Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 octobre 2015, n° 13-09610

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les 4 Oliviers (SARL)

Défendeur :

Laforêt Franchise (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Nicoletis, Mouthon Vidilles

Avocats :

Mes Rouart, Court-Menigoz, Fisselier, Feschet

T. com. Marseille, du 6 sept. 2012

6 septembre 2012

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 29 janvier 2004, Mme Pascale Vaillard agissant en son nom personnel ainsi que pour le compte d'une société en cours de constitution, la SARL Les 4 Oliviers, a conclu avec la SARL Laforêt Immobilier un contrat de franchise pour l'exploitation d'une agence immobilière sous l'enseigne Laforêt Immobilier pour une durée de 5 ans et 6 mois soit jusqu'au 28 juillet 2009, non renouvelable par tacite reconduction.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 24 mars 2009, la société Laforêt Immobilier a rappelé à la SARL Les 4 Oliviers que le contrat de franchise venait à expiration le 28 juillet 2009 et lui a proposé un nouveau contrat de franchise pour une durée de 18 mois, lui précisant que l'acceptation devait être donnée dans un délai de 45 jours. La SARL Les 4 Oliviers n'a pas donné suite à cette proposition en considérant que ce contrat mettait à sa charge de nouvelles obligations sans justification.

Par lettre recommandée du 4 janvier 2010, la société Laforêt Immobilier nouvellement dénommée Laforêt Franchise a formé une nouvelle proposition de contrat pour une durée de 5 ans qui n'a pas été acceptée par la SARL Les 4 Oliviers.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 13 juillet 2010, la société Laforêt Franchise a pris acte du non-renouvellement du contrat et de l'expiration du contrat de franchise et a rappelé l'impossibilité d'utiliser dorénavant la marque Laforêt sous quelque forme que ce soit.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 30 juillet 2010, la société Laforêt Franchise a proposé de signer le nouveau contrat proposé le 4 janvier 2010 et à défaut, de proroger le contrat initial jusqu'au 30 janvier 2011.

La SARL Les 4 Oliviers n'a pas donné suite à cette proposition et estimant avoir subi un préjudice du fait d'une rupture abusive et brutale du contrat de franchise du 29 janvier 2004, elle a assigné la société Laforêt Franchise devant le Tribunal de commerce d'Avignon en indemnisation.

Par jugement du 10 février 2012, le Tribunal de commerce d'Avignon s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Marseille.

Par jugement du 6 septembre 2012, le Tribunal de commerce de Marseille a :

- dit que la société Laforêt Franchise n'a pas abusivement et brutalement rompu le contrat de franchise du 29 janvier 2004 ;

- débouté la société Les 4 Oliviers de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- débouté la société Laforêt Franchise de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société Les 4 Oliviers à payer à la société Laforêt Franchise la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure ;

- laissé à la charge de la société Les 4 Oliviers les dépens toutes taxes comprises de la présente instance ;

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Vu l'appel interjeté par la SARL Les 4 Oliviers le 14 mai 2013 ;

Vu les dernières écritures de la SARL Les 4 Oliviers signifiées le 5 juin 2015 aux termes desquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil et L. 442-6-I 5° du Code de commerce de :

- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 6 juillet 2012 en ce qu'il déboute la SARL Les 4 Oliviers de ses demandes, et la condamne à payer à la société Laforêt Franchise la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du CPC et aux dépens,

- dire que le contrat de franchise s'est poursuivie au-delà du terme convenu,

- dire qu'il ne pouvait être mis fins aux relations contractuelles sans préavis,

- dire que par courrier du 13 juillet 2010, la société Laforêt Franchise a mis fin aux relations contractuelles sans préavis,

- dire que la SARL Les 4 Oliviers a pris acte de cette décision en prenant toutes dispositions pour respecter l'injonction de Laforêt Franchise de ne plus utiliser la marque Laforêt sous quelque forme que ce soit, dès le 22 juillet 2010,

- dire que le repentir de Laforêt Franchise manifesté dans son courrier du 30 juillet 2010 est sans effet,

- condamner la SA Laforêt Franchise à payer à la SARL Les 4 Oliviers la somme de somme 259 023,43 euro en réparation du préjudice résultant de la rupture brutale sans préavis,

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute la SA Laforêt Franchise de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, et débouter la SA Laforêt Franchise des fins de son appel incident,

- condamner la SA Laforêt Franchise à payer à la SARL Les 4 Oliviers la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du CPC,

- condamner la SA Laforêt Franchise aux entiers dépens, de première instance et d'appel;

Vu les dernières écritures de la société Laforêt Franchise signifiées le 5 juin 2015 aux termes desquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1147 et 1382 du Code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire que la société Laforêt Franchise n'a commis aucune faute et débouter la société Les 4 Oliviers de l'intégralité de ses demandes ;

