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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 24 septembre 2015, n° 14-02849

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bapdis (SAS)

Défendeur :

Carrefour Hypermarchés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Farina

Conseillers :

Mmes Aublin-Michel, Bertoux

Avocats :

Mes Pontel, Langlois, Moreau Margotin

T. com. Rouen, du 2 juin 2014

2 juin 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Bapdis qui exerce son activité sous l'enseigne Leclerc a fait paraître à plusieurs reprises consécutives, (les 14, 15, 16 et 17 avril 2014) dans le quotidien " Paris-Normandie " un texte comprenant en particulier les termes " Carrefour Pub Magouille " ;

Invoquant notamment des actes de dénigrement la société Carrefour Hypermarchés a assigné en indemnisation de préjudice la société Bapdis devant le Tribunal de commerce de Rouen.

Par jugement du 2 juin 2014, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Rouen a notamment :

- dit que la société Bapdis a dénigré la société Carrefour Hypermarchés par des publicités inappropriées et que la responsabilité de la société Bapdis est engagée,

- condamné la société Bapdis à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 50 000 euro,

- ordonné à la société Bapdis de cesser les publicités contenant à l'encontre de la société Carrefour Hypermarchés le terme de " magouille ",

- condamné la société Carrefour Hypermarchés à une astreinte de 5 000 euro par infraction constatée,

- autorisé la société Carrefour Hypermarchés à faire publier le dispositif du jugement dans une édition du journal Paris Normandie, aux frais de la société Bapdis,

- dit que les publicités critiquées sont à la fois informatives et comparatives,

- débouté la société Bapdis de ses demandes,

- condamné la société Bapdis à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Bapdis a interjeté appel de cette décision dont elle demande l'infirmation

Par conclusions du 28 mai 2015 elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- constater que la société Bapdis, dans ses publicités, n'a dénigré aucun produit commercialisé par son concurrent mais a seulement fustigé sa pratique commerciale trompeuse,

- constater que l'information donnée dans ces publicités est conforme à des vérités économiques incontestables et prouvées,

- en conséquence débouter la société Carrefour Hypermarchés de ses demandes,

- condamner la société Carrefour Hypermarchés aux dépens et au paiement des sommes de 50 000 euro pour procédure abusive et de 20 000 euro au titre des frais non répétibles.

Par conclusions du 6 mars 2015 la société Carrefour Hypermarchés demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ses dispositions par lesquelles le tribunal a :

- considéré que les publicités litigieuses n'avaient pas un caractère trompeur,

- fixé à 50 000 euro le montant de l' indemnité destinée à réparer le préjudice subi,

- l'infirmant de ce chef et y ajoutant,

- dire que les publicités incriminées revêtent également un caractère trompeur,

- condamner la société Bapdis à payer à la société Carrefour Hypermarchés la somme de 800 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la diffusion des publicités incriminées,

- ordonner à la société Bapdis d'afficher l'arrêt à intervenir sur les portes du magasin Leclerc à l'enseigne E. Leclerc de Bapaume-les-Rouen pendant une durée d'un mois et ce sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

- en tout état de cause,

- débouter la société Bapdis de ses demandes,

- condamner la société Bapdis aux dépens et au paiement de la somme de 25 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un exposé plus ample des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2015.

Cela étant exposé

I) Sur la recevabilité de la demande d'indemnisation de préjudice pour concurrence déloyale

Attendu que l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code civil, lesquels impliquent l'existence d'une faute commise par le défendeur et d'un préjudice souffert par le demandeur ;

Qu'elle peut être engagée notamment pour des actes de dénigrement ;

Que constituent également des actes de concurrence engageant la responsabilité civile de leur auteur :

- l'utilisation de pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation,

- le recours à une publicité comparative trompeuse ou de nature à induire en erreur au sens de l'article L. 121-8 du même Code ;

