Cass. soc., 6 octobre 2015, n° 14-12.798
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Cache
Défendeur :
Ricoh France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vallée
Rapporteur :
M. Alt
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
La COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué que Monsieur Cache a été engagé le 17 mai 2002 par la société NRG France en qualité de délégué commercial ; que son contrat a été transféré à la société Ricoh France ; qu'il a été placé en arrêt maladie le 20 mai 2009, puis licencié pour inaptitude le 19 janvier 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'avait pas le statut de VRP et de rejeter toutes les autres demandes, alors, selon le moyen : 1°) que l'application du statut de VRP doit être appréciée par le juge en tenant compte de l'activité réellement exercée par le salarié et non en considération des seules mentions portées sur son contrat de travail; que partant, en se fondant essentiellement sur les dispositions du contrat de travail conclu le 17 mai 2002, pour dénier à Monsieur Cache la qualité de VRP, lorsque ce dernier faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il avait exercé de façon effective les fonctions de représentant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7311-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ; 2°) que l'absence d'autonomie du salarié n'exclut nullement l'application du statut des VRP ; qu'en relevant, pour dénier à Monsieur Cache la qualité de VRP, qu'il était soumis aux missions définies par l'employeur dans le respect des directives de la direction commerciale et qu'il n'avait pas d'autonomie concernant la politique commerciale ni même la conclusion de la transaction, laquelle devait faire l'objet d'une acceptation préalable de la direction commerciale, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7311-1 du Code du travail ; 3°) que le secteur de prospection d'un VRP ne doit pas être nécessairement immuable mais simplement stable ; qu'en retenant que Monsieur Cache ne pouvait prétendre au statut de VRP aux motifs adoptés que la liste de ses clients étaient évolutives et que le secteur de prospection pouvait évoluer, sans rechercher si, ainsi que le soutenait Monsieur Cache dans ses écritures d'appel, il n'avait pas de fait toujours exercé son activité de prospection dans un même secteur, i.e. la région Nord, outre qu'il avait toujours disposé d'une clientèle précise (grands comptes puis comptes régionaux), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7311-1 du Code du travail ; 4°) que l'application du statut de VRP suppose seulement que le représentant soit lié à son employeur par des engagements déterminant le taux de rémunération, de sorte qu'il importe peu que les modalités de calcul de la rémunération du salarié se réfère à un plan de commissionnement établi chaque année par la direction en fonction des objectifs de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, par motifs adoptés, pour écarter la qualité de VRP, s'est fondée sur le fait que le salarié avait signé divers " pay plans " définissant sa rémunération et ses nouveaux objectifs de sorte qu'en l'absence de fixité de sa rémunération, le salarié ne remplissait pas les conditions pour bénéficier du statut de VRP, la cour d'appel a violé l'article L. 7311-1 du Code du travail ; 5°) que même quand les conditions légales ne sont pas réunies, les parties peuvent convenir d'une application volontaire du statut des VRP ; qu'en se bornant à retenir qu'il importait peu que le salarié se soit vu attribuer une carte professionnelle de VRP et qu'il ait été affilié à la caisse de retraite des VRP, lorsque ces éléments étaient de nature à démontrer la volonté claire et non équivoque de l'employeur d'appliquer au salarié le statut de VRP, la cour d'appel a violé les articles L. 7311-1 du Code du travail et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a recherché l'activité réellement exercée par le salarié et relevé que celui-ci était soumis aux missions définies par l'employeur dans le respect des directives de la direction commerciale, qu'il n'avait pas d'autonomie concernant la politique commerciale et que la conclusion des transactions devait faire l'objet d'une acceptation préalable de la direction commerciale ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le salarié ne pouvait bénéficier du statut de VRP ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé : - Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que le salarié avait soutenu devant la cour d'appel qu'il faisait l'objet d'un harcèlement moral ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable ;
Mais, sur le deuxième moyen : - Vu les articles 1134 du Code civil et L. 1226-2, L. 1226-4 et L. 1232-1 du Code du travail ; - Attendu que, pour dire que le licenciement avait été régulièrement prononcé et débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, l'arrêt énonce que le contrat de travail mentionnait que la société se réservait toute possibilité de modifier les secteurs et les listes de clients, la définition des objectifs entrant dans son pouvoir de direction, que l'origine professionnelle des arrêts qui ont suivi, confirmée par une attestation et reconnue par la sécurité sociale, a débouché sur une inaptitude consécutive à un accident du travail qui emporte les conséquences indemnitaires prévues au Code du travail mais ne peut pas conduire en l'espèce à une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, sans vérifier si les syndromes dépressifs liés à la souffrance au travail à l'origine de l'inaptitude du salarié résultaient d'agissements fautifs de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le quatrième moyen, qui est recevable : - Vu l'article 27 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; - Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai-congé réciproque est, sauf en cas de faute grave ou de convention dans la lettre d'engagement prévoyant un délai plus long, d'un mois pour l'ingénieur ou cadre de la position I pendant les deux premières années de fonctions en cette qualité dans l'entreprise, de deux mois pour l'ingénieur ou cadre de la position l'ayant deux ans de présence dans l'entreprise et de trois mois pour tous les autres ingénieurs ou cadres ;
Attendu que pour fixer le montant de l'indemnité de préavis, l'arrêt retient que le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à celui prévu à l'article L. 1234-5 du Code du travail ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la convention collective ne prévoyait pas de disposition plus favorable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le cinquième moyen : - Vu les articles L. 1226-16 du Code du travail et 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; - Attendu qu'il résulte de ce dernier texte qu'il est alloué à l'ingénieur ou cadre, licencié sans avoir commis une faute grave, une indemnité de licenciement distincte du préavis dont le taux est fixé en fonction de la durée de l'ancienneté de l'intéressé dans l'entreprise ;
Attendu que pour fixer le montant de l'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt retient que le salarié a droit à une indemnité égale au double de celle prévue à l'article L. 1234-9 du Code du travail ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la convention collective ne prévoyait pas de disposition plus favorable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il décide que le licenciement de Monsieur Cache a régulièrement été prononcé pour inaptitude consécutive à un accident du travail et rejette ses demandes en dommages-intérêts, en complément d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 20 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.