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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 15 octobre 2015, n° 14-02583

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zucaro , UFC Que Choisir

Défendeur :

Banque Populaire Rives de Paris (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gimonet

Conseillers :

Mmes Grasso, Jeanjaquet

Avocats :

Mes Lecoq-Vallon, Lallement, Ancel

TI Paris, 13e arr., du 16 janv. 2014

16 janvier 2014

Le 21 novembre 2006, Madame Arlette Zucaro, cliente de la société Banque populaire Rives de Paris (la Banque populaire), a procédé par l'intermédiaire de cette dernière à l'achat de 51 actions Natixis au prix de 19,55 euro par action soit pour un montant total de 977,55 euro ; ces actions étaient proposées à la vente dans le cadre d'une offre publique à prix ouvert ;

La valeur de ces actions a rapidement chuté dans des proportions plus qu'importantes ;

Madame Zucaro a fait assigner en indemnisation la Banque populaire Rives de Paris devant le Tribunal d'instance du 13e arrondissement de Paris ;

L'association UFC Que Choisir (l'association UFC) est intervenue volontairement à l'instance pour obtenir l'indemnisation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Par jugement du 16 janvier 2014, le Tribunal d'instance du 13ème arrondissement de Paris a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir ;

- débouté l'association UFC Que Choisir de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté Madame Arlette Zucaro de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné in solidum Madame Arlette Zucaro et l'association UFC Que Choisir à verser à la Banque populaire Rives de Paris la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Madame Arlette Zucaro et l'association UFC ont relevé appel de cette décision et, par conclusions déposées le 4 septembre 2015, ont demandé à la cour :

Vu les articles L. 533-4 et suivants (anciens) du Code monétaire et financier, 3-3-5 et suivants du règlement du Conseil des marchés financiers, 411-51 du règlement général de l'Autorité des Marchés financiers, 1147 du Code Civil, 30, 31, 66 et 327 et suivants du Code de procédure civile, L. 421-1 à L. 421-9 du Code de la consommation ;

- de les déclarer recevables et bien fondées en leur appel ;

- de débouter la Banque populaire Rives de Paris de toutes ses demandes ;

- de confirmer le jugement en l'ensemble de ses dispositions favorables à Madame Zucaro et l'association UFC Que Choisir et de l'infirmer en l'ensemble de ses dispositions qui leur sont défavorables ;

- de condamner Banque populaire Rives de Paris à payer à Madame Zucaro la somme de 1 018,85 euro arrêtée au 31 août 2015 et à parfaire au jour de la décision à intervenir pour violation de ses obligations de s'enquérir de la compétence, de la situation et des objectifs de Madame Zucaro, d'information spécifique par la remise des documents prévus dont le prospectus d'information, de conseil et de mise en garde lors de la commercialisation des actions intervenue le 21 novembre 2006 ;

- de condamner la Banque populaire Rives de Paris à lui payer les intérêts légaux sur cette somme à compter de la délivrance de l'acte introductif ;

- de condamner la Banque populaire Rives de Paris à lui payer des dommages et intérêts correspondant à la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice moral qui lui a été causé ;

- de condamner la Banque populaire Rives de Paris à payer à l'association UFC Que Choisir la somme totale de 10 000 euro en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, par application de l'article L. 421-7 du Code de la consommation ;

- de condamner la Banque populaire Rives de Paris à payer à Madame Zucaro et à l'association UFC Que Choisir la somme de 5 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

La Banque populaire Rives de Paris a demandé à la cour par, conclusions déposées le 1er septembre 2015 :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il déclaré l'association UFC Que Choisir recevable en son intervention volontaire ;

- de dire l'association UFC Que Choisir irrecevable en son intervention volontaire et, partant, en son appel ;

- de dire Madame Arlette Zucaro irrecevable ou, à tout le moins, mal fondée en son appel et de l'en débouter ;

- de confirmer le jugement pour le surplus ;

- de condamner Madame Arlette Zucaro et l'association UFC Que Choisir à lui payer chacune une somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- de condamner in solidum Madame Arlette Zucaro et l'association UFC Que Choisir aux entiers dépens d'appel devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant que, le 21 novembre 2006, Madame Arlette Zucaro, a conclu par l'intermédiaire de son banquier, la Banque populaire Rives de Paris, l'achat d'actions de la société Natixis, nouvellement créée, proposées selon offre publique à prix ouvert pour un montant maximum de 1 000 euro ;

