Cass. 1re civ., 4 novembre 2015, n° 11-27.591
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Ghimas SpA (Sté), Benax SRL (Sté)
Défendeur :
Sudimplant (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Hascher
Avocats :
SCP Boullez, SCP Rousseau, Tapie
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'assignées devant le tribunal de commerce par la société Sudimplant en résiliation d'un contrat de concession exclusive d'un implant dentaire et en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et actes de concurrence déloyale, les sociétés Benax et Ghimas ont soulevé une exception d'incompétence de la juridiction consulaire au profit du juge italien ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés Benax et Ghimas font grief à l'arrêt d'écarter l'exception d'incompétence, alors, selon le moyen : 1°) que la clause de juridiction relative aux litiges concernant l'interprétation ou l'exécution du contrat est inapplicable à une action en nullité de celui-ci ; qu'en décidant, pour retenir la compétence des juridictions françaises, que le contrat de concession stipulait une clause attributive de juridiction au profit des juridictions françaises, " en cas de différent sur l'interprétation ou l'exécution de ses dispositions ", bien que la société Benax ait formé une demande en nullité du contrat qui n'en relevait pas, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement (CE) n° 44-2001 du Conseil du 22 décembre 2000, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 2°) si tel n'est pas le cas qu'aux termes de l'article 19 du contrat de concession exclusive, " en cas de différent sur l'interprétation ou l'exécution de ses dispositions, les tribunaux français sont seuls compétents, et singulièrement en première instance le Tribunal de commerce de Toulouse " ; qu'en retenant sa compétence sur le fondement de cette clause attributive de juridiction, bien que la demande en nullité du contrat formée par la société Benax n'entre pas dans son objet, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ; qu'ainsi, elle a subsidiairement violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) très subsidiairement que le défendeur domicilié dans un État contractant peut être attrait, s'il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l'un d'eux ; qu'en décidant que l'application de l'article 6-1° du règlement 44-2001 justifie d'attraire la société Ghimas SPA devant le Tribunal de commerce de Toulouse qui était également compétent à l'égard de la société Benax SRL dès lors que les faits de concurrence loyale imputés à la première étaient étroitement liés aux obligations contractuelles contractées par la seconde, bien que le Tribunal de commerce de Toulouse ne soit pas celui du domicile de la société Benax, la Cour d'appel de Toulouse a violé la disposition précitée ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société Benax ait demandé le prononcé de la nullité du contrat ;
Attendu, ensuite, que, dans ses conclusions d'appel, la société Ghimas, qui s'est bornée à prétendre ne pas être concernée par le contrat conclu avec la société Sudimplant, n'a pas soutenu que la compétence résultant de la clause attributive de juridiction ne pouvait pas permettre d'assigner des codéfendeurs devant le juge prorogé ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches et qui est nouveau et mélangé de fait, en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de condamner la société Benax à payer à la société Sudimplant la somme de 212 464,41 euro représentant les factures échues avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2005 ;
Attendu que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société Benax n'a pas demandé la compensation ; que dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue d'y procéder d'office ;
Sur le troisième moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de constater la rupture abusive du contrat aux torts exclusifs de la société Benax, alors, selon le moyen : 1°) que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle ; qu'en décidant que la société Benax n'était pas en droit de résilier unilatéralement le contrat de concession exclusive qui la liait à la société Sudimplant, à défaut d'avoir adressé la mise en demeure préalable requise par l'article 5 du contrat pour l'exercice de la faculté unilatérale de résiliation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que le concédant, qui est tenu envers le concessionnaire d'une obligation d'exécuter le contrat de concession de bonne foi, doit mettre ce dernier en mesure de pratiquer des prix concurrentiels ; que la société Benax a soutenu dans ses conclusions que " les nouveaux prix, imposés de fait par Sudimplant [...] avaient entraîné une répercussion immédiate sur les prix de vente, lesquels avaient conduit divers clients fidèles à adresser leurs commandes à d'autres fournisseurs, acquérant des produits analogues à des prix plus avantageux, [que] la liste des prix décidée unilatéralement par Sudimplant et imposée à Benax, en fait, subissait une augmentation moyenne des prix d'acquisition de 15 % appliqués à Benax dans une situation de crise du marché, avec un nombre plus important de sociétés concurrentes, et après quatre résultats non atteints par Benax (2000-2004 dans un montant manqué de 454 911,06 euro et 236 019,66 euro, c'est-à-dire un total de 690 930,72 euro), attestant de la difficulté concrète du marché, dans lequel le prix unitaire du produit et la possibilité d'appliquer des escomptes et des promotions, devenait une exigence primaire, voire vitale, du fait qu'elle était usuelle chez tous les concurrents ; [que] Benax soulignait aussi [...] qu'elle ne réussissait cependant pas à faire face aux difficultés de la situation, survenues durant ces derniers mois, prenant acte de sa propre incapacité à contrer la concurrence toujours plus aguerrie et compétitive, que ce soit par les offres que par les prix pratiqués par les autres revendeurs " ; qu'en décidant que la société Benax ne pouvait pas se faire un grief des accidents survenus dans l'utilisation des produits, ni d'une prétendue baisse de qualité des produits fabriqués, ni encore de l'absence de notice en langue italienne (arrêt attaqué, p. 9), sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la société Sudimplant n'avait pas manqué à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi, en imposant à la société Benax des conditions tarifaires qui lui interdisaient de pratiquer des prix concurrentiels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que si l'augmentation des prix d'acquisition lui apparaissait injustifiée, il appartenait à la société Benax de ne pas renouveler le contrat, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a estimé que la société Benax ne rapportait pas la preuve d'un manquement grave imputable à la société Sudimplant; que le moyen, qui, en sa première branche, critique un motif surabondant de l'arrêt, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le quatrième moyen : - Vu l'article 3 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner in solidum les sociétés Ghimas et Benax à payer à la société Sudimplant des dommages-intérêts d'un montant de 100 000 euro, l'arrêt retient que la représentation comparative de l'implant vendu par la société Ghimas et de celui fabriqué par la société Sudimplant caractérise un acte de dénigrement imputable à la société Ghimas, constitutif d'un acte de concurrence déloyale ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la loi italienne n'était pas applicable à l'action en concurrence déloyale, compte tenu du lieu où les actes allégués avaient été commis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du Tribunal de commerce de Toulouse condamnant solidairement les sociétés Ghimas et Benax à payer à la société Sudimplant la somme de 100 000 euro en réparation du préjudice subi pour actes de concurrence déloyale ou de parasitisme économique, l'arrêt rendu le 19 janvier 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Agen.