CA Rennes, 3e ch. com., 20 octobre 2015, n° 12-07885
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Etablissements Perin et Cie (SAS)
Défendeur :
Intersig NV (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poumarède
Conseillers :
Mmes Guéroult, André
Avocats :
Me Demidoff, Gicquel, Cressard
EXPOSE DU LITIGE
La société Perin & Cie a passé commande, le 7 juillet 2009, à la société Intersig de marchandises qui lui ont été livrées et facturées le 17 juillet 2009 pour un montant, non discuté, de 13 950,19 euros. Elle n'a que partiellement réglé cette facture, le 17 mai 2010, à concurrence de la somme de 2 039,26 euros, au motif qu'elle était elle-même titulaire d'une créance de 11 910,93 euros au titre de primes quantitatives de fin d'année (dites PQFA) convenues verbalement avec la société Dibat dont son fournisseur avait repris l'activité.
Saisi par l'assignation délivrée le 21 mars 2011 par la société Intersig, le Tribunal de commerce de Rennes a, le 11 septembre 2012, avec exécution provisoire :
- condamné la société Perin & Cie à payer à la société Intersig le solde de la facture, soit 11 910,93 euros, outre 1 395,02 euros correspondant à l'indemnité contractuelle et 326,82 euros aux intérêts échus, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2011 ;
- débouté la société Perin & Cie de toutes ses demandes ;
- condamné la société Perin & Cie à payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
La société Perin & Cie a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour, au visa des articles 564 et 565 du Code de procédure civile et L. 442-6 du Code de commerce de :
- dire recevable sa demande sur le fondement de l'article L.442-6 du Code de commerce ;
- infirmer le jugement ;
- condamner la société Intersig à lui payer la somme de 22 022,97 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour s'estimerait non compétente pour connaître de la demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
- condamner la société Intersig à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens et la débouter de ses demandes.
En réponse, la société Intersig demande à la cour :
- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes formées par la société Perin devant la cour sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce en raison du pouvoir juridictionnel exclusif attribué à la Cour d'appel de Paris ;
- à titre subsidiaire, de déclarer irrecevables les demandes formées par la société Perin devant la Cour d'appel de Rennes sur le fondement de L. 442-6 du Code de commerce en raison de leur caractère nouveau ;
- en tout état de cause, de condamner la société Perin à lui régler la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour l'appelant le 14 avril 2015 et pour l'intimée le 6 mai 2014.
Exposé des motifs
Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce
Il est constant que les premiers juges, bien que disposant du pouvoir de juger ce contentieux, n'ont pas été saisis d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, raison pour laquelle la cour de céans a compétence pour examiner l'appel relevé contre leur jugement.
Mais en application des articles L. 442-6 III alinéa 5 et D. 442-3, du Code de commerce, l'examen de la demande formée pour la première fois en appel sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce ne relève pas de son pouvoir juridictionnel, seules les juridictions commerciales fixées conformément à l'annexe 4-2-1 de l'article D. 442-3 étant habilitées à en connaître et la Cour d'appel de Paris étant investie du pouvoir exclusif d'examiner le recours contre leur décision mais non d'examiner ab initio une demande fondée sur ces dispositions.
La demande présentée par la société Perin ne peut donc qu'être déclarée irrecevable.
Dans le dispositif de ses conclusions, seul saisissant la cour, la société appelante ne présente pas de demande subsidiaire. En tout état de cause, il lui sera rappelé que pour les mêmes motifs, la demande de disjonction au profit de la Cour d'appel de Paris évoquée dans le corps de ses écritures n'aurait pu être reçue, cette juridiction ayant uniquement le pouvoir d'examiner les recours contre les décisions des juridictions spécialisées de premier degré statuant sur ces dispositions, décision qui n'existe pas en l'espèce.
Sur le fond
Bien qu'ayant relevé un appel général du jugement du 11 septembre 2012, la société Perin n'a développé aucun moyen de réformation à l'encontre de ses dispositions de sorte que sa demande d'infirmation de celui-ci ne peut qu'être rejetée et le jugement intégralement confirmé.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société intimée l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, de sorte qu'il lui sera alloué une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR : Déclare irrecevable la demande formée pour la première fois devant la cour par la société Perin & Cie sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2012 par le Tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions ; Y ajoutant ; Condamne la société Perin & Cie à payer à la société Intersig NV une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples ; Condamne la société Perin & Cie aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.