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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 22 septembre 2015, n° 14-02799

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Erteco France (Sté)

Défendeur :

Barbecot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dupray

Conseillers :

Mmes Delahaye, Hauduin

Avocats :

Mes Demeyere, Brouard

Cons. prud'h. Louviers, du 14 mai 2014

14 mai 2014

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 14 mai 2014 par lequel le Conseil de prud'hommes de Louviers, statuant dans la litige opposant M. Denis Barbecot à la société Dia France anciennement dénommée Ed, a, après avoir écarté les exceptions d'incompétence soulevées par la société au profit du Tribunal de commerce de Paris s'agissant des contrats d'approvisionnement et de location-gérance et au profit du tribunal arbitral pour les contrats système informatique, ristourne et programme fidélité Dia, reconnu l'existence d'un lien de subordination, notamment requalifié les relations entre les parties en contrat de travail de gérant salarié, a condamné la société Dia à payer au salarié différentes sommes à titre de créances salariales ainsi qu'il suit :

41 090,70 euro : rappel de salaires,

1 121,08 euro : indemnité de licenciement,

20 986,25 euro : rappel d'heures supplémentaires,

6 207,69 euro : indemnité compensatrice de congés payés,

9 891,90 euro : indemnité de préavis,

989,18 euro : congés payés sur préavis,

2 182,53 euro : rappel de primes annuelles,

218,25 euro : congés payés sur primes,

25 000 euro : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 euro : article 700 du Code de procédure civile,

ordonné à la société de remettre au salarié les documents de fin de contrat sous astreinte, M. Barbecot étant débouté du surplus de ses demandes.

Vu l'appel interjeté le 11 juin 2014 par la société Dia France à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 16 mai 2014 ;

Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience des débats du 10 juin 2015 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyen présentés en cause d'appel ;

