CA Rouen, 2e ch., 19 mai 2005, n° 04-00753
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cabinet Roger Paul (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bignon
Conseillers :
Mme Vinot, M. Lottin
Avoués :
SCP Gallière Lejeune Marchand Gray, SCP Colin Voinchet Radiguet Enault
Avocats :
Mes Pavon-Sudres, Duportail
Exposé du litige
Par courrier du 12 avril 2002, Madame X a demandé à la SARL Cabinet Roger Paul, bureau de recherches et d'investigations, de lui adresser un devis pour enquête pour adultère dans le cadre d'une procédure de divorce l'opposant à son mari Monsieur Y.
Le 19 avril 2002, ce cabinet lui a fait parvenir un contrat de mission, en lui demandant de lui adresser une provision d'un montant de 3 811,25 euros. Madame X a retourné le contrat signé accompagné d'un chèque du montant demandé.
Par lettre recommandée du 20 juin 2002, Madame X a indiqué au Cabinet Roger Paul que, le contrat ayant été signé le 22 avril à son domicile, il était soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sur le démarchage à domicile et aurait donc dû faire mention d'une faculté de renonciation, aucune fraction du prix ne pouvant lui être réclamée avant l'expiration du délai de réflexion.
Elle demandait en conséquence restitution de la somme de 3 811,25 euros et disait rester dans l'attente d'une confirmation de l'annulation du contrat.
Par lettre du 29 juin, le Cabinet Roger Paul lui a répondu qu'il n'avait effectué aucun démarchage à domicile, que c'était elle qui l'avait contacté par téléphone et que la démarche de sollicitation n'était venue que d'elle.
Il l'a mise en demeure de solder les honoraires dus et de payer la somme de 5 305,75 euros.
Madame X n'ayant pas réglé cette somme, le Cabinet Roger Paul l'a fait assigner en paiement devant le Tribunal d'instance de Rouen.
Par jugement du 19 décembre 2003, ce tribunal:
- s'est déclaré compétent
- a constaté que Madame X avait légalement rétracté son consentement s'agissant du contrat daté du 19 avril 2002 la liant à la SARL le Cabinet Roger Paul
- a condamné la SARL le Cabinet Roger Paul à payer à Madame X la somme de 3 811,25 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et autorisé la capitalisation des intérêts à compter du 19 décembre 2003
- rejeté toute autre demande
- condamné la SARL le Cabinet Roger Paul aux dépens.
Cette société a interjeté appel de ce jugement.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 7 février 2005 pour la SARL Cabinet Roger Paul et le 7 mars 2005 pour Madame X.
La SARL Cabinet Roger Paul conclut à l'infirmation du jugement et:
- à ce qu'il soit jugé que le contrat du 19 avril 2002 n'est pas un contrat à distance au sens du Code de la consommation à la condamnation de Madame X à lui payer la somme de 5 305,75 euros au titre des honoraires contractuels restant dus avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2002.
- à titre subsidiaire, si la cour considère le contrat comme un contrat à distance, à ce qu'il soit jugé que Madame X n'avait pas de droit de rétractation en application de l'article L. 121-20-2 du Code de la consommation.
- au rejet de la demande reconventionnelle en nullité du contrat
- à ce qu'il soit dit et jugé que la clause subordonnant la communication des résultats d'investigation au paiement intégral du prix n'est pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation
- au débouté de la demande de dommages et intérêts de Madame X
- à titre subsidiaire, s'il est fait droit à la demande de nullité, à la condamnation de Madame X à lui rembourser la somme de 6 863 euros au titre des frais engagés pour exécuter sa mission
- en toutes hypothèses à la condamnation de Madame X à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Madame X conclut à ce qu'il soit jugé que le contrat conclu est soumis aux dispositions relatives à la vente à distance, constaté qu'elle a rétracté son consentement dans les délais légaux et en conséquence au débouté de l'appel, à la confirmation du jugement et à la condamnation de la SARL Cabinet Roger Paul à lui payer la somme de 3 811,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2002 capitalisés à compter du 19 décembre 2003.