Qu'en définitive, la transaction s'est effectuée pour 51 actions au prix de 19,55 euro par titre soit pour un montant total de 977,55 euro ;

Sur la recevabilité de l'appel de Madame Zucaro

Considérant que la Banque populaire soutient que Madame Zucaro, qui n'a pas revendu ses actions, ne dispose donc d'aucun intérêt à agir, son préjudice étant hypothétique et non actuel et certain puisque les actions voient leur valeur varier jusqu'à leur liquidation qui, seule, permet de connaître l'ampleur des gains ou des pertes de l'investissement ;

Qu'elle estime Madame Zucaro irrecevable en son appel dans le dispositif de ses conclusions ;

Mais considérant que Madame Zucaro qui a été déboutée de ses demandes par le premier juge dispose nécessairement d'un intérêt à faire appel ;

Que la recevabilité de l'appel, seule remise en cause dans le dispositif des conclusions de la banque, qui lie la cour, se distingue de la recevabilité de la demande ;

Considérant que la cour n'est pas saisie de la recevabilité de la demande, évoquée dans la motivation des conclusions, étant observé d'ailleurs que le défaut d'intérêt au sens de l'article 122 du Code de procédure civile n'aurait pu être justifié par la prétention de ce que le préjudice résultant de la faute alléguée n'est pas établi, alors que la réalité du préjudice et sa détermination constituent des moyens de fond et qu'en outre le manquement allégué par Madame Zucaro de la banque à ses obligations d'information est susceptible de s'analyser en la perte d'une chance de ne pas effectuer un autre investissement que celui de l'achat d'actions Natixis ;

Que Madame Zucaro doit être déclarée recevable en son appel ;

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'association de consommateurs

Considérant d'abord que rien ne permet d'affirmer, comme l'expose la banque, qu'il : " semblerait que Madame Zucaro n'ait jamais été informée de l'existence de la procédure dans laquelle elle apparaît aux côtés de l'association UFC Que choisir ce qui peut laisser craindre que ce qui est présenté comme une intervention volontaire constituerait, en réalité, une action principale pourtant non ouverte à une association de consommateurs " ;

Qu'en effet cette allégation, formulée sur le mode conditionnel et qui n'est pas motivée par l'intimée, est contredite par les actes de la procédure ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du Code de la consommation, les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Que selon l'article L. 421-7, les associations mentionnées à l'article L. 421-1 peuvent intervenir devant les juridictions civiles lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;

Considérant que la Banque populaire soutient que l'intervention volontaire de l'association UFC est irrecevable puisque les dispositions des articles L. 452-1 et suivants du Code monétaire et financier, dérogent à celles de l'article L. 421-7 du Code de la consommation, réservant l'action en justice aux seules associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des investisseurs en titres financiers ou en produits financiers relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des investisseurs ;

Considérant cependant que l'action en justice des associations de défense des investisseurs financiers suppose un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des investisseurs ; que l'action prévue par l'article L. 452-2 du Code monétaire et financier suppose qu'elles aient été mandatées par deux investisseurs pour agir en leur nom ;

Qu'en revanche, l'action des associations de consommateurs ne peut avoir d'autre but que la réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs qui ne se superpose pas avec l'intérêt collectif des investisseurs ; qu'elle ne peut être formée qu'après qu'un ou plusieurs consommateurs a introduit une demande en réparation de son préjudice personnel ;

Considérant que l'association UFC est une association déclarée en préfecture et est titulaire de l'agrément prévu par L. 421-1 du Code de la consommation ;

Que la demande initiale de Madame Zucaro tend à la réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en sa qualité de consommatrice en raison d'une violation par la banque de ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, violation non constitutive d'une infraction pénale ;

Qu'il en résulte que l'intervention volontaire de l'association UFC apparaît recevable, l'action principale d'un seul consommateur autorisant cette intervention ; que le point de savoir si est rapportée la preuve d'une atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ou la preuve d'un préjudice matériel causé à l'association relève de l'examen du fond ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il déclaré recevable l'intervention volontaire de l'association UFC ;

SUR LE FOND

Considérant qu'aux termes de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige :

" Les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.

Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers...

Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.

Elles obligent notamment à :

4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;

5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;

6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement ;

7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché...

Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu. " ;

Que les appelants invoquent également l'article 321-6 du règlement de l'Autorité des marchés financiers ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier s'appliquent à tout prestataire d'investissement même s'il ne lui a pas été confié de mandat de gestion ; que ce prestataire est tenu de s'enquérir de la situation financière de sa cliente et de son expérience en matière d'investissement ;

Considérant qu'il apparaît que Madame Zucaro possède un compte titres ouvert en 1984 dans les comptes de la Banque populaire qu'elle gère elle-même et qui lui a permis de constater que le prix des actions était susceptible d'évoluer à la hausse comme à la baisse ; que la banque soutient que c'est lors de l'ouverture à titre de dommages-intérêts compte titres qu'elle était soumise à une obligation de renseignement sur sa nouvelle cliente ;

Considérant que la Banque populaire ne justifie pas avoir, à l'ouverture du compte titres comme au moment de la souscription en cause, questionné Madame Zucaro sur sa situation financière, sur son expérience en matière d'investissement et ses objectifs en ce qui concerne les services demandés ;

Que certes, il peut apparaître que la banque, dès lors qu'elle procédait depuis son ouverture à la tenue du compte titres géré par Madame Zucaro, avait pu en observer les modalités de gestion par son titulaire ;

Qu'en tout état de cause, le manquement par le prestataire de service d'investissement à son obligation de se renseigner ne pourrait pas être sanctionné à lui seul mais parce qu'il ne lui aurait pas permis de s'acquitter de l'une des autres obligations pouvant peser sur lui que sont les devoirs d'information, de conseil ou de mise en garde ;

Considérant, en ce qui concerne le manquement du banquier à une obligation de mise en garde invoqué par Madame Zucaro, que si cette dernière ne peut être considérée comme un investisseur averti, elle n'apparaît pas pour autant créancière d'un devoir de mise en garde de la Banque populaire ;

Qu'en effet, seul peut se prévaloir du manquement à une obligation spécifique de mise en garde du prestataire de services d'investissement à son égard l'investisseur non averti qui s'est livré à une opération spéculative ;

Considérant que l'opération ne s'est pas réalisée sur le marché à terme ou sur le marché à paiement différé, les titres en cause ayant au contraire été achetés au comptant ; que ni la soumission à la variabilité des marchés ni la volatilité de ceux-ci ne suffisent à caractériser une opération spéculative ;

Que ne constitue donc pas une opération spéculative la simple acquisition d'actions de la société Natixis, même si elle est intervenue en l'espèce dans le cadre d'une offre publique à prix ouvert et qu'il s'agissait d'une première mise sur le marché du titre ;

Considérant par ailleurs que Madame Zucaro n'a jamais confié de mandat de gestion à la Banque populaire ; que la Banque Populaire n'était pas débitrice d'une obligation de conseil à l'égard de Madame Zucaro ;

Considérant que l'investissement en 2006 d'une somme de 997,05 euro en actions Natixis pouvait apparaître comme non contraire aux objectifs habituels de Madame Zucaro, alors âgée de 75 ans, dans la gestion de son compte-titres ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'obligation d'information, il ressort du bulletin de réservation/ordre d'achats/d'actions Natixis signé le 21 novembre 2006 par Madame Zucaro que cette dernière a reconnu avoir pris connaissance au préalable du prospectus visé par l'Autorité des marchés financiers constitué notamment de la note d'opération qui contient le résumé du prospectus et en particulier des facteurs de risques décrits dans la prospectus ;

Considérant que le remise du prospectus en matière d'OPCVM est étrangère aux débats ;

Considérant que la note d'opération précise dans la paragraphe 3 " résumé des principaux facteurs de risque " que :

" Les investisseurs sont invités à prendre attentivement en considération, notamment, les facteurs de risque indiqués ci-dessous et décrits dans le document de référence de Natexis Banques Populaires déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers .. et le document d'information (Document E) (y compris son annexe B) enregistré par l'Autorité des marchés financiers ..., avant de prendre leur décision d'investissement ".