Vu les conclusions dites récapitulatives et en réponse enregistrées au greffe le 9 juin 2015, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles la société Erteco France anciennement dénommée Dia France, excipant de l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit d'une part du Tribunal de commerce de Paris, au demeurant déjà saisi, pour connaître des demandes en rapport avec les contrats de location-gérance et d'approvisionnement régularisés entre elle et la société Cadeal discount cogérée par M. Barbecot et son épouse Mme Barbecot et d'autre part de la juridiction arbitrale pour ce qui a trait aux conventions de ristournes, contrat informatique et convention fidélité Dia qui contiennent une clause compromissoire ou d'arbitrage, invoquant l'irrecevabilité des prétentions formées au titre du contrat de franchise signé avec la société Ed franchise qui n'est pas en la cause, au fond faisant valoir pour l'essentiel que les relations des parties se sont régulièrement inscrites dans le cadre de relations commerciales entre elle et la société Cadeal discount, sans qu'il soit établi que celle-ci est fictive et qu'il soit justifié de pratiques et de contraintes susceptibles de révéler un lien de subordination juridique caractéristique d'un contrat de travail de droit commun en application de l'article L. 8221-6 II du Code du travail ou même subsidiairement sans que M. Barbecot établisse remplir les conditions cumulatives lui permettant de pouvoir prétendre au statut de gérant de succursale prévu par l'article L. 7321-2 de ce Code et que la cessation de l'exploitation de fonds par la société Cadeal discount résulte de la propre volonté de ses cogérants M. et Mme Barbecot et non d'une résiliation mise en œuvre par la société Dia France, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. Barbecot diverses sommes en rapport avec l'exécution et la rupture d'un contrat de travail, sa confirmation en revanche en ce que la demande formée au titre du travail dissimulé a été rejetée, aucune intention de dissimulation n'étant établie, et à titre infiniment subsidiaire soutenant en substance que la demande de rappel de salaires doit être rejetée pour ne pas prendre en considération les rémunérations perçues par lui en sa qualité de cogérant de la société Cadeal discount et pour être calculée sur la base d'une convention collective erronée, celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire au lieu de celle des fruits et légumes applicable par la société Cadeal elle-même à ses salariés, que l'accomplissement d'heures supplémentaires n'est étayé par aucune pièce, que M. Barbecot n'est pas fondé à revendiquer des sommes au titre de la rupture qu'il a lui-même initiée en sollicitant par l'intermédiaire de la société Cadeal discount la cessation de l'exploitation du point de vente exploité à Grand Couronne et enfin que la revendication au titre de la prime annuelle est fondée sur la convention collective du commerce de détail et de gros qui n'est en l'espèce pas applicable, demande de manière plus générale à la cour de débouter M. Barbecot de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui restituer la somme versée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris et à lui payer la somme de 15 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions dites n° 2 enregistrées au greffe le 10 juin 2015, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l'audience, par lesquelles M. Barbecot, réfutant les moyens et arguments développés au soutien de l'appel, concernant aussi bien les exceptions d'incompétence soulevées et les différents contrats conclus entre la société Cadeal discount gérée avec son épouse et la société Erteco France (anciennement Dia France et Ed) dissimulant une relation salariale de droit commun (article L. 8221-6 II) ou subsidiairement le statut de gérant de succursale (article L. 7321-2), faisant valoir en substance que les contraintes imposées par la société Erteco dans le cadre du contrat de location-gérance consistant dans la régularisation parallèle d'un contrat de franchise avec la société Ed franchise, d'un contrat d'approvisionnement et de divers autres contrats (système informatique, programme de fidélité Dia, convention de ristournes) et dans le fait de lui imposer un certain nombre de prestataires listés lors de la signature des contrats et d'un expert-comptable référencé par le groupe, l'a privé de toutes initiative et liberté et l'a ainsi cantonné dans un rôle d'agent d'exécution pouvant être sanctionné par le biais de la résiliation de l'un quelconque des contrats avec pour conséquence la résiliation de plein droit des autres contrats conclus en raison de leur complète imbrication, soit dans des conditions établissant l'existence d'un contrat de travail, subsidiairement soutenant remplir les conditions permettant la reconnaissance du statut de gérant de succursale sans que l'interposition de la personne morale créée pour l'occasion puisse empêcher cette reconnaissance alors qu'il était contraint avec son épouse de s'approvisionner de manière quasi-exclusive auprès de la centrale Ed, d'exercer dans des locaux dont la société Ed était locataire principale dans les conditions d'exploitation et de fixation de prix des marchandises imposées en fait, revendiquant l'application de la convention collective nationale du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire qui est d'ailleurs mentionnée par la société Erteco elle-même sur les bulletins de salaire remis en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement entrepris et soutenant enfin avoir été contraint de restituer le fonds de commerce à la société Ed et d'avoir mis fin au contrat de location-gérance et de manière consécutive aux autres contrats d'approvisionnement et de franchise pour des raisons tenant aux contraintes qui leur ont été imposées et qui ont entraîné des résultats catastrophiques et une exploitation déficitaire, sollicite la confirmation du jugement déféré en ses dispositions relatives aux rappels de salaire et pour heures supplémentaires, indemnités de congés payés et de rupture, primes et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à les élever à la somme de 39 285,54 euro, son infirmation pour le surplus, la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 19 783,80 euro à titre d'indemnité pour travail dissimulé et celle de 15 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile et enfin à lui remettre sous astreinte de 150 euro par jour de retard des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à pôle emploi conformes au présent arrêt ;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que M. Denis Barbecot et Mme Carole Mauger, après avoir constitué le 10 juin 2010 une société dénommée Cadeal discount ayant pour objet " l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de détail de produits alimentaires et non alimentaires, de type supermarché " et dont ils étaient désignés cogérants, ont régularisé d'une part avec la société Ed, dénommée ensuite Dia France puis Erteco France, le 9 juillet suivant par actes authentiques un contrat de location-gérance libre pour la gestion du fonds de commerce de supermarché exploité <adresse> et un contrat d'approvisionnement et suivant conventions sous seing privé un contrat de système informatique, un contrat relatif au programme de fidélité " Club Dia " et une convention de ristourne et d'autre part avec la société Ed Franchise à la même date un contrat de franchise ; qu'ils ont cessé leur activité, comme il a été constaté au terme d'un constat d'huissier établi à leur demande le 16 mars 2012, et le fonds a été restitué à la société Dia ;

Que M. Barbecot, comme d'ailleurs Mme Carole Mauger devenue son épouse dans une instance séparée, a saisi le 3 juin 2013 le Conseil de prud'hommes de Louviers d'une demande tendant principalement à voir reconnaître à son profit l'existence d'un contrat de travail l'ayant uni à la société Dia France anciennement dénommée Ed avec toutes conséquences tenant à l'exécution de ce contrat et à sa rupture, demandes qui ont été partiellement accueillies par la juridiction prud'homale comme indiqué ci-dessus ;