Attendu que la société Carrefour expose que la société Bapdis a fait paraître à plusieurs reprises consécutives dans le quotidien " Paris-Normandie " un texte comprenant en particulier les termes " Carrefour Pub Magouille " ;

Qu'après avoir décrit le contenu de ces publications elle soutient que par leur diffusion la société Bapdis s'est rendue coupable de dénigrement ;

Attendu que la société Bapdis invoque l'irrecevabilité de l'action en concurrence déloyale engagée par la société Carrefour ;

Qu'au soutien de son exception elle fait valoir essentiellement que :

- dès lors qu'ils visent directement la société Carrefour, personne morale et non des produits, les faits incriminés, ne constituent pas un dénigrement mais pourraient éventuellement être qualifiés de diffamation,

- or les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relatives à la diffamation sont incompatibles avec les articles 1382 et 1383 du Code civil, L. 121-1 et L. 121-8 du Code de la consommation, qui servent de fondement aux demandes de la société Carrefour,

- il n'y a pas de concurrence déloyale puisque l'objectif de la publicité incriminée n'est pas de détourner des clients à son profit mais de répondre à une agression orchestrée par les pratiques commerciales de la société concurrente,

- compte tenu de leur qualification éventuelle, les faits de concurrence déloyale n'auraient pu donner lieu, le cas échéant, qu'à une instance en diffamation devant le tribunal de grande instance dans le délai de trois mois prévu par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

- l'action engagée par la société Carrefour devant le tribunal de commerce pour dénigrement est donc irrecevable,

- en outre la société Carrefour ne peut invoquer pour les mêmes faits à la fois le principe de la responsabilité délictuelle posé par l' article 1382 du Code civil et les dispositions spécifiques du Code de la consommation, lesquelles sont exclusives des dispositions de ce texte du Code civil,

- si l'article L. 121-14 du Code de la consommation vise l'article 1382 du Code civil c'est exclusivement pour des infractions aux textes relatifs à la publicité comparative et non à celles des articles L. 121-1 à L. 121-7 qui visent les pratiques déloyales ;

Attendu que la société Carrefour fait valoir en réponse que :

- contrairement à ce que soutient la société Bapdis les faits incriminés constituent des actes de dénigrement, lequel relève des dispositions de l'article 1382 du Code civil et de celles du Code de la consommation et non une diffamation régie par les dispositions spécifiques de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ;

- qu'alors que la diffamation ne trouve pas à s'appliquer dans les rapports purement économiques, le dénigrement est caractérisé dès lors qu'il y a derrière les propos litigieux un enjeu commercial et un contexte de concurrence et que ces propos tendent à discréditer un concurrent ;

- en conséquence, alors même qu'elles consistent en des imputations visant la personne morale (et non pas seulement les produits et services ainsi que les méthodes commerciales de l'entreprise), les allégations portées sur un concurrent engagent la responsabilité de leur auteur pour concurrence déloyale dès lors qu'elles n'ont pour objet que de porter le discrédit sur les méthodes employées par le concurrent et qu'elles sont exprimées dans le but manifeste d'en détourner la clientèle,

- en l'occurrence, les allégations contenues dans les articles de presse litigieux constituent un dénigrement fautif de nature à jeter le discrédit sur la société Carrefour,

- s'agissant des dispositions applicables au dénigrement les pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article 121-1 du Code de la consommation n'excluent pas, pour les mêmes faits, l'application de l'article 1382 du Code civil à condition que les parties soient en situation de concurrence et que les actes les actes commis soient déloyaux ;

- en outre l'article L. 121-14 du Code de la consommation dispose que les infractions aux dispositions des articles L. 121-8 à L. 121-12 du Code de la consommation sont punies par des textes spéciaux mais sans préjudice de l'application de l'article 1382 du Code civil ;

- l'application de ce dernier texte et à travers lui la réparation du dénigrement ne sont donc pas exclues par les dispositions particulières du Code de la consommation ;