- le réformer pour le surplus,

- condamner la société Les 4 Oliviers à régler à la société Laforêt Franchise la somme de 5 492,51 euro au titre de la régularisation des redevances de franchise outre les intérêts de retard légaux à 1,5 fois le taux d'intérêt légal selon les dispositions de l'article 7.2.3 du contrat de franchise à compter du 25 novembre 2010,

- condamner la société Les 4 Oliviers à régler à la société Laforêt Franchise la somme de 96 543 euro au titre de l'utilisation abusive du totem outre intérêts légaux à 1,5 fois le taux d'intérêt légal selon les dispositions de l'article 7.2.3 du contrat de franchise à compter de la décision à intervenir,

- condamner la société Les 4 Oliviers à procéder à la dépose des totems de son agence sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard dès le prononcé de l'arrêt à intervenir,

Y ajouter,

- condamner la société Les 4 Oliviers à régler à la société Laforêt Franchise la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 juin 2015. L'affaire a été plaidée le 9 septembre 2015 et les parties ont été avisées qu'elle était mise en délibéré au 14 octobre 2015, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

SUR CE

Sur la rupture brutale sans préavis

Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie, sans préavis tenant compte de la durée de la relation commerciale ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier que :

- suivant acte du 29 janvier 2004, les parties ont conclu un contrat de franchise à durée déterminée, soit jusqu'au 28 juillet 2009, non renouvelable par tacite reconduction,

- le 24 mars 2009, la société Laforêt Immobilier a rappelé à la SARL Les 4 Oliviers que le contrat de franchise " expirera le 28 juillet 2009 " et lui a proposé un nouveau contrat de franchise pour une durée de 18 mois, lui précisant que l'absence de retour d'un dossier d'acceptation de ce nouveau contrat sous 45 jours, " aura pour conséquence l'expiration du contrat en cours ",

- la SARL Les 4 Oliviers n'a pas donné suite à cette proposition en considérant que ce contrat mettait à sa charge de nouvelles obligations sans justification,

- par lettre du 4 janvier 2010, dont l'objet mentionné était " Expiration du contrat de Franchise ", la société Laforêt Immobilier lui a adressé un nouveau contrat de franchise pour une durée de 5 ans,

- par lettre du 17 mars 2010, la gérante de la SARL Les 4 Oliviers a répondu qu'elle ne pensait pas pouvoir l'accepter en l'état, a rappelé que le contrat de franchise signé le 29 janvier 2004, "a expiré le 29 juillet 2009" et a listé les obligations nouvelles qui lui étaient imposées et qui n'obtenaient pas son accord,

- par lettre du 13 juillet 2010, la société Laforêt Franchise a pris acte de son refus de renouvellement du contrat et de l'expiration du contrat de franchise et lui a rappelé l'impossibilité d'utiliser dorénavant la marque Laforêt sous quelque forme que ce soit,

- par lettre du 22 juillet 2010, la gérante de la société Les 4 Oliviers a fait part de sa stupéfaction devant le refus du franchiseur d'aménager le projet de contrat, refus qu'elle a considéré comme étant une " volte-face " et a rappelé qu'elle avait continué à investir sur ses sollicitations alors que rien ne lui permettait de penser que le contrat ne serait pas renouvelé,

- en réponse, par lettre du 30 juillet 2010, la société Laforêt Franchise a proposé de signer le nouveau contrat adressé le 4 janvier 2010 et à défaut, " à titre exceptionnel " de proroger le contrat initial du 29 janvier 2004 jusqu'au 30 janvier 2011 et ce, afin de lui permettre de " prendre les dispositions utiles ",

- la SARL Les 4 Oliviers n'a opté pour aucune de ces deux propositions et a saisi le tribunal de commerce, par exploit du 11 janvier 2011, afin de voir constater la rupture abusive et brutale du contrat de franchise ;

Considérant qu'aux termes du jugement entrepris, le tribunal de commerce a dit que la société Laforêt Franchise n'avait pas abusivement et brutalement rompu le contrat de franchise du 29 janvier 2004 ;

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement, la SARL Les 4 Oliviers fait valoir que si le contrat initial du 29 janvier 2004 a pris fin le 28 juillet 2009, les relations contractuelles entre les parties ont perduré au-delà de cette date, soit pendant un an au cours duquel la société Laforêt Franchise a continué de percevoir les redevances et elle-même, d'investir sur et pour la marque ; qu'elle croyait naïvement qu'un contrat se négociait ; qu'ainsi, les parties ont entendu renoncer à la non-reconduction du contrat initial qui s'est poursuivi en sorte qu'il ne pouvait y être mis fin sans préavis ;

Considérant que le contrat du 29 janvier 2004 est arrivé à son terme le 28 juillet 2009 sans possibilité de tacite reconduction ; qu'il s'en suit que la SARL Les 4 Oliviers connaissait nécessairement dès son origine la date de la fin de ce contrat ; qu'elle ne conteste pas que la société Laforêt Franchise était alors libre, soit de renégocier les conditions d'un nouveau contrat, soit de ne pas le reconduire ;