Attendu que M. Barbecot, au-delà de la dénomination qui a été donnée aux conventions régularisées mais également de l'exercice de son activité sous couvert de la société Cadeal discount créée avec celle qui deviendra ensuite son épouse, peut agir à titre individuel contre la société Erteco pour revendiquer la reconnaissance d'un contrat de travail ou subsidiairement celle du statut de gérant de succursale prévu par l'article L. 7321-2 du Code du travail et voir statuer sur les éventuelles conséquences de la cessation des relations requalifiées, ces demandes relevant dans ces cas de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale, nonobstant les clauses attributives de compétence ou compromissoires contenues dans les différents actes passés entre les parties et le fait qu'une instance est pendante devant le Tribunal de commerce de Paris et oppose les sociétés Erteco et Cadeal discount, étant observé que la société Dia est à l'initiative de cette procédure pour avoir assigné en paiement la société Cadeal tel qu'il ressort des conclusions de cette dernière société Cadeal produites aux débats par la société Erteco (pièce n° 35) ;

Que le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a écarté les exceptions d'incompétence soulevées par la société Erteco au profit des juridictions commerciale et/ou arbitrale ;

Attendu qu'il convient de constater que les demandes formées par M. Barbecot sont uniquement et exclusivement dirigées contre la société Erteco et qu'aucune prétention n'est articulée à l'égard de la société Ed Franchise, étant observé que M. Barbecot se saurait légitimement être privé du droit d'invoquer le contenu du contrat de franchise régularisé avec cette société Ed Franchise, même si celle-ci n'a pas été attraite en la cause, puisqu'il résulte des termes mêmes de ce contrat et des contrats de location de gérance libre et d'approvisionnement régularisés notamment avec la société Erteco, anciennement nommée Dia et Ed, une totale interdépendance entre les diverses conventions, la résiliation de l'une pour quelque cause que ce soit entraînant la résiliation de plein droit des autres ;

Que ce moyen tenant à l'irrecevabilité soulevé par la société Erteco sera en conséquence rejeté ;

Attendu qu'il ressort de l'article L. 8221-6 II du Code du travail que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ; que toutefois, l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque ces dirigeants fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci, ce lien étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Attendu que les termes et conditions des diverses conventions régularisés par M. Barbecot dirigeant de la société Cadeal tant avec la société Erteco anciennement nommée Dia et Ed qu'avec la société Ed Franchise révèlent l'existence d'obligations très contraignantes pesant sur l'intéressé, soit notamment le contrôle opéré par la société Erteco dans l'embauche de nouveaux salariés, au travers de la prohibition dans l'année précédent le terme du contrat de location-gérance d'apporter toute modification substantielle non justifiée dans les conditions des contrats de travail des salariés et notamment de leurs rémunérations, et par des demandes relatives à l'exécution même de ces contrats de travail (pièce n° 38, courriel de M. Helart conseiller de franchise du groupe Dia du 02-02-2012 demandant la transmission d'avis d'inaptitude, de demande de congés parental et des documents de rupture conventionnelle concernant quatre salariés travaillant dans le magasin de Grand Couronne), les horaires d'ouverture imposés, les différentes interdictions nées du contrat de franchise s'agissant notamment de la modification de l'agencement et de l'équipement du magasin sans approbation préalable et écrite du franchiseur, l'utilisation de la configuration informatique mise en place par le franchiseur conformément au contrat système informatique et permettant à la société d'entrer à tout moment en connexion avec le système logiciel afin de collecter des informations, l'obligation de maintenir en permanence dans les rayons la totalité des produits référencés, de s'approvisionner auprès de la société Ed conformément au contrat d'approvisionnement, la limitation dans sa possibilité de vendre d'autres produits que ceux fournis par la centrale d'achat, le respect des bonnes pratiques en matière de trésorerie (pièce n° 14, courrier de M. Helart transmettant à tous les franchisés un message de M. Grossin), les baisses de prix décidées pour s'aligner sur le concurrent Lidl (pièces n° 53, 54 et 55) et le fait de se voir imposer certains prestataires, notamment son expert-comptable ; que néanmoins, il est nullement démontré que M. Barbecot a été soumis de façon directe ou indirecte au pouvoir disciplinaire des sociétés Erteco ou Ed Franchise par le biais d'un rappel à l'ordre ou même d'une menace de sanction pour le non-respect des obligations lui incombant au terme des conventions régularisées, la faculté de résiliation contractuelle prévue au profit des deux sociétés Erteco et Ed Franchise, dont au demeurant aucune n'a en l'espèce usé, ne pouvant être confondue ou assimilée avec le pouvoir disciplinaire propre à l'employeur de sanctionner le salarié placé sous sa subordination ;

Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a reconnu au bénéfice de M. Barbecot l'existence d'un contrat de travail le liant à la société Erteco anciennement Dia ;

Attendu en revanche qu'il résulte des articles L. 7321-1 et L. 7321-2 2 de ce même Code que peut prétendre à la reconnaissance du gérant de succursale et donc à l'application des dispositions du Code du travail, la personne dont la profession consiste essentiellement " a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise " ;

