéreur s'acquitte d'un prix du marché et, en raison de ce fait, ne bénéficie lui-même d'aucune aide ne serait pas pertinent aux fins d'apprécier si l'entité acquise a bénéficié d'une aide.

87 En ce qui concerne la deuxième branche du troisième moyen, la Commission fait valoir que Dunamenti Eromu confond l'aide octroyée à une entité acquise et celle qui est accordée à l'acquéreur de cette entité. Le fait que ce dernier s'acquitte d'un prix du marché et, en raison de ce fait, ne bénéficie lui-même d'aucune aide ne serait pas pertinent aux fins d'apprécier si l'entité acquise a bénéficié d'une aide.

88 Le point 78 de l'arrêt Banks (C-390-98, EU:C:2001:456) aurait été inclus à titre indicatif et il concernerait la question de la récupération d'une aide et non celle de son existence. Aux points 80 et 81 de l'arrêt Allemagne/Commission (C-277-00, EU:C:2004:238), la Cour aurait, en effet, clairement établi la nature différente de l'affaire ayant donné lieu au premier de ces arrêts. La Commission souligne que, dans la présente affaire, Dunamenti Eromu a continué à opérer sur le marché concerné, tout en conservant l'avantage dont elle avait bénéficié.

89 Enfin, en ce qui concerne la troisième branche du troisième moyen, étant donné que les circonstances que MVM a agi comme un investisseur privé lors de la conclusion de l'AAE en cause et qu'Electrabel a payé le prix de marché pour l'acquisition de Dunamenti Eromu ne constitueraient pas des éléments pertinents pour déterminer si cette dernière a bénéficié d'un avantage en conséquence de l'application de cet accord à compter de l'adhésion de la Hongrie à l'Union, l'effet de cette adhésion sur ces circonstances ne serait pas non plus pertinent à cet égard.

Appréciation de la Cour

90 Il convient, à titre liminaire, d'écarter l'argument soulevé par la Commission, tiré de l'irrecevabilité du troisième moyen du pourvoi, dès lors qu'il repose sur une lecture erronée de ce dernier. En effet, ce moyen porte non pas sur la question de savoir quels sont les éléments qui peuvent être rattachés à la période commençant le 1er mai 2004, mais sur celle de savoir si le Tribunal pouvait, à bon droit, exclure certains éléments de son appréciation de la question de savoir si l'AAE en cause accordait aux requérantes un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE. Cette dernière question, qui est une question de droit, peut être invoquée au stade du pourvoi.

- Sur la première branche du troisième moyen

91 Par la première branche de son troisième moyen, Dunamenti Eromu fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 69 de l'arrêt attaqué, en considérant que l'AAE en cause conférait aux requérantes un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, dès lors que, d'une part, MVM a agi comme un investisseur privé lorsqu'elle a conclu cet accord et, d'autre part, l'État hongrois a agi comme un investisseur privé lors de la privatisation de Dunamenti Eromu.

92 Il convient, en premier lieu, de relever que, contrairement à ce que suggère Dunamenti Eromu, le Tribunal n'a pas constaté, au point 69 de l'arrêt attaqué, que l'AAE en cause accordait aux requérantes un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, mais s'est borné à constater qu'il appartenait à la Commission d'évaluer si cette société avait bénéficié d'un avantage conféré par les AAE à compter du 1er mai 2004. En effet, il ressort clairement de l'arrêt attaqué, notamment des points 28 et 29 de celui-ci, que l'aide d'État dont l'existence a été constatée par la Commission dans la décision litigieuse, et qui, par conséquent, a fait l'objet d'une analyse par le Tribunal dans cet arrêt, était constituée d'un avantage conféré par cet accord à Dunamenti Eromu seule et non pas aux actionnaires de celle-ci.

93 Par conséquent, dans la mesure où, par la première branche du troisième moyen du pourvoi, il est reproché au Tribunal d'avoir constaté que l'AAE en cause conférait un avantage à Electrabel, cette première branche repose sur une lecture erronée de l'arrêt attaqué et doit, dès lors, être écartée comme non fondée.