Considérant qu'à compter du 28 juillet 2009 est né un nouveau contrat précaire résiliable à tout moment ; que le fait que la société Laforêt Franchise ait envisagé la signature d'un nouveau contrat ne démontre pas qu'elle ait entendu poursuivre des relations contractuelles pérennes ; que les courriers échangés entre les parties sont exempts de toute ambiguïté ; qu'il ne ressort d'aucun élément que la société Les 4 Oliviers ait été maintenue dans l'illusion d'une poursuite des relations contractuelles et ait pu raisonnablement croire à la nécessaire poursuite des relations commerciales ; que le fait qu'elle ait continué de se comporter comme un franchisé bénéficiant de l'enseigne, de la publicité et du savoir-faire de la société Laforêt Franchise et qu'elle ait réglé les redevances prévues au contrat du 29 janvier 2004 est inopérant à cet égard ;

Considérant que la rupture s'est produite au terme d'un processus qui s'est étalé sur une année ; que la société Les 4 Oliviers a donc bénéficié d'un préavis d'une année lui permettant de prendre toutes dispositions utiles ; que le terme prédéfini du contrat outre le délai d'un an donné après le terme du contrat excluent toute brutalité dans la rupture des relations commerciales ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur l'appel incident

Considérant que le tribunal de commerce a débouté la société Laforêt Franchise de ses demandes reconventionnelles en paiement d'un solde de redevances, en dépose des totems sous astreinte et en indemnisation pour utilisation du totem pour la période du 29 juillet 2009 au 12 avril 2011 ;

Considérant que pour solliciter l'infirmation du jugement, la société Laforêt Franchise soutient qu'il lui reste dû des redevances complémentaires pour les années 2008 et 2009 provenant de la différence entre les chiffres encaissés et les chiffres d'affaires déclarés et par ailleurs, qu'elle se prévaut d'un procès-verbal de constat du 12 avril 2011 qui établirait que la société Les 4 Oliviers a continué à utiliser pour son agence le totem caractéristique du réseau Laforêt ;

Considérant que la société Les 4 Oliviers relève que la première réclamation est intervenue en décembre 2010, soit cinq mois après qu'elle ait quitté le réseau, par email sur la boîte à laquelle elle n'avait plus accès ; qu'elle fait valoir que la différence entre les chiffres d'affaires déclarés et ceux figurant aux bilans résulte de ce que le chiffre d'affaires généré par l'activité locative n'a jamais été soumis à la redevance ; qu'en l'absence de savoir-faire, élément substantiel du contrat de franchise, dans le domaine de la gestion locative, la société Laforêt Franchise ne peut prétendre à une redevance au titre de cette activité ; qu'elle ajoute que le panneau d'affichage tel que l'huissier a pu le constater ne porte ni la marque ni les couleurs de Laforêt et qu'elle produit des attestations établissant qu'elle avait pris toutes les dispositions nécessaires ;

Considérant que le contrat de franchise du 29 janvier 2004 fait uniquement référence au concept et au savoir-faire de la société Laforêt dans le domaine de la transaction immobilière ; qu'il n'est nullement évoqué la gestion locative ; qu'en suite du terme de ce contrat, les deux projets de contrat soumis par le franchiseur prévoyaient expressément l'exclusion de l'activité de gestion locative, le franchisé ne pouvant exercer dans son agence que les métiers de la transaction immobilière ; que dès lors, les redevances complémentaires dont le paiement est réclamé, ne sont pas justifiées tant dans leur principe qu'au demeurant, dans leur montant, faute de production d'un décompte détaillé pour chaque année ;

Considérant que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, sur les photos annexées au constat établi le 12 avril 2011 (et non 2010 comme mentionné par erreur) à la demande de la société Laforêt Franchise, ne figure aucun signe d'appartenance au réseau Laforêt ni sur la devanture ni sur la vitrine sur le meuble dit totem ; que la société Laforêt Franchise ne produit aucun autre document qui attesterait de l'utilisation illicite qu'elle allègue ;

Considérant qu'en revanche, la société Les 4 Oliviers produit aux débats une facture, datée du 22 juillet 2010, afférente au "Démontage de trois enseignes ainsi que de six écussons" ainsi qu'une attestation établissant que le 28 juillet 2010, elle s'est enquise d'un devis pour la création d'un logo spécifique et d'une réservation d'un domaine Internet pour son agence ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Laforêt Franchise de ses demandes reconventionnelles ;

Considérant qu'en définitive, le jugement entrepris sera confirmé dans son intégralité ;

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société Les 4 Oliviers qui succombe essentiellement à l'égard de la société Laforêt Franchise, supportera les dépens de l'appel et en équité la demande formée par la société Laforêt Franchise au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sera rejetée.

Par ces motifs LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Condamne la société Les 4 Oliviers aux dépens de l'appel, Autorise la SCP AFG, avocat, à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Déboute la société Laforêt Franchise de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site