CJCE, 3e ch., 22 avril 1999, n° C-423/97
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Travel Vac SL
Défendeur :
Antelm Sanchis
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Puissochet
Avocat général :
M. Alber
Juges :
MM. Moitinho de Almeida, Gulmann (rapporteur)
Avocats :
Mes Vázquez Cantó, Gallel Boix
LA COUR (troisième chambre),
1. Par ordonnance du 11 novembre 1997, parvenue à la Cour le 15 décembre suivant, le Juzgado de Primera Instancia de Valencia a posé, en application de l'article 177 du traité CE, six questions préjudicielles relatives à l'interprétation de la directive 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31).
2. Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant Travel Vac SL (ci-après " Travel Vac "), ayant son siège à Valence, à M. Antelm Sanchis, demeurant à Valence, au sujet du droit de ce dernier de renoncer aux effets de son engagement en vertu d'un contrat conclu entre les deux parties aux termes duquel M. Antelm Sanchis se portait acquéreur d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier (" time-share "), assorti du droit de bénéficier d'un certain nombre de services.
3. L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 85-577 dispose :
" La présente directive s'applique aux contrats conclus entre un commerçant fournissant des biens ou des services et un consommateur :
- pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux
ou
- pendant une visite du commerçant :
i) chez le consommateur ou chez un autre consommateur ;
ii) au lieu de travail du consommateur, lorsque la visite n'a pas lieu à la demande expresse du consommateur. "
4. L'article 3, paragraphe 2, de la directive 85-577 prévoit :
"La présente directive ne s'applique pas :
a) aux contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ainsi qu'aux contrats portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers. "
5. Aux termes de l'article 5 de la directive 85-577 :
" 1.Le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d'au moins sept jours à compter du moment où le consommateur a reçu l'information visée à l'article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la législation nationale. En ce qui concerne le respect du délai, il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci.
2. La notification faite a pour effet de libérer le consommateur de toute obligation découlant du contrat résilié. "
6. L'article 7 de la directive 85-577 prévoit que, " Si le consommateur exerce son droit de renonciation, les effets juridiques de la renonciation sont réglés conformément à la législation nationale, notamment en ce qui concerne le remboursement de paiements afférents à des biens ou à des prestations de services ainsi que la restitution de marchandises reçues".
7. La directive 85-577 a été transposée en droit espagnol par la loi n° 26-91, du 21 novembre 1991 (Boletín Oficial del Estado du 26 novembre 1991, ci-après la " loi espagnole ").
8. Le 26 octobre 1994, le Parlement européen et le Conseil ont arrêté la directive 94-47-CE, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers (JO L 280, p. 83). Le délai prévu par cette directive pour que les États membres adoptent les dispositions légales, réglementaires et administratives nécessaires à sa mise en œuvre a expiré le 29 avril 1997.
9. Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le contrat conclu le 14 septembre 1996 à Denia (Espagne) stipulait que Travel Vac cédait à M. Antelm Sanchis 1/51 des parts indivises d'un appartement meublé situé dans l'" urbanización " Parque Denia, lui donnant droit, dans le cadre du régime de "multipropriété" à l'usage exclusif de cet appartement pendant la dix-neuvième semaine de l'année civile.
10. Selon le contrat, Travel Vac avait par ailleurs l'obligation de fournir à M. Antelm Sanchis certains services tels que l'entretien de l'immeuble, la gestion et l'administration de la multipropriété, l'utilisation des services communs de lotissement et l'affiliation à l'organisation internationale Resort Condominium International, un club international permettant à l'acheteur d'échanger ses séjours de vacances conformément aux règles dudit club.
11. Aux termes du contrat, l'acquéreur devait payer la somme de 1 090 000 PTA, dont 285 000 PTA représentant la valeur immobilière de la part indivise, le solde du prix correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée, à la copropriété sur le mobilier selon inventaire, aux services susmentionnés et à l'affiliation au Resort Condominium International.
12. Le contrat prévoyait, en outre, que l'acheteur avait le droit de demander la résolution du contrat dans le délai de sept jours à compter de sa signature, moyennant notification préalable au vendeur par document faisant foi et versement de 25 % du prix total à titre de dommages et intérêts expressément convenus.