94 En second lieu, en ce qui concerne les arguments exposés aux points 72 à 74 du présent arrêt, tirés de ce que MVM a agi comme un investisseur privé en économie de marché lorsqu'elle a conclu l'AAE en cause, force est de constater que ces arguments ne sont pas susceptibles de démontrer que cet accord ne conférait pas un avantage à Dunamenti Eromu, en tant qu'il s'appliquait à compter du 1er mai 2004. En effet, ainsi qu'il ressort du point 66 du présent arrêt, la question de savoir si ledit accord contenait une aide d'État compatible avec le marché commun à la date de sa conclusion ou à toute autre date antérieure à l'adhésion de la Hongrie à l'Union est dépourvue de pertinence aux fins de déterminer si le même accord contenait une aide d'État à la date de cette adhésion.

95 De même, les arguments relatifs à la vente de Dunamenti Eromu à Electrabel, exposés aux points 75 et 76 du présent arrêt, ne sauraient être retenus, dès lors que, ainsi qu'il ressort du point 92 du présent arrêt, l'aide d'État concernée ne résulte pas de la vente elle-même, mais découle de l'AAE en cause en tant qu'il s'applique à partir du 1er mai 2004. Au demeurant, par ces arguments, Dunamenti Eromu n'explique pas non plus en quoi le Tribunal aurait fait une application erronée du critère de l'investisseur privé à la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union.

96 Eu égard aux considérations figurant aux points 94 et 95 du présent arrêt, la première branche du troisième moyen du pourvoi doit être écartée également en tant qu'elle porte sur l'existence d'un avantage accordé à Dunamenti Eromu en conséquence de l'application de l'AAE en cause.

97 Cette première branche doit, dès lors, être écartée dans son ensemble.

- Sur la deuxième branche du troisième moyen

98 Par la deuxième branche de son troisième moyen, Dunamenti Eromu fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 68 et 69 de l'arrêt attaqué, en considérant qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de l'argumentation qu'elle avait invoquée en première instance, tirée d'un prétendu remboursement de l'aide en cause par Electrabel, au motif que le changement d'actionnariat avait eu lieu avant l'adhésion de la Hongrie à l'Union. Dunamenti Eromu soutient que, si le Tribunal avait tenu compte de cette argumentation, il aurait conclu que, en s'acquittant du prix du marché pour l'acquisition de cette société, Electrabel avait remboursé par avance tout avantage à l'État hongrois et que l'existence d'un avantage découlant de l'AAE en cause au bénéfice de Dunamenti Eromu faisait donc défaut, quelle que soit la période retenue aux fins de l'appréciation de l'existence d'une aide d'État.

99 Il convient de rappeler que, ainsi qu'il a été constaté au point 65 du présent arrêt, c'est sans commettre d'erreur de droit que le Tribunal a retenu, comme date pertinente, aux fins de l'appréciation de l'existence d'une aide d'État découlant de l'AAE en cause, la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union.

100 Aux points 69 et 70 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme inopérante l'argumentation développée par Dunamenti Eromu en première instance, tirée d'un prétendu remboursement de l'aide au travers de la privatisation de cette société, au motif que le changement d'actionnariat qui a eu lieu à l'occasion de cette privatisation s'est opéré avant la date pertinente mentionnée au point précédent.

101 À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour a souligné, à maintes reprises, l'importance de l'appréciation globale qu'il y a lieu d'effectuer lors de l'examen de l'existence d'un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

102 En particulier, s'agissant de l'application du critère de l'investisseur privé en économie de marché, la Cour a jugé que, lorsque la Commission examine le point de savoir si un État a agi en qualité d'actionnaire et si, dès lors, le critère de l'investisseur privé est applicable dans les circonstances de l'espèce, il lui appartient d'effectuer une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis par l'État membre concerné, tout autre élément pertinent de l'espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortit à la qualité d'actionnaire ou à celle de puissance publique dudit État membre. Peuvent être pertinents à cet égard, notamment, la nature et l'objet de cette mesure, le contexte dans lequel elle s'inscrit, ainsi que l'objectif poursuivi et les règles auxquelles ladite mesure est soumise (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, C-124-10 P, EU:C:2012:318, point 86).