Qu'il ressort des pièces du dossier et des débats qu'aux termes des différentes conventions signées entre M. Barbecot cogérant de la société Cadeal et Mme Mauger sa future épouse également cogérante d'une part et les sociétés Erteco anciennement Dia et Ed et Ed Franchise d'autre part, conventions dont l'interdépendance était totale, que M. Barbecot était contraint de se fournir de manière quasi exclusive auprès de la centrale d'achat imposée au travers de l'obligation de maintenir en permanence dans les rayons la totalité des produits référencés par la société Erteco en s'approvisionnant auprès du fournisseur Ed, la possibilité de se fournir auprès d'un autre fournisseur étant si strictement encadrée (information préalable du fournisseur et du franchiseur, condition de proximité des produits achetés avec les produits référencés) qu'elle ne peut qu'être très marginale ; qu'en outre, le local situé à Grand Couronne a été fourni à l'intéressé par la société Erteco dans le cadre du contrat de location-gérance pour exercer son activité, peu important qu'elle ne soit pas propriétaire de celui-ci mais seulement titulaire du droit au bail ; qu'enfin, il a été démontré ci-dessus que M. Barbecot était dans les conditions d'exercice de son activité soumis à de très nombreuses obligations l'encadrant de manière stricte qu'il s'agisse du contrôle opéré par la société Erteco sur les salariés (embauche, modification substantielle des contrats de travail, exécution et rupture), des horaires et jours d'ouverture imposés, des différentes interdictions nées du contrat de franchise (modification de l'agencement et de l'équipement du magasin) de l'utilisation de la configuration informatique mise en place par le franchiseur(entrées, collectes et modifications à distance) mais aussi des prix, la liberté de M. Barbecot en ce domaine de les diminuer ou de les augmenter étant illusoire au vu des contraintes résultant notamment des contrats d'approvisionnement et de franchise, des baisses décidées pour s'aligner sur le concurrent Lidl (pièces n° 53, 54 et 55) et des difficultés simplement matérielles de changement des prix, les procès-verbaux d'huissier produits aux débats par la société Erteco révélant la possibilité de les modifier au terme d'opérations assez compliquées et relativement longues (presque 3 minutes pour modifier informatiquement 9 produits sans impression des étiquettes et de leur placement en rayon à destination des clients pour le constat opéré le 18-11-2013 et presque 5 minutes pour la même opération concernant 10 produits pour le constat du 29-01-2013), étant au surplus observé que ces deux constats n'ont pas été effectués dans le magasin géré par M. Barbecot mais dans d'autres établissements et à une époque bien postérieure à la cessation de son activité ;

Que l'ensemble de ces éléments permettent de retenir que M. Barbecot remplissait les conditions de l'article L. 7321-2 du Code du travail et peut ainsi revendiquer le statut de gérant de succursale et l'application à son profit de la législation du travail ;

Attendu que si aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail la preuve des heures supplémentaires effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande ;

Que M. Barbecot s'appuie sur un planning hebdomadaire d'où il résulterait selon lui qu'il a accompli toutes les semaines de la période allant du 25-07-2010 au 28-02-2011 sans aucune différenciation ou précision 48 h 25 de travail, soit mensuellement 34,67 heures supplémentaires à 25 % et 22,75 heures supplémentaires à 50 % ; que cependant l'intéressé ne produit ni ce planning, ni aucun élément de nature à étayer sa demande, si bien que le jugement sera infirmé et la demande formée de ce chef par le salarié rejetée ;

Attendu qu'en revanche M. Barbecot est en droit de prétendre au salaire minimum prévu par la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, convention dont il soutient sans être contredit qu'elle est mentionnée sur les bulletins de salaire qui lui ont été remis par la société Erteco pour l'exécution du jugement déféré et ainsi appliquée volontairement par elle et qui apparaît correspondre à l'activité déployée par lui pour le compte de la société ;

Que le jugement entrepris, qui n'est pas autrement et utilement contesté par la société Erteco, sera confirmé en ce qu'il a fait une juste application des dispositions conventionnelles et alloué à M. Barbecot un rappel de rémunérations pour la période du 25-07-2010 au 05-03-2012, outre une somme équivalente à 10 % de cette somme au titre des congés payés ;