A titre subsidiaire, elle sollicite l'annulation du contrat de mission sur le fondement du démarchage à domicile, en conséquence la remise en état des parties et la condamnation du Cabinet Roger Paul à lui payer la somme de 3 811,25 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande qu'il soit jugé que la clause subordonnant l'envoi du rapport au paiement intégrai des honoraires constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et sollicite en ce cas la condamnation du Cabinet Roger Paul à lui payer la somme de 5 310 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle sollicite enfin paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
SUR CE
Les dispositions du jugement sur la compétence ne sont pas critiquées et seront confirmées.
Il résulte de la chronologie des faits ci-dessus rappelée que, après avoir contacté par téléphone l'agence Cabinet Roger située à Paris, Madame X demeurant <adresse>, a sollicité par courrier l'établissement d'un devis, qu'un contrat lui a été envoyé par la poste qu'elle a retourné après l'avoir signé, les parties n'ayant jamais été mises physiquement en présence l'une de l'autre.
Il y a donc bien eu conclusion d'un contrat de fourniture de prestation de services à distance, dans les conditions prévues à l'article L. 121-16 du Code de la consommation, ce texte ne réservant pas la qualification de contrat à distance au cas où l'initiative des contacts entre le consommateur et le professionnel revient au seul professionnel.
Il suffit en effet que soit mise en œuvre une technique de communication à distance entre un professionnel et un consommateur et tel a bien été le cas, le téléphone puis la voie postale ayant été utilisés.
Aux termes de l'article L. 121-19 du Code de la consommation, le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, une information sur les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation.
Aux termes de l'article L. 121-20 du même Code, le consommateur dispose d'un délai de sept jours francs pour exercer son droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, de frais de retour. Lorsque les informations prévues à l'article L. 121-19 n'ont pas été fournies, le délai d'exercice du droit de rétractation est porté à trois mois.
En l'espèce, l'offre de contrat signée par Madame X, qui n'a disposé d'aucune autre information, stipulait qu'elle était irrévocable et ne pourrait être annulée sans le consentement du cabinet.
Les dispositions de l'article L. 121-19 ont donc été violées ce qui portait à trois mois le délai d'exercice de la faculté de rétractation, sans que la société Cabinet Roger Paul puisse se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-20-2.
L'accord du consommateur sur le commencement de la prestation avant l'expiration du délai de sept jours, visé à cet article, et qui interdit l'exercice ultérieur de la faculté de la rétractation, suppose en effet qu'une information ait été donnée sur cette faculté et le délai dans lequel elle devait être exercée.
En tout état de cause, aucune preuve n'est faite de la prétendue demande de Madame X d'agir en urgence, sans délai. Madame X, qui disposait d'un droit de rétractation jusqu'au 19 juillet 2002, soutient l'avoir exercé par lettre du 20 juin 2002.
Le fait qu'elle n'ait pas précisément, en première instance, fondé sa demande de remboursement de l'acompte versé sur ce fait (invoquant alors l'annulation du contrat) est sans incidence quant à la possibilité, en appel, de fonder cette même demande de remboursement sur l'exercice de la faculté de rétractation.
En déclarant, dans son courrier du 20 juin 2002, rester "dans l'attente de la confirmation de l'annulation" du contrat, Madame X a entendu exercer cette faculté.
Il en résulte que, le consentement ayant été rétracté dans le délai légal, la SARL Cabinet Roger ne peut obtenir aucun paiement ni à titre d'honoraires ni à titre de remboursement de frais engagés au titre d'une prestation que Madame X a jamais commandée.
Il en résulte encore que cette dernière est fondée à réclamer remboursement de la provision sur honoraires versée.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions y compris celles par lesquelles il a estimé ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il n'y a pas davantage lieu de faire application de celles-ci au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance d'appel.
Par ces motifs : LA COUR Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Déboute les parties de leurs demandes complémentaires formées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne la SARL Cabinet Roger Paul à payer les dépens de l'instance d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.