103 Par ailleurs, lorsque la Commission vérifie si les conditions d'applicabilité et d'application du critère de l'investisseur privé sont remplies, elle ne peut refuser d'examiner des informations pertinentes fournies par l'État membre concerné que si les éléments de preuve produits ont été établis postérieurement à l'adoption de la décision d'effectuer l'investissement en question. En effet, sont seuls pertinents, aux fins de l'application du critère de l'investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l'investissement a été prise. Il en va ainsi, en particulier, lorsque la Commission examine l'existence d'une aide d'État par rapport à un investissement qui ne lui a pas été notifié et qui a déjà été réalisé par l'État membre concerné au moment où elle effectue son examen (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, C-124-10 P, EU:C:2012:318, points 104 et 105).

104 Il s'ensuit que, lors de l'appréciation de l'existence d'un avantage au titre de l'article 87, paragraphe 1, CE et, notamment, lors de l'application du critère de l'investisseur privé, la Commission est tenue d'effectuer une appréciation globale de la mesure d'aide en cause, en fonction des éléments disponibles et des évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l'octroi de cette aide a été prise, en tenant compte, notamment, du contexte dans lequel ladite aide s'inscrit.

105 Par conséquent, les informations relatives à des événements qui relèvent de la période antérieure à la date de l'adoption d'une mesure étatique et qui sont disponibles à cette date peuvent s'avérer pertinentes dans la mesure où ces informations sont susceptibles d'éclairer la question de savoir si cette mesure constitue un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

106 Il résulte des considérations figurant aux points 99 à 105 du présent arrêt que, en l'occurrence, lors de son appréciation de l'existence d'une aide d'État découlant de l'AAE en cause, la Commission était tenue d'apprécier cet accord dans le contexte dans lequel il s'inscrivait, à la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union, en tenant compte de tous les éléments disponibles à cette date qui s'avéraient pertinents, y compris, le cas échéant, des éléments relatifs à des événements antérieurs à ladite date.

107 Force est donc de constater que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 69 et 70 de l'arrêt attaqué, en jugeant inopérante l'argumentation présentée par Dunamenti Eromu en première instance, tirée d'un prétendu remboursement de l'aide découlant de l'AAE en cause au travers de la vente de cette société à Electrabel, au seul motif que cette vente a été réalisée avant la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union.

108 Toutefois, il y a lieu de rappeler que, si les motifs d'une décision du Tribunal révèlent une violation du droit de l'Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d'autres motifs de droit, une telle violation n'est pas de nature à entraîner l'annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (voir, en ce sens, arrêts Lestelle/Commission, C-30-91 P, EU:C:1992:252, point 28, ainsi que FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120-06 P et C-121-06 P, EU:C:2008:476, point 187 ainsi que jurisprudence citée).

109 Tel est le cas en l'espèce.

110 Selon une jurisprudence constante, la récupération d'une aide illégale vise au rétablissement de la situation antérieure et cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d'autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective. Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, C-277-00, EU:C:2004:238, points 74 et 75).

111 Par conséquent, le principal objectif visé par le remboursement d'une aide d'État versée illégalement est d'éliminer la distorsion de concurrence causée par l'avantage concurrentiel procuré par l'aide illégale (arrêt Allemagne/Commission, C-277-00, EU:C:2004:238, point 76).

112 Selon une jurisprudence également constante, lorsqu'une entreprise ayant bénéficié d'une aide d'État illégale est rachetée au prix du marché, c'est-à-dire au prix le plus élevé qu'un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, notamment après avoir bénéficié d'aides d'État, l'élément d'aide a été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d'achat. Dans de telles conditions, l'acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d'un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (voir arrêt Allemagne/Commission, C-277-00, EU:C:2004:238, point 80 et jurisprudence citée).

113 Dans le cas où l'entreprise à laquelle des aides d'État illégales ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue d'exercer, pour elle-même, les activités subventionnées par les aides d'État, c'est normalement cette entreprise qui conserve l'avantage concurrentiel lié à ces aides et c'est donc celle-ci qui doit être obligée de rembourser un montant égal à celui desdites aides. Il ne peut donc être demandé à l'acheteur de rembourser de telles aides (voir arrêt Allemagne/Commission, C-277-00, EU:C:2004:238, point 81).