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier et des débats que la rupture des relations dont M. et Mme Barbecot ont pris l'initiative par la restitution du fonds de commerce constatée suivant procès-verbal d'huissier de justice du 16 mars 2012 est fondée sur les difficultés financières importantes rencontrées par eux en raison notamment des conditions d'exécution des différentes conventions signées avec les sociétés Erteco et Ed franchise, rendues problématiques en raison de l'occultation de l'installation à proximité d'un concurrent direct, soit un magasin Lidl, dans un temps proche du début de la location-gérance, des charges de personnel trop importantes héritées de l'ancienne gérance ou direction en considération de l'activité et enfin du changement d'enseigne qui leur a été imposé entre Ed et Dia avec une baisse corrélative de leur chiffre d'affaires ; que la rupture, qui doit être ainsi imputée aux manquements de la société Erteco anciennement nommée Dia et Ed, doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse dont M. Barbecot est fondé à réclamer l'indemnisation à la date du 16 mars 2012 ;

Attendu que cette indemnisation comprend, outre les indemnités de rupture (préavis et indemnité conventionnelle de licenciement) des dommages et intérêts au titre de la rupture ;

Attendu que la société Erteco ne soutient en appel aucun moyen, ni aucun argument et ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause l'octroi d'indemnités de rupture, celles-ci ne faisant l'objet d'aucune autre contestation que celles tenant à leur principe ou à leur montant calculé par application de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

Que cependant il convient de calculer le montant des indemnités de préavis et de licenciement sur la base du salaire mensuel de 2 182,53 euro sans y ajouter les heures supplémentaires dont le principe a été écarté ci-dessus, si bien que le jugement entrepris sera infirmé sur les montants alloués et il sera octroyé à M. Barbecot les sommes de 6 547,8 euro au titre du préavis, 654,79 euro pour les congés payés y afférents et 742,06 euro au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Attendu que M. Barbecot est en droit de prétendre à des dommages et intérêts en considération du préjudice subi par lui du fait de la rupture des relations contractuelles ; qu'il n'est pas produit aux débats d'éléments particuliers sur la situation qui est la sienne depuis la restitution du fonds de commerce et la fin de son activité qui sont intervenues il y a plus de trois années, si bien qu'il lui sera alloué, à hauteur du montant indiqué au dispositif ci-après, une indemnisation néanmoins inférieure à celle fixée par les premiers juges et le jugement déféré infirmé en cette mesure ;

Attendu que la société Erteco ne soutient en appel aucun moyen, ni aucun argument et ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause la disposition octroyant à M. Barbecot un rappel de prime annuelle et les congés payés y afférents, celle-ci ne faisant l'objet d'aucune autre contestation que celles tenant à leur principe ou à leur montant calculé par application de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, si bien que le jugement entrepris sera confirmé sur ces points ;

Attendu qu'il n'a pas été reconnu à M. Barbecot le bénéfice des dispositions de l'article L. 8221-6 du Code du travail, si bien qu'il n'est pas fondé à soutenir l'existence d'une dissimulation d'emploi salarié et l'indemnité subséquente ;

Que par ces motifs substitués le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté cette demande ;

Attendu que M. Barbecot peut en conséquence de la reconnaissance de son statut de gérant de succursale revendiquer l'application des dispositions du Code du travail comprenant notamment celles relatives à la remise de documents sociaux de rupture et un bulletin de paie, sans qu'il soit toutefois nécessaire d'assortir cette condamnation de la société Erteco sous astreinte ;

Attendu que la société Erteco, anciennement nommée Dia France, partie appelante qui succombe, sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du Code de procédure civile, condamnée sur ce même fondement à verser à la partie intimée une indemnité de 2 500 euro pour l'ensemble de l'instance et à supporter les entiers dépens ;

Par ces motifs LA COUR, Confirmant partiellement le jugement rendu le 14 mai 2014 par le conseil de prud'hommes de Louviers et statuant à nouveau, Dit que M. Denis Barbecot a exercé les fonctions de gérant de succursale prévues par l'article L. 7321-2 du Code du travail ; Dit que la rupture est survenue du fait de la société Erteco à la date du 16 mars 2012 et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, En conséquence, condamne la société Erteco à lui verser les sommes suivantes, 41 090,70 euro : rappel de rémunérations, 4 109,07 euro : congés payés sur ce rappel, 2 182,53 euro : rappel de primes annuelles, 218,25 euro : congés payés y afférents, 6 547,86 euro : indemnité de préavis, 654,79 euro : congés payés sur préavis, 742,06 euro : indemnité de licenciement, Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Erteco anciennement nommée Dia France et Ed France de sa convocation devant le bureau de conciliation, 10 000 euro : dommages et intérêts au titre de la rupture, Avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris, 2 500 euro : indemnité de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Erteco à remettre à M. Barbecot les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire rectifié, Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la société Erteco aux dépens de première instance et d'appel.