Que la note d'opération rappelle ensuite les " facteurs de risque figurant dans le document de référence (pages 82 à 92; pages 146 à 150) " et les " facteurs de risque figurant dans le document (pages 47 à 57) (y compris son Annexe pages 5 à 15)" avant d'indiquer page 29 sous la rubrique " facteurs de risque liés à l'offre " :

" Un investissement dans les actions de la Société implique des risques "

Le cours des actions de la Société pourrait être très volatil et pourrait être affecté par de nombreux événements affectant la Société, ses concurrents, ou le marché financier en général et le secteur bancaire en particulier. Le cours des actions de la Société pourrait notamment être affecté par les événements suivants :

- la liquidité du marché des actions de la Société ;

- des différences entre les résultats financiers ou opérationnels de Natixis et ceux attendus par les investisseurs et les analystes ;

- des changements dans les recommandations ou les projections ;

- des changements dans les notations de Natixis, notamment à la suite des Opérations de Rapprochement ;

- de nouvelles lois ou règlements ou des changements dans l'interprétation des lois et règlements existants affectant l'activité de Natixis ;

- des changements dans les conditions générales de marché ou la conjoncture économique ;

- des fluctuations de marché importantes.

A titre d'exemple, les marchés boursiers ont connu ces dernières années d'importantes fluctuations qui ont souvent été sans rapport avec les résultats des sociétés dont les actions sont négociées....".

Considérant que si cette note de 90 pages comporte des renseignements sur les risques liés à l'investissement projeté par Madame Zucaro, il n'en demeure pas moins qu'elle n'est pas adaptée à l'expérience personnelle et à la compréhension du consommateur moyen qu'est Madame Zucaro, ancienne secrétaire médicale ;

Que, même si l'investissement en cause était d'un montant relativement modeste, cette opération non spéculative se distinguait cependant de celles effectuées habituellement sur son compte titres par Madame Zucaro ; qu'en effet, il s'agissait-là d'acquérir non pas des actions de sociétés ayant une existence ancienne démontrant leur solidité par la possible consultation de l'évolution du cours de bourse sur des périodes plus ou moins récentes écoulées avant la décision d'acquisition mais des actions d'une société financière nouvellement créée par la fusion des banques d'investissements Natexis (groupe Banques populaires) et Ixis corporate & investments bank (Ixis CIB et Groupe Caisses d'Epargne) dont le cours n'avait jamais été fixé par le marché ;

Considérant, dès lors, que la prévisibilité de la (bonne) tenue du cours de cette action nouvellement créée était moindre que celle des titres acquis dans le passé par Madame Zucaro, notamment des actions de la Société générale ou de la société Havas ;

Qu'il incombait donc à la Banque populaire d'informer spécialement Madame Zucaro sur l'existence d'un risque plus important que ceux qu'elle avait courus dans ses investissement précédents, ce qui pouvait lui échapper à la lecture de la volumineuse note d'opération, alors qu'il n'est pas établi que cette dernière ait jamais modifié à la hausse son degré d'acceptation des risques ;

Qu'à cet égard, il convient de constater que la Banque populaire ne justifie pas avoir communiqué de manière appropriée les informations utiles dans la cadre des négociations avec Madame Zucaro ;

Que cette carence de la Banque populaire dans son devoir d'information adapté à l'expérience de Madame Zucaro est à l'origine du préjudice subi par elle à raison de ce placement calamiteux en titres dont le cours s'est rapidement effondré et n'est jamais remonté à un montant proche de celui de sa mise sur le marché ;

Considérant qu'à l'audience des plaidoiries, la cour a sollicité des parties qu'elles présentent leur observations par note en délibéré sur le moyen selon lequel le préjudice allégué par Madame Zucaro pourrait s'analyser en une perte de chance ;

Que par note en délibéré datée du 18 septembre 2015, Madame Zucaro et l'association UFC ont estimé que la perte de chance de la première était de 100 %, eu égard à sa situation et ses objectifs ;

Que par note en délibéré du 30 septembre 2015, la Banque populaire a rappelé que l'indemnisation réparant la perte d'une chance ne pouvait être égale à la totalité du gain manqué ou de la perte subie ;