13. Il ressort également de l'ordonnance de renvoi qu'il était convenu entre les parties que M. Antelm Sanchis devait se présenter à la banque pour signer l'acte de confirmation dans un délai de trois jours après la signature du contrat, soit, au plus tard, le 17 septembre 1996. M. Antelm Sanchis ne s'est toutefois pas présenté à la banque dans ce délai, mais s'est rendu, le 17 septembre 1996, dans les bureaux du vendeur à Valence et a déclaré oralement que tout était sans effet et que les documents signés par lui devaient lui être restitués.
14. Le 22 novembre 1996, Travel Vac a saisi le Juzgado de Primera Instancia de Valencia d'une demande d'exécution à l'encontre de M. Antelm Sanchis pour défaut de paiement d'une lettre de change d'un montant de 90 000 PTA remise par ce dernier lors de la signature du contrat.
15. La juridiction nationale s'est demandé si la directive 85-577 s'appliquait au cas dont elle était saisie et si, dans une telle hypothèse, elle pouvait faire droit à la demande reconventionnelle de résiliation présentée par M. Antelm Sanchis.
16. Dans ces conditions, elle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
" 1) Le contrat d'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier en général, et, en particulier, celui dont il s'agit en l'espèce, doit-il être considéré comme un des cas auxquels la directive ne s'applique pas, conformément à son article 3, paragraphe 2, sous a) ?
2) A supposer que le contrat en cause soit exclu du champ d'application de la directive en vertu de l'article précité et eu égard au fait que ce contrat porte sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel, le fait qu'il ne concerne pas seulement un bien immobilier, mais qu'il contient également des clauses relatives à des prestations de services et à d'autres obligations au sens propre (clause 3), qui ont une valeur supérieure à celle du bien immobilier (puisque la valeur de celui-ci s'élève à 285 000 PTA et la valeur totale du contrat à 1 090 000 PTA), peut-il ou non faire obstacle à cette exclusion éventuelle ?
3) Le complexe touristique composé d'appartements faisant l'objet des droits d'utilisation à temps partiel et situé dans la ville de Denia, dans lequel le consommateur a été invité, entre-t-il dans le champ d'application de l'article 1er, paragraphe 1, premier tiret, de la directive précitée, compte tenu du fait que l'entreprise Travel Vac SL a son siège à Valence, calle Professor Beltrán Báguena n° 5 ?
4) Le droit de renonciation, consacré par l'article 5, paragraphe 1, de la directive en faveur du consommateur, trouve-t-il sa justification dans la présomption que la volonté de l'acheteur-consommateur a été influencée ou manipulée du fait des circonstances énoncées à l'article 1er de la directive ; dans l'affirmative, dans quelle mesure cette justification du droit de renonciation, protégé par la directive, découle-t-elle du dol général du vendeur, qui emploie " des paroles ou des manœuvres insidieuses, utilisées par une des parties et qui induisent l'autre partie à conclure un contrat que, sinon, elle n'aurait pas conclu " (article 1269 du code civil espagnol), et, en général, du consentement libre et nécessaire (articles 1254, 1258, 1261 et suivants du code civil espagnol) ?
5) La notification visée à l'article 5, paragraphe 1, de la directive doit-elle être effectuée de manière expresse ou, le cas échéant, la renonciation peut-elle consister dans des actes dépourvus d'ambiguïté, comme cela a été le cas en l'espèce puisque le consommateur ne s'est pas présenté dans le délai prévu et convenu à la banque pour signer l'acte de confirmation, à savoir le 17 septembre 1996, trois jours après la signature du contrat qui figure à la page 76 du dossier, et qu'il a confirmé ce comportement en se rendant, ce même 17 septembre 1996, dans les bureaux du vendeur à Valence, où il a dit expressément que " tout est sans effet et les documents signés par lui doivent lui être restitués " ?
6) Les remboursements, restitutions et autres effets, auxquels le vendeur peut prétendre en vertu de l'article 7 dans le cas où le consommateur a fait usage de son droit de renonciation au titre de l'article 5 de la directive, sont-ils compatibles avec la clause relative à une 'indemnisation pour dommage causé au vendeur' d'un montant forfaitaire - fixé à 25 % du prix total de la transaction -, telle que prévue par la clause 4 du contrat (p. 76 verso du dossier) ? "
Sur les première et deuxième questions
17. Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction nationale demande en substance si la directive 85-577 s'applique à un contrat portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier et sur la fourniture de services qui ont une valeur supérieure à celle du droit d'utilisation du bien immobilier.