114 S'agissant de la présente affaire, il découle des points 1, 68 et 69 de l'arrêt attaqué et il n'est pas contesté dans le cadre du présent pourvoi que la privatisation de Dunamenti Eromu, réalisée au milieu des années 90, a été effectuée par un changement d'actionnariat au moyen d'une cession des participations de cette dernière et que, à la date à laquelle le Tribunal a apprécié les faits, celle-ci était détenue à hauteur de 75 % environ par Electrabel. Par ailleurs, il ressort des points 1 et 2 dudit arrêt, lesquels ne sont pas contestés devant la Cour, que Dunamenti Eromu est un producteur d'électricité actif sur le marché de l'électricité hongrois, qui, après sa privatisation, a continué à exploiter la centrale électrique concernée par l'AAE en cause.

115 Dans ces conditions, la jurisprudence citée par le Tribunal au point 70 de l'arrêt attaqué et invoquée par Dunamenti Eromu dans le cadre du pourvoi à l'appui de son argumentation tirée d'un prétendu remboursement de l'aide découlant de l'AAE en cause ne saurait être interprétée en ce sens que la privatisation de cette société au cours des années 90 a eu pour effet le remboursement effectif de l'aide qui lui avait été accordée en conséquence de l'application de l'AAE en cause. En particulier, à supposer même que ladite société ait été cédée par l'État hongrois à Electrabel au prix du marché et que ce prix ait reflété pleinement la valeur de l'avantage résultant de l'AAE en cause, il découle des constatations effectuées par le Tribunal, telles qu'elles ont été exposées au point précédent, que, après sa privatisation, Dunamenti Eromu a gardé sa personnalité juridique et a continué à exercer les activités concernées par l'aide d'État en cause, de telle sorte que c'est cette société qui a effectivement conservé le bénéfice de l'avantage résultant de cet accord, tel qu'il s'appliquait à partir du 1er mai 2004 et dont elle bénéficiait sur le marché par rapport à ses concurrents.

116 Il s'ensuit que, ainsi que le soutient la Commission, à supposer même que l'État hongrois ait pu tirer profit de la privatisation de Dunamenti Eromu, cette circonstance n'aurait pas empêché cette société de continuer à avoir la jouissance effective, après le changement de son actionnariat opéré à l'occasion de sa privatisation en 1995, de l'avantage découlant de l'AAE en cause qui, ainsi qu'il a été exposé au point 6 du présent arrêt, devait durer, selon les blocs concernés, jusqu'en 2010 ou en 2015. Ainsi, tout profit que l'État hongrois aurait pu tirer de cette privatisation n'était pas susceptible de faire disparaître la distorsion de concurrence causée par l'avantage concurrentiel conféré à Dunamenti Eromu par cet accord.

117 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l'argumentation soulevée par Dunamenti Eromu, selon laquelle, lors de l'appréciation des faits par le Tribunal, cette société formait avec Electrabel une entité économique unique, au sens de la jurisprudence de la Cour, dès lors que les allégations de caractère général formulées par Dunamenti Eromu à l'appui de cette argumentation ne sont pas susceptibles de remettre en cause les constatations faites par le Tribunal et exposées au point 114 du présent arrêt, lesquelles, d'ailleurs, ainsi qu'il a été relevé audit point, n'ont pas été contestées par Dunamenti Eromu dans le cadre du présent pourvoi.

118 Par conséquent, même si c'est à tort que le Tribunal a considéré que le fait que la privatisation de Dunamenti Eromu a eu lieu antérieurement à la date à laquelle devait être examinée l'existence d'une aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, suffisait, à lui seul, à justifier que l'argumentation invoquée par cette société, tirée d'un prétendu remboursement de l'aide au travers de cette privatisation, soit exclue de son appréciation de la question de savoir si l'AAE en cause contenait une aide d'État au sens de cette disposition, il convient de constater que, dans les circonstances de la présente affaire, telles qu'elles ressortent de l'arrêt attaqué, le Tribunal aurait pu, pour confirmer l'existence d'une telle aide, écarter cette argumentation pour des motifs autres que ceux exposés aux points 69 et 70 de cet arrêt. Dans ces conditions, l'erreur de droit constatée au point 107 du présent arrêt n'a pas d'incidence sur la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal à cet égard et, partant, n'a pas non plus d'incidence sur le dispositif de l'arrêt attaqué.