Attendu, cela exposé, que la demande la société des Etablissements Carrefour tend à voir dire que la société Bapdis a utilisé des propos excessifs et formulé des allégations trompeuses, destinées à porter atteinte à l'image de marque de l'enseigne Carrefour et à en détourner la clientèle ;

Attendu que tout en visant directement une personne morale, les allégations et propos contestés émanent d'une société concurrente de la même spécialité et exerçant dans le même secteur d'activité que l'entreprise visée ; qu'ils mettent en cause des pratiques commerciales mises en œuvre par celle-ci ; qu'en insistant, dans les publications concernées, sur le fait que pour sa part " Leclerc reste le moins cher ", la société Bapdis marque son volonté de se placer, par ses propos, sur le terrain de la concurrence ; que selon la société des Etablissements Carrefour, les faits reprochés ont pour finalité de jeter le discrédit sur elle en la dénigrant, afin d'en détourner les clients ;

Que ces éléments font ressortir que la demande porte non pas sur des faits de diffamation mais sur des actes de concurrence déloyale ;

Qu'ils n'entrent donc pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 mais de celles qui concernent les actes de concurrence déloyale et en particulier le dénigrement ;

Attendu que compte tenu de ces éléments l'exception d'irrecevabilité n'est pas fondée ;

II) Sur le fond de la demande d'indemnisation de préjudice pour concurrence déloyale

a) Sur la responsabilité

Attendu que la société Carrefour reproche à la société Bapdis :

- d'une part d'avoir commis des actes de dénigrement,

- et d'autre part d'avoir utilisé à la fois des pratiques commerciales trompeuses au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, et des publicités comparatives trompeuses ou de nature à induire en erreur au sens de l'article L. 121-8 du même Code ;

Attendu qu'elle expose principalement que

- la société Bapdis a fait publier, notamment dans le quotidien Paris Normandie paru le 14 avril 2014, un texte comportant notamment les termes :

- Carrefour Pub Magouille

- mes très Chers voisins,

- pour qu'une publicité comparative soit mensongère, il vous suffit de suivre attentivement la recette Carrefour. Vous avez bien suivi ces instructions

Vous pouvez être sûr que votre magouille est toute prête pour appâter vos clients,

- et en outre dans les publications des 15 et 17 avril 2014 où il est mentionné que le magasin de Carrefour Barentin est plus cher de 5,5 %, la société Bapdis a, à la fois utilisé une pratique commerciale trompeuse et une publicité comparative de nature à induire en erreur, au sens des articles L. 121-1 et L. 121-8 du même Code;

Attendu qu'il convient d'examiner successivement :

- d'une part la demande portant sur le dénigrement,

- et d'autre part les demandes en tant que fondées sur l'utilisation de pratiques commerciales trompeuses et de publicité comparatives mensongères ou trompeuses au sens des articles L. 121-1 et L. 121-8 du Code de la consommation;

1) Sur la demande portant sur le dénigrement

Attendu que la publication parue dans le quotidien Paris Normandie le 14 avril 2014 contient en particulier, sous le titre " 1986-2014 Toujours la même recette ",

- d'une part la reproduction d'un article qui, paru près de 30 ans plus tôt (12 décembre 1986) dans le même journal énonçait :

- " Comparative

Bonjour la pub magouille,

- E.Leclerc a découvert " la recette Carrefour "

- et d'autre part, après ce rappel, le texte : " Rien n'a changé ou presque !