18. Travel Vac fait valoir que la directive 85-577 ne s'applique pas aux contrats de multipropriété, tant en ce qui concerne l'acquisition d'un droit réel qu'en ce qui concerne l'acquisition d'un droit personnel sur les biens concernés. Selon elle, ces contrats sont régis par la directive 94-47.
19. M. Antelm Sanchis soutient que le contrat de multipropriété ne crée pas de droit sur des biens immobiliers, mais porte sur des prestations de services visant à permettre au consommateur d'user d'un ou de plusieurs biens immobiliers par l'achat d'une " part ", comme s'il était associé dans un club ou une association. En effet, dans ce type de contrats, tout consommateur pourrait exiger du commerçant la prestation de certains services afin qu'il puisse occuper pendant un bref laps de temps, de manière intermittente, un ou plusieurs biens immobiliers.
20. Le gouvernement espagnol prétend qu'un contrat de multipropriété en général doit être considéré comme l'un des cas auxquels la directive 85-577, selon son article 3, paragraphe 2, sous a), ne s'applique pas, dans la mesure où il confère un droit réel sur un bien immobilier. Toutefois, puisque, dans l'affaire au principal, les droits mobiliers sont d'une valeur supérieure aux droits immobiliers, le contrat relèverait de la directive 85-577.
21. La Commission considère que la directive 85-577 s'applique au contrat en cause au principal étant donné que l'utilisation partagée de l'immeuble n'est que l'un des éléments du contrat dont l'objet consiste en un ensemble de prestations de services touristiques.
22. A cet égard, il convient d'abord de constater que, s'il est vrai que les contrats de multipropriété sont visés à la directive 94-47, cela n'exclut pas qu'un contrat contenant un élément de multipropriété puisse également relever de la directive 85-577 si les conditions d'application de cette dernière sont par ailleurs réunies.
23. En effet, aucune des deux directives ne comporte de dispositions excluant l'application de l'autre directive. En outre, il serait contraire à l'objectif de la directive 85-577 de l'interpréter en ce sens que sa protection serait exclue au seul motif que le contrat relève en principe de la directive 94-47 ; une telle interprétation aurait pour conséquence de priver le consommateur des dispositions protectrices de la directive 85-577 alors même que le contrat a été conclu en dehors d'un établissement commercial.
24. Ensuite, il y a lieu de relever qu'il est exact que, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 85-577, celle-ci ne s'applique ni aux contrats relatifs à la construction, à la vente et à la location des biens immobiliers ni aux contrats portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers.
25. Cependant, il y a lieu de constater, ainsi que l'a fait la Commission, que, étant donné qu'un contrat tel que celui en cause au principal ne porte pas seulement sur le droit d'utilisation d'un immeuble à temps partagé, mais concerne également la fourniture de services distincts d'une valeur supérieure à celle du droit d'utilisation du bien immobilier, ledit contrat ne relève pas de l'exclusion visée à l'article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 85-577.
26. Dans ces conditions, il y lieu de répondre aux première et deuxième questions que la directive 85-577 s'applique à un contrat portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier et sur la fourniture de services qui ont une valeur supérieure à celle du droit d'utilisation du bien immobilier.
Sur la troisième question
27. Par sa troisième question, la juridiction nationale demande en substance si un contrat peut être considéré comme conclu pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 85-577, lorsqu'il a été signé dans un complexe touristique composé d'appartements faisant l'objet des droits d'utilisation à temps partiel et se trouvant dans une ville dans laquelle le consommateur a été invité et qui n'est pas la ville dans laquelle le commerçant a son siège.
28. M. Antelm Sanchis indique, en premier lieu, que le terme "excursion" implique que le consommateur quitte sa ville de résidence. En l'occurrence, le contrat a été conclu au cours d'une excursion. Le commerçant l'avait invité à se rendre à Denia, ville située à 100 km de Valence, qui est son domicile. L'excursion était organisée par le commerçant, qui lui aurait indiqué qu'il devait se déplacer un jour déterminé, à une heure déterminée et vers une ville déterminée.
29. En second lieu, M. Antelm Sanchis indique que le contrat a été conclu à Denia, dans des locaux aménagés en vue de présenter le produit à divers consommateurs, c'est-à-dire en dehors de l'établissement commercial du vendeur situé à Valence.