119 Il s'ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée.

- Sur la troisième branche du troisième moyen

120 Il convient de relever que, par son argumentation présentée dans le cadre de cette troisième branche, telle qu'elle est reprise au point 82 du présent arrêt, Dunamenti Eromu se borne à faire valoir, en s'en tenant à des considérations générales, que l'adhésion de la Hongrie à l'Union n'a eu aucune incidence sur le fait qu'aucun avantage n'a été accordé aux requérantes par la conclusion de l'AAE en cause ou par l'acquisition de Dunamenti Eromu par Electrabel, sans expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit en confirmant l'existence d'un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, découlant de cet accord à la date de cette adhésion.

121 Ainsi, force est de constater que l'argumentation invoquée par Dunamenti Eromu à cet égard est fondée sur la prémisse selon laquelle la question de savoir si l'AAE en cause contenait une aide d'État, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, à la date à laquelle cet accord a été conclu et à celle où la privatisation de Dunamenti Eromu est intervenue est pertinente, voire déterminante, aux fins de l'appréciation du point de savoir si ledit accord contenait une aide d'État à la date de l'adhésion de la Hongrie à l'Union. Or, au vu des considérations énoncées aux points 65 et 66 du présent arrêt dans le cadre de l'examen du deuxième moyen du pourvoi, cette argumentation doit être écartée comme non fondée.

122 Pour le surplus, il convient de relever que l'argumentation invoquée par Dunamenti Eromu dans le cadre de cette troisième branche du troisième moyen, relative à la détermination de la date pertinente aux fins de l'appréciation de l'existence d'une aide d'État, telle qu'elle a été exposée au point 83 du présent arrêt, ne constitue qu'une reprise des arguments qui ont déjà été écartés dans le cadre du deuxième moyen.

123 La troisième branche du troisième moyen du pourvoi devant ainsi être rejetée, il convient d'écarter le troisième moyen dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen, tiré de l'absence d'avantage résultant de l'obligation de prélèvement minimal liant MVM

Argumentation des parties

124 Dunamenti Eromu soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et a méconnu son obligation de contrôle juridictionnel en considérant, sans démontrer la présence d'un risque structurel, que l'obligation de prélèvement minimal liant MVM impliquait l'existence d'un avantage.

125 Le Tribunal aurait reconnu, au point 112 de l'arrêt attaqué, que Dunamenti Eromu avait apporté des éléments de nature à démontrer que MVM n'avait jamais été contrainte d'acheter chaque année à la première de ces sociétés une quantité d'électricité supérieure à celle que MVM aurait choisi d'acheter en l'absence de l'AAE en cause. En dépit de cette affirmation, le Tribunal, à l'instar de la Commission, se serait borné à conclure que le fait que, certaines années, MVM avait acheté des quantités d'électricité nettement plus importantes que le prélèvement minimal obligatoire n'impliquait pas qu'elle n'avait pas supporté le risque inhérent à cette obligation.

126 Selon Dunamenti Eromu, en se fondant uniquement sur la simple éventualité d'un risque structurel et en s'abstenant de démontrer qu'un tel risque existait réellement, le Tribunal a méconnu son obligation de contrôle juridictionnel. Si le Tribunal avait correctement évalué ce risque, il aurait conclu à l'absence d'avantage, dès lors qu'il aurait considéré que MVM n'avait jamais été contrainte d'acheter chaque année à Dunamenti Eromu une quantité d'électricité supérieure à celle qu'elle aurait choisi d'acheter en l'absence de l'AAE en cause et que MVM avait donc librement décidé de la quantité d'électricité qu'elle souhaitait acheter. Dunamenti Eromu ajoute que, si le prix payé n'avait pas été le prix du marché, MVM aurait choisi un autre producteur pour la remplacer, à tout le moins pour les quantités d'électricité dépassant le prélèvement minimal, dans la mesure où, comme la Commission l'aurait reconnu dans la décision litigieuse, il existait des capacités de production de remplacement disponibles ainsi que des possibilités d'importations supplémentaires.