Considérant que le manquement de la banque à son devoir d'information a causé à Madame Zucaro un préjudice dont l'évaluation ne peut être assise sur la valeur des actions Natixis constatée à telle ou telle date choisie par elle ;

Que le déficit d'information dont a souffert Madame Zucaro lui a fait perdre en réalité une chance d'éviter de procéder à un achat d'actions Natixis pour un montant de 997,05 euro dont la probabilité de voir leur valeur revenir ne serait-ce qu'à celle de leur mise sur le marché dans un délai en rapport avec l'âge de l'investisseur ne peut être sérieusement soutenue par la Banque populaire ;

Considérant que la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;

Que le préjudice résultant de la perte d'une chance de ne pas effectuer un autre investissement financier, lui-même soumis aux aléas du marché, doit être évalué à la somme de 700 euro ;

Considérant que le préjudice moral subi par Madame Zucaro à raison des troubles et tracas causés par la présente procédure doit être réparé par l'allocation d'une somme de 500 euro ; qu'il convient donc de condamner la Banque populaire au paiement desdites sommes qui porteront intérêt au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions de principe de l'article 1153-1 du Code civil, sans qu'il y ait lieu d'en décider autrement ;

Considérant que la cour a déjà rappelé les dispositions de l'article L. 421-7 du Code de la consommation permettant aux associations de consommateurs agréées d'intervenir devant les juridictions civiles lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ; que l'association UFC a été déclarée recevable en son intervention ;

Considérant que l'association UFC agit en réparation du préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs causé par les faits dont Madame Zucaro a été la victime ;

Que la Banque populaire expose que, selon l'association appelante, l'intérêt collectif des consommateurs serait en cause puisque la banque a régulièrement violé ses obligations en matière d'information et de conseil lors de la commercialisation des titres Natixis, conduisant des milliers de consommateurs à placer leur épargne sur un produit dont ils ne maîtrisaient ni ne comprenaient les risques ;

Que la banque ajoute que l'association UFC ne justifie d'aucune action à son encontre, autre que celle de Madame Zucaro, en raison d'un prétendu manquement à ses devoirs de conseil et d'information au titre de l'offre à prix ouvert des actions de la société Natixis ;

Mais considérant que l'association UFC déclare solliciter la sanction des manquements de la Banque populaire Rives de Paris à son obligation d'information à l'égard de Madame Zucaro, en ce qu'ils sont préjudiciables à tous les consommateurs souscripteurs, pratique ayant concerné de nombreux petits épargnants ;

Considérant que les associations de consommateurs représentent l'ensemble de la population à un moment déterminé et ne défendent pas d'autre intérêt que l'intérêt général ; que les faits dont Madame Zucaro a été la victime ont nécessairement causé un préjudice indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, même si l'association UFC ne produit aux débats qu'un arrêt de cour d'appel du 17 décembre 2013 portant condamnation dans les mêmes circonstances de la Banque populaire des Alpes, laquelle appartient au même réseau régional que la Banque populaire Rives, ainsi qu'un ouvrage contenant l'enquête d'un journaliste économique et relatant le déficit d'informations données par diverses Banques populaires régionales, notamment du Val de France, à des investisseurs particuliers lors de leur achat d'actions Natixis au moment de l'offre publique à prix ouvert ;

Qu'il apparaît que le comportement de la Banque populaire Rives de Paris a causé à l'intérêt collectif des consommateurs un préjudice qui doit être réparé par l'allocation à titre de dommages-intérêts d'une somme de 5 000 euro ;

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement du 16 janvier 2014 du Tribunal d'instance du 13e arrondissement de Paris en ce qu'il a débouté l'association UFC Que Choisir et Madame Arlette Zucaro de l'intégralité de leurs demandes et les a condamnées in solidum à verser à la Banque populaire Rives de Paris la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de l'association UFC Que Choisir, Statuant à nouveau, Condamne la Banque populaire Rives de Paris à payer à Madame Arlette Zucaro les sommes de 700 euro en réparation de sa perte de chance et de 500 euro en réparation de son préjudice moral, Condamne la Banque populaire Rives de Paris à payer à l'association UFC Que Choisir la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs, Condamne la Banque populaire Rives de Paris à payer à Madame Arlette Zucaro et à l'association UFC Que Choisir la somme de 3 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel devant être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.