- Toujours la même pub magouille "

- Carrefour Barentin ne compare que quelques produits et oublie tous les autres, RDV Demain,

" Nos très chers voisins " ont beau dire E.Leclerc reste le moins cher " ;

Attendu que la société Carrefour fait valoir que :

- les publicités diffusées par la société Bapdis sont constitutives d'un dénigrement car :

- elles comportent le terme outrancier " Magouille ", lequel est dénigrant en ce qu'il suggère aux clients que la société Carrefour les trompe en utilisant des procédés malhonnêtes,

- la référence à des publicités parues en 1986 et le rapprochement des années 1986-2014 laissent à penser que Carrefour trompe ses clients depuis plusieurs années,

- le caractère dénigrant est renforcé par l'usage de l'expression à double sens : " nos très chers voisins ", qui révèle l'intention d'entacher la réputation de la société Carrefour,

- la société Bapdis ne peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant que les publicités diffusées s'appuieraient sur des faits exacts, ce qui d'ailleurs n'est pas justifié ;

- les publicités incriminées ont à la fois un aspect informatif et un aspect comparatif, encore que pareille distinction importe peu dès lors que le dénigrement peut être sanctionné soit sur le fondement de l'article L. 121-9 du Code de la consommation soit sur celui de l'article 1382 du Code civil,

Attendu qu'en réponse la société Bapdis fait valoir essentiellement que :

- le dénigrement allégué n'est pas démontré ;

- les propos " Pub Magouille " relèvent de la liberté d'expression et ne sont pas dénigrants dans la mesure où :

- sans connotation argotique, calomnieuse ou péjorative ils sont familiers et populaires,

- marqués par l'humour ils captent l'attention du lecteur,

- ils sont repris d'une publication diffusée à son initiative en 1986 et qui à l'époque n'avait pas suscité de réaction de la part de la société Carrefour,

- ils n'ont pas été tenus pour jeter publiquement le discrédit et pour chercher à bénéficier d'un avantage commercial au détriment de la société Carrefour, mais pour restaurer une réalité économique bafouée par la société Carrefour,

- leur emploi n'est donc pas infondé dès lors qu'ils viennent en réponse à des manquements graves répétés et prouvés,

- il n'ont pas été utilisés dans le dessein de nuire ;

Attendu, cela exposé que les articles parus les 16 et 18 comprennent les termes " Pub Magouille " et " nos très CHERS voisins " ;

Attendu que l'emploi de l'expression " Pub Magouille ", suggère au lecteur que la société Carrefour utilise des moyens malhonnêtes pour induire en erreur le consommateur sur la réalité des prix qu'elle pratique ;

Attendu que les propos ainsi utilisés sont donc de nature à jeter le discrédit sur la société Carrefour expressément visée dans le texte des publications ;

Que l'emploi des termes " Carrefour Pub Magouille " présente en lui-même un caractère malveillant, qu'il s'agit là de propos outranciers qui dépassent manifestement les limites de ce qu'il est permis en matière d'appréciation sur les pratiques commerciales d'un concurrent ;

Que participant au caractère malveillant du message d'ensemble délivré au consommateur, les termes à double sens " nos très chers voisins ", le mot " chers " étant en écrit en majuscules, renforcent l'image donnée d'une entreprise dont les prix sont très élevés et qui pour cette raison se livre à des pratiques destinées à tromper le client ;

Attendu qu'en raison du caractère outrancier des termes " Pub Magouille " ni la forme humoristique alléguée, ni la circonstance que la publication des mêmes propos plusieurs années auparavant n'ait pas suscité de réaction de la part de la société Carrefour, ni le contexte national ou local invoqué, relatif notamment aux litiges portant sur des relevés de prix, ni encore le fait que la société Bapdis considère que l'enseigne " Carrefour " pratique des prix plus élevés que la sienne, n'excusent l'emploi de ces propos dénigrants ;

Attendu que ces propos excessifs, de nature à jeter le discrédit sur la société Carrefour, portent atteinte à l'image commerciale de la société Carrefour auprès du consommateur; qu'ils constituent un dénigrement, peu important qu'ils soient ou non exacts (Cass. com. du 24 septembre 2013) ;

Attendu que les faits de dénigrement allégués sont donc établis ;