127 La Commission estime que le quatrième moyen est irrecevable, dès lors que Dunamenti Eromu n'a pas indiqué la partie de l'arrêt attaqué qui serait entachée d'une erreur de droit. Cette société se référerait incidemment au point 112 de cet arrêt, mais n'exposerait pas la raison pour laquelle ce point devrait être infirmé (voir, en ce sens, arrêts Bergaderm et Goupil/Commission, C-352-98 P, EU:C:2000:361, point 34, ainsi que France/Monsanto et Commission, C-248-99 P, EU:C:2002:1, points 68 et 69).

128 Si la Cour devait considérer que ce moyen vise le point 112 de l'arrêt attaqué, la Commission fait valoir, à titre subsidiaire, que ledit moyen est inopérant.

129 À titre plus subsidiaire, la Commission soutient que le quatrième moyen du pourvoi est, en tout état de cause, non fondé.

Appréciation de la Cour

130 Il convient, à titre liminaire, d'écarter l'argument invoqué par la Commission, tiré de l'irrecevabilité de ce quatrième moyen, en ce que ce dernier n'identifierait pas avec suffisamment de précision la partie de l'arrêt attaqué qui serait entachée d'une erreur de droit. En effet, par l'argumentation présentée au soutien de ce moyen, Dunamenti Eromu vise expressément le point 112 de l'arrêt attaqué.

131 En outre, dans la mesure où l'argumentation de Dunamenti Eromu est tirée d'une erreur de droit commise par le Tribunal en raison du fait que celui-ci n'aurait pas démontré la présence d'un risque structurel lors de l'examen de l'existence d'un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, il ne saurait être reproché à cette société de ne pas avoir identifié des parties spécifiques dudit arrêt (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, EU:C:2002:582, point 423).

132 Toutefois, il convient d'écarter le quatrième moyen du pourvoi comme inopérant. En effet, à supposer même que l'obligation de prélèvement minimal liant MVM n'impliquait pas l'existence d'un avantage, Dunamenti Eromu ne remet pas en cause, notamment, la constatation figurant au point 117 de l'arrêt attaqué, selon laquelle il n'était pas contesté devant le Tribunal que l'insertion des garanties visant à couvrir le coût du capital constitue un avantage au regard des pratiques existant sur les marchés concurrentiels.

133 Il s'ensuit que le fait, à le supposer établi, que l'obligation de prélèvement minimal liant MVM n'impliquait pas l'existence d'un avantage, ne saurait, en tout état de cause, suffire, à lui seul, pour démontrer l'absence d'avantage découlant de l'AAE en cause.

134 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d'avoir méconnu son obligation de contrôle juridictionnel en n'ayant pas démontré la présence d'un risque structurel, aux fins de son appréciation de l'existence d'un avantage, au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

135 Il s'ensuit que le quatrième moyen du pourvoi doit être écarté.

Sur le cinquième moyen, tiré du caractère erroné de la méthode de calcul du montant de l'aide à rembourser

Argumentation des parties

136 Dunamenti Eromu soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en confirmant la méthodologie adoptée par la Commission pour le calcul du montant de l'aide à rembourser et a méconnu le niveau de contrôle juridictionnel requis à cet égard.

137 La Commission aurait demandé à la Hongrie d'estimer le montant de l'aide à rembourser en comparant la différence entre les recettes réellement réalisées dans le cadre du système dans lequel les AAE étaient en vigueur (ci-après le "scénario réel") et les recettes qui auraient été réalisées si aucun accord de ce type n'avait été conclu (ci-après le "scénario alternatif"). Or, les coûts devraient également être pris en compte, dès lors que le fait d'examiner uniquement les recettes ne permettrait pas de procéder à une évaluation exacte de l'avantage découlant prétendument de l'AAE. Dans le cadre de l'approche préconisée par la Commission, les recettes supplémentaires, perçues par Dunamenti Eromu dans le cadre du scénario réel pour couvrir les frais de combustibles supplémentaires, seraient qualifiées d'avantages.

138 Dunamenti Eromu soutient qu'il est nécessaire de prendre en compte le coût des combustibles, étant donné que ceux-ci représentent près de 100 % des coûts de production variables. Il conviendrait donc d'examiner non pas tous les coûts, mais uniquement ceux liés à l'achat de gaz. Dans la présente affaire, la prise en compte du coût des combustibles remettrait en cause l'existence même d'une aide. En effet, les experts économiques engagés par la Hongrie auraient calculé un montant négatif d'environ 100 millions d'euros sur la base des bénéfices et un montant positif d'environ 482 millions d'euros sur la base des recettes uniquement.

