CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 30 septembre 2015, n° 12-20564
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Sud Résidence Collado Bousquet (SNC)
Défendeur :
Erilia (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Nicoletis
Avocats :
Mes Cahen, Ellis, Mouttet, Giraud
La SNC Sud Résidence, qui réalise des opérations immobilières en achetant et en revendant des terrains et en proposant des projets immobiliers, a conclu avec la SA d'HLM Erilia, qui réalise des programmes de logements sociaux, 20 opérations immobilières entre 2002 et 2008.
Par courrier du 3 mars 2009 la société Sud Résidence a indiqué à la société Erilia que l'abandon par celle-ci des projets de Monteils, Masseube, Castera Verduzan et Auch lui causait une perte importante compte tenu des frais et débours engagés pour une somme de 41 479,67 euro.
Par acte du 8 février 2011, la société Sud Résidence a assigné la société Erilia devant le Tribunal de commerce de Marseille en lui reprochant d'avoir rompu sans préavis une relation commerciale établie de longue date et d'avoir rompu les pourparlers en cours concernant des opérations à Monteils (Tarn et Garonne), Masseube (Gers), Castera Verduzan (Gers), Auch (Gers) et Marciac (Gers).
Par jugement du 6 septembre 2012, le Tribunal de commerce de Marseille a :
- débouté la société Sud Résidence de toutes ses demandes,
- condamné la société Sud Résidence à payer à la société Erilia la somme de 3 500 euro au titre des frais irrépétibles,
- laissé à la charge de la société Sud Résidence les dépens,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
Le 15 novembre 2012, la société Sud Résidence a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 11 février 2013, par lesquelles la société Sud Résidence demande à la cour de :
Aux visas des articles 1101, 1126, 1135, 1142, 1147, 1149 du Code civil et L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce et 1382 et 1384 du Code civil,
- condamner la société Erilia à réparer le préjudice qu'elle lui a causé pour rupture abusive et brutale des engagements souscrits ainsi que des relations commerciales établies.
- condamner la société Erilia au paiement de la somme de 181 711,15 euro à titre de dommages et intérêts du fait des frais et débours supportés.
- condamner la société Erilia au paiement de 384 943 euro de dommages et intérêts au titre du gain dont a été privée la société Sud Résidence.
Subsidiairement,
- condamner la société Erilia à indemniser le préjudice subi par la société Sud Résidence pour rupture abusive de pourparlers et ce par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 384 943 euro ainsi qu'à 180 711,15 euro au titre des frais et débours supportés.
- dire que les condamnations prononcées ouvriront droit aux intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 3 mars 2009, avec application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.
- condamner la société Erilia au paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 avril 2013, par lesquelles la société Erilia demande à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du du 6 septembre 2012 en toutes ses dispositions,
- débouter la société Sud Résidence de toutes ses demandes,
En toute hypothèse
- condamner la société Sud Résidence à la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que la société Sud Résidence expose être en relation d'affaires avec la société Erilia depuis de nombreuses années au cours desquelles elle a recherché des terrains afin d'opérations immobilières pour des logements locatifs HLM qui sont présentés pour étude à la société Erilia, puis qui font l'objet de demandes de permis de construire et qui, ultérieurement, toutes formalités administratives et techniques satisfaites, étaient cédées à cette société afin qu'elle réalise la construction puis la vente des logements ; que les 26 opérations dans lesquelles les deux parties se sont impliquées de 2002 à 2009 révèlent que certaines se sont finalisées qu'il y ait eu ou pas d'avant-contrat ; que les relations commerciales entre les deux sociétés étaient suivies mais non formalisées dans un contrat "cadre" régissant leurs relations et définissant les obligations précises de chacune ; qu'à partir de 2002, 20 opérations immobilières ont être trouvées, étudiées, convenues et finalisées dans le sud-ouest de la France ;
Considérant que l'appelante soutient que courant 2006/2007, elle a présenté à la société Erilia plusieurs projets sur lesquels celle-ci a donné son accord sur la chose et sur le prix et pour lesquels l'appelante s'est portée acquéreur à Velluire en Vendée puis à Monteils (Tarn et Garonne), à Masseube (Gers) et à Auch (Gers) ; que de même en 2008, la collaboration entre les deux sociétés s'est poursuivie sur d'autres opérations immobilières dans le sud-ouest, telle que Castera Verduron ; qu'alors qu'elle a agi en tant qu'intermédiaire, en s'engageant pour le compte de la société Erilia, cette dernière a brutalement mis un terme aux pourparlers contractuels, sans préavis, en revenant sur son engagement sur les projets de Monteils, de Masseube, de Castera Verduzan et d'Auch ;