30. Le gouvernement espagnol prétend que la directive 85-577 est applicable dès que le commerçant a pris l'initiative des négociations, même si le contrat a été conclu dans son établissement commercial.
31. La Commission souligne d'abord qu'il ressort du dossier au principal que M. Antelm Sanchis a reçu à plusieurs reprises des lettres qui le poussaient à se rendre sur place afin de retirer un des luxueux cadeaux qui lui serait remis, sans autre engagement de sa part, à l'occasion de son passage. Ces lettres ont été suivies de nombreux appels téléphoniques l'incitant à participer à des réunions de vente organisées par Travel Vac dans le complexe touristique dans lequel les consommateurs étaient retenus pendant des heures et invités à maintes reprises à boire des boissons alcoolisées.
32. La Commission estime que la directive 85-577 s'applique à un contrat conclu dans un complexe touristique entre un commerçant dont l'établissement commercial se situe dans un lieu différent de celui de la conclusion du contrat et un consommateur que ce commerçant a invité à se rendre personnellement dans ce lieu, afin de lui présenter les produits et services qu'il propose, si l'invitation s'est accompagnée de sollicitations étrangères aux produits et services présentés, offertes au consommateur pour la seule raison qu'il est venu, et qui ont manifestement incité ce dernier à se déplacer.
33. Tout d'abord, il convient de rappeler que, selon l'article 1er, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 85-577, un contrat relève de cette dernière dès lors qu'il a été conclu pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux.
34. En outre, il y a lieu de relever que le quatrième considérant de la directive 85-577 énonce que les contrats conclus en dehors des établissements commerciaux du commerçant se caractérisent par le fait que l'initiative des négociations émane de celui-ci.
35. Pour ce qui concerne la question de savoir si un contrat a été conclu pendant une excursion organisée par le commerçant, il convient, en premier lieu, de constater qu'un contrat conclu dans une autre ville que celle dans laquelle habite le consommateur et à une certaine distance de celle-ci, de sorte qu'il a dû accomplir un certain trajet pour se rendre dans cette ville, doit être considéré comme étant conclu dans le cadre d'une excursion au sens de la directive 85-577.
36. En second lieu, lorsque l'initiative d'une telle excursion émane du commerçant en ce sens que le consommateur a été invité par lui à un endroit déterminé par des lettres et/ou des appels téléphoniques indiquant le jour, l'heure et le lieu du rendez-vous, il convient de considérer que l'excursion a été organisée par le commerçant au sens de la directive 85-577.
37. Pour ce qui concerne la question de savoir si le contrat a été conclu en dehors des établissements commerciaux du commerçant, il y a lieu de constater que cette notion vise les établissements dans lesquels le commerçant exerce habituellement ses activités et qui sont clairement identifiés comme lieux de vente au public.
38. Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question qu'un contrat conclu dans une situation dans laquelle un commerçant a invité un consommateur à se rendre personnellement dans un lieu déterminé se trouvant à une certaine distance de l'endroit où ce consommateur habite, étant distinct des établissements dans lesquels ce commerçant exerce habituellement ses activités et n'étant pas clairement identifié comme lieu de vente au public, afin de lui présenter des produits et services qu'il offre, doit être considéré comme conclu pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux au sens de la directive 85-577.
Sur la quatrième question
39. Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande en substance s'il suffit, pour que le consommateur puisse exercer son droit de renonciation visé à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577, que le contrat ait été conclu dans des circonstances telles que celles décrites à l'article 1er de cette directive ou s'il y a lieu, en outre, de démontrer que le consommateur a été influencé ou manipulé par le commerçant.
40. Le gouvernement espagnol indique qu'il y a lieu de tenir compte du fait que le droit de renonciation accordé au consommateur est destiné à compenser le risque de pratiques commerciales abusives, de sorte que ce droit est fondé sur le simple fait qu'il est un consommateur et que le contrat relève de la directive, sans qu'il ait à prouver que ces pratiques abusives ont existé et même sans qu'elles aient réellement existé.
41. La Commission prétend que le droit de renonciation est inconditionnel dans la mesure où son exercice n'est nullement lié à l'existence éventuelle d'une manœuvre frauduleuse du commerçant ni à son intention de manipuler le consommateur pour lui arracher une décision favorable à ses propres intérêts. Le droit de renonciation serait inhérent à tout contrat relevant de la directive 85-577.