139 Il ne serait pas non plus exact que la méthode fondée sur les bénéfices repose sur des hypothèses spéculatives liées au comportement de Dunamenti Eromu, étant donné que la consommation supplémentaire de gaz a été imposée non pas par le comportement que cette société aurait choisi d'adopter, mais par le fait qu'il existait une surproduction d'électricité.

140 Dunamenti Eromu relève que le Tribunal a reconnu, au point 185 de l'arrêt attaqué, que la méthode fondée sur la différence de bénéfices serait plus appropriée. Néanmoins, il ressortirait des points 184 et 189 de l'arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la Commission n'avait pas commis d'erreur en adoptant l'approche fondée sur les recettes, dès lors que l'approche fondée sur les bénéfices semblait plus complexe à mettre en œuvre. Or, le fait qu'une méthodologie s'inscrivant dans le cadre d'un scénario alternatif soit trop complexe à mettre en œuvre ne constituerait manifestement pas un élément pertinent aux fins de l'évaluation du montant de l'aide à rembourser. Au point 186 de l'arrêt attaqué, le Tribunal invoquerait l'arrêt Budapesti Eromu/Commission (T-80-06 et T-182-09, EU:T:2012:65) pour confirmer cette approche. Toutefois, dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, les volumes respectifs retenus dans le scénario alternatif et dans le scénario réel auraient été très similaires.

141 Selon Dunamenti Eromu, la Commission ne pourrait s'appuyer sur les considérations figurant au point 188 de l'arrêt attaqué, selon lesquelles l'avantage doit "être apprécié au regard du comportement de l'entreprise publique conférant l'avantage, et non au regard du comportement du bénéficiaire de cet avantage", dès lors que cette affirmation, qui ne repose sur aucune base juridique, contredit la jurisprudence de la Cour. En effet, au point 2 du dispositif de l'arrêt Ferring (C-53-00, EU:C:2001:627), la Cour aurait clairement énoncé le principe selon lequel, si la mesure d'aide d'État alléguée entraîne à la fois des bénéfices supplémentaires et des surcoûts, la différence entre ces deux montants est susceptible de conférer un avantage constitutif d'une aide d'État.

142 Enfin, en écartant, aux points 184 et 189 de l'arrêt attaqué, la méthode fondée sur les bénéfices, principalement en raison de sa complexité, le Tribunal n'aurait pas exercé un contrôle complet de la décision de la Commission, bien qu'il soit tenu de le faire lorsqu'il procède à des appréciations de caractère économique complexes dans le cadre de recours en annulation, ainsi que la Cour l'aurait jugé dans l'arrêt CB/Commission (C-67-13 P, EU:C:2014:2204).

143 La Commission estime que le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en confirmant la méthode adoptée dans la décision litigieuse pour le calcul du montant de l'aide à rembourser. De même, l'affirmation selon laquelle le Tribunal n'a pas procédé à un examen complet de la décision litigieuse à cet égard serait dénuée de fondement.

Appréciation de la Cour

144 Il y a lieu, tout d'abord, d'écarter l'argument selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit, au point 188 de l'arrêt attaqué, en estimant que l'existence d'un avantage économique doit, conformément au principe de l'opérateur privé en économie de marché, être appréciée au regard du comportement de l'entreprise publique conférant l'avantage en cause, et non au regard du comportement du bénéficiaire. En effet, il est de jurisprudence constante que, aux fins de l'application du critère de l'investisseur privé, il convient de vérifier si le même avantage que celui qui a été mis à la disposition de l'entreprise bénéficiaire au moyen de ressources d'État aurait été accordé par un investisseur privé dans les conditions normales du marché (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, C-124-10 P, EU:C:2012:318, points 78 et 79).