2) Sur la demande en tant que fondée sur l'utilisation de pratiques commerciales trompeuses et de publicités comparatives mensongères ou trompeuses au sens des articles L. 121-1 et L. 121-8 du Code de la consommation,

Attendu que selon les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation :

- " I.- Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants: c) Le prix " ;

Qu'aux termes de l'article L. 121-8 du Code de la consommation :

" Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :

1° Elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur " ;

Attendu en l'espèce que la société des Etablissements Carrefour, au visa des textes précités, expose que :

- les publications des 14, 15 et 17 avril 2014 contiennent des messages de publicités comparatives de nature à induire le consommateur en erreur au sens de l'article L. 121-8 1er du Code de la consommation;

- en se référant à la fois au site informatique (quiestlemoinscher.com) et à un relevé de prix en magasin, il y est prétendu, que la société Carrefour, est plus chère de 5,54 %,

- or la consultation de ce site révèle un écart de 1,1 % seulement à partir d'un autre relevé de prix,

- la mention d'un taux plus élevé (soit 5,54 %) que celui constaté sur le site auquel la publicité renvoie est mensongère et trompeuse pour le consommateur ;

Attendu la société Bapdis fait valoir que :

- la société Carrefour omet de préciser que, dans ces publications, le taux de 5,5 % n'est indiqué que par référence à un relevé de prix spécifique et non pas aux données du site informatique ;

- dans les publicités parues les 15 et 17 avril 2014 s'il est énoncé que le magasin Carrefour de Barentin est plus cher de 5,54 % que le magasin Leclerc de Bapeaume-les-Rouen c'est en se référant à des relevés de prix en magasin des 7, 8, et 9 avril 2014 sur 8354 articles,

- Or sur le site " quiestlemoinscher.com " le magasin Carrefour de Barentin est présenté comme étant plus cher de 1,10 % et non de 5,54 %, et ce par référence à des relevés de prix de janvier, février, 2014 portant sur 1 693 produits ;

Attendu que de l'examen de la publicité concernée il résulte que les pourcentages de 5,54 % et 1,1 % qui y figurent sont issus de relevés de prix différents ;

Que le pourcentage de 5,54 %, a ainsi été indiqué en référence non pas au site informatique " quiestlemoinscher.com ", mais à un relevé de prix effectué en magasin les 7, 8, et 9 avril 2014 sur 8 354 produits,

Que quant à lui, le taux de 1,1 % résulte d'un relevé de prix effectué pendant une autre période (janvier, février 2014) et portant sur un nombre de produits près de 4 fois plus élevé que celui d'où résulte le taux de 5,5 % contesté ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la société Carrefour ne démontre pas de pratiques commerciales trompeuses ni celle d'une publicité comparative trompeuse ou de nature à induire le consommateur en erreur au sens des textes précités ;

Attendu que la demande en tant que fondée sur ces dispositions légales n'est donc pas fondée ;

b) Sur le préjudice

Attendu que dans le dispositif de ses dernières conclusions la société des Etablissements Carrefour demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement déféré et y ajoutant de :

- condamner la société Bapdis à payer une indemnité de 800 000 euro en réparation du préjudice matériel et moral résultant des publicités litigieuses,

- ordonner sous astreinte à la société Bapdis d'afficher l'arrêt à intervenir sur les portes du magasin à enseigne Leclerc de Bapeaume les Rouen pendant un mois;

Attendu que concernant les mesures de publicité il convient de relever que la société Carrefour ne reprend pas dans le dispositif de ses dernières conclusions la demande, exposée dans le corps de celles-ci, et tendant à voir publier dans des journaux le présent arrêt ;

Attendu qu'aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile " les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour n'est saisie que par les prétentions énoncées au dispositif " ;

Attendu qu'il en résulte en l'espèce que s'agissant des mesures de publicité la cour n'est saisie que de la demande d'affichage ;