42. Il convient de relever que la directive 85-577 énonce, en son quatrième considérant, que, lorsqu'un contrat est conclu en dehors des établissements commerciaux du commerçant, le consommateur ne s'est en aucune façon préparé aux négociations et se trouve pris au dépourvu et que, souvent, il n'est pas à même de comparer la qualité et le prix de l'offre avec d'autres offres. C'est la raison pour laquelle il y a lieu d'accorder au consommateur, selon le cinquième considérant de cette directive, un droit de résiliation pendant une durée de sept jours au moins, afin de lui donner la possibilité d'apprécier les obligations qui découlent du contrat.
43. Il s'ensuit qu'il suffit, pour que le consommateur bénéficie du droit de renonciation prévu à la directive 85-577, qu'il se trouve dans l'une des situations objectives décrites à l'article 1er de ladite directive. En revanche, un comportement déterminé ou une intention de manipuler de la part du commerçant ne sont pas exigés et n'ont donc pas à être prouvés.
44. Dès lors, il convient de répondre à la quatrième question que le consommateur peut exercer son droit de renonciation visé à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577 lorsque le contrat a été conclu dans des circonstances telles que celles décrites à l'article 1er de ladite directive, sans qu'il y ait lieu de démontrer que le consommateur a été influencé ou manipulé par le commerçant.
Sur la cinquième question
45. Par sa cinquième question, la juridiction nationale demande en substance si la directive 85-577 s'oppose à ce qu'un État membre adopte une réglementation disposant que la notification de la renonciation prévue à l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive n'est soumise à aucune condition de forme.
46. M. Antelm Sanchis considère que l'expression " en adressant une notification ", qui figure à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577, doit s'entendre comme signifiant que la rétractation auprès du commerçant doit être faite conformément aux dispositions internes de chaque État membre. L'expression "en adressant" devrait ainsi permettre une simple communication "orale". Il ajoute que le droit espagnol n'exige le respect d'aucune forme particulière pour l'envoi d'une notification.
47. Le gouvernement espagnol indique que l'article 5, paragraphe 2, de la loi espagnole, qui transpose l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577, dispose que "la révocation n'est soumise à aucune condition de forme".
48. La Commission relève que la directive 85-577 ne prescrit ni la forme ni les modalités suivant lesquelles la notification mentionnée à l'article 5, paragraphe 1, de cette directive doit être faite. Eu égard à son caractère protecteur, la Commission estime que cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation large, n'imposant au consommateur le respect d'aucune forme particulière, dès lors que sa volonté de résilier le contrat est établie et qu'elle est communiquée au commerçant dans le délai prescrit et de façon manifeste.
49. Il convient, tout d'abord, de rappeler que l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577 prévoit que le consommateur a le droit de renoncer aux effets de son engagement en adressant une notification dans un délai d'au moins sept jours à compter du moment où il a reçu l'information visée à l'article 4 et conformément aux modalités et conditions prescrites par la réglementation nationale.
50. Il en résulte que la directive 85-577 ne s'oppose pas à ce qu'un État membre adopte une réglementation disposant que la notification de la révocation n'est soumise à aucune condition de forme, permettant ainsi que la notification consiste, notamment, en des actes dépourvus d'ambiguïté. En effet, et eu égard à l'objectif de protection du consommateur de cette directive, un État membre peut précisément adopter de telles dispositions pour faciliter au consommateur l'exercice de son droit de renonciation.
51. Certes, si l'article 5, paragraphe 1, dernière phrase, prévoit, en ce qui concerne le respect du délai, qu'il suffit que la notification soit expédiée avant l'expiration de celui-ci, cela ne suffit pas pour conclure que la notification doit être faite par écrit. En effet, cette disposition régit seulement le calcul du délai minimal de sept jours dans le cas où le consommateur a notifié sa renonciation par écrit.
52. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la cinquième question que la directive 85-577 ne s'oppose pas à ce qu'un État membre adopte une réglementation disposant que la notification de la renonciation prévue à l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive n'est soumise à aucune condition de forme.
Sur la sixième question
53. Par sa sixième question, la juridiction nationale demande en substance si la directive 85-577 s'oppose à ce qu'un contrat comporte une clause imposant le paiement par le consommateur d'une indemnité forfaitaire pour dommages causés au commerçant au seul motif qu'il a exercé son droit de renonciation.