145 S'agissant, plus précisément, du choix de la méthode de calcul du montant de l'aide à rembourser, contrairement à ce que soutient Dunamenti Eromu, dans l'arrêt Ferring (C-53-00, EU:C:2001:627), la Cour n'a pas énoncé un principe général en faveur de la méthode de calcul fondée sur les bénéfices. Si, dans cet arrêt, la Cour a constaté que la mesure en cause constituait une aide d'État, dès lors que l'avantage accordé excédait les surcoûts que les bénéficiaires supportaient, elle a considéré que seuls les surcoûts résultant de l'accomplissement des obligations de service public qui avaient été imposées aux bénéficiaires par la réglementation nationale devaient être pris en compte lors de l'appréciation de l'existence d'un avantage, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 87, paragraphe 1, CE). Or, Dunamenti Eromu ne soutient pas qu'elle avait de telles obligations à accomplir.

146 Ensuite, si, au point 185 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu que la prise en compte du prix du combustible pourrait conduire à ce que "le montant de l'aide à récupérer soit largement inférieur à celui découlant de la mise en œuvre de [la méthode retenue dans la décision litigieuse]", il n'a toutefois nullement reconnu à ce point, contrairement à ce que soutient Dunamenti Eromu, que la méthode de calcul fondée sur les bénéfices est plus appropriée que celle fondée sur les recettes.

147 Au contraire, il ressort d'une lecture d'ensemble des points 184 à 192 de l'arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la méthode retenue par la Commission dans la décision litigieuse était plus apte à faire perdre au bénéficiaire l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents que la méthode fondée sur les bénéfices, conformément à la jurisprudence exposée au point 110 du présent arrêt et rappelée par le Tribunal au point 187 de l'arrêt attaqué.

148 En particulier, au point 184 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission était partie, à juste titre, de la prémisse selon laquelle les avantages découlant des AAE étaient largement supérieurs à l'éventuel écart positif entre les prix des AAE et les prix pouvant être atteints sur le marché en l'absence d'AAE, cette constatation n'étant pas remise en cause dans le cadre du présent pourvoi. Puis le Tribunal a relevé, également à ce point 184, que la Commission avait décidé de limiter l'ordre de récupération à l'écart éventuel entre les recettes des centrales électriques opérant dans le cadre du régime des AAE et celles auxquelles les centrales électriques auraient pu accéder en l'absence d'AAE pendant la période débutant le 1er mai 2004, dès lors qu'il n'était pas possible de calculer exactement la valeur globale de l'ensemble des conditions attachées aux obligations d'achat à long terme de MVM pour cette période.

149 Dans ces conditions, Dunamenti Eromu ne saurait reprocher au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit au seul motif que le montant de l'aide découlant de la méthode de calcul confirmée par celui-ci serait plus élevé que le montant résultant de la méthode dont elle préconise l'application.

150 En outre, ainsi qu'il ressort des points 146 à 148 du présent arrêt, le Tribunal a écarté la méthode fondée sur les bénéfices non pas en raison de sa complexité, mais au motif que la méthode fondée sur les recettes était plus apte à faire perdre à Dunamenti Eromu l'avantage découlant de l'AAE en cause. L'argument invoqué par cette dernière à cet égard étant fondé sur une lecture erronée de l'arrêt attaqué, il convient de l'écarter comme non fondé.

151 Il s'ensuit que l'argument tiré d'une méconnaissance du niveau du contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal, faute d'avoir examiné l'approche proposée par Dunamenti Eromu en raison de sa complexité, ne saurait non plus prospérer.

152 Enfin, dans la mesure où le Tribunal a pu, sans commettre d'erreur de droit, écarter la méthode fondée sur les bénéfices aux fins du calcul du montant de l'aide à rembourser en l'occurrence, les arguments visant à établir une erreur qu'aurait commise le Tribunal dans son appréciation du type d'analyse qui serait nécessaire afin d'appliquer cette méthode sont dénués de pertinence.

153 Le cinquième moyen du pourvoi doit, dès lors, être écarté.

154 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

155 En vertu de l'article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, celle-ci statue sur les dépens.

156 Aux termes de l'article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Dunamenti Eromu ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation aux dépens de Dunamenti Eromu seulement, il convient de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

157 Le pourvoi étant irrecevable en tant qu'il est formé par Electrabel, cette dernière supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre) déclare et arrête, 1) Le pourvoi est rejeté, 2) Dunamenti Eromu Zrt. est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, 3) Electrabel SA supporte ses propres dépens.