Considérant que la société Sud Résidence expose que les relations établies ont cessé sur décision unilatérale de la société Erilia, de manière brutale et illégitime ; que l'absence d'exécution des opérations de Monteils, de Masseube, de Castera Verduzan, d'Auch et de Marciac résulte à la fois de l'absence de réponse aux courriers qu'elle lui a adressé les 3 mars et 1er avril 2009, mais également du fax de la société Erilia du 1er septembre 2009, de sa lettre du 19 octobre 2009 et enfin de la lettre de son conseil du 14 janvier 2010 ; que la rupture relève des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce en l'absence de préavis et des articles 1126 et 1135 du Code civil, les parties étant liées par des relations contractuelles dont la rupture est fautive ; que outre la rupture des engagements pris par la société Erilia pour les opérations immobilières de Masseube et Monteils, la non-poursuite des pourparlers et relations commerciales existant sur les projets de Castera Verduzan et d'Auch et la cessation de toutes relations, sans explication ni préavis, sont constitutifs d'une rupture fautive de relations commerciales établies voire de pourparlers ; que la rupture est abusive car faite dans l'intention de nuire, puisque en ne donnant pas suite volontairement aux projets sur lesquels l'appelante s'était investie, la société Erilia ne pouvait ignorer les préjudices qui en résulteraient ; que l'abus est d'autant plus manifeste qu'après la cessation des relations, la société Erilia a fait des démarches pour acquérir directement les opérations immobilières d'Auch, Masseube, Castera Verduzan et Monteils ;
Considérant que la société Erilia conteste l'existence d'une relation commerciale établie, en invoquant l'absence de mandat donné à la société Sud Résidence et en faisant valoir que les ventes successives étaient indépendantes et la négociation soumise à un aléa dont la charge reposait sur la société Sud Résidence ; que la non-réalisation des opérations de Monteils, Masseube, Castera Verduzan, Auch et Marciac sont imputables à la société Sud Résidence qui n'a pas accompli les diligences nécessaires en temps utile ;
Mais considérant, d'une part, qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. Jean-Claude Tosques, gérant de la société Sud Résidence, concluait des compromis de vente avec des propriétaires de terrains, comportant une faculté de substitution et des conditions suspensives, notamment d'obtention d'un permis de construire avant une certaine date ; que la société Sud Résidence, qui pouvait se substituer à M. Tosques, proposait les terrains et des projets immobiliers à la société Erilia ; qu'il apparaît que cette société n'avait donné aucun mandat à la société Sud Résidence et n'avait pris aucun engagement d'acheter les biens qui lui étaient proposés ; que les relations entre les sociétés Sud Résidence et Erilia, qui ne s'inscrivaient dans aucun cadre contractuel, étaient ponctuelles et aléatoires ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'opération immobilière de Monteils n'a pu aboutir du fait que M. Tosques a laissé se périmer le permis de construire qui avait été obtenu et n'a pas conclu la vente définitive du terrain ; que l'opération immobilière de Masseube n'a pu aboutir car la société Sud Résidence n'a pas obtenu de permis de construire ; que s'agissant de l'opération de Castera Verduzan, la société Erilia a signé un acte de substitution à la société Sud Résidence pour l'achat du terrain, cependant le permis de construire n'a finalement été obtenu que postérieurement au délai prévu dans l'acte de substitution, alors que la société Erilia n'était plus engagée dans ce projet ; que la société Sud Résidence ne produit aucun document établissant que la société Erilia ait donné son accord sur le projet concernant le terrain <adresse>, ni qu'elle ait entrepris des démarches administratives notamment pour obtenir un permis de construire, le seul document produit adressé à l'intimée est un fax du 31 janvier 2008 contenant une note " Observations principales sur les esquisses du 10 décembre 2007 " ; que s'agissant du projet de Marciac, le seul document produit par la société Sud Résidence et adressé à la société Erilia est un courrier du 8 octobre 2007 lui adressant le plan de masse de Marciac et lui demandant " de nous confirmer votre accord au plus tôt, car nous avons une date butoir que nous ne pouvons dépasser ", ainsi l'appelante ne démontre pas que la société Erilia, qui n'avait aucune obligation de négocier avec elle, ait souhaité donner suite à la proposition de la société Sud Résidence et s'engager dans ce projet ;
Considérant que la société Sud Résidence ne rapporte pas la preuve des fautes qu'elle reproche à la société Erilia ; que ne justifiant pas avoir proposé à la société Erilia de nouveaux projets, postérieurement à ceux précités, elle ne peut lui imputer la rupture totale de leurs relations d'affaires ; que la non-réalisation des cinq projets en cause n'étant pas imputable à la société Erilia, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir finalisé ces projets immobiliers, ni d'avoir rompu des pourparlers, ni d'avoir acquis le terrain à Auch directement auprès du propriétaire après que le compromis de vente avec M. Tosques ait expiré ; que la société Sud Résidence doit être déboutée de toutes ses demandes à l'encontre de la société Erilia et le jugement confirmé ;
Par ces motifs, Confirme le jugement, Et y ajoutant, Condamne la société Sud Résidence à verser à la société Erilia la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sud Résidence aux dépens d'appel.