Attendu sur la demande en paiement d'indemnité qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif d'un préjudice (cf. Cass. com., 27 mai 2008 et 2 décembre 2008) ;

Attendu en l'espèce, que par l'emploi du terme " magouille " renforcé par les termes " nos très chers voisins " expression utilisée pour accréditer l'idée du recours à des pratiques malhonnêtes, destinées indieusement à tromper les clients, les publications concernées jettent le discrédit sur la société Carrefour et nuisent gravement à son image de marque ;

Attendu que cette atteinte est d'autant plus importante que :

- les textes litigieux, publiés en pleine page sur la 4e de couverture d'un quotidien régional à tirage élevé (50 000 exemplaires en moyenne), ont fait l'objet de plusieurs parutions consécutives, chacune des premières publicités annonçant au lecteur la parution d'une suite dans la prochaine édition ;

Attendu qu'au vu de ces éléments et de la gravité du dénigrement ci-dessus retenu la cour dispose des données d'appréciation suffisantes pour fixer à la somme de 50 000 euro l'indemnité destinée à réparer le préjudice en résultant ;

Attendu que s'agissant de publications portant atteinte à l'image de marque de la société Carrefour les dispositions du jugement déféré relatives aux mesures de publicité ordonnées en réparation du préjudice seront confirmées ;

Attendu qu'il convient également, d'ordonner en réparation du dommage résultant du dénigrement, l'affichage de la présente décision selon les modalités définies au dispositif de la présente décision ;

III) Sur la demande reconventionnelle

Attendu que la société Bapdis fait valoir que :

- elle a été contrainte de se défendre dans une procédure manifestement injustifiée en raison du fondement juridique invoqué et de l'attitude préexistante de la demanderesse,

- la société Carrefour a procédé à des mesures de publicité non ordonnées par le tribunal :

- reproduction en pleine page du dispositif du jugement déféré,

- reproduction de ce dispositif dans les mails des magasins de Mont-Saint-Aignan et de Barentin ;

- les responsables de ce dernier établissement ont refusé de retirer l'affichage illicite et ont adopté envers l'huissier de justice chargé de dresser un procès-verbal une attitude d'obstruction ;

Qu'elle sollicite à ce titre le paiement d'une indemnité de 50 000 euro pour procédure abusive ;

Mais attendu que la société Carrefour démontre l'existence d'actes de concurrence déloyale par dénigrement ; qu'il n'est donc pas établi qu'en engageant une instance qui tend à l'indemnisation du préjudice en résultant elle ait commis une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice ;

Attendu qu'il n'est pas établi que les mesures de publicité susvisées, (dispositif du jugement déféré publié sur une pleine page du quotidien Paris-Normandie et également porté à la connaissance du public par voie de mails dans deux magasins) aient été effectuées par la société Carrefour de mauvaise foi avec intention de nuire ;

Attendu en outre qu'à les supposer établis les faits concernant les conditions d'établissement du procès-verbal du 24 juin 2014 ne sauraient constituer de la part de la société Carrefour un acte de procédure abusive ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la demande reconventionnelle n'est pas fondée ; qu'elle ne peut aboutir ;

IV) Sur les autres demandes

Attendu que l'équité commande :

- de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux frais hors dépens,

- d'allouer à la société Carrefour une indemnité de 5 000 euro pour frais hors dépens d'appel, et de rejeter la demande formée par la société Bapdis sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile les dépens seront mis à la charge de la société Bapdis ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Ordonne à la SAS Bapdis d'afficher le dispositif du présent arrêt sur la ou les portes d'entrée du magasin à l'enseigne E Leclerc de Bapeaume les Rouen et ce pendant une durée de huit jours, délai courant à compter de la date de la signification dudit arrêt, Assortit cette obligation d'une astreinte de 1 000 euro par jour de retard pendant 2 mois, Condamne la société Bapdis à payer à la sas Carrefour Hypermarchés la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif Condamne la société Bapdis aux dépens.