CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 2 octobre 2015, n° 13-05217
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Transarnaud (SASU)
Défendeur :
Collectes Valorisation Energie Déchets (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touzery-Champion
Conseillers :
Mme Prigent, M. Richard
Avocats :
Mes Régnier, Guéroult, Havet, Bacle
La société Transarnaud est une société de transport public routier de marchandises et de location de véhicules industriels avec conducteur.
La société Collectes Valorisation Energie Déchets (ci-après "la société Coved"), venant aux droits de la société Coved Industries et service, suite à une opération de fusion intervenue le 14 février 2008, est une société spécialisée dans la collecte, le transport routier, le traitement, le tri et le stockage de déchets.
Sélectionnée à compter du 1er décembre 2008, sur appel d'offres, la société Coved a conclu avec la société Eco-Sytèmes, un contrat de prestations de service logistiques de ramassage et de regroupement des déchets électriques et électroniques ménagers pour 7 départements français. Concernant les départements des Yvelines (78), du Val d'Oise (95) et Paris (75), la société Coved a sous-traité les prestations liées à ce contrat à la société Transarnaud.
A cette occasion, et pour faciliter la prestation, la société Coved a accepté d'héberger sur son site d'Argenteuil, le matériel de la société Transarnaud.
En septembre 2011, la société Eco-systèmes a ensuite procédé à deux publications d'appel d'offre pour la collecte des déchets électriques et électroniques sur 30 départements français, dont les Yvelines.
Aux termes d'une consultation restreinte, elle a également proposé à la société Transarnaud de soumissionner au marché concernant les départements du Val d'Oise et de Paris.
La société Transarnaud n'a pas remporté le marché de collecte des déchets pour Paris et s'est retrouvée à traiter, en direct, uniquement le marché des Yvelines et du Val d'Oise.
Par courrier du 18 mai 2012, la société Transarnaud, s'estimant victime d'une rupture brutale des relations commerciales, a mis la société Coved en demeure d'avoir à respecter un délai de préavis d'un an minimum.
Par courrier du 30 mai 2012, la société Coved lui a ordonné de retirer son matériel stocké à Argenteuil avant le 11 juin 2012.
La société Transarnaud a assigné à bref délai la société Coved devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies en paiement de la somme de 456 000 euro en réparation de son préjudice, augmentée des intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 18 mai 2012.
Par jugement du 13 février 2013, le Tribunal de commerce de Paris a débouté la société Transarnaud de toutes ses demandes à l'encontre de la société Coved et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Transarnaud a interjeté appel du jugement.
Par conclusions signifiées le 9 juin 2015, la société Transarnaud demande de:
- réformer le jugement dans sa totalité,
- dire que la société Coved a rompu de manière brutale, sans notification et sans préavis, des relations commerciales établies depuis plus de 10 ans,
- condamner en conséquence la société Coved à lui verser la somme de 456 000 euro en réparation de son préjudice en résultant avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 18 mai 2012,
- condamner la société Coved à lui payer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, les sommes de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.
Par conclusions signifiées le 3 juin 2015, la société Coved demande de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner la société Transarnaud à lui payer à la société Coved la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce dispose :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) de rompre brutalement même partiellement, une relation commerciale, établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ".
La société Coved ne conteste pas entretenir depuis 10 ans des relations commerciales avec la société Transarnaud mais précise qu'elles sont empreintes de précarité, ce que conteste la société Transarnaud au vu de la durée des relations et du volume d'activité.
La société Transarnaud produit des factures justifiant que les relations ont débuté en 2002 pour des montants modiques ;
Il est justifié de deux marchés Eco-systèmes et Ecologic, obtenus par la société Coved pour des périodes de deux et trois ans à compter respectivement des 1er décembre 2008 et 1er janvier 2010, ce qui a permis à la société Transarnaud d'augmenter son chiffre d'affaires.
La société Transarnaud produit les chiffres d'affaire suivants attestés par son cabinet d'expertise comptable :
- 01-10-2010 au 30-09-2011 : 2 177 749 euro
- 01-10-2011 au 30-09-2012 : 2 261 029 euro
- 01-10-2012 au 30-09-2013 : 1 475 125 euro
En octobre 2011, la société Transarnaud indique avoir découvert dans le journal " l'Officiel des Transporteurs " qu'un appel d'offres était lancé par la société Eco-systèmes pour la collecte des déchets électriques et électroniques sur 30 départements français, dont les Yvelines (78) et qu'elle apprenait ainsi la rupture du contrat la liant à la société Coved.
La société Transarnaud a été contactée par la société Eco-systèmes, dans le cadre d'une consultation restreinte, pour reprendre également le marché du département du Val d'Oise et Paris. Elle apprenait ainsi que le contrat de la société Coved prenait également fin pour ces 2 départements. Elle n'a pas remporté le marché de collecte des déchets pour Paris mais a bénéficié du marché des Yvelines et du Val d'Oise.
<EMPLACEMENT TABLEAU>
Il est également communiqué une ventilation des chiffres d'affaire annuels de la société Transarnaud :
Par le biais de l'appel d'offres, la société Transarnaud a récupéré les deux tiers du volume d'affaires que la société Eco systèmes confiait à la société Coved ce qui lui a permis de compenser la perte de chiffre d'affaire subie et sans interruption d'activités.
Le chiffre d'affaires de la société Transarnaud dans ses relations commerciales avec la société Coved et la société Eco systèmes pour l'exercice 2011-2012 s'élevait à 1 605 129 euro et pour l'exercice 2012-2013 à 944 515 euro soit une différence de 660 614 euro. Le chiffre d'affaires provenant des clients extérieurs a également diminué de 125 000 euro.
La société Coved établit que les derniers contrats qu'elle a signés avec ses cocontractants étaient à durée déterminée de deux et trois ans et qu'elle les confiait en sous-traitance à la société Transarnaud qui ne pouvait l'ignorer. De plus, ces contrats étant confiés à la société Coved au moins en partie dans le cadre d'appels d'offres, les relations commerciales présentaient de ce fait un caractère précaire car les contrats étaient susceptibles de ne pas lui être de nouveau confiés.
Si les relations ont duré 10 ans entre les parties, elles ne sont devenues conséquentes en terme de chiffres d'affaire qu'en 2008 pour la société Transarnaud dans le cadre de contrats de sous-traitance à durée déterminée et soumis à appel d'offres ce qui ne permet pas de caractériser une relation commerciale établie. Enfin, le transfert d'activités entre la société Coved et la société Transarnaud relatif aux contrats consentis par la société Eco systèmes a pallié le caractère brutal de la rupture des relations commerciales et corrobore l'absence de caractère établi de celles-ci.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Transarnaud de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Coved sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Il y a lieu de condamner la société Transarnaud à payer à la société Coved la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; l'appelante sera déboutée de sa demande ce chef ;
Par ces motifs, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Transarnaud à payer à la société Coved la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Transarnaud aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.