54. M. Antelm Sanchis fait valoir que la formation du contrat est subordonnée à l'écoulement du délai d'au moins sept jours visé à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577. Si les indemnités légales ne sont pas dues parce que le consommateur a exercé son droit de renonciation dans le délai prévu par cette directive, les indemnités contractuelles ne le seraient pas non plus au motif qu'elles sont illicites.
55. Le gouvernement espagnol estime que, si le consommateur exerce son droit de renonciation, le contrat devient nul et non avenu, et les parties sont obligées de se tenir réciproquement quittes de leurs prestations, sans qu'aucune clause pénale soit opposable.
56. La Commission considère qu'une clause, telle que celle décrite au point 53 du présent arrêt, est contraire aux dispositions impératives de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 85-577. En effet, si la notification de la renonciation du consommateur a pour effet de le libérer de toute obligation découlant du contrat, le vendeur ne saurait lui imposer contractuellement l'obligation de payer une indemnité à titre de dommages et intérêts au seul motif qu'il a exercé le droit de renonciation que lui accorde la directive 85-577.
57. A cet égard, il convient de rappeler que l'article 5, paragraphe 2, de la directive 85-577 prévoit que, en cas de renonciation, le consommateur est libéré de toute obligation découlant du contrat résilié.
58. Il s'ensuit que, après la résiliation du contrat, l'obligation à charge du consommateur de verser des dommages et intérêts en cas d'inexécution du contrat disparaît. En effet, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 59 de ses conclusions, de tels dommages et intérêts reviendraient à le sanctionner pour avoir exercé son droit de renonciation, ce qui serait contraire à l'objectif de protection de la directive 85-577 qui consiste précisément à empêcher que le consommateur prenne des engagements financiers sans y être préparé.
59. Certes, si l'article 7 de la directive 85-577 renvoie à la réglementation nationale pour régler les effets juridiques de la renonciation, et notamment en ce qui concerne le remboursement des paiements afférents aux biens ou aux prestations de services et à la restitution des marchandises reçues, cette disposition ne concerne pas l'indemnisation pour avoir exercé son droit de renonciation, mais seulement les effets de la renonciation à l'égard des parties, éventuellement prévus dans ladite réglementation, en ce qui concerne le remboursement ou la restitution des paiements ou des livraisons déjà effectués.
60. Dans ces conditions, il convient de répondre à la sixième question que la directive 85-577 s'oppose à ce qu'un contrat comporte une clause imposant le paiement par le consommateur d'une indemnité forfaitaire pour dommages causés au commerçant au seul motif qu'il a exercé son droit de renonciation.
Sur les dépens
61. Les frais exposés par le gouvernement espagnol ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre), statuant sur les questions à elle soumises par le Juzgado de Primera Instancia de Valencia, par ordonnance du 11 novembre 1997, dit pour droit :
1) La directive 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux, s'applique à un contrat portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel d'un bien immobilier et sur la fourniture de services qui ont une valeur supérieure à celle du droit d'utilisation du bien immobilier.
2) Un contrat conclu dans une situation dans laquelle un commerçant a invité un consommateur à se rendre personnellement dans un lieu déterminé se trouvant à une certaine distance de l'endroit où ce consommateur habite, étant distinct des établissements dans lesquels ce commerçant exerce habituellement ses activités et n'étant pas clairement identifié comme lieu de vente au public, afin de lui présenter des produits et services qu'il offre, doit être considéré comme conclu pendant une excursion organisée par le commerçant en dehors de ses établissements commerciaux au sens de la directive 85-577.
3) Le consommateur peut exercer son droit de renonciation visé à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 85-577 lorsque le contrat a été conclu dans des circonstances telles que celles décrites à l'article 1er de ladite directive, sans qu'il y ait lieu de démontrer que le consommateur a été influencé ou manipulé par le commerçant.
4) La directive 85-577 ne s'oppose pas à ce qu'un État membre adopte une réglementation disposant que la notification de la renonciation prévue à l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive n'est soumise à aucune condition de forme.
5) La directive 85-577 s'oppose à ce qu'un contrat comporte une clause imposant le paiement par le consommateur d'une indemnité forfaitaire pour dommages causés au commerçant au seul motif qu'il a exercé son droit